CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 30 juin 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5208
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 30 juin 2015 : RG n° 14/05924
Publication : Jurica
Extrait : « En application de l'article L. 121-22 du code de la consommation, ne sont pas soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, les ventes de biens ou les prestations de service qui ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
En l'occurrence, non seulement Mme Y. a mentionné sa profession d'agricultrice sur son mail adressé le 19 mai 2013 à la SAS GIBEAUX pour la construction d'un hangar métallique de 740 m², mais elle a obtenu de la préfecture, le 1er octobre 2013, l'autorisation de financement d'un prêt bonifié pour cet investissement dans son exploitation, dans le cadre de la politique d'aides destinées à alléger les charges des jeunes agriculteurs. Par conséquent il s'agit bien d'un prêt professionnel non soumis à la législation sur le démarchage et la contestation n'est pas sérieuse. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 30 JUIN 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/05924. Appel d'une ordonnance (R.G. n° 14/00124) rendue par le Tribunal de Grande Instance de GAP, en date du 2 décembre 2014, suivant déclaration d'appel du 19 décembre 2014.
APPELANTE :
Madame X. épouse Y.
Représentée par Maître Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
SAS GIBEAUX
prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Thierry DURAFFOURD, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Dominique FRANCKE, Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier.
DÉBATS : A l'audience publique du 1er juin 2015 Madame JACOB a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant devis accepté le 21 juin 2013, Mme Y., exploitante agricole à [ville S.], a commandé à la SAS GIBEAUX un bâtiment prévu pour recevoir des panneaux photovoltaïques en couverture, pour un montant de 184.184 euros TTC. Un acompte de 36.836,80 euros TTC a été réglé le 11 octobre 2013.
Les éléments de construction du bâtiment ont été livrés les 16, 17 et 18 avril 2014.
Un chèque de 120.120 euros émis sur le compte [de M.] Y. et correspondant au montant de la facture du 14 avril 2014, a été remis au livreur. Le solde du prix était payable, selon le bon de commande, à la fin de la pose.
Soutenant ne pas avoir reçu le règlement de ladite facture malgré une mise en demeure du 15 mai 2014, la SAS GIBEAUX a, par acte du 26 mai 2014, assigné Mme Y. en référé devant le président du tribunal de grande instance de Gap, en paiement de la somme provisionnelle de 120.120 euros, outre intérêts et indemnités.
Mme Y., pour s'opposer au paiement, a invoqué la non-conformité des marchandises livrées et sollicité une mesure d'expertise.
Par ordonnance du 2 décembre 2014, le juge des référés a :
- rejeté la demande d'expertise,
- condamné Mme Y. à payer à la SAS GIBEAUX la somme de 120.120 euros d'indemnité provisionnelle en paiement de la prestation exécutée, de livraison des éléments d'un bâtiment prévu pour recevoir des panneaux photovoltaïques en couverture,
- dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2014,
- rejeté les demandes de capitalisation des intérêts et d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
- condamné Mme Y. à payer à la SAS GIBEAUX la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Mme Y. a relevé appel de cette décision le 19 décembre 2014. Au dernier état de ses conclusions notifiées le 20 janvier 2015, elle demande à la cour, au visa des articles L. 121-23 du code de la consommation, 809 et 145 du code de procédure civile, de :
- infirmer l'ordonnance,
- dire que la créance est sérieusement contestable et débouter la SAS GIBEAUX de sa demande,
- subsidiairement ordonner une expertise,
- condamner la SAS GIBEAUX à lui verser la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Elle fait valoir que :
- le contrat, soumis à la loi sur le démarchage à domicile et portant sur un bâtiment destiné, notamment, à recevoir du public et sans lien avec son activité agricole, est nul à défaut de mention de la faculté de renonciation et des conditions d'exercice de celle-ci,
- subsidiairement, le contrat prévoyait la livraison et le montage, de sorte que la SAS GIBEAUX avait la charge du conditionnement, du déchargement, du stockage et de la conservation du matériel livré,
- or les éléments de construction qui ont été livrés sont défectueux ou, pour certains, manquants,
- par ailleurs la SAS GIBEAUX ne démontre pas avoir livré du matériel permettant de garantir la solidité de l'ouvrage à monter,
- si le bâtiment devait être monté en l'état, il y aurait un risque pour la sécurité des animaux et des personnes,
- la SAS GIBEAUX n'a pas pris en considération le fait que le hangar agricole avait vocation à recevoir du public dans le cadre d'une activité de tourisme qu'elle compte développer,
- si la cour devait écarter le moyen de nullité du contrat de vente, elle ferait droit à sa demande d'expertise.
Par conclusions notifiées le 19 mars 2015, la SAS GIBEAUX demande à la cour, au visa des articles 873 alinéa 2 du code de procédure civile et 1134 du code civil, de :
- confirmer l'ordonnance,
- rejeter toute demande de Mme Y.,
- condamner Mme Y. à lui verser la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Elle fait valoir que :
- tous les documents contractuels visent un hangar agricole, lequel n'a pas vocation à recevoir du public,
- il n'existe aucune contestation sérieuse sur la non-application des règles relatives au démarchage à domicile,
- le contrat porte sur la livraison et la pose d'un bâtiment,
- toute contestation antérieure à la pose n'est pas recevable,
- l'obligation de conformité ne pourra s'apprécier qu'après le montage,
- l'absence de réserve sur la lettre de voiture entraîne présomption de livraison conforme et Mme Y. n'a pas agi dans les trois jours,
- la prolongation du stockage des matériaux relève de la seule responsabilité de Mme Y. qui, après avoir remis un chèque provenant du compte de M. Y., a demandé de ne pas procéder à son encaissement et annoncé un virement qui n'a pas été exécuté.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En application de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.
La créance de la SAS GIBEAUX est justifiée par les pièces produites : devis accepté du 21 juin 2013, accusé de réception de commande du 24 octobre 2013, lettre de voiture de la SA LIEBART du 17 avril 2014, facture n°28868 du 14 avril 2014.
En cause d'appel, Mme Y. invoque la nullité du contrat et, subsidiairement, son inexécution par la SAS GIBEAUX.
S'agissant de la régularité du contrat, Mme Y. soutient qu'il a été conclu par suite d'un démarchage à domicile et qu'il ne respecte pas les exigences posées par les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation.
En application de l'article L. 121-22 du code de la consommation, ne sont pas soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, les ventes de biens ou les prestations de service qui ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
En l'occurrence, non seulement Mme Y. a mentionné sa profession d'agricultrice sur son mail adressé le 19 mai 2013 à la SAS GIBEAUX pour la construction d'un hangar métallique de 740 m², mais elle a obtenu de la préfecture, le 1er octobre 2013, l'autorisation de financement d'un prêt bonifié pour cet investissement dans son exploitation, dans le cadre de la politique d'aides destinées à alléger les charges des jeunes agriculteurs.
Par conséquent il s'agit bien d'un prêt professionnel non soumis à la législation sur le démarchage et la contestation n'est pas sérieuse.
S'agissant de l'exécution du contrat, Mme Y. produit un procès-verbal de constat établi le 10 juin 2014 et une note technique de M. N. en date du 17 décembre 2014.
Il ressort des constatations faites par l'huissier de justice, trois semaines après la livraison des matériaux, que la mousse des bardages est insuffisamment protégée, grêlée de trous et qu'elle se désagrège ; que les portes anti-panique sont mal protégées et se déforment ; que les platines de pré-scellement sont rouillées, plusieurs arbalétriers sont tordus ou voilés et certaines soudures inachevées, enfin, plusieurs pannes de toiture sont tordues ou voilées.
Dès lors qu'aucune réserve n'a été formulée sur la lettre de voiture ou dans les trois jours qui ont suivi, la contestation soulevée par Mme Y. quant à la défectuosité des éléments livrés n'est pas sérieuse.
Le contrat prévoyait non seulement la fourniture de « l'ossature, couverture, boulons, platines de pré-scellement, fixations de couverture par vis auto-foreuses, plans » mais également le montage ainsi que « la location des matériels, assurances et mise en sécurité du chantier » et le paiement du solde du prix, soit 27.720 euros, à la fin de la pose du bâtiment.
Le montage n'ayant pas été réalisé, Mme Y. ne justifie pas d'un intérêt légitime à établir, par voie d'expertise, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.
L'ordonnance doit donc être intégralement confirmée.
Mme Y. qui succombe supportera les dépens d'appel et versera une indemnité de procédure à la SAS GIBEAUX dès lors qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de les frais, non compris dans les dépens, exposés en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
- Condamne Mme Y. à payer à la SAS GIBEAUX la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Condamne Mme Y. aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Monsieur FRANCKE, Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
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