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CA BESANÇON (1re ch. civ. et com.), 21 octobre 2015

Nature : Décision
Titre : CA BESANÇON (1re ch. civ. et com.), 21 octobre 2015
Pays : France
Juridiction : Besancon (CA) 1re ch. civ. et com.
Demande : 14/00567
Date : 21/10/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/03/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5350

CA BESANÇON (1re ch. civ. et com.), 21 octobre 2015 : RG n° 14/00567

Publication : Jurica

 

Extrait : « En application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, constitue une clause abusive, et comme telle réputée non écrite, la clause qui, dans un contrat de prêt, prévoit que le non-paiement des sommes exigibles, concernant quelque dette que ce soit de l'emprunteur vis à vis du prêteur fait partie des cas de survenance de la déchéance du terme qui permet au prêteur de se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de la créance. En effet, cette clause crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties car, par une décision unilatérale du prêteur, en dehors du mécanisme de la condition résolutoire, il y a aggravation soudaine des conditions de remboursement du prêt et une modification majeure de l'économie du contrat.

Cependant, pour les contrats de crédit conclus avant le 1er mai 2011 (date d'application de la loi n° 210-730 du 1er juillet 2010), lorsque l'offre préalable ne satisfait pas aux dispositions impératives de l'article 5 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 parce qu'elle contient des clauses, ajoutées aux mentions imposées par le modèle-type, qui aggravent la situation de l'emprunteur en cas de défaillance de celui-ci, le prêteur encourt la sanction civile de la déchéance des intérêts, conformément à l'article 23 de la même loi.

Mme X. et M. Y., pour réaliser une opération unique (acquérir une maison d'habitation et y effectuer des travaux) ont contracté non pas un seul prêt mais trois prêts distincts, de montant, durée ou taux différents : un prêt de 2.000 euros au taux annuel de 4,90 % sur une durée de 360 mois avec un différé de paiement de 204 mois, un prêt de 130.930 euros au taux annuel de 4,90 % sur une durée de 360 mois avec un différé de paiement de 1 mois, un prêt de 13.200 euros au taux annuel de 0 % sur une durée de 204 mois sans différé. Les conditions générales communes aux 3 prêts (pages 9 à 13 du contrat) prévoient que le prêt deviendra de plein droit exigible, après envoi par l'emprunteur d'une lettre recommandée avec avis de réception au prêteur, en cas de non-paiement des sommes exigibles, concernant quelque dette que ce soit de l'emprunteur vis à vis du prêteur.

Cette clause qui laisse au Crédit Agricole l'initiative de prononcer unilatéralement la déchéance de la totalité des prêts en cas de non-paiement des sommes exigibles, concernant quelque dette que ce soit de l'emprunteur vis à vis du prêteur, crée au préjudice de Mme X. un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et constitue une clause abusive. S'agissant de trois contrats de prêt du 26 novembre 2007, donc souscrits antérieurement au 1er mai 2011, la sanction encourue est la déchéance du droit aux intérêts. Le jugement du 27 janvier 2014 sera confirmé en ce qu'il l'a prononcée pour les trois prêts litigieux. »

 

COUR D’APPEL DE BESANÇON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/00567. Défaut. Audience publique du 16 septembre 2015. Sur appel d'une décision du tribunal de grande instance de MONTBÉLIARD, en date du 27 janvier 2014 [R.G. n° 12/01046]. Code affaire : 53B Prêt - Demande en remboursement du prêt.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

CREDIT AGRICOLE DE FRANCHE-COMTE

dont le siège est sis [adresse] ; Représentée par Maître Yves BOUVERESSE de la SCP BOUVERESSE - VERNEREY, avocat au barreau de MONTBELIARD

 

ET :

INTIMÉE

Madame X.

née le [date], demeurant [adresse] ; Représentée par Maître Alexandre BERGELIN, avocat au barreau de MONTBELIARD

INTIMÉ

Monsieur Y.

le [date], demeurant [adresse], n'ayant pas constitué avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats : PRÉSIDENT : Madame B. UGUEN LAITHIER, Conseiller, faisant fonction de Président, suivant ordonnance du 9 septembre 2015. ASSESSEURS : Mesdames H. BITTARD (magistrat rapporteur), et A. CHIARADIA, Conseillers.

GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.

lors du délibéré : PRÉSIDENT : Madame B. UGUEN LAITHIER, Conseiller, faisant fonction de Président. ASSESSEURS : Mesdames H. BITTARD, et A. CHIARADIA, Conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 16 septembre 2015 a été mise en délibéré au 21 octobre 2015. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Mme X. et M. Y. ont contracté solidairement auprès du Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté (Crédit Agricole) le 26 novembre 2007 trois prêts immobiliers d'un montant total de 146.130 euros pour acquérir une maison d'habitation et y effectuer des travaux. Le Crédit Agricole leur a adressée le 19 janvier 2012 une mise en demeure de régler les sommes restant dues. Mme X. et M. Y. ont fait parvenir à la banque le 18 juin 2012 une somme de 135.000 euros à la suite de la vente de leur maison.

Par jugement réputé contradictoire du 27 janvier 2014, le Tribunal de Grande Instance de Montbéliard, a :

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts sur les trois prêts immobiliers, au motif que la clause de déchéance du terme s'appliquant en cas de défaut de paiement de quelque dette que ce soit est une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, qu'elle est réputée non écrite et qu'elle emporte déchéance du droit aux intérêts pour l'ensemble des prêts litigieux,

- condamné le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à payer à Mme X. la somme de 15.948,33 euros, trop perçue,

- débouté le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté de l'intégralité de sa demande,

- condamné le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à payer à Mme X. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil et aux dépens

Le 11 mars 2014, le Crédit Agricole a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions du 16 octobre 2014, a demandé à la Cour, au visa des articles 1134, 1135, 1154, 1184, 1904 et suivants du code civil, de réformer le jugement du 27 janvier 2014, de débouter Mme X. de ses demandes reconventionnelles éventuelles ainsi que de sa demande subsidiaire en diminution de l'indemnité de 7 % et de délais de paiement, de condamner solidairement M. Y. et Mme X. à lui payer :

- au titre de la créance n° 56XX03 d'un montant en principal de 2.000 euros la somme de 2.659,66 euros avec intérêts au taux conventionnel de 4,90 % l'an à compter du 11 août 2012 jusqu'à parfait règlement et capitalisation annuelle des intérêts,

- au titre de la créance n° 56XX14 d'un montant en principal de 130.930 euros la somme de 13.088,77 euros avec intérêts au taux de 4,90 % l'an à compter du 11 août 2012 jusqu'à parfait règlement et capitalisation annuelle des intérêts,

- au titre de la créance n° 56XX24 de 13.200 euros au taux de 0 % l'an, selon décompte du 10 août 2012, la somme de 11.855,67 euros,

- une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, qui seront distraits au profit de la SCP Bouveresse-Vernerey, avocats.

Le 29 juillet 2014, Mme X. a conclu, au visa des articles 1134 et 1382 du code civil, L. 132-1, L. 311-33 et L. 312-1 du code de la consommation, à la confirmation du jugement du 27 janvier 2014, y ajoutant, à la condamnation du Crédit Agricole à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, avec distraction au profit de Maître Bergelin, avocat, à titre subsidiaire, au visa des articles 1152 et 1244-1 du code civil, à la réduction de la clause pénale à de plus justes proportions et à l'octroi d'un délai de paiement de 24 mois en mensualités égales.

M. Y. n'a pas constitué avocat. L'acte d'appel et les conclusions de l'appelante transmises à la Cour par RPVA le 16 octobre 2014 lui ont été signifiés les 15 avril et 15 octobre 2014, selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile. Le présent arrêt sera rendu par défaut, en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus visées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 janvier 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA COUR :       

Sur la clause abusive et la demande de paiement :

En application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, constitue une clause abusive, et comme telle réputée non écrite, la clause qui, dans un contrat de prêt, prévoit que le non-paiement des sommes exigibles, concernant quelque dette que ce soit de l'emprunteur vis à vis du prêteur fait partie des cas de survenance de la déchéance du terme qui permet au prêteur de se prévaloir de l'exigibilité immédiate de la totalité de la créance.

En effet, cette clause crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties car, par une décision unilatérale du prêteur, en dehors du mécanisme de la condition résolutoire, il y a aggravation soudaine des conditions de remboursement du prêt et une modification majeure de l'économie du contrat.

Cependant, pour les contrats de crédit conclus avant le 1er mai 2011 (date d'application de la loi n° 210-730 du 1er juillet 2010), lorsque l'offre préalable ne satisfait pas aux dispositions impératives de l'article 5 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 parce qu'elle contient des clauses, ajoutées aux mentions imposées par le modèle-type, qui aggravent la situation de l'emprunteur en cas de défaillance de celui-ci, le prêteur encourt la sanction civile de la déchéance des intérêts, conformément à l'article 23 de la même loi.

Mme X. et M. Y., pour réaliser une opération unique (acquérir une maison d'habitation et y effectuer des travaux) ont contracté non pas un seul prêt mais trois prêts distincts, de montant, durée ou taux différents : un prêt de 2.000 euros au taux annuel de 4,90 % sur une durée de 360 mois avec un différé de paiement de 204 mois, un prêt de 130.930 euros au taux annuel de 4,90 % sur une durée de 360 mois avec un différé de paiement de 1 mois, un prêt de 13.200 euros au taux annuel de 0 % sur une durée de 204 mois sans différé. Les conditions générales communes aux 3 prêts (pages 9 à 13 du contrat) prévoient que le prêt deviendra de plein droit exigible, après envoi par l'emprunteur d'une lettre recommandée avec avis de réception au prêteur, en cas de non-paiement des sommes exigibles, concernant quelque dette que ce soit de l'emprunteur vis à vis du prêteur.

Cette clause qui laisse au Crédit Agricole l'initiative de prononcer unilatéralement la déchéance de la totalité des prêts en cas de non-paiement des sommes exigibles, concernant quelque dette que ce soit de l'emprunteur vis à vis du prêteur, crée au préjudice de Mme X. un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et constitue une clause abusive. S'agissant de trois contrats de prêt du 26 novembre 2007, donc souscrits antérieurement au 1er mai 2011, la sanction encourue est la déchéance du droit aux intérêts. Le jugement du 27 janvier 2014 sera confirmé en ce qu'il l'a prononcée pour les trois prêts litigieux.

Les parties conviennent que restent dues, en capital, les sommes suivantes :

- au titre de la créance n° 56XX03 d'un montant en principal de 2.000 euros la somme de 2.000 euros

- au titre de la créance n° 56XX14 d'un montant en principal de 130.930 euros sur laquelle Mme X. et M. Y. ont remboursé une somme de 30.734 euros et sur laquelle le Crédit Agricole a imputé la somme provenant de la vente de l'immeuble des intimés soit la somme de 130.000 euros : 130.930 euros - 30.734 euros - 130.000 euros = 29.804 euros trop perçus

- au titre de la créance n° 56XX24 de 13.200 euros la somme de 11.855,67 euros

Il résulte de ce qui précède que la demande en paiement du Crédit Agricole est mal fondée et qu'il doit être fait droit à la demande de Mme X., qui sollicite à titre principal la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné le Crédit Agricole à lui payer la somme de 15.948,33 euros, résultant du calcul susvisé.

L'intéressée voyant sa prétention principale accueillie, il n'est point besoin d'examiner ses prétentions subsidiaires relatives à la modération de la clause pénale et à l'octroi de délais de paiement.

 

Sur les demandes de dommages-intérêts, d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Mme X. réclame des dommages-intérêts au motif que seul son prêt à taux zéro (prêt de 13.200 euros) pouvait être déchu de son terme, ce dont elle ne rapporte pas la preuve, la banque ne justifiant pas non plus quelle échéances ont fait l'objet d'un défaut de paiement des emprunteurs, et au motif qu'elle a été dans l'obligation de vendre son bien immobilier. Faute de preuve de ses allégations, le jugement frappé d'appel sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande à ce titre.

Le Crédit Agricole qui succombe sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formée au titre des frais irrépétibles d'appel et supportera les dépens d'appel. Il sera fait droit à la demande de Mme X. sur le même fondement à hauteur de la somme de 1.000 euros, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par défaut, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Montbéliard du 27 janvier 2014 sauf en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Déboute le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à payer à Mme X. une indemnité de mille euros (1.000 euros) au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Condamne le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté aux dépens d'appel.

LEDIT ARRÊT a été signé par Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et Madame Dominique BOROWSKI, Greffier.

LE GREFFIER,                    P/LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE