CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 22 septembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5396
CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 22 septembre 2015 : RG n° 14/14596
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2015-020948
Extrait : « Considérant qu'aux termes de l'article 5 des conditions générales du contrat, il est précisé que « le vol sans effraction du véhicule n'est pas garanti », ce qui signifie qu'aux termes du contrat le sinistre garanti est le vol par effraction du véhicule, que l'effraction est, non une exclusion de garantie, mais la condition de mise en jeu de la garantie dont il incombe à l'assuré de faire la preuve ; Considérant que figure par ailleurs sous l'intitulé « Application de la garantie » « Et en cas de découverte du véhicule volé » la clause suivante : « Toutefois, si votre véhicule était retrouvé sans effraction de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement) la garantie vol ne serait pas acquise » qui n'est pas une exclusion de garantie mais l'énumération des conditions matérielles auxquelles l'assureur soumet la reconnaissance de l'effraction du véhicule ;
Considérant cependant, que sous couvert de définir l'effraction, l'assureur ne peut valablement limiter à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors d'une part qu'en application de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre et que d'autre part le mode de preuve restrictif et qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules ainsi imposé aux consommateurs contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation qui précisent que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur ; Considérant en affirmant qu'imposer à l'assureur de prendre en charge le sinistre hors de toute trace d'effraction serait de nature à créer un déséquilibre significatif au profit de l'assuré, la MACIF ne rapporte pas la preuve contraire exigée par l'article R. 132-2 susvisé alors que le caractère abusif de la clause résulte du fait qu'elle limite les moyens de preuve de l'effraction dont la cour indique qu'il s'agit d'une condition de la garantie ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
PÔLE 2 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/14596. Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 mai 2014 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - R.G. n° 13/01066.
APPELANTE :
Société MACIF - MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERÇANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIÉS MACIF
société d'assurance mutuelle à cotisations variables entreprise régie par le code des assurances, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège ; Représentée par Maître Pascal HORNY de la SCP HORNY/MONGIN/SERVILLAT, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIMÉ :
Monsieur X.
Représenté par Maître Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 ; Assisté par Maître Laurent MERCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0662
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 juin 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente, Monsieur Christian BYK, Conseiller, Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI
ARRÊT : contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Monsieur X., propriétaire d'un véhicule PEUGEOT 307 immatriculé […] garanti par un contrat d'assurance multirisques voiture particulière souscrit le 14 janvier 2012 auprès de la MACIF, a été victime d'un vol de son véhicule le 17 septembre 2012. Après la découverte du véhicule volé sur la commune [ville A] le 19 septembre 2012 et la réception du rapport de l'expert qu'elle avait mandaté, la MACIF a opposé, par courrier du 8 octobre 2012, un refus de garantie à son assuré motivé par l'absence de traces d'effraction telles que prévues au contrat.
Par acte d'huissier du 16 janvier 2013, Monsieur X. a assigné la MACIF devant le Tribunal de Grande Instance d'ÉVRY qui, par jugement du 23 mai 2014, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, dit que les exigences de l'article 5 du contrat d'assurance automobile (voitures particulières) de la MACIF constituent une exclusion de garantie non conforme aux dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances ainsi qu'une clause abusive, en conséquence dit que les exigences de l'article 5 du contrat d'assurance automobile (voitures particulières) de la MACIF sont réputées non écrites et que la garantie pour le vol subi doit être acquise à Monsieur X., condamné la MACIF à verser à Monsieur X. la somme de 7.900 euros au titre de la valeur de remplacement de son véhicule, une indemnité de 20 euros par jour au titre du préjudice de jouissance suite à l'immobilisation du véhicule, courant à compter du 17 octobre 2012 jusqu'au jour du paiement par la MACIF de l'indemnité permettant d'acquérir un nouveau véhicule, la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.
Par déclaration du 9 juillet 2014, la société MACIF a interjeté appel. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 12 mars 2015, elle sollicite l'infirmation du jugement, le débouté de Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation en tant que de besoin à lui restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire et à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens.
Par ses dernières conclusions en date du 14 novembre 2014, M. X. sollicite la confirmation du jugement, le débouté de la MACIF de l'ensemble de ses demandes et la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mai 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la garantie :
Considérant que la MACIF soutient que les conditions générales de la police sont dénuées d'ambiguïté et parfaitement claires, que le vol sans effraction du véhicule n'est pas garanti, que la preuve d'une trace d'effraction constitue un élément substantiel de la mise en jeu de la garantie vol, qu'en l'espèce, l'expert qu'elle a mandaté a constaté l'absence de toute trace d'effraction et que les investigations menées par Monsieur A., expert sollicité par Monsieur X. ne contredisent pas les observations faite par Monsieur B., qu'elle ajoute que le paragraphe relatif à l'exigence d'effraction si le véhicule est retrouvé figure en caractère gras et que les exigences de la police ne revêtent aucun caractère abusif ;
Considérant que Monsieur X. soutient que la preuve de la matérialité du vol qui n'est pas contestée par la MACIF résulte du fait qu'il a été dépouillé de l'ensemble de sa mécanique et de différents éléments de carrosserie, que les exigences de preuves cumulatives d'effraction, ne portant pas sur l'habitacle mais sur le forcement des éléments permettant la mise en route du véhicule, posées par la police, qui constituent une exclusion de garantie au sens de l'article L. 113-1, sont illicites en ce qu'elles vident la garantie de sa substance, que la présentation matérielle de l'exclusion n'est pas suffisamment apparente et qu'il s'agit d'une clause abusive dans la mesure où l'assureur ne saurait promettre à l'assuré de garantir le vol tout en limitant l'application de la garantie à des hypothèses d'exécution matérielle de l'infraction trop précises ou devenues totalement marginales dans les faits ainsi que sur le fondement de l’article 1315 du code civil et l'article R. 132-2 du code de la consommation en ce qu'elle limite indûment les moyens de preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 des conditions générales du contrat, il est précisé que « le vol sans effraction du véhicule n'est pas garanti », ce qui signifie qu'aux termes du contrat le sinistre garanti est le vol par effraction du véhicule, que l'effraction est, non une exclusion de garantie, mais la condition de mise en jeu de la garantie dont il incombe à l'assuré de faire la preuve ;
Considérant que figure par ailleurs sous l'intitulé « Application de la garantie » « Et en cas de découverte du véhicule volé » la clause suivante : « Toutefois, si votre véhicule était retrouvé sans effraction de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement) la garantie vol ne serait pas acquise » qui n'est pas une exclusion de garantie mais l'énumération des conditions matérielles auxquelles l'assureur soumet la reconnaissance de l'effraction du véhicule ;
Considérant cependant, que sous couvert de définir l'effraction, l'assureur ne peut valablement limiter à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors d'une part qu'en application de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre et que d'autre part le mode de preuve restrictif et qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules ainsi imposé aux consommateurs contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation qui précisent que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur ;
Considérant en affirmant qu'imposer à l'assureur de prendre en charge le sinistre hors de toute trace d'effraction serait de nature à créer un déséquilibre significatif au profit de l'assuré, la MACIF ne rapporte pas la preuve contraire exigée par l'article R. 132-2 susvisé alors que le caractère abusif de la clause résulte du fait qu'elle limite les moyens de preuve de l'effraction dont la cour indique qu'il s'agit d'une condition de la garantie ;
Considérant que la clause prévue à l'article 5 des conditions générales du contrat d'assurances automobile, voitures particulières, de la MACIF qui est abusive doit en conséquence être réputée non écrite ;
Considérant qu'il résulte du récépissé de déclaration du 17 septembre 2012 que le véhicule de Monsieur X. a été dérobé entre le 16 septembre 2012 à 21 heures et le 17 septembre 2012 à 10 heures à [ville S.], qu'il a été découvert le 18 septembre 2012, à 8 heures 30 alors qu'il présentait, au vu de l'attestation de découverte rédigée par les militaires de la gendarmerie, « Manque mécanique avant complet, les quatre roues, feu arrière et divers éléments. Véhicule à l'état d'épave », que l'ampleur des éléments enlevés ou dégradés était par ailleurs constatée par l'expert mandaté par la MACIF qui fixait le montant des réparations à la somme de 35.635,74 euros TTC pour un véhicule dont la valeur de remplacement était de 8.150 euros, qu'elle apparaît d'ailleurs clairement sur les photographies annexées au rapport amiable établi par Monsieur A., à la demande de Monsieur X., après réunion en présence du cabinet B., expert de la MACIF aux termes duquel, Monsieur A. précise qu'ont été volés toute la sellerie, des éléments d'habillage du véhicule : calandre, optiques, feux, capot ainsi que la mécanique complète : moteur, boîte de vitesses, trains roulants complets ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le véhicule ne présentait aucune trace d'effraction apparente au niveau de l'antivol de direction ainsi que sur les barillets extérieurs et sur le bouchon de carburant, que lors de l'expertise réalisée par Monsieur A., les experts ont pu déverrouiller la colonne de direction avec les clés en possession de l'assuré, le contacteur à clef ne présentant aucun dommage ;
Considérant que Monsieur A. a expliqué qu'il était parfaitement aisé de pénétrer dans un véhicule sans laisser de trace d'effraction, citant l'existence de ventouse ou de coussin ou poire en vente libre sur internet permettant d'écarter une porte de son cadre sans détérioration ;
Considérant qu'il précise également que les moyens électroniques existent pour démarrer la majeure partie des véhicules, que divers sites proposent notamment des clefs Peugeot vierges, qu'à l'aide du boîtier fourni aux acheteurs, branché directement sur la prise diagnostics, il est possible de lire le code d'anti-démarrage et de faire démarrer le véhicule, qu'il décrit également un produit, le « key-Educator » qui permet de coder une empreinte de clef vierge et de démarrer le véhicule sans déprogrammer les anciennes clés et sans laisser de trace sur le contacter à clés, ce produit fonctionnant pour les véhicules de la marque Peugeot ;
Considérant que Monsieur A. ajoute qu'il convient, si l'on veut partir avec le véhicule dérobé, d'éviter toutes dégradations des faisceaux électriques au niveau du contacteur à clef ou à carte puisque le sectionnement du faisceau ne permet plus de liaison entre le boîtier-transpondeur et le boîtier de contrôle de l'habitacle qui autorise via le boîtier de gestion du moteur, le démarrage du véhicule ;
Considérant qu'alors que Monsieur X. était en possession des deux clés d'origine du véhicule qu'il a présenté aux experts, que la MACIF ne produit aucune pièce susceptible de contredire les conclusions de l'expertise de Monsieur A., il est suffisamment établi par les éléments décrits par Monsieur A. et l'absence de rupture des faisceaux électroniques alors que le véhicule a fait l'objet d'un véritable dépeçage, y compris à l'intérieur de l'habitacle que le véhicule de Monsieur X. lui a été volé à l'aide d'une effraction électronique ce qui constitue une effraction au sens commun du terme, que dès lors la garantie de l'assureur est due ;
Considérant que le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice subi par l'intimé du fait du vol en lui allouant la valeur de remplacement du véhicule telle qu'évaluée par l'expert de la MACIF après déduction de la franchise contractuelle, une indemnité de 20 euros par jour au titre du préjudice de jouissance à compter du 17 octobre 2012, date d'exigibilité de l'indemnité contractuelle jusqu'au jour du paiement par la MACIF de l'indemnité permettant d'acquérir un nouveau véhicule ;
Considérant par contre qu'en l'absence de preuve de la résistance abusive de l'assureur, il n'y a pas lieu à condamnation à dommages et intérêts ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'alors que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la somme qui devait être allouée à Monsieur X. au titre de ses frais irrépétibles de première instance, il y a lieu de lui allouer la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel et de débouter la MACIF de sa demande à ce titre ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement en ce qu'il a dit que les exigences de l'article 5 du contrat d'assurance automobile (voitures particulières) de la MACIF constituent une exclusion de garantie non conforme aux dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances et sur la condamnation au titre des dommages et intérêts et statuant à nouveau sur la demande de dommages et intérêts,
Déboute Monsieur X. de sa demande de dommages et intérêts,
Confirme le jugement sur le surplus et notamment en ce qu'il a dit que les exigences de l'article 5 du contrat d'assurance automobile, voitures particulières, de la MACIF constitue une clause abusive qui doit être réputée non écrite ;
Y ajoutant,
Dit que la clause est abusive en ce qu'elle réduit les moyens de preuve de l'effraction « de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques ou de tout système antivol en phase de fonctionnement) »,
Condamne la MACIF à payer à Monsieur X. la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne la MACIF aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
- 5740 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Changement des règles applicables
- 5991 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Lois et règlements - Conformité au régime légal : illustrations - Code civil
- 6142 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Encadrement des modes de preuve
- 6375 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Véhicule automobile - Obligations de l’assureur - Vol