CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA VERSAILLES (1re ch. sect. 2), 17 novembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (1re ch. sect. 2), 17 novembre 2015
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 1re ch. sect. 2
Demande : 13/00892
Date : 17/11/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5404

CA VERSAILLES (1re ch. sect. 2), 17 novembre 2015 : RG n° 13/00892

Publication : Jurica

 

Extrait : 1/ « Le tribunal a retenu à juste titre que, selon les conditions générales du contrat, le délai de réflexion au moment de la demande d'annulation était expiré. Il apparaît donc que la société Huis Clos a satisfait à ses engagements et qu'il ne peut être demandé de résolution du contrat. La demande de M. X. sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point ».

2/ « L'article 13 des conditions générales du contrat prévoit, en cas d'annulation de la commande par le client après l'expiration du délai de réflexion légal et après la mise en fabrication des produits, que le client devra verser une indemnité égale à 50 % du montant total de la commande. Cette clause ne concerne pas la conservation de sommes versées par le consommateur (2°) mais le versement d'une indemnité. Elle ne concerne pas la non exécution par le client de ses obligations (3°) mais l'annulation de la commande. Elle ne soumet pas la résiliation du contrat à des conditions ou des modalités particulières mais en détermine les conséquences. La clause incriminée ne figurant pas parmi la liste des clauses énumérées à l'article R. 132-2 du code de la consommation, il y a lieu de rejeter la demande aux fins de déclarer cette clause abusive au regard des dispositions du code de la consommation et en conséquence non écrite. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION 2

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/00892. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 novembre 2012 par le Tribunal d'Instance de MANTES-LA-JOLIE : R.G. n° 11-12-000184. La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANT :

Monsieur X.

le [date] à [ville], de nationalité Marocaine, représenté par Maître Xavier USUBELLI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 359

 

INTIMÉE :

SA HUIS CLOS

prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège, représentée par Maître Luminita PERSA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 77

 

PARTIES INTERVENANTES :

SCP BTSG, en la personne de Maître SENECHAL en qualité de liquidateur de la Société HUIS CLOS

SELARL FHB, en la personne de Maître Emmanuel HESS, en qualité d'Administrateur Judiciaire de la Société HUIS CLOS

DÉFAILLANTES

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 septembre 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant M. Serge PORTELLI, Président chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Serge PORTELLI, Président, Mme Véronique CATRY, Conseiller, Madame Anna MANES, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre QUINCY

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le litige concerne un contrat conclu le 29 juillet 2009 entre M. X. et la société Huis Clos et ayant pour objet la commande et la pose de fenêtres pour un prix de 16.000 euros. Cette commande a été annulée par M. X.

Par acte d'huissier du 9 mars 2012, la société Huis Clos a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Mantes-la-Jolie aux fins de le voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement d'une somme de 8.000 euros au titre des travaux de menuiseries, de 500 euros puis 1.500 euros à titre de dommages et intérêts et de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. X. a soulevé l'irrecevabilité de l'action, sollicité la résolution du contrat et soutenu le caractère excessif de la clause pénale. Il a demandé subsidiairement des délais de paiement.

Par jugement contradictoire du 30 novembre 2012, le tribunal de Mantes la Jolie a :

- condamné M. X. à payer la somme de 8.000 euros à la société Huis Clos outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

- autorisé M. X. à se libérer de sa dette par 24 mensualités de 333,33 euros chacune,

- dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité l'intégralité de la somme due deviendra immédiatement exigible,

- rejeté la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné M. X. aux dépens.

 

M. X. a relevé appel du jugement. Dans ses conclusions, il formulait les demandes suivantes :

- réformer le jugement et, statuant à nouveau,

- à titre principal, prononcer la résolution judiciaire du contrat en date du 2 juillet 2009 aux torts exclusifs de la société Huis Clos et, en conséquence, dire et juger que l'article 13 des conditions générales de vente constitue dans son intégralité une clause abusive au sens du code de la consommation et la déclarer non écrite, puis débouter la société Huis Clos de sa demande en paiement de 8.000 euros en vertu de la clause pénale insérée au contrat du 29 juillet 2009,

- à titre très subsidiaire, déclarer que la clause pénale présente un caractère manifestement excessif et réduire substantiellement le montant de la somme due par M. X. au montant symbolique de 1euros,

- à titre infiniment subsidiaire, octroyer les plus larges délais de paiement possibles à M. X.,

- en tout état de cause, condamner la société Huis Clos au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Huis Clos dans ses conclusions demandait la révocation de la clôture afin de permettre la mise en cause ses organismes sociaux.

En effet, par jugement du 22 mai 2013, le tribunal de commerce de Rouen a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Huis Clos et a désigné en qualité d'administrateur judiciaire M. Hess de la société FHB, le mandataire judiciaire étant Maître Berel.

Par acte du 4 avril 2014, M. X. a fait assigner devant la cour la société FHB, en sa qualité d'administrateur de la société Huis Clos, et la société B.T.S.G., en qualité de liquidateur de la société Huis Clos.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 septembre 2014.

Par décision du 13 janvier 2015, la cour d'appel de Versailles a ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture initialement fixée au 16 septembre 2014, le renvoi de l'affaire et la réouverture des débats, a fixé la clôture et l'audience de plaidoirie au 15 septembre 2015 et réservé les dépens.

 

Dans ses dernières conclusions auxquelles la Cour se réfère pour l'exposé de ses moyens et de ses prétentions, M. X. formule les demandes suivantes :

- dire son appel recevable et bien fondé,

- voir intervenir la Selarl FHB en la personne de Maître Emmanuel Hess en qualité d'administrateur judiciaire de la société Huis Clos,

- voir intervenir la SCP BTSG en la personne de Maître Senechal en qualité de liquidateur de la société Huis Clos,

- constater la reprise de l'instance,

- débouter la Selarl FHB en la personne de Maître Hess en qualité d'administrateur judiciaire de la société Huis Clos de toutes ses demandes,

- réformer le jugement et, statuant à nouveau,

- à titre principal, prononcer la résolution judiciaire du contrat en date du 29 juillet 2009 aux torts exclusifs de la société Huis Clos et, en conséquence, débouter Maître Hess en qualité d'administrateur judiciaire de la société Huis Clos de sa demande de paiement de 8.000 euros en vertu de la clause pénale insérée au contrat,

- à titre subsidiaire, dire et juger que l'article 13 des conditions générales de vente constitue dans son intégralité une clause abusive au sens du code de la consommation et la déclarer non écrite, en conséquence, débouter Maître Hess en qualité d'administrateur judiciaire de la société Huis Clos de sa demande de paiement de 8.000 euros en vertu de la clause pénale insérée au contrat,

- à titre très subsidiaire, déclarer que la clause pénale présente un caractère manifestement excessif et réduire substantiellement le montant de la somme due par M. X. au montant symbolique de 1euros,

- à titre infiniment subsidiaire, octroyer les plus larges délais de paiement possibles à M. X.,

- en tout état de cause, condamner Maître Hess en qualité d'administrateur judiciaire de la société Huis Clos au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- fixer la créance de M. X. au passif de la société Huis Clos.

 

La société FHB, en sa qualité d'administrateur de la société Huis Clos, et la société BTSG, en qualité de liquidateur de la société Huis Clos, ne se sont pas constituées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la résolution de la vente :

Aux termes de l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

M. X. soutient que la société Huis Clos n'a pas satisfait à son engagement dans la mesure où elle a fait procéder à la fabrication de fenêtres sans son accord relativement au métrage et sans son accord également relativement aux caractéristiques des produits commandés.

Il apparaît que le contrat passé entre M. X. et la société Huis Clos le 29 juillet 2009 a été exécuté par la société Huis Clos selon les modalités prévues dans cette convention. Les reproches formulés par M. X. tiennent en réalité à son absence pour des raisons familiales entre le 30 juillet et le 11 septembre 2009. Entre temps la société Huis Clos a, au vu du bon de commande, effectué sur place un métrage le 11 août 2009 en présence de Mme X. qui a signé le rapport, et adressé le 13 août 2009 une confirmation de commande sans que le client réagisse. La fabrication des fenêtres a alors commencé. Ce n'est que le 23 septembre que M. X. qui avait regagné son domicile douze jours plus tôt a adressé à la société Huis Clos un courrier demandant l'annulation de la commande.

Le tribunal a retenu à juste titre que, selon les conditions générales du contrat, le délai de réflexion au moment de la demande d'annulation était expiré.

Il apparaît donc que la société Huis Clos a satisfait à ses engagements et qu'il ne peut être demandé de résolution du contrat. La demande de M. X. sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

 

Sur la clause pénale :

M. X. avait soutenu en première instance que la clause pénale avait un caractère abusif et excessif sans que le tribunal réponde sur ce point.

Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; un décret en Conseil d'Etat détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Aux termes de l'article R. 132-2 du même code, « dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :

2° Autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le non-professionnel ou le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le non-professionnel ou le consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent, ou égale au double en cas de versement d'arrhes au sens de l'article L. 114-1, si c'est le professionnel qui renonce,

3° Imposer au non-professionnel ou au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné,

8° Soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le non-professionnel ou le consommateur que pour le professionnel.

L'article 13 des conditions générales du contrat prévoit, en cas d'annulation de la commande par le client après l'expiration du délai de réflexion légal et après la mise en fabrication des produits, que le client devra verser une indemnité égale à 50 % du montant total de la commande. Cette clause ne concerne pas la conservation de sommes versées par le consommateur (2°) mais le versement d'une indemnité. Elle ne concerne pas la non exécution par le client de ses obligations (3°) mais l'annulation de la commande. Elle ne soumet pas la résiliation du contrat à des conditions ou des modalités particulières mais en détermine les conséquences.

La clause incriminée ne figurant pas parmi la liste des clauses énumérées à l'article R. 132-2 du code de la consommation, il y a lieu de rejeter la demande aux fins de déclarer cette clause abusive au regard des dispositions du code de la consommation et en conséquence non écrite.

 

Sur la régularité de clause pénale au regard de l'article 1152 du code civil :

Selon l'article 1152 du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre ; néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

Le caractère excessif de la clause pénale doit s'apprécier notamment en fonction de l'équilibre général de la convention, du but poursuivi par les parties lors de la conclusion du contrat et du préjudice effectivement subi par le créancier.

Il apparaît en l'espèce que la somme de 8.000 euros réclamée par la société Huis Clos représente 50 % du montant du contrat. S'il est compréhensible qu'une clause pénale prenne en compte la mise en fabrication du matériel commandé, la somme réclamée forfaitairement par la société Huis Clos sans qu'il soit justifié de l'état de la fabrication des fenêtres au moment où il est procédé à l'annulation, apparaît manifestement excessive. Il y a donc lieu de réduire ce montant à la somme de 3.000 euros.

Il apparaît que le taux de 1,5 % par mois est très élevé et que le montant réclamé à ce titre soit, 5.893,34 euros, est tout aussi élevé au regard de la somme totale réclamée, soit 13.155,71 euros. Le préjudice subi par la société Abec Sécurité est évident compte tenu du retard important dans les paiements mais il ne justifie pas un tel montant d'intérêts. La peine convenue dans la clause contractuelle apparaissant manifestement excessive, il y a lieu de la réduire à la somme de 1.500 euros.

 

Sur les délais de paiement :

Le tribunal a autorisé M. X. à se libérer de sa dette par 24 mensualités de 333,33 euros chacune. Le montant de la condamnation ayant été modifié, il y a lieu de modifier également l'échéancier et de condamner M. X. à se libérer de sa dette par 24 mensualités de 125 euros chacune.

 

Sur les frais et dépens :

Le jugement ayant été confirmé pour l'essentiel sur le fond, il le sera également en ce qu'il a rejeté la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. X. aux dépens.

S'agissant de la procédure d'appel, chacune des parties conservera la charge de ses dépens. La demande de frais irrépétibles de M. X. sera rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

* confirme le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande de M. X. aux fins de résolution du contrat,

- condamné M. X. par application de l'article 13 des conditions générales du contrat le liant à la société Huis Clos,

- accordé des délais de grâce à M. X.,

- rejeté la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné M. X. aux dépens.

* y ajoutant,

- constate que la Selarl FHB en la personne de Maître Emmanuel Hess en qualité d'administrateur judiciaire de la société Huis Clos et la SCP BTSG en la personne de Maître Senechal en qualité de liquidateur de la société Huis Clos, ont été assignées en intervention et en reprise d'instance,

- constate la reprise de l'instance,

- rejette les demandes de M. X. aux fins de déclarer la clause pénale abusive au regard des dispositions du code de la consommation,

- condamne M. X. à payer la somme de 3.000 euros à la Selarl FHB en la personne de Maître Emmanuel Hess en qualité d'administrateur judiciaire de la société Huis Clos et la SCP BTSG en la personne de Maître Senechal en qualité de liquidateur de la société Huis Clos, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

- autorise M. X. à se libérer de sa dette par 24 mensualités de 125 euros chacune,

- dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité l'intégralité de la somme due deviendra immédiatement exigible,

- rejette la demande de frais irrépétibles de M. X.,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Serge PORTELLI, Président et par Madame QUINCY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                Le président,