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5806 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (5) - Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 - Décret n° 2009-302 du 18 mars 2009

Nature : Synthèse
Titre : 5806 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (5) - Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 - Décret n° 2009-302 du 18 mars 2009
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5806 (30 septembre 2022)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

PRÉSENTATION GÉNÉRALE - ÉVOLUTION DE LA PROTECTION

CINQUIÈME ÉTAPE : LOI N° 2008-776 DU 4 AOÛT 2008 - DÉCRET N° 2009-302 DU 18 MARS 2009

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2022)

 

Présentation. La loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dite loi LME, constitue une étape importance dans la protection contre les clauses abusives. Ce texte a en effet complété le dispositif initial en précisant la possibilité pour le pouvoir réglementaire de créer des listes de clauses « noires », irréfragablement abusives, ou « grises », présumées abusives sauf preuve contraire apportée par le professionnel. L’importance de cette modification a pris tout son sens lors de la publication du décret n° 2009-302 du 18 mars 2009 créant deux listes substantielles de clauses interdites et de clauses présumées abusives.

Textes. Techniquement, la loi du 4 août 2008 a remplacé les alinéas 2 (élimination des clauses par décret) et 3 (création d’une annexe) par deux alinéas nouveaux sur les clauses présumées abusives (al. 2) et ou irréfragablement abusives (al. 3). Le reste du texte reste inchangé.

* Alinéa 2 nouveau : « Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la commission instituée à l'art. L. 132-2, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse. »

* Alinéa 3 nouveau : « Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa. »

Sur la compatibilité du texte au droit de l’Union européenne : le mécanisme consistant à établir une « liste noire » de clauses devant être considérées comme étant abusives relève des dispositions plus strictes que les États membres peuvent, dans le respect du droit de l’Union, adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la directive 93/13, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur, en vertu de l’article 8 de celle-ci. CJUE (9e ch.), 26 février 2015Bogdan Matei - Ioana Ofelia Matei / SC Volksbank România SA : aff. C‑143/13 ; Cerclab n° 7053 (point n° 61).

Entrée en vigueur. Les dispositions transitoires de la loi du 4 août 2008 soulèvent des difficultés. La loi était prévue pour entrer en vigueur lors de la publication du décret d’application et au plus tard le 1er janvier 2009. Or, la prise du décret a tardé. Il en résulte que la loi est entrée en vigueur au 1er janvier 2009, mais est restée plus de deux mois et demi sans décret. La question de savoir si les clauses mentionnées dans ces décrets pourront être déclarées ou présumées abusives lorsqu’elles figurent dans des contrats conclus entre le 1er janvier et le 19 mars devra être tranchée par les tribunaux (V. sur ce point, Cerclab n° 5819).

Modification du pouvoir réglementaire. Dans son dernier état, l’ancien art. L. 132-1 définissait de façon très large les prérogatives du pouvoir réglementaire en disposant : « des décrets en Conseil d'État, pris après avis de la commission instituée à l'art. L. 132-2, peuvent déterminer des types de clauses qui doivent être regardées comme abusives au sens du premier alinéa ». Même si la lettre du texte ne l’évoque pas, il ne semble pas qu’une telle rédaction ait interdit la mise en place d’une présomption simple de caractère abusif. Dans cette perspective, la loi du 4 août 2008 est plus explicite, sans modifier le fond.

En revanche, paradoxalement, la loi a réduit le pouvoir réglementaire en exigeant que l’interdiction d’une clause (ce qui était la technique utilisée par le décret du 24 mars 1978) ne concerne que des types de clauses qui portent une atteinte grave à l'équilibre du contrat. La loi invite donc à hiérarchiser les déséquilibres en fonction de leur gravité, distinction qui risque d’être subtile et source de discussions, voire de contestation des décrets devant le juge administratif. Il convient toutefois de souligner que cette hiérarchie n’a de sens que pour une appréciation in abstracto du caractère abusif de clauses types. L’appréciation du déquilibre significatif demeurera individuelle pour les clauses d’un contrat effectivement conclu, qu’elles soient présumées abusives ou non, sans exigence de cette condition de gravité et par référence au seul art. L. 132-1 alinéa 1 ancien.

Architecture du contrôle. L’entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 et du décret du 18 mars 2009 a modifié l’architecture générale de la protection, en multipliant les modes de constatation du caractère abusif d’une clause :

1. - Une clause relève de l’ancien art. R. 132-1 [R. 212-1] C. consom., compte tenu des exclusions prévues par l’art. R. 132-2-1 C. consom. [R. 212-3 et 4]. Elle est alors, de manière irréfragable, présumée abusive, au sens des dispositions du premier et du troisième alinéas de l'ancien art. L. 132-1 et dès lors interdite. Le juge ne dispose pas de pouvoir d’appréciation, sauf à vérifier que la clause qui lui est soumise correspond bien à celle mentionnée par le texte. Dans certains cas, cette solution risque de poser problème (V. par exemple pour les clauses exonératoires, Cerclab n° 6114).

Le professionnel n'a pas la possibilité d'apporter la preuve contraire lorsqu’une clause relève de l’ancien art. R. 132-1 [R. 212-1] C. consom. CA Versailles (1re ch. sect. 2), 29 juillet 2014 : RG n° 13/03247 ; Cerclab n° 4843 ; Juris-Data n° 2014-019157, sur appel de TI Versailles, 4 avril 2013 : RG n° 11-12-001761 ; Dnd.

2. - Une clause est présumée abusive selon l’art. R. 132-2 [R. 212-2] C. consom., compte tenu des exclusions prévues par l’art. R. 132-2-1 C. consom. [R. 212-3 et 4]. Dans ce cas, le professionnel peut renverser cette présomption en établissant que la clause ne crée pas de déséquilibre significatif au sens de l’alinéa 1er de l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. Malgré les apparences, le texte risque aussi de soulever quelques difficultés d’application.

Tout d’abord, le renversement de la charge de la preuve suppose au préalable de démontrer que la clause litigieuse correspond à celle visée par le texte. Or, cette preuve repose sur le consommateur (V. par exemple l’ancien art. R. 132-2-3° [R. 212-2-3°] C. consom. qui présume abusive la clause imposant au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné, caractère que le consommateur devra établir : Cerclab n° 6121).

Ensuite, le texte est à l’origine d’une situation délicate pour la Commission des clauses abusives, dans le cadre de ses recommandations, ou pour les tribunaux, dans le cadre des actions des associations de consommateurs contre des modèles de contrat, puisque dans les deux cas, l’appréciation concerne une clause type et que le renversement devrait être apprécié de façon générale et non in concreto.

3. - Une clause ne relève ni de l’ancien art. R. 132-1 [R. 212-1] C. consom., ni de l’art. R. 132-2 [R. 212-2] C. consom., soit parce qu’elle ne figure pas dans l’une des deux listes, soit parce qu’elle relève des exceptions de l’art. R. 132-2-1 C. consom. [R. 212-3 et 4]. Elle peut néanmoins être déclarée abusive, comme avant la loi du 4 août 2008, si le consommateur apporte la preuve d’un déséquilibre significatif.

* Pour le rappel de cette solution : ni la loi du 4 août 2008, ni le décret du 18 mars 2009 n'interdisent au non-professionnel de rechercher en justice le caractère abusif, au sens de l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom., d'une clause non encore listée par décret. CA Montpellier (1re ch. B), 30 janvier 2013 : RG n° 11/05020 ; Cerclab n° 4196 ; Juris-Data n° 2013-006616 (clause non visée : garantie accessoire relative à la prise en charge des honoraires de l’expert dans un contrat d'assurance multirisque habitation). § V. aussi : CA Toulouse (2e ch.), 3 février 2016 : RG n° 14/00798 ; arrêt n° 95 ; Cerclab n° 5498 (« la clause litigieuse ne figurant pas parmi les clauses présumées abusives au sens de l'[ancien] article L. 132-1 C. consom., il incombe au consommateur de faire la preuve d'un déséquilibre significatif), sur appel de TGI Toulouse, 2 décembre 2013 : RG n° 12/02987 ; Dnd - CA Versailles (1re ch. sect. 2), 12 avril 2016 : RG n° 14/02336 ; Cerclab n° 5586 ; Juris-Data n° 2016-007888 (« il convient donc de considérer cette clause, comme abusive, quand bien même elle ne figurerait pas dans la liste des clauses considérées ou présumées abusives par le Décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, applicable à l'espèce »), sur appel de TI Saint-Germain-en-Laye, 16 janvier 2014 : RG n° 11-13-000 ; Dnd - CA Paris (pôle 2 ch. 2), 29 mars 2018 : RG n° 16/05072 ; Cerclab n° 7498 (« ces clauses ne relèvent pas de celles présumées abusives au sens des articles R. 132-1 ou R. 132-2 du même code et ne créent pas de déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs au sens de l'article L. 132-1 »), sur appel de TI Villejuif, 31 décembre 2015 : RG n° 11-13-002223 ; Dnd - CA Colmar (2e ch. civ. A), 30 novembre 2018 : RG n° 17/02370 ; arrêt n° 588/2018 ; Cerclab n° 7781 ; Juris-Data n° 2018-024170 (assurance-crédit ; les clauses qui définissent la garantie d'un contrat d'assurance ne figurent pas dans la liste des clauses présumées abusives ; examen de la clause sur le fondement de l’art. L. 132-1), sur appel de TGI Mulhouse, 18 avril 2017 : Dnd - CA Rennes (1re ch.), 22 janvier 2019 : RG n° 16/02883 ; arrêt n° 31/2019 ; Cerclab n° 7824 (mandat de vente ; obligation d’informer le mandant de toute vente ; clause n’étant pas au nombre des clauses présumées abusives de manière irréfragable par l'art. R. 212-1 C. consom. et ne créant pas de déséquilibre significatif au sens de l’art. L. 212-1), sur appel de TI Redon, 7 avril 2016 : Dnd - CA Douai (ch. 8 sect. 1), 28 février 2019 : RG n° 16/05841 ; arrêt n° 19/218 ; Cerclab n° 7945 (crédit renouvelable ; les juges peuvent considérer une clause comme abusive et donc la réputer non écrite, même en l'absence de décret interdisant ladite clause), sur appel de TI Dunkerque, 5 août 2016 : RG n° 14-001032 ; Dnd - CA Douai (ch. 8 sect. 1), 2 mai 2019 : RG n° 18/00649 ; arrêt n° 19/487 ; Cerclab n° 7948 (prêt immobilier ; si le consommateur ne peut se prévaloir d’aucun décret présumant la clause litigieuse abusive, ni sur la recommandation n° 2005-02 qui ne concerne que les comptes à vue et le découvert associé, pas plus que sur la directive 2014/17/UE qui n'aborde pas l'interdiction de calcul des intérêts conventionnels sur une période autre que l'année civile, ces dispositions ne sont pas limitatives et un consommateur peut invoquer l'existence de clauses abusives à condition de prouver l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat), sur appel de TGI Lille, 11 décembre 2017 : RG n° 17/01064 ; Dnd - CA Rennes (1re ch.), 4 juin 2019 : RG n° 17/03768 ; arrêt n° 251/2019 ; Cerclab n° 7831 (clause de report du délai de livraison dans une vente d’immeuble à construire ; dès lors qu’une telle clause n’est pas présumée abusive par les art. R. 212-1 et R. 212-2 C. consom., son caractère abusif doit être apprécié en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat), sur appel de TGI Rennes, 18 avril 2017 : Dnd - CA Colmar (3e ch. civ. A), 31 août 2020 : RG n° 19/00938 ; arrêt n° 20/320 ; Cerclab n° 8534 (la clause ne relevant pas des listes des clauses présumées abusives, il appartient au consommateur de rapporter la preuve de leur caractère abusif), sur appel de TI Mulhouse, 20 décembre 2018 : Dnd - CA Aix-en-Provence (ch. 3-4), 19 novembre 2020 : RG n° 17/05685 ; arrêt n° 2020/168 ; Cerclab n° 8642 (le fait que des clauses n'aient pas été définies comme abusives par décret n'empêche pas le juge d'apprécier, au regard des alinéas 2 et 3 de l’anc. art. L. 132-1 C. consom., le caractère abusif d'une telle clause, à condition de démontrer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment du consommateur), sur appel de TGI Marseille, 30 janvier 2017 : RG n° 15/12620 : Dnd - CA Cayenne (ch. civ.), 26 avril 2021 :  RG n° 18/00624 ; arrêt n° 21/48 ; Cerclab n° 8893 (les clauses n’étant ni interdites, ni présumées abusives, au sens des art. R. 212-1 et 2 C. consom., il appartient au consommateur de rapporter la preuve d’un déséquilibre significatif), sur appel de TGI Cayenne, 9 octobre 2018 : Dnd - CA Versailles (16e ch.), 10 février 2022 : RG n° 21/00777 ; Cerclab n° 9420 (la clause n’étant pas présumée abusive en vertu de l’art. R. 212-1-8° C. consom., il appartient au consommateur de rapporter la preuve d’un déséquilibre significatif), confirmant de TJ Versailles, 10 novembre 2020 : RG n° 19/03106 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 3), 23 février 2022 : RG n° 21/03388 ; Cerclab n° 9470 (si le consommateur ne peut se prévaloir d'une présomption de caractère abusif, il peut démontrer l’existence d’un déséquilibre significatif ; N.B. outre dix arrêts similaires du même jour), confirmant TJ Paris, 14 janvier 2021 : RG n° 20/08732 ; Dnd - CA Agen (1re ch. civ.), 13 avril 2022 : RG n° 21/00144 ; Cerclab n° 9536 (clause de versement des fonds dans un crédit affecté ; arrêt notant au préalable que le décret de 2009 ne mentionne pas la clause en litige, avant d’examiner puis rejeter l’existence d’un déséquilibre significatif), sur appel de TJ Agen, 12 janvier 2021 : RG n° 17/01655 ; Dnd - CA Versailles (16e ch.), 16 juin 2022 : RG n° 21/04222 ; Cerclab n° 9690, sur appel de TJ Nanterre, 7 mai 2021 : RG n° 17/09803 ; Dnd.

* En sens contraire, erronés : CA Versailles (1re ch. sect. 2), 6 janvier 2015 : RG n° 13/05562 ; Cerclab n° 5008 (syndicat de copropriétaires contestant la pénalité de 1,5 % par mois présente dans un contrat de sécurité : selon l’arrêt « la clause litigieuse ne figure pas sur la liste des clauses abusives interdites ou présumées abusives ; il y a donc lieu de faire application des dispositions de droit commun du droit civil », ce qui est inexact puisque les clauses pénales disproportionnées figurent à l’ancien art. R. 132-2-3° [R. 212-2] C. consom. et en tout état de cause inopérant puisqu’une clause peut être déclarée abusive même si elle ne figure pas sur une des listes de clauses grise ou noire), sur appel de TI Boulogne Billancourt, 15 mai 2013 : RG n° 11-12-000 ; Dnd - CA Versailles (1re ch. sect. 2), 17 novembre 2015 : RG n° 13/00892 ; Cerclab n° 5404 (arrêt rejetant le caractère abusif d’une clause au seul motif, insuffisant, que la clause n’est pas visée par l’ancien art. R. 132-2, 2° et 3° [R. 212-2] C. consom.), sur appel de TI Mantes-la-Jolie, 30 novembre 2012 : RG n° 11-12-000184 ; Dnd. § Rappr. erroné aussi, estimant qu’une clause d’un bail qui ne serait pas visée par l’art. 4 de la loi du 6 juillet 1989 n’est pas abusive : CA Douai (3e ch.), 12 novembre 2015 : RG n° 14/03926, 14/5879 ; arrêt n° 15/827 ; Cerclab n° 5423 (N.B. contrairement à ce qu’affirme l’arrêt, s’agissant d’un bail HLM, donc d’un bailleur professionnel, le fait qu’une clause ne figure pas à l’art. 4 de la loi n’interdit nullement l’application des textes du Code de la consommation), sur appel de TI Béthune, 13 mai 2014 : RG n° 1113001554 ; Dnd. § V. encore semblant émettre un doute : CA Agen (1re ch. civ.), 3 juin 2020 : RG n° 18/00401 ; arrêt n° 222-20 ; Cerclab n° 8435 (« à supposer que cette clause puisse être qualifiée d'abusive puisqu'elle ne figure pas parmi celles prévues aux articles R. 132-1 et R. 132-2 anciens du code de la consommation »), sur appel de TI Villeneuve-sur-Lot, 2 mars 2018 : RG n° 11-17-0090 ; Dnd.

V. pour un arrêt estimant que la clause « take or pay » d’un contrat de fourniture de gaz, stipulant que, quelle que soit la consommation réelle, le client devra payer, au fournisseur les quantités de gaz non consommées en dessous de l'engagement de consommation déterminé, au prix unitaire moyen de la saison réduit de moitié, au motif erroné que cette clause ne figure pas dans la liste des clauses présumées abusives par le décret de 2009. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 15 mars 2019 : RG n° 17/13193 ; Cerclab n° 7720 ; Juris-Data n° 2019-003962 (fourniture de gaz pour l’activité d’une entreprise ayant une forte consommation d’énergie ; N.B. l’arrêt est doublement erroné puisque les textes du code de la consommation n’étaient pas applicables à un contrat incontestablement professionnel et que le fait de ne pas figurer dans la liste des clauses présumées abusives, n’interdit nullement d’établir directement un déséquilibre significatif sur le fondement de l’art. L. 212-1 C. consom.), suite de CA Paris (pôle 5 ch. 11), 25 janvier 2019 : RG n° 17/13193 ; Cerclab n° 7719 (avant dire droit), confirmant l’appréciation juste et pertinente (!) de T. com. Paris, 8 juin 2017 : RG n° 2016039071 ; Dnd

* Portée de l’ancien art. R. 132-2-1 [R. 212-3] C. consom. Lorsque l’ancien art. R. 132-1-1 C. consom. précise que certains alinéas de la liste des clauses noires ou grises ne sont pas applicables à certains contrats, le consommateur conserve la possibilité d’invoquer directement l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. Cette solution est identique dans le cadre de l’art. R. 212-3 C. consom.

Pour l’affirmation explicite de ce principe : l’art. R. 132-2-1 C. consom. disposant que les dispositions des art. R. 132-1, 4° et 6° et R. 132-2 ne s'appliquent pas aux transactions concernant les valeurs mobilières, instruments financiers et autres produits ou services dont le prix est liée aux fluctuation d'un cours, d'un indice ou d'un taux que le professionnel ne contrôle pas, il appartient à l'emprunteur de démontrer le caractère abusif d’une clause d’intérêt variable dans un prêt immobilier. CA Paris (pôle 4 ch. 9, 8 décembre 2016 : RG n° 14/13605 ; Cerclab n° 6646 ; Juris-Data n° 2016-026945, sur appel de TI Paris (1er arrdt), 8 avril 2014 : RG n° 11-13-000372 ; Dnd. § Pour d’autres illustrations : TI Poitiers, 2 avril 2010 : RG n° 11-09-000398 ; site CCA ; Cerclab n° 6995 (examen du caractère abusif d’une clause ne figurant pas dans la liste des anciens art. R. 132-1 et 2 C. consom.).

* Suppression de l’annexe. Cette hypothèse soulève une difficulté. La loi du 4 août 2008 a supprimé l’annexe en droit interne, mais une loi française ne peut supprimer un texte européen et interdire au juge de respecter l’obligation d’interpréter le droit national à la lumière de la directive. Or, dans cette dernière, l’annexe n’a pas été supprimée. Néanmoins, l’introduction de l’annexe restait une faculté que les États pouvaient ou non exercer (V. Cerclab n° 5804), ce qui pourrait inciter à considérer que le législateur français est revenu sur sa position initiale et que toute référence à l’annexe est désormais dépourvue de fondement juridique. Il convient toutefois de rappeler que les États membres doivent, pour atteindre le résultat visé par la directive, offrir des garanties suffisantes que le public pourra en prendre connaissance (CJCE (5e ch.), 7 mai 2002, Commission / Suède : Aff. C-478/99 ; Cerclab n° 4376).

Différence entre clauses abusives et illicites. En principe, une clause illicite est une clause contraire à une disposition d’ordre public, à laquelle les parties ne peuvent déroger. L’application de la sanction n’offre aucun pouvoir d’appréciation au juge, sauf celui de vérifier la contrariété de la clause à la disposition légale à laquelle les parties n’ont pas le droit d’échapper. En un sens, la création d’une liste noire de clauses présumées irréfragablement abusives rapproche la protection contre les clauses abusives de ce dispositif, proximité d’ailleurs implicitement présente dans la formule « et dès lors interdite » utilisée par l’ancien art. R. 132-1 [R.212-1] C. consom. V. d’ailleurs déclarant illicite et non abusive une clause contraire à l’ancien art. R. 132-1-6° C. consom. : TI Thionville, 6 mars 2012 : RG n° 11-10-001471 ; site CCA ; Cerclab n° 6997 (télé-assistance pour personnes âgées). § V. aussi : une disposition de conditions générales qui viole des dispositions légales d'ordre public doit être déclaré illégale, sans qu'il y ait à rechercher si elle constitue une clause abusive. CA Paris (pôle 5, ch. 6), 15 octobre 2010 : RG n° 07/21494 ; Cerclab n° 2989 (convention de compte bancaire), réformant sur la sanction TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 6 novembre 2007 : RG n° 05/09745 ; jugt n° 7 ; Cerclab n° 4162 (clause abusive).

En revanche, les clauses abusives supposent la constatation d’un « déséquilibre significatif » qui oblige à un examen complet du contenu du contrat. La clause peut être réputée non écrite même si elle ne heurte aucune disposition d’ordre public et qu’elle relevait de la liberté contractuelle. Il faut noter que la conformité d’une clause à une disposition supplétive est un indice fort en défaveur du caractère abusif (Cerclab n° 5988 et n° 5989).

En tout état de cause, la constatation qu’une clause ne contredirait pas une disposition d’ordre public ne suffit pas à établir l’absence de déséquilibre. Pour une illustration explicite : est abusive la clause litigieuse qui, même si elle respecte l'article 4-a) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, en ce qu'elle limite le droit du propriétaire d’imposer des visites en vue de la vente ou de la location du bien donné à bail à deux heures par jour, les jours ouvrables, impose un créneau de 17 h. à 19 h. sauf accord contraire, ce qui permet de facto au bailleur d'imposer les visites dans ce créneau en se prévalant systématiquement d'un désaccord de sa part pour une plage horaire différente. TGI Grenoble (4e ch.), 4 novembre 2013 : RG n° 11/02833 ; site CCA ; Cerclab n° 7031 (bail d’habitation proposé par un agent immobilier ; clause modifiée dans une version ultérieure). § V. cep. en sens contraire, erronés : Cass. civ. 3e, 9 juillet 2014 : pourvoi n° 13-21024 ; Cerclab n° 4852 (ayant retenu qu’aucune règle d’ordre public n’interdisait aux parties liées par un contrat de vente en l’état futur d’achèvement de fixer un délai pour agir en réparation des défauts de conformité apparents, la cour d’appel en a exactement déduit que la clause litigieuse n’était pas abusive) - CA Toulouse (1re ch. sect. 1), 13 mai 2013 : RG n° 12/02049 ; arrêt n° 216 ; Cerclab n° 4475 (arrêt affirmant que, le contrat faisant la loi des parties, celle-ci peuvent prévoir des modalités d'action en réparation des défauts de conformité apparents, pourvu qu'elles ne heurtent aucune disposition d'ordre public, ce qui aboutit à confondre clause illicite et abusive), sur appel de TGI Toulouse, 27 mars 2012 : RG n° 09/03418 ; Dnd. § V. aussi pour l’éviction du caractère abusif, sur l’absence de caractère illimité d’une clause de solidarité, alors que la perpétuité relève de l’illicéité. Cass. civ. 3e, 12 janvier 2017 : pourvoi n° 16-10324 ; arrêt n° 37 ; Cerclab n° 6688.

Modification de l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com., devenu l’art. L. 442-1-I-2° C. com. La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a introduit une autre modification fondamentale dans le Code de commerce, en permettant de sanctionner les déséquilibres significatifs lorsqu’ils sont présents, non dans les contrats concernant les consommateurs et le non professionnels, mais dans des contrats conclus entre des partenaires commerciaux. Aux termes de la nouvelle rédaction de l’ancien art. L. 442-6-I-2° de cet article : « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». § Sur cette modification, V. Cerclab n° 6160. § L’ordonnance du 24 avril 2016 a déplacé le texte à l’art. L. 442-1-I-2° C. com. en maintenant cette formulation, mais en supprimant la condition de partenariat commercial.