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CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 3 décembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 3 décembre 2015
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 8e ch. sect. 1
Demande : 14/07122
Date : 3/12/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5422

CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 3 décembre 2015 : RG n° 14/07122

Publication : Jurica

 

Extrait : « Qu'ainsi, en mentionnant au paragraphe 6 des conditions générales de l'offre remise à Monsieur Jean X. une faculté pour le prêteur de suspendre le droit à découvert sans préavis notamment en cas de dégradation sensible de la situation budgétaire de l'emprunteur ou dans le cas où l'emprunteur serait frappé d'une mesure d'interdiction d'émettre des chèques et/ou faisait l'objet d'une inscription au fichier FICP tenu par la Banque de France, la Banque SOLFEA a non seulement remis à son cocontractant une offre non conforme au modèle-type mais aussi aggravé la situation de l'emprunteur et créé une rupture dans l'équilibre des obligations réciproques des parties ;

Que cette stipulation ajoutée aux dispositions du modèle-type est assurément abusive mais l'offre n'est pas conforme aux exigences du Code de la consommation au sens des dispositions de l'article L. 311-10 ancien de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a sanctionné le prêteur en prononçant sa déchéance du droit aux intérêts contractuels, la décision dont appel devant être confirmée de ce chef ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

HUITIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 3 DÉCEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/07122. Jugement (R.G. n° 11-14-0528) rendu le 25 août 2014 par le Tribunal d'Instance de LENS.

 

APPELANTE :

SA BANQUE SOLFEA

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège social : [adresse]

Représentée par Maître Valérie B., avocat au barreau de DOUAI

 

INTIMÉ :

Monsieur Jean X.

de nationalité Française, demeurant : [adresse], ayant été représenté par Maître Jérôme D., avocat au barreau de BÉTHUNE

 

ASSIGNÉS EN REPRISE D'INSTANCE :

Madame X. née Y.

de nationalité Française, demeurant : [adresse], Représentée par Maître D., avocat au barreau de BÉTHUNE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du 19 mai 2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

Monsieur Julien X.

de nationalité Française, demeurant : [adresse], Représenté par Maître Jérôme D., avocat au barreau de BÉTHUNE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro YY du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

Madame Laurence X.

de nationalité Française, demeurant : [adresse], N'a pas constitué avocat

 

DÉBATS à l'audience publique du 10 novembre 2015 tenue par Benoît PETY magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pierre CHARBONNIER, Président de chambre, Benoît PETY, Conseiller, Hélène BILLIERES, Conseiller

ARRÊT RENDU PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Suivant offre préalable acceptée le 4 mars 2009, la SA Banque SOLFEA a accordé à Monsieur Jean X. un crédit utilisable par fractions d'un montant maximum autorisé de 15.000 euros.

Ce concours financier n'étant plus correctement remboursé, la banque prêteuse a adressé à l'emprunteur une mise en demeure de payer selon lettre recommandée avec accusé de réception du 23 décembre 2013, cette mise en demeure valant déchéance du terme.

Par exploit du 24 février 2014, la SA Banque SOLFEA a fait assigner Monsieur Jean X. devant le tribunal d'instance de LENS aux fins de voir condamner l'assigné à lui payer la somme de 15.375,27 euros avec intérêts au taux conventionnel, outre une indemnité de procédure de 400 euros.

Par jugement du 25 août 2014, le tribunal d'instance de LENS a notamment déchu la Banque SOLFEA du droit aux intérêts contractuels, condamné Monsieur Jean X. à payer à l'établissement bancaire poursuivant la somme de 1.619,23 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013, autorisé le débiteur à se libérer de sa dette en neuf mensualités de 180 euros chacune, la dernière étant majorée des intérêts et frais restant dus à cette date, enfin condamné Monsieur X. à verser à la banque demanderesse une indemnité de procédure de 300 euros, les parties étant déboutées de leurs plus amples prétentions.

La SA Banque SOLFEA a interjeté appel de cette décision. Elle demande à la cour de dire n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts, de condamner en conséquence Monsieur Jean X. à lui payer la somme de 15.375,27 euros avec intérêts au taux de 9,49 % l'an sur la somme de 14.131,36 euros à compter du 13 décembre 2013, outre une indemnité de procédure de 1.200 euros, la décision entreprise devant être confirmée pour le surplus.

La banque poursuivante s'en rapporte sur l'existence ou non d'une clause qui pourrait être considérée comme abusive ou contraire au modèle-type de l'article R. 311-11 du Code de la consommation mais en aucune manière il ne peut être considéré que l'existence de cette clause est de nature à engendrer la déchéance du droit aux intérêts. La Banque SOLFEA précise que la sanction d'une clause abusive réside dans le fait qu'elle est réputée non écrite conformément à l'article L. 132-1 du Code de la consommation. En outre, la suspension du contrat a été prononcée en l'espèce en raison de la défaillance du débiteur dans ses remboursements, ce qui n'était d'ailleurs pas contesté devant le premier juge. Il n'était donc pas question d'une dégradation sensible de la situation budgétaire de l'emprunteur ou de l'inscription de l'emprunteur au fichier des incidents de paiement.

* * *

Madame Brigitte Y. veuve X. et Monsieur Julien X., qui viennent aux droits de Monsieur Jean X., décédé le 25 décembre 2014, sollicitent la confirmation de la décision entreprise tout en s'opposant aux prétentions de la banque dont ils demandent la condamnation à leur verser une indemnité de procédure de 1.000 euros.

Les défendeurs exposent que l'offre de crédit prévoit la suspension de la faculté d'utilisation du crédit sans préavis notamment en cas de dégradation sensible de la situation budgétaire de l'emprunteur ainsi que lorsque ce dernier est frappé d'une mesure bancaire ou judiciaire d'interdiction d'émettre des chèques et/ou fait l'objet d'une inscription au FICP tenu par la Banque de France. Il s'agit là d'occurrences qui ne sont pas reprises dans le modèle-type et qui mettent à la charge de l'emprunteur des obligations supplémentaires ou qui réduisent ses droits. Cela caractérise un manquement aux dispositions de l'article L. 311-10 du Code de la consommation qui est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts conformément à l'article L. 311-33 dudit code.

Dans la mesure où Monsieur Jean X. a emprunté la somme totale de 29.960 euros et qu'il a réglé celle de 28.340,77 euros, il n'est dû à la banque prêteuse qu'une somme de 1.619,23 euros.

Madame Laurence X. a été assignée devant la cour par exploit déposé le 18 février 2015 en l'étude de l'huissier instrumentaire. L'assignée n'ayant pas constitué avocat, il importera de statuer en la cause par décision prononcée par défaut.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Sur la déchéance du prêteur du droit aux intérêts :

Attendu que l'article L. 311-33 ancien du Code de la consommation énonce que « le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. […] » ;

Que l'article L. 311-13 ancien dudit code dispose que « l'offre préalable est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l'un des modèles-types fixés par le comité de règlementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation » ;

Que le modèle-type n°3 annexé à l'article R. 311-6 ancien du Code de la consommation n'envisage au paragraphe 5.1 (exécution du contrat) que la défaillance de l'emprunteur dans les remboursements comme cause de déchéance du terme et d'exigibilité anticipée et immédiate des sommes dues au prêteur ;

Qu'ainsi, en mentionnant au paragraphe 6 des conditions générales de l'offre remise à Monsieur Jean X. une faculté pour le prêteur de suspendre le droit à découvert sans préavis notamment en cas de dégradation sensible de la situation budgétaire de l'emprunteur ou dans le cas où l'emprunteur serait frappé d'une mesure d'interdiction d'émettre des chèques et/ou faisait l'objet d'une inscription au fichier FICP tenu par la Banque de France, la Banque SOLFEA a non seulement remis à son cocontractant une offre non conforme au modèle-type mais aussi aggravé la situation de l'emprunteur et créé une rupture dans l'équilibre des obligations réciproques des parties ;

Que cette stipulation ajoutée aux dispositions du modèle-type est assurément abusive mais l'offre n'est pas conforme aux exigences du Code de la consommation au sens des dispositions de l'article L. 311-10 ancien de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a sanctionné le prêteur en prononçant sa déchéance du droit aux intérêts contractuels, la décision dont appel devant être confirmée de ce chef ;

 

Sur la créance principale de la Banque SOLFEA :

Attendu qu'en considération de la déchéance du droit aux intérêts précédemment retenue à l'égard de la banque prêteuse, la créance de cette dernière au titre du prêt consiste à arrêter le montant total des sommes prêtées à Monsieur Jean X. et à en déduire tous les règlements assurés par l'intéressé ;

Que l'examen de l'historique de compte communiqué par la banque établit que Monsieur X. a réalisé des achats à raison de 33.219,77 euros ;

Que Monsieur X. a procédé au règlement effectif d'une somme totale de 27.986,21 euros (en comptant le versement des 180 euros le 12 mai 2014 comme il résulte du relevé bancaire versé aux débats en pièce n°3), ce qui fait apparaître une créance définitive de la Banque SOLFEA à l'égard des consorts X.-Y. de 5.233,56 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2013, date de la mise en demeure de payer adressée à Monsieur Jean X. ;

Que le jugement dont appel sera en cela réformé ;

 

Sur les délais de paiement :

Attendu que les délais de paiement tels qu'accordés par le premier juge à Monsieur Jean X. ne peuvent être maintenus dans les limites retenues dès lors que le montant de la créance de la banque est supérieur à celui arrêté en première instance ;

Qu'il y a donc lieu de dire que les consorts X.-Y. seront autorisés à se libérer de leur dette envers la Banque SOLFEA en 24 mensualités successives de 180 euros chacune, la dernière mensualité étant augmentée du solde de créance tant au titre du capital que des intérêts légaux ;

Que la décision entreprise sera aussi réformée de ce chef ;

 

Sur les frais irrépétibles :

Attendu que l'équité justifie l'indemnité de procédure arrêtée en première instance de sorte que le jugement dont appel sera à ce titre confirmé ;

Que cette considération ne commande cependant pas de fixer en cause d'appel au profit de l'une ou l'autre des parties une quelconque indemnité pour frais irrépétibles, chacune étant déboutée de sa prétention à cette fin ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par défaut ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celles relatives à la créance principale de la Banque SOLFEA et aux mensualités des délais de paiement ;

Réformant et prononçant à nouveau de ces deux chefs,

Condamne solidairement Madame Brigitte Y. veuve X., Madame Laurence X. et Monsieur Julien X. à payer à la SA Banque SOLFEA, au titre du crédit renouvelable du 4 mars 2009, la somme de 5.233,56 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2013 ;

Autorise les débiteurs de cette somme à se libérer de leur dette en 24 mensualités de 180 euros chacune, la dernière mensualité soldant en outre définitivement la dette tant au titre du capital que des intérêts légaux ;

Y ajoutant,

Déboute chaque partie de sa demande d'indemnité de procédure en cause d'appel ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel.

LE GREFFIER,                    LE PRÉSIDENT,

A. DESBUISSONS               P. CHARBONNIER