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CA ROUEN (ch. prox.), 19 novembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (ch. prox.), 19 novembre 2015
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA), ch. proxim.
Demande : 14/04277
Date : 19/11/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 2/09/2014
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2015-028539
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5429

CA ROUEN (ch. prox.), 19 novembre 2015 : RG n° 14/04277 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il convient de considérer en premier lieu que faire assurer et immatriculer le véhicule sont des obligations légales, indépendantes du mode de paiement de ce véhicule. Les conditions d'exercice de la clause de réserve de propriété, prévoient que l'acheteur ne détient qu'un droit d'usage et de jouissance du bien financé dont il a la garde juridique, c'est à ce titre qu'il s'engage à faire assurer et à immatriculer le véhicule à son nom. L'immatriculation du véhicule ne fait jamais preuve de la propriété d'un véhicule. Dès lors, il n'y a aucune irrégularité dans le fait que ce soit l'utilisateur d'un bien acquis avec une clause de réserve de propriété qui immatricule le véhicule sur le plan administratif et la transmission du numéro d'immatriculation au prêteur n'est nullement illicite mais permet l'inscription du gage lorsqu'il est prévu un, ou l'application de la clause de réserve de propriété en cas de non paiement.

Le gage comme la réserve de propriété, sûretés légales, sont des droits bénéficiant au vendeur d'un bien et donc des obligations qui peuvent être imposées à l'acquéreur par le vendeur non des obligations relevant du contrat de prêt, transmises au prêteur par application de la subrogation conventionnelle de l'article 1250 du code civil, compte-tenu de la nature particulière du crédit en l'espèce accessoire à une vente. La commission des clauses abusives, dans un avis de juin 2005 relatif aux contrats de crédit affecté, a estimé que la clause de réserve de propriété assortie d'une stipulation organisant la subrogation du prêteur dans les droits du vendeur n'était pas abusive « ces clauses bien que ne permettant pas au consommateur de présenter un acheteur susceptible de faire une offre d'achat plus satisfaisante, expriment le droit commun de la propriété sans créer de déséquilibre significatif à son détriment ». L'avis délivré pour la clause de réserve de propriété peut être appliqué au gage.

Outre que, en l'espèce, les dispositions relatives au gage n'étaient pas applicables du fait de la stipulation d'une clause de réserve de propriété, les emprunteurs avaient expressément consenti à la subrogation, en s'obligeant à restituer le véhicule à la demande de la société Crédipar tant que le prêt n'était pas intégralement remboursé, le prix de ce véhicule a été déduit des sommes réclamées, il convient de considérer que ces obligations, qui relèvent de la vente accessoire au prêt, n'aggravent pas la situation de l'emprunteur, il n'a pas lieu à déchéance du droit aux intérêts et le jugement sera infirmé. »

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/04277. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du TRIBUNAL D'INSTANCE DE DIEPPE du 4 décembre 2013.

 

APPELANTE :

SA CREDIPAR

Représentée par Maître Marie-Christine COUPPEY, avocat au barreau de ROUEN

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

N'ayant pas constitué avocat bien que l'appel ait été régulièrement signifié par acte d'huissier en date du 27 octobre 2014

Madame Y. épouse X.

N'ayant pas constitué avocat bien que l'appel ait été régulièrement signifié par acte d'huissier en date du 27 octobre 2014

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 septembre 2015 sans opposition des avocats devant Madame POITOU, Conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BRYLINSKI, Président, Madame LABAYE, Conseiller, Madame POITOU, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme NOEL-DAZY, Greffier

DÉBATS : A l'audience publique du 21 septembre 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 5 Novembre 2015 date à laquelle le délibéré a été prorogé pour être rendu ce jour

ARRÊT : Par défaut, Prononcé publiquement le 19 novembre 2015, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, Signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte sous-seing privé du 22 novembre 2010, la société Crédipar a consenti à M. X. et Mme Y. épouse X. un prêt destiné à financer l'acquisition d'un véhicule Peugeot d'un montant de 20.000 euros remboursable en 60 mensualités, au taux de 7,54 % et avec un taux effectif global 8,94 %.

Les emprunteurs ont cessé les remboursements à compter du 5 septembre 2011, ils ont été mis en demeure d'avoir à payer les sommes restant dues et de restituer le véhicule par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 21 novembre 2011.

Par ordonnance du 20 janvier 2012, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Rouen a autorisé la société Crédipar à appréhender le véhicule qui restait lui appartenir en vertu de la clause de réserve de propriété insérée au contrat.

Le véhicule a été restitué le 13 décembre 2012 et vendu le 22 avril 2013.

Le 8 août 2013, la société Crédipar a fait assigner M. et Mme X. en paiement solidaire de la somme de 7.710,99 euros outre les intérêts au taux contractuel à compter du jour de la mise en demeure jusqu'à parfait paiement.

Par jugement en date du 4 décembre 2013, le tribunal d'instance de Dieppe a :

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Crédipar au titre du prêt souscrit par M. X. et Mme Y. épouse X. le 22 novembre 2010, à compter de cette date

- condamné solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Crédipar la somme de 933,44 euros au titre du prêt du 22 novembre 2010, sous déduction à venir des intérêts au taux légal dus par le prêteur

- rappelé qu'en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation les intérêts réglés à tort par M. X. et Mme Y. épouse X. produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement et viennent en déduction de la somme due au prêteur

- dit que la somme due par M. X. et Mme Y. épouse X. sera en conséquence réduite du montant des intérêts au taux légal sur les intérêts perçus par le prêteur à compter du jour de leur versement, à charge pour la société Crédipar de procéder à ce calcul avant mise à exécution de la décision

- rejeté la demande de délais de paiement

- ordonné l'exécution provisoire de la décision

- condamné in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. aux entiers dépens.

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, le tribunal a considéré que le contrat contenait des clauses aggravant la situation des débiteurs par rapport au modèle-type, notamment la constitution en gage du véhicule acquis, l'obligation de le faire immatriculer et de communiquer ces informations au prêteur.

La société Crédipar a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe en date du 2 septembre 2014.

Dans ses dernières écritures en date du 1er décembre 2014, elle demande à la cour de :

- recevoir l'appel, le déclarer bien fondé

En conséquence :

- condamner M. et Mme X. à lui payer une somme de 7.710,99 euros outre les intérêts au taux contractuel à compter du jour de la mise en demeure jusqu'à parfait paiement.

- condamner M. et Mme X. à lui payer une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700

- condamner M. et Mme X. en tous les dépens de première instance et d'appel.

La société Crédipar soutient qu'il est de jurisprudence constante que la clause par laquelle le vendeur du véhicule transmet au prêteur le bénéfice de sa réserve de propriété sur le véhicule vendu ne constitue pas une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, ce qu'a confirmé un avis de la Commission des clauses abusives du 23 juin 2005 relatif à une clause de réserve de propriété insérée dans un contrat de crédit à la consommation, tous éléments transposables au gage. Le gage et les obligations d'assurances et d'immatriculation qui en sont le corollaire constituent des garanties de paiement pour le prêteur en cas de défaillance par l'emprunteur dans le remboursement du prêt. Ces stipulations expriment le droit commun du prêt sans créer de déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur. Elles peuvent donc figurer dans l'offre de prêt en complément des clauses prévues dans le modèle type. Le tribunal a donc, à tort, prononcé la déchéance du droit aux intérêts.

M. X. et Mme Y. épouse X. n'ont pas constitué avocat, la société Crédipar leur a fait signifier sa déclaration d'appel par actes des 27 octobre 2014 remis en l'étude de l'huissier et ses conclusions par actes du 4 décembre 2014, remis à personne.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

En application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, le préteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur tenu au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les articles L. 311-13 et R.311-6 du même code précisent que l'offre préalable est établie selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire et correspondant à l'opération de crédit proposée.

Par acte sous-seing privé du 22 novembre 2010, la société Crédipar a consenti à M. X. et Mme Y. épouse X. un prêt destiné à financer l'acquisition d'un véhicule Peugeot, prêt d'un montant de 20.000 euros remboursable en 60 mensualités. La déchéance du terme a été prononcée, le véhicule a été appréhendé par la société Crédipar qui en était restée propriétaire, il a été vendu, le prix de venté étant déduit des sommes réclamées aux époux X. au titre du solde des sommes dues au titre du contrat résilié.

Le contrat contenait une clause (II-7 a et b) selon laquelle, a) si l'emprunteur acheteur est devenu propriétaire du véhicule acheté, il doit le constituer en gage au prêteur qui pourra ou non inscrire le gage en préfecture, et b) si le transfert de propriété du véhicule acheté est différé jusqu'à son paiement, le prêteur pourra exiger d'être subrogé dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété du bien sur un document spécifique mentionnant les conditions auxquelles les parties se soumettent, ce qui a été le cas en l'espèce, une clause spécifique « Stipulation d'une clause de réserve de propriété avec subrogation au profit de Crédipar », les conditions et la mise en jeu de cette clause étant détaillées et signées des acheteurs, du vendeur la société SCA Normandie concessionnaire Peugeot et de la société Crédipar. Il en résulte que la société Crédipar était conventionnellement et régulièrement subrogée dans les droits que le vendeur détenait sur l'acquéreur à l'instant du paiement effectué par elle au profit de ce vendeur et donc bénéficie de la clause de réserve de propriété jusqu'à complet remboursement du crédit consenti.

Le contrat prévoit également II-7 c que, dans les deux cas (gage ou réserve de propriété) l'acheteur doit faire assurer le véhicule, qu'il doit le faire immatriculer et communiquer le numéro au prêteur, le juge d'instance a considéré qu'il s'agissait de constitutions de garanties et de contraintes pour l'emprunteur, non prévues par le modèle type, lequel ne prévoit pas de limiter la possibilité pour l'emprunteur de donner le véhicule en gage à un autre créancier, ou de le revendre immédiatement, tant qu'il règle les mensualités, le juge a estimé que la clause aggravait la situation de l'emprunteur par rapport au modèle type et a prononcé une déchéance du droit aux intérêts.

Il convient de considérer en premier lieu que faire assurer et immatriculer le véhicule sont des obligations légales, indépendantes du mode de paiement de ce véhicule. Les conditions d'exercice de la clause de réserve de propriété, prévoient que l'acheteur ne détient qu'un droit d'usage et de jouissance du bien financé dont il a la garde juridique, c'est à ce titre qu'il s'engage à faire assurer et à immatriculer le véhicule à son nom. L'immatriculation du véhicule ne fait jamais preuve de la propriété d'un véhicule. Dès lors, il n'y a aucune irrégularité dans le fait que ce soit l'utilisateur d'un bien acquis avec une clause de réserve de propriété qui immatricule le véhicule sur le plan administratif et la transmission du numéro d'immatriculation au prêteur n'est nullement illicite mais permet l'inscription du gage lorsqu'il est prévu un, ou l'application de la clause de réserve de propriété en cas de non paiement.

Le gage comme la réserve de propriété, sûretés légales, sont des droits bénéficiant au vendeur d'un bien et donc des obligations qui peuvent être imposées à l'acquéreur par le vendeur non des obligations relevant du contrat de prêt, transmises au prêteur par application de la subrogation conventionnelle de l'article 1250 du code civil, compte-tenu de la nature particulière du crédit en l'espèce accessoire à une vente. La commission des clauses abusives, dans un avis de juin 2005 relatif aux contrats de crédit affecté, a estimé que la clause de réserve de propriété assortie d'une stipulation organisant la subrogation du prêteur dans les droits du vendeur n'était pas abusive « ces clauses bien que ne permettant pas au consommateur de présenter un acheteur susceptible de faire une offre d'achat plus satisfaisante, expriment le droit commun de la propriété sans créer de déséquilibre significatif à son détriment ». L'avis délivré pour la clause de réserve de propriété peut être appliqué au gage.

Outre que, en l'espèce, les dispositions relatives au gage n'étaient pas applicables du fait de la stipulation d'une clause de réserve de propriété, les emprunteurs avaient expressément consenti à la subrogation, en s'obligeant à restituer le véhicule à la demande de la société Crédipar tant que le prêt n'était pas intégralement remboursé, le prix de ce véhicule a été déduit des sommes réclamées, il convient de considérer que ces obligations, qui relèvent de la vente accessoire au prêt, n'aggravent pas la situation de l'emprunteur, il n'a pas lieu à déchéance du droit aux intérêts et le jugement sera infirmé.

La société Crédipar produit l'offre préalable du 22 novembre 2010, le tableau d'amortissement, l'historique des règlements, les lettres recommandées avec demande d'avis de réception de déchéance du terme et mise en demeure du 21 novembre 2011, la procédure devant le juge de l'exécution, le justificatif de la vente du véhicule pour 15.200 euros, le décompte de sa créance.

Selon l'article L. 311-32 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 311-29 à L. 311-31 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévue par ces articles, la société Crédipar sera déboutée de sa demande pour frais taxables. En outre, seule l'indemnité de 8% sur le capital est dûe aux termes du contrat.

La société Crédipar réclame dans son décompte les intérêts sur les échéances impayées et le capital restant dû jusqu'au 28 juin 2013, elle ne peut réclamer à nouveau dans ses conclusions les intérêts sur les sommes depuis la mise en demeure.

Il en résulte que la créance s'établit ainsi :

- échéances impayées : 3.383,24

- capital restant dû : 16.079,22

total : 19.462,46

- intérêts sur les échéances impayées et

le capital arrêtés au 28/06/2013 : 1.512,10

- indemnité contractuelle de 8 % du capital restant dû

article 5 du contrat :16.079,22 euros x : 1.286,34

- déduction du prix de vente : - 15.200,00

solde : 7.060,90 euros.

Les époux X. seront condamnés solidairement à payer à la société Crédipar la somme de 7.060,90 euros avec intérêts à compter du 29 juin 2013 au taux légal sur la somme de 1.286,34 euros et au taux contractuel au taux de 7,54 % sur le surplus.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance ; en cause d'appel les époux X. supporteront les dépens et devront verser à la société Crédipar une indemnité de procédure que l'équité commande de fixer à la somme de 600 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt par défaut,

Infirme le jugement rendu le 4 décembre 2013 par le tribunal d'instance de Dieppe sauf en ce qu'il a condamné in solidum les époux X. aux dépens ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Crédipar la somme de 7.060,90 euros avec intérêts à compter du 29 juin 2013 au taux légal sur la somme de 1.286,34 euros et au taux contractuel au taux de 7,54 % sur le surplus ;

Condamne in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Crédipar la somme de 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens de la procédure d'appel.

Le Greffier                Le Président