CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 8 octobre 2015

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 8 octobre 2015
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 14/09638
Date : 8/10/2015
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5434

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 8 octobre 2015 : RG n° 14/09638

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant qu'en tout état de cause, il apparaît qu'aucune information précontractuelle sur les formalités administrative de franchissement des frontières n'était due à l'acheteur en raison de la nationalité étrangère déclarée par lui de son fils ;

Considérant que c'est le code du tourisme lui-même qui ne met à la charge de l'agence de voyage une obligation d'information sur les conditions administratives franchissement des frontières qu'au profit des ressortissants des nationalités des pays de l'Union européenne ; que la disparité de traitement entre les voyageurs européens et ceux qui ne le sont pas est justifié par la difficulté de connaître les règles imposées à leurs ressortissants par de nombreux pays ; que la reprise de cette règle par le contrat qui dispose que « Côté Croisière » décline toute responsabilité en cas de non présentation des documents requis par les autorités lors de l'embarquement ne saurait constituer une clause abusive dès lors qu'elle est opposée à un voyageur ressortissant d'un pays qui, comme la Russie, n'appartient pas à l'Union européenne ou à un Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ;

Qu'en effet, l'article R. 132-1-6° du code de la consommation invoqué par monsieur X. vise les clauses qui tendent à supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par non-professionnel ou le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations, alors que l'obligation de renseigner une personne qui n'appartient pas à l'Union européenne ou à un Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen sur les formalités administratives de franchissement des frontières ne pèse pas sur l'agence de voyage ;

Considérant en définitive que l'acheteur n'ayant pas fait état de la double nationalité de son fils, lequel n'est pas inscrit sur le passeport de son père, n'avait pas à recevoir une information qui n'est pas due pour les ressortissants de nationalité russe, seule nationalité déclarée à l'agence de voyage ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 8 OCTOBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/09638. Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 mars 2014 - Tribunal d'Instance de PARIS (75008) - R.G. n° 11-13-000537

 

APPELANT :

Monsieur X.

le [date] à [ville] ; Représenté par et assisté de Maître Jean-François S. de la SELAS Jean-François S., avocat au barreau de PARIS, toque : A0200

 

INTIMÉE :

SAS BLUE PASSION

exerçant sous l'enseigne COTE CROISIÈRE, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° XXX, agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège ; Représentée par Maître Pascale F., avocat au barreau de PARIS, toque : K0090 ; Assistée de Maître Franck B., avocat au barreau de PARIS, toque : G 179

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 2 septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Président de chambre, Mme Patricia GRASSO, Conseillère, Madame Françoise JEANJAQUET, Conseillère, qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Catherine MAGOT

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Jean-Pierre GIMONET, président et par Madame Catherine MAGOT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Monsieur X. a commandé le 29 juin 2012 à la société Blue Passion, exerçant sous l'enseigne Côté Croisière un séjour pour ses deux enfants issus d'une précédente union, son épouse, de nationalité russe, et leur fils ;

Le 20 juillet 2012, monsieur X. s'est heurté à un refus d'embarquement à bord du navire de croisière de son plus jeune fils au motif que cet enfant, était titulaire d'un passeport russe et ne disposait pas d'une autorisation de séjour ; il a dû renoncer à son voyage ;

Saisi par monsieur X. d'une demande d'indemnisation, le tribunal d'instance du 8e arrondissement de Paris a, par jugement du 25 mars 2014, débouté ce dernier de ses demandes et l'a condamné à payer à la société Blue Passion la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

 

Monsieur X. a relevé appel de cette décision et, par conclusions déposées le 1er septembre 2015, a demandé à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- de condamner la société Blue Passion à lui verser la somme de 1.876 euros en remboursement du prix de la croisière non effectuée, outre les intérêts au taux légal majoré à compter du 14 août 2012 ;

- de condamner la société Blue Passion à lui verser la somme de 1.680,71 euros en remboursement des frais supplémentaires engagés, outre les intérêts au taux légal majoré à compter du 14 août 2012 ;

- de condamner la société Blue Passion à lui verser la somme de 600 euros à titre de dommages intérêts pour la perte de son bagage, outre les intérêts au taux légal majoré à compter du 14 août 2012 ;

- de condamner la société Blue Passion à lui verser la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral, outre les intérêts au taux légal majoré à compter du 14 août 2012 ;

- de dire que les intérêts dus au moins pour une année entière échus sur cette somme produiront à leur tour intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

- d'ordonner à la société Blue Passion, sous le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, de supprimer de ses contrats les clauses illicites et abusives susvisées, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

- d'ordonner à la société Blue Passion de publier sur son site internet (www.cote-croisiere.com) l'arrêt à intervenir ;

- d'enjoindre à la société Blue Passion d'adresser à l'ensemble de ses clients antérieurs au prononcé de l'arrêt à intervenir et soumis au même contrat de réservation, sous le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, copie du dispositif par courrier électronique, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

- de condamner la société Blue Passion à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

 

La société Blue Passion a demandé à la cour, par conclusions déposées le 24 août 2015 :

- de confirmer le jugement ;

- de débouter monsieur X. de toutes ses demandes ;

- de condamner monsieur X. à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2012 ;

- de condamner monsieur X. à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

À l'audience, avant le déroulement des débats, à la demande de l'avocat de monsieur X. et avec l'accord de l'avocat de la société Blue Passion, l'ordonnance de clôture rendue le 1er septembre 2015 a été révoquée et la procédure a été à nouveau immédiatement clôturée ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Considérant que, le 29 juin 2012, monsieur X. a réservé auprès de la société Blue Passion pour lui-même, ses fils et son épouse un séjour de 12 jours consistant en une croisière à effectuer du 30 juillet 2012 au 12 août 2012 ;

Que, le 20 juillet 2012, il a été refusé l'embarquement à bord du navire de croisière de son plus jeune fils, titulaire d'un passeport russe et démuni de titre de séjour ; que madame X., de nationalité russe, disposait d'un passeport russe et du visa requis ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-16 du code du tourisme invoqué par monsieur X., l'agence de voyage organisatrice de voyages ou de séjours est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, sauf à apporter la preuve que l'inexécution du contrat est imputable soit au fait de l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure ;

Considérant que monsieur X. invoque le manquement de la société Blue Passion à son obligation préalable d'information et de conseil définie par l'article L. 211-8 du code du tourisme comprenant notamment une information sur les conditions de franchissement des frontières ;

Qu'il se prévaut plus précisément des dispositions de l'article R. 211-4 du code du tourisme selon lequel, préalablement à la conclusion du contrat, le vendeur doit communiquer au consommateur les informations sur les éléments constitutifs des prestations fournies à l'occasion du voyage ou du séjour tels que :

« 5° Les formalités administratives et sanitaires à accomplir par les nationaux ou par les ressortissants d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen en cas notamment de franchissement des frontières ainsi que leurs délais d'accomplissement » ;

Considérant que, lors de la réservation, monsieur X. a fait état de la possession par son épouse d'un passeport russe et par son fils Stéphane d'un passeport russe ZZ ;

Considérant qu'il n'apparaît pas que monsieur X. ait précisé que son fils Stéphane disposait de la double nationalité, russe et française ; qu'il ne peut être reproché à l'agence de voyage de n'avoir pas déduit à la lecture du lieu de naissance figurant sur le passeport russe que l'enfant pouvait être aussi français ;

Que pour l'hypothèse d'un mineur français, il apparaît que le contrat de réservation précise que le mineur de moins de 15 ans doit être enregistré sur le passeport de l'un de ses parents ou être en possession de son propre passeport ;

Considérant que le contrat de réservation précise qu'il est de la responsabilité des passagers de nationalité étrangère de se retourner vers la préfecture, l'ambassade ou le consulat de leur nationalité afin de prendre connaissance des formalités requises pour les divers pays qu'ils traverseront durant leur croisière ;

Que cette disposition contractuelle apparaît conforme aux dispositions de l'article R. 211-4-5° du code du tourisme précitées qui ne prévoient pas d'obligation d'information quant aux formalités administratives requises d'un ressortissant d'un pays qui, comme la Russie, n'appartient pas à l'Union européenne ou à un Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ;

Que cette disposition figure dans le contrat de vente du 29 juin 2012 et non pas les conditions générales de vente (établies à une date postérieure) ;

Considérant qu'en tout état de cause, il apparaît qu'aucune information précontractuelle sur les formalités administrative de franchissement des frontières n'était due à l'acheteur en raison de la nationalité étrangère déclarée par lui de son fils ;

Considérant que c'est le code du tourisme lui-même qui ne met à la charge de l'agence de voyage une obligation d'information sur les conditions administratives franchissement des frontières qu'au profit des ressortissants des nationalités des pays de l'Union européenne ; que la disparité de traitement entre les voyageurs européens et ceux qui ne le sont pas est justifié par la difficulté de connaître les règles imposées à leurs ressortissants par de nombreux pays ; que la reprise de cette règle par le contrat qui dispose que « Côté Croisière » décline toute responsabilité en cas de non présentation des documents requis par les autorités lors de l'embarquement ne saurait constituer une clause abusive dès lors qu'elle est opposée à un voyageur ressortissant d'un pays qui, comme la Russie, n'appartient pas à l'Union européenne ou à un Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ;

Qu'en effet, l'article R. 132-1-6° du code de la consommation invoqué par monsieur X. vise les clauses qui tendent à supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par non-professionnel ou le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations, alors que l'obligation de renseigner une personne qui n'appartient pas à l'Union européenne ou à un Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen sur les formalités administratives de franchissement des frontières ne pèse pas sur l'agence de voyage ;

Considérant en définitive que l'acheteur n'ayant pas fait état de la double nationalité de son fils, lequel n'est pas inscrit sur le passeport de son père, n'avait pas à recevoir une information qui n'est pas due pour les ressortissants de nationalité russe, seule nationalité déclarée à l'agence de voyage ;

Qu'en France, il incombe normalement au double national de se prévaloir de sa nationalité française ;

Considérant qu'à l'évidence il n'appartient pas au consul d'un pays étranger de délivrer un titre de séjour français qui ne peut d'ailleurs concerner un ressortissant français ;

Considérant par ailleurs qu'il résulte d'une attestation postérieure du consul général de la Fédération de Russie qu'il a « délivré à l'enfant S. X. un passeport de voyage qui lui permettait de se rendre avec sa mère, de nationalité russe, vers les destinations de Marmaris (Turquie), Limassol (Chypre), Haïfa (Israël). » ;

Considérant que cette attestation laisse entendre que l'enfant pouvait se dispenser de visa ;

Qu'en tout état de cause, le refus d'embarquer, imprévisible et insurmontable, émane des autorités de police de Gènes, tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, lesquelles ont exigé une autorisation de séjour pour un enfant qu'elles ne connaissaient que sous sa seule nationalité russe au vu de son passeport ;

Qu'il convient donc, l'inexécution du contrat n'étant pas imputable à l'agence de voyage mais à l'acheteur et à un tiers, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté monsieur X. de ses demandes au titre de la non réalisation de son voyage ;

Considérant que monsieur X. demande l'allocation d'une somme de 600 euros à titre de dommages-intérêts devant compenser la non restitution par la société Blue passion d'une partie de ses bagages ;

Mais considérant que monsieur X. ne rapporte aucune preuve de son allégation ; qu'il se dispense même de préciser la nature du ou des bagages qui ne lui auraient pas été restitués ; qu'il ne peut qu'être débouté d'une telle demande ;

Considérant que la société Blue Passion sollicite l'allocation de dommages-intérêts sans caractériser l'existence d'un préjudice déterminé ; qu'il convient de la débouter de cette demande ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour

Confirme le jugement du tribunal d'instance du 8ème arrondissement de Paris du 25 mars 2014 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déboute monsieur X. de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non restitution de bagages ;

Déboute monsieur X. de toutes ses demandes ;

Déboute la société Blue Passion de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne monsieur X. aux dépens d'appel devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT