CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 25 novembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 5440
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 25 novembre 2015 : RG n° 12/07175
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que la nullité du contrat est invoquée par Crystaline pour vice du consentement, pour avoir comporté des obligations entrainant un déséquilibre dans les droits et obligations des parties,
Mais considérant toutefois que rien ne permet de constater un quelconque vice du consentement de la société Crystaline qui ne s'explique pas sérieusement sur ce point ; Considérant que la cession portait sur des formules que BF avait élaborées, et si Crystaline a payé « toutes les étapes de cette élaboration », il n'en demeure pas moins qu'elle ne les a pas réalisées et qu'elle ne saurait soutenir qu'elle en est propriétaire ; que le prix de cession de un Euros a toutefois pris en compte les financements qu'elle a supportés ; que l'engagement n'était pas sans contrepartie ; Considérant en outre qu’il est constant que lors de la signature du contrat, la société Crystaline était débitrice depuis de nombreux mois envers la société BF ; que s'engager à honorer son obligation de paiement et à produire des commandes pendant trois années en collaboration avec BF pour réparer le risque financier couru par BF ne peut constituer, pour elle, des obligations disproportionnées par rapport à l'ensemble des obligations des parties au contrat ; qu’il ne va de même du fait de subordonner au paiement de ses dettes avant une certaine date le transfert de la propriété des formules ; Considérant également que les parties avaient transigé en faisant des concessions réciproques à la suite du défaut de certains lots produits en 2008, BF faisant un avoir, Crystaline renonçant à engager une procédure ; que la société Crystaline ne justifie pas en quoi une telle disposition serait léonine,
Considérant que le contrat est valable, que la société Crystaline sera déboutée de ses demandes à ce titre ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/07175 (12 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 mars 2012 -Tribunal de Commerce de CRETEIL- 1ère chambre - R.G. n° 2011F00627.
APPELANTE :
SARL CRYSTALINE PRODUCTION
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125, Assistée de Maître Marie DE DROUÂS, avocat au barreau de PARIS, toque : C110
INTIMÉE :
SARL LABORATOIRE BF INTERNATIONAL
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334, Assistée de Maître Karine MELCHER-VINCKEVLEUGEL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN702
PARTIES INTERVENANTES :
Maître BARONNIE Gilles ès qualités d'administrateur judiciaire de la société CRYTALINE PRODUCTION
Non Représenté
Maître PELLEGRINI Gilles ès qualités de mandataire judiciaire de la société CRYSTALINE PRODUCTION
Représenté par Maître Marie DE DROUÂS, avocat au barreau de PARIS, toque : C110
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 octobre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, chargée du rapport et Mme Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, rédacteur, Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, Mme Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY
ARRÊT : - réputé contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Françoise COCCHIELLO, présidente et par Monsieur Vincent BREANT, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La SARL LABORATOIRE BF INTERNATIONAL (Laboratoire BF) créée en 1994 a pour activité le développement, la fabrication, la commercialisation et l'importation de produits cosmétiques, d'hygiène et diététique. Elle est titulaire d'un certain nombre de brevets.
La SARL CRYSTALINE PRODUCTION (Crystaline) créée en 2005 a pour activité l'achat, la distribution sous toutes ses formes de produits corporels, de vêtements, chaussures, de lunettes, d'articles de sport et de loisirs distribue ; elle distribue sa marque propre Sunpass en France et à l'étranger.
Ces deux sociétés entretiennent depuis plusieurs années des relations commerciales.
Le 15 octobre 2009, la SARL LABORATOIRE BF I et la SARL CRYSTALINE ont signé un accord de cession de droit de propriété de formules cosmétiques selon lequel la société BF lui cédait l'intégralité de ses droits de propriété et de jouissance sur les formules des produits fabriqués pour la marque Sun Pass Expert Mountain moyennant la somme de un Euro. La société CRYSTALINE qui avait connu des difficultés financières en 2009, reconnaissait dans cet acte avoir une « créance » (il s'agit en fait une dette) de 11.9630,60 Euros dans les livres de la société BF outre l'intérêt de retard, s'engageait à régler au 30 novembre 2009 à la société LABORATOIRE BF les arriérés qu'elle lui devait (11.9630,60 Euros) outre les intérêts de retard ainsi que la totalité des sommes dues au titre des travaux et productions de l'année 2009, et devait devenir propriétaire des formules lors du règlement.
Afin de pallier ses difficultés financières, CRYSTALINE s'est rapprochée, fin 2009, d'un fonds d'investissement susceptible de lui apporter le financement nécessaire au développement de ses activités et au paiement de ses arriérés.
Au 31 décembre 2009, les arriérés s'élevaient à la somme de 258.444,81 Euros. Crystaline n'avait pas réglé les sommes dues avant le 15 octobre et n'avait pas réglé les commandes postérieures.
Le 5 février 2010, la société CRYSTALINE passait une nouvelle commande, d'un montant de 266.379 euros TTC, à la société LABORATOIRE BF. Le contrat prévoyait qu’un acompte de 30 % devait être payé à la commande, soit 81.577 euros, des délais de livraison précis.
L'exécution du contrat donnait lieu à un litige, CRYSTALINE prétendant d'une part que les délais de livraison prévus contractuellement n'ont pas été respectés et que les produits livrés présentaient des défauts en raison de la défectuosité des pompes et la société LABORATOIRE BF soutenant que CRYSTALINE n'avait toujours pas réglé l'arriéré de 2009 en exécution du contrat conclu le 15 octobre 2009.
Après une mise en demeure adressée par la société Laboratoire BF 12 avril 2010 à Crystaline de payer la somme de 78.045,48 euros TTC, une réunion entre les parties avait lieu le 15 avril 2010, à laquelle a notamment assisté le fonds d'investissement. A l'issue de cette réunion, trois chèques de 50.000 euros, de 4.707,45 Euros et de 2.798,64 Euros étaient remis par CRYSTALINE à la société LABORATOIRE BF. Les chèques se sont avérés sans provision et ont été rejetés par la banque.
Les relations entre les parties se sont encore détériorées, le LABORATOIRE BF reprochant à CRYSTALINE de ne pas respecter ses obligations contractuelles, c'est à dire le paiement de factures dues, et CRYSTALINE arguant du retard (de 3 mois) dans la livraison des produits objets de la commande de février 2010, et critiquant la partialité de l'exécution de l'accord de 2009 quant à la remise par le LABORATOIRE BF des formules visage. Par ailleurs, CRYSTALINE n'a pas payé au LABORATOIRE BF le solde de sa commande du 5 févier 2010.
Une ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris prononcée le 19 novembre 2010 constatait l'accord des parties prévoyant le règlement par Crystaline d'une somme de 28 000 Euros en échange de la remise des formules dans les termes du contrat du 15 octobre 2009. Elle désignait un expert.
Par courrier du 10 avril 2011, la société Crystaline faisait connaître à la société BF son intention de cesser la production de la gamme visage avec le Laboratoire BF.
Alléguant d'un solde impayé par CRYSTALINE de 55.898,88 euros, le LABORATOIRE BF a, le 15 juin 2011, assigné en référé CRYSTALINE devant le président du tribunal de commerce de Créteil. Le juge des référés a renvoyé par décision du 29 juin 2011 l'affaire en audience collégiale.
Par jugement rendu le 13 mars 2012, le tribunal de commerce de Créteil a :
- Condamné la société CRYSTALINE PRODUCTION à payer à la société LABORATOIRE BF INTERNATIONAL la somme de 55.898,86 euros, avec intérêts au taux de 3 fois le taux d'intérêt légal sur 22 600 euros à compter du 21 juin 2010 et sur le solde à compter du 21 juillet 2010, et avec capitalisation des intérêts à compter du 15 juin 2011, pourvu qu'ils soient dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,
- Débouté la société LABORATOIRE BF INTERNATIONAL du surplus de sa demande en principal au titre des pénalités de retard, et des intérêts au taux légal,
- Débouté la société CRYSTALINE PRODUCTION de ses demandes reconventionnelles relatives à sa commande du 5 février 2010,
- Donné acte aux parties de leur renonciation à leurs demandes au titre de la rupture de leurs relations contractuelles, notamment au titre du contrat du 15 octobre 2009,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement sous réserve qu'en cas d'appel le LABORATOIRE BF produise une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit et rejette la demande de la société LABORATOIRE BF INTERNATIONAL relative aux frais d'exécution forcée de la présente décision,
- Condamné la société CRYSTALINE PRODUCTION à payer à la société LABORATOIRE BF INTERNATIONAL la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700Code de procédure civile et débouté la société LABORATOIRE BF INTERNATIONAL du surplus de sa demande et la société CRYSTALINE PRODUCTION de sa demande formée de ce chef,
- Condamné la société CRYSTALINE PRODUCTION aux dépens.
Appel de cette décision a été interjeté par la société CRYSTALINE le 17 avril 2012
Une procédure de redressement judiciaire a par ailleurs été ouverte à l'encontre de CRYSTALINE par jugement en date du 9 octobre 2013. Un plan a été arrêté le premier octobre 2014 et Maître Pellegrini a été désigné commissaire à l'exécution du plan. La société Laboratoire BF a déclaré sa créance au passif pour la somme de 48 0846, 80 Euros.
Vu les conclusions du 21 septembre 2015 par lesquelles la SARL CRYSTALINE PRODUCTION et de Maître Pellegrini, commissaire à l'exécution du plan, demandent à la cour de :
Vu les articles 1147 et 1109 du Code Civil,
Vu les articles 564, 565, 699 et 700 du Code de Procédure Civile,
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 13 février 2012,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces communiquées,
Réformant partiellement le jugement en date du 13 mars 2012,
Débouter BF de sa demande de paiement de la somme de 55.898.88 euros
Condamner BF à rembourser à CRYSTALINE :
- la somme de 44.049.66 euros indument payée sur les huiles sèches défectueuses,
- la somme de 12.650 euros correspondant à la pénalité bancaire,
- 12.242,26 euros au titre des intérêts indument facturés,
- la somme de 350.000 euros au titre de son préjudice commercial.
Dire et juger l'appel incident interjeté par BF fondé sur la rupture des relations contractuelles irrecevable.
Subsidiairement dire et juger que le contrat en date du 15 octobre 2009 est nul pour vice du consentement.
Plus subsidiairement, dire et juger que les clauses 4 et 5 sont léonines et doivent être réputées non écrites.
Encore plus subsidiairement dire et juger que CRYSTALINE PRODUCTION est fondée à soulever l'exception d'inexécution préalable du contrat par BF INTERNATIONAL (non remise de la totalité des complexes, retards de livraison, malfaçons etc.) de telle sorte que CRYSTALINE s'est trouvée déchargée de ses propres obligations contractuelles par le fait de BF.
Très subsidiairement, constater que CRYSTALINE a parfaitement exécuté ses obligations contractuelles en continuant à collaborer avec BF.
Dire et juger que BF n'apporte aucun élément probant sur son prétendu préjudice.
Débouter BF de sa demande d'admission de sa créance au passif de CRYSTALINE.
Débouter BF de l'ensemble de ses demandes.
Condamner le LABORATOIRE BF INTERNATIONAL en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître TEYTAUD dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Crystaline invoque la nullité pour vice du consentement du contrat de cession du 15 octobre 2009 : elle indique que l'engagement n'avait pas de contrepartie, que l'engagement de collaboration de trois ans était nul, que la clause relative aux concessions réciproques était léonine, caractérisant un déséquilibre complet dans les droits et obligations des parties.
Elle invoque l'exception d'inexécution dont elle a préalablement été victime de la part du LABORATOIRE BF quant à la cession de la formule intégrale permettant à CRYSTALINE DE fabriquer ses produits sans l'intermédiaire.
Elle explique les causes du non paiement du solde de la commande du 5 février 2010 (55.898,88 euros) : elle que les huiles sèches objet de la commande du 5 février 2010, livrées avec 3 mois de retard, présentaient toutes un défaut de fabrication les rendant impropres à la vente. Elle estime avoir réglé à fond perdu une partie (un peu moins de la moitié) de la somme correspondant au règlement des produits défectueux. Elle ajoute que la réalisation des tests de compatibilité des produits incombait au LABORATOIRE BF, que ce dernier a prétendu avoir des résultats satisfaisants, ce qui était inexact et engage sa responsabilité. Elle ajoute que l'expertise judiciaire ne s'imposait plus puisque les fournisseurs des différents éléments susceptibles d'être à l'origine de la malfaçon avaient trouvé la cause de celle-ci. Elle rejette les demandes faites par BF quant aux pénalités de retard en ce qu'elles ne sont jamais entrées dans le champ contractuel puisque les conditions de vente prévoyant de telles pénalités entre les parties n'ont jamais été contresignées par CRYSTALINE.
Pour le retard de livraison de la commande du 5 février 2010, elle indique n'avoir commis aucun manquement à ses engagements relatifs à cette commande puisqu'elle a réglé l'acompte initial de 30 % le jour même de la commande. Elle soutient qu'il n'existait aucun conditionnement de la commande au règlement de ses arriérés.
Elle fait état d'un préjudice financier important causé par le retard de livraison en raison de la saisonnalité des produits qu'elle commercialise (produits solaires saisonniers notamment).Elle estime que le préjudice causé par le LABORATOIRE BF a largement contribué à dégrader sa situation financière, ce qui a conduit à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son encontre en 2013.
En réponse aux demandes de la société Laboratoire BF, elle soutient que la demande d'indemnisation effectuée par la société Laboratoire BF en raison d'une résiliation du contrat fautive imputable à Crystaline est une prétention nouvelle en cause d'appel, irrecevable, qui n'a pas été discutée devant le premier juge dans la mesure où la société Laboratoire BF y a renoncé. Elle soutient enfin que la société Laboratoire BF ne justifie pas les montants des sommes qu'elle lui demande de payer.
Vu les dernières conclusions du 22 septembre 2015 par lesquelles la SARL LABORATOIRE BF INTERNATIONAL demande à la cour de :
Vu les articles 1109, 1134, 1147, 1153, 1153-1, 1315 et 1844-1 du Code Civil,
Vu les articles L.622-17 et L.622-28 du Code de commerce,
Vu les articles 6, 9, 564, 565, 699 et 700 du Code de Procédure Civile,
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 13 février 2012,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces communiquées,
Dire et juger l'appel principal interjeté par la société CRYSTALINE PRODUCTION mal fondé.
Dire et juger l'appel incident interjeté par la société LABORATOIRE BF INTERNATIONAL recevable et bien fondé.
En conséquence,
Confirmer le jugement du 13 mars 2012 en ce qu'il a fixé la créance en principal de la société LABORATOIRE BF INTERNATIONAL à la somme de 55.898,86 euros TTC.
Infirmer le jugement du 13 mars 2012 en ce qu'il a statué sur les pénalités de retard et intérêts.
Assortir en conséquence la somme en principal de 55.898,86 euros TTC :
des pénalités de retard contractuelles égales à 10 % du montant HT de chaque facture impayée, puis à partir de la facture n° 10/04276, à 3 fois le taux de l'intérêt légal, tel que mentionné sur chaque facture,
des pénalités de retard courant depuis l'échéance des factures dues au taux d'intérêts légal majoré en application des dispositions de l'article L. 441-6 du Code de Commerce, et des intérêts au taux légal courant depuis la date de la mise en demeure, soit le 12 avril 2010 jusqu'au 9 octobre 2013 (date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire) en application des dispositions des articles 1153 du Code Civil et L. 622-28 du Code de commerce.
Ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code Civil.
Infirmer le jugement du 13 mars 2012 en ce qu'il a débouté la société LABORATOIRE BF INTERNATIONAL de ses demandes indemnitaires et fixer la créance de la société LABORATOIRE BF INTERNATIONAL à la somme de 367.498,57 euros à titre de dommages et intérêts, assortis des intérêts au taux légal à compter de la date de résiliation, soit le 10 avril 2010, en application des articles 1153-1 et 1154 du Code Civil.
Confirmer le jugement du 13 mars 2012 en ce qu'il a débouté la société CRYSTALINE PRODUCTION de ses demandes.
Débouter en conséquence la société CRYSTALINE PRODUCTION de l'intégralité de ses demandes.
L'intimée critique le refus de CRYSTALINE de mettre en œuvre l'expertise judiciaire qu'elle avait elle-même demandée et qui avait été ordonnée par décision de référé du 18 novembre 2010. Elle indique que les produits litigieux ne sont pas défectueux, ce qui tendrait à être démontré par le refus de l'expertise. Elle ajoute que Crystaline n'a jamais non plus fait procéder aux tests de compatibilité des pompes fabriquées par Dieter Batik et flacons avec les formules fabriquées alors que ces tests lui incombaient, que les produits étaient en fait commercialisables et effectivement commercialisés.
L'intimée affirme qu'aucun retard de livraison n'a été constaté, et que quand bien même, un tel retard serait causé par la modification de ses commandes successives par la société CRYSTALINE.
Quant à sa demande indemnitaire fondé sur l'article 1147 du code civil, et non sur l'article L 442-6-I-5° du Code de commerce, en raison de la rupture abusive des relations contractuelles par la société CRYSTALINE, l'intimée soutient qu'elle avait déjà sollicité une telle condamnation en première instance, qui ne peut ainsi avoir un caractère nouveau en appel ; elle poursuit en justifiant que cette demande opèrerait une compensation avec les demandes indemnitaires dont se prévaut l'appelante.
L'intimée indique que CRYSTALINE ne peut se prévaloir de la clause attributive de juridiction en ce que ce qu'il s'agit d'une exception de procédure qui doit être invoquée in limine litis, et non au stade de l'appel. Elle souligne par ailleurs le principe que « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui », et l'incohérence de cette demande formée avec la demande de nullité du contrat.
L'intimée invoque l'inexécution contractuelle de ses obligations par l'appelante en ce que cette dernière a indiqué dans une lettre recommandée avec accusé de réception du 10 avril 2011 son intention de «cesser la production de [sa] gamme visage» alors que le contrat de cession de formule opérée entre les parties en 2009 prévoyait en son article 4 un engagement de CRYSTALINE de passer commandes à BF pendant une durée de 3 ans, afin que cette dernière rentabilise son investissement, et que BF a subi un gros préjudice. Elle soutient qu'elle n'a pas pour sa part failli à l'exécution de ses obligations, et que la société Crystaline se prévaut de ses propres manquements.
L'intimée ajoute que Crystaline ne rapporte pas la preuve d'un quelconque vice du consentement pour justifier la nullité du contrat de 2009, rappelle que CRYSTALINE s'est prévalue du contrat litigieux dans l'instance en référé qu'elle avait initiée devant le tribunal de commerce de Paris, et que le contrat a été exécuté par les parties. le caractère prétendument léonin des articles 4 & 5 du contrat de 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Considérant que le contrat de cession de droits de propriété des formules de produits signé par les parties le 15 octobre 2009 prévoyait :
Des obligations à la charge de la société Crystaline c'est à dire 1) le paiement par celle-ci qui se reconnaissait débitrice envers de BF de la somme de 119.630,60 Euros TTC outre les intérêts de retard et de la totalité des sommes dues au titre des travaux et productions de l'année 2009, au plus tard pour le 30 novembre 2009, 2) pour compenser le découvert et le risque de trésorerie couru par BF en raison du découvert de 273.891 Euros, un engagement de produire les commandes des trois prochaines années en collaboration avec BF et d’informer BF plusieurs mois à l'avance de son intention de cesser ses productions,
Des obligations à la charge de BF, 1) un transfert de propriété des formules dès le paiement des sommes dues qui devait intervenir le 30 novembre 2009, 2) une clause de non concurrence,
que ce contrat prévoyait également des concessions, rappelant qu'en 2008, plusieurs lots de produits avaient présenté des défauts de fabrication, que BF consentait un avoir de 8.575 Euros sur les factures exigibles au 31 décembre 2009, que Crystaline renonçait à engager sa responsabilité contractuelle pour ces défauts,
que le contrat de cession prévoyait une attribution de compétence devant la juridiction consulaire parisienne,
Considérant que si le contrat signé le 15 octobre 2009 est intitulé « contrat de cession », il va au delà de la seule cession des formules du produits Sun Pass ; qu'il entend donner une solution à différents litiges existant entre les parties : l'absence de paiement par l'une de ce que BF a commandé et a reçu en livraison ainsi que la réparation du retard subi par BF, le litige lié aux défauts affectant certains lots livrés en 2008,
Sur la validité du contrat du 15 octobre 2009 :
Considérant que la nullité du contrat est invoquée par Crystaline pour vice du consentement, pour avoir comporté des obligations entrainant un déséquilibre dans les droits et obligations des parties ;
Mais considérant toutefois que rien ne permet de constater un quelconque vice du consentement de la société Crystaline qui ne s'explique pas sérieusement sur ce point ;
Considérant que la cession portait sur des formules que BF avait élaborées, et si Crystaline a payé « toutes les étapes de cette élaboration », il n'en demeure pas moins qu'elle ne les a pas réalisées et qu'elle ne saurait soutenir qu'elle en est propriétaire ; que le prix de cession de un Euros a toutefois pris en compte les financements qu'elle a supportés ; que l'engagement n'était pas sans contrepartie ;
Considérant en outre qu’il est constant que lors de la signature du contrat, la société Crystaline était débitrice depuis de nombreux mois envers la société BF ; que s'engager à honorer son obligation de paiement et à produire des commandes pendant trois années en collaboration avec BF pour réparer le risque financier couru par BF ne peut constituer, pour elle, des obligations disproportionnées par rapport à l'ensemble des obligations des parties au contrat ; qu’il ne va de même du fait de subordonner au paiement de ses dettes avant une certaine date le transfert de la propriété des formules ;
Considérant également que les parties avaient transigé en faisant des concessions réciproques à la suite du défaut de certains lots produits en 2008, BF faisant un avoir, Crystaline renonçant à engager une procédure ; que la société Crystaline ne justifie pas en quoi une telle disposition serait léonine ;
Considérant que le contrat est valable, que la société Crystaline sera déboutée de ses demandes à ce titre ;
Sur l'exception d'inexécution :
Considérant que la société Crystaline expose encore que les formules ne lui ont pas été transférées comme le précisait l'article 3 du contrat, qu'elle expose encore que BF n'a pas honoré ses propres engagements de livraison dans les délais d'un produit exempt de défauts et qu'elle a refusé de remédier aux malfaçons ;
du contrat du 15 octobre 2009 :
Considérant, pour ce qui concerne le transfert de propriété des formules que le règlement des sommes qu'elle devait subordonnait le transfert de propriété et que c''était à la date de l'entrée en jouissance que les documents en possession de BF devaient être remis à Crystaline ; qu'il est constant qu'au 31 décembre 2009, Crystaline n'avait rien réglé et que les arriérés vont perdurer ; que la décision du juge des référés ne peut être interprétée comme le fait la société Crystaline ;
de la commande de février 2010 :
Considérant ensuite, pour ce qui concerne les délais de livraison, que la société Crystaline n'a pas donné immédiatement les conditions précises de sa commande en février 2010, de sorte que les délais en ont été d'autant rallongés et qu'en toute hypothèse, elle ne justifie pas les retards invoqués ; que de même, les conditions de paiement n'étaient pas respectées ;
de la commande de décembre 2007 :
Considérant enfin que des malfaçons auraient affecté les flacons en ce que les formules d'huile sèche mises en place par BF déforment le matériau du joint de la pompe fournie par la société Dieter Batik et entraîne une perte d'étanchéité ; que la cour constate que la société Crystaline verse aux débats la commande du produit huile sèche «'SPF 15'» du 13 décembre 2007, le test de compatibilité établi par la société BF destiné à «'mettre en évidence une interaction possible entre le packaging du client sur la formule élaborée par le laboratoire BF», une «attestation» qui relate le déroulement d'une réunion entre Crystaline, BF et Dieter Batik le 28 octobre 2010 au cours de laquelle les « fuites des 3 flacons testés par BF et présentés par elle en réunion établissent la réalité technique du problème d'étanchéité qui aurait du être décelé au cours des tests faits par BF » ; qu'il apparaît toutefois que le test de compatibilité versé aux débats n'est pas daté et porte sur un produit qui n'est pas celui de la commande (SPF 20) ; que la réunion du 28 octobre n'a donné lieu à aucune suite, et que la société Crystaline ayant saisi le juge des référés dans le même temps, a maintenu sa demande et qu’ultérieurement, elle n'a pas versé la provision mise à sa charge de sorte que l'expertise était caduque ; qu'il résulte de ces divers éléments apportés par Crystaline devant la cour que cette dernière ne justifie pas que les défauts qui ont pu être trouvés sont imputables à Laboratoire BF et justifiaient qu'elle n'exécute pas son obligation de payer les produits livrés,
Considérant qu'aucune exception d'inexécution ne peut être valablement opposée à la société Laboratoire BF et que la société Crystaline sera déboutée de ses demandes,
Sur les sommes dues par Crystaline en exécution des commandes et de leur livraison :
Considérant qu'il convient de faire, au regard des factures versées et calculs effectués, droit à la demande en paiement formée par la société Laboratoire BF à hauteur de 55.898,86 Euros,
Considérant qu'à cette somme doivent être ajoutés des pénalités et des intérêts de retard ;
Considérant que la société Laboratoire BF verse aux débats des copies de factures mais ne produit pas ses conditions générales ;
Considérant que les factures de la société Laboratoire BF comportaient en bas de chacune d'elles une clause «retard de paiement» ainsi rédigée : « Tout retard de paiement à échéance entraîne une indemnité fixée à titre de clause pénale à 10 % du montant HT de la somme payée, outre les frais judiciaires et intérêts légaux », que cette clause qui se trouve en bas de chaque facture est parfaitement apparente, qu'elle est sans aucune contestation possible applicable aux faits de l'espèce, qu'il sera fait droit à la demande de pénalité contractuelle de 10 % du montant HT de chaque facture ;
Considérant que ne justifiant pas que les parties ont convenu de dispositions contraires, la société Crystaline doit de plein droit, en application de l'article L. 441-6 du code de commerce, payer les intérêts sur ces pénalités au taux majoré que précise ce texte ;
Considérant enfin que les intérêts au taux légal sur les factures courent à compter de la mise en demeure, soit le 12 avril 2010 jusqu'au 9 octobre 2013, date de l'ouverture de la procédure collective de la société Crystaline, que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;
Considérant que le jugement sera infirmé en ce que désormais, la créance de BF doit être inscrite au passif de la société Crystaline et que les pénalités et intérêts doivent être précisés ;
Sur la demande de la société Laboratoire BF en raison de la rupture du contrat par la société Crystaline le 10 avril 2011 :
Considérant que la société Laboratoire BF soutient qu'elle a demandé l'indemnisation du préjudice que lui cause la rupture opérée par lettre du 10 avril 2010 et explique que le premier juge a considéré à tort qu'il n'avait pas le pouvoir de la connaître et avait indiqué qu'elle avait renoncé à sa demande, qu'elle invoque les dispositions des articles 564 et 565 du code de procédure civile pour soutenir que sa demande en indemnisation est recevable devant la cour ; que la société Crystaline relevait que cette demande n'a pas été discutée devant le premier juge, la société BF y ayant renoncé,
Considérant que les énonciations portées dans le jugement du tribunal de commerce valent jusqu’à inscription de faux,
Considérant que l'audience à laquelle l'affaire a été retenue par le tribunal de commerce de Créteil a eu lieu le 31 janvier 2012 ; que le jugement a précisé en page 2 les demandes de la société BF formulées dans l'assignation soit la condamnation de Crystaline à lui payer la somme de 55.898,66 Euros outre les intérêts, les pénalités et la capitalisation des intérêts, une indemnité pour frais irrépétibles ; qu'en page 4 du jugement, il était indiqué : « A l'audience du juge rapporteur du 31 janvier 2012, le laboratoire BF a déposé des conclusions et réponses récapitulatives que la société Crystaline a refusé de recevoir, sauf à ce que la société Laboratoire BF limite ses demandes aux éléments de sa demande introductive d'instance, portant sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à 10.000 Euros et demandant l'exécution provisoire du jugement, les nouvelles demandes du Laboratoire BF ayant été formulées trop tardivement par rapport à l'audience du juge rapporteur pour permettre à la société Crystaline d'y répondre », qu'il était précisé en page 8 dans un chapitre « Sur les autres demandes relatives à la rupture des relations contractuelles entre les parties et plus particulièrement du contrat du 15 octobre 2010 » : « attendu comme il a été dit dans la procédure que le Laboratoire BF a formulé ses demandes tardivement par rapport à l'audience du juge rapporteur, que le tribunal saisi suite à une ordonnance de référé conformément aux dispositions de l'article 873-1 du Code de procédure civile, devait statuer sans attendre, que ces nouvelles demandes pourraient relever des dispositions de l'article L 442-6 du code de commerce pour rupture abusive des relations commerciales établies pour lesquelles le présent tribunal est incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, qu'en conséquence, le tribunal prendra acte de la renonciation des parties à le voir statuer de ces chefs », que le jugement précise dan le dispositif page 9 : « Donne acte aux parties de leur renonciation à leur demandes au titre des relations contractuelles notamment au titre du contrat du 15 octobre 2009 » ;
Considérant que la société Crystaline a manifestement opposé devant le tribunal de commerce le principe du contradictoire à la société Laboratoire BF qui faisait des demandes nouvelles le jour de l'audience de plaidoiries, que par ailleurs, et bien que la société Laboratoire BF ne verse pas les conclusions qu'elle entendait développer le jour de l'audience, elle demandait manifestement réparation de la rupture des relations et que le fondement précisé par le tribunal de commerce était l'article L 442-6-I-5° du code de commerce, ce qui posait alors le problème du pouvoir du tribunal d’en connaître ;
Considérant que les énonciations du jugement font foi jusqu’à inscription de faux, que le tribunal a constaté la renonciation des parties à demander réparation du chef de la rupture ; que ces dispositions s'imposent aux parties ;
Considérant qu’il convient alors de vérifier si la demande de Laboratoire BF est ou non recevable au regard des dispositions des articles 564 et 565 du Code de procédure civile, étant précisé que la demande de Laboratoire BF tend à obtenir réparation du préjudice qu'elle dit subir en raison de la rupture du contrat, et ce, quel que soit le fondement juridique invoqué au soutien de cette demande ;
Considérant que selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses... ; qu’en l'espèce, la prétention élevée par BF n'a pas but d'opposer compensation à la demande de Crystaline, que par ailleurs, elle est distincte de la contestation faisant l'objet de la demande reconventionnelle de Crystaline et ne fait pas échec directement à cette dernière ;
Considérant que la société Laboratoire BF a renoncé à sa prétention devant le premier juge, de sorte que les dispositions de l'article 565 du code de procédure civile ne peuvent être appliquées,
Considérant que la demande est nouvelle ; qu'elle est irrecevable,
Sur la demande de condamnation de Maître Pellegrini en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan :
Considérant que cette demande doit être rejetée ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
DÉCLARE irrecevable la demande de la société BF Productions relative à la rupture du contrat du 15 octobre 2009 par la société Crystaline,
INFIRMANT le jugement sur les condamnations à paiement de la société Crystaline,
FIXE au passif de la procédure collective de la société Crystaline la somme de 55.898,66 Euros, outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure, soit le 12 avril 2010 jusqu'au 9 octobre 2013, et ce, avec capitalisation dans cette limite selon les conditions de l'article 1154 du Code civil,
FIXE au passif de la société Crystaline la créance de la société BF au titre de la clause pénale à 10 % du montant HT des sommes outre les intérêts au taux majoré de l'article L. 441-6 du code de commerce,
FIXE au passif de la société Crystaline la créance de la société BF au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles de première instance à la somme de 1.500 Euros,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
CONDAMNE la société Crystaline à payer à la société BF Productions la somme de 6.000 Euros au titre des frais irrépétibles d'appel, et la condamne aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Vincent BREANT Françoise COCCHIELLO
- 6157 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 - Clauses léonines
- 6186 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Déséquilibre injustifié - Garanties d’exécution
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