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TI COGNAC, 25 mars 1994

Nature : Décision
Titre : TI COGNAC, 25 mars 1994
Pays : France
Juridiction : Cognac (TI)
Date : 25/03/1994
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 8/11/1993
Décision antérieure : CA BORDEAUX (1re ch. sect. B), 28 février 1996
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 55

TI COGNAC, 25 mars 1994

(sur appel CA Bordeaux (1re ch. B), 28 février 1996 : RG n° 94-003779, et sur pourvoi Civ. 1re, 20 octobre 1998 : pourvoi n° 96-15200)

 

Extrait : « La clause limitative de responsabilité invoquée par PRESS LABO SERVICE et figurant sur le ticket joint à la pochette remise au client est la suivante : « La non restitution ou la détérioration totale de tous clichés (...) confiés donnera lieu à un dédommagement représenté par un film vierge et son traitement gratuit ou par leur contre-valeur, au choix du client (...) Dans le cas de travaux ayant une importance exceptionnelle, il est recommandé d'en faire la déclaration lors de leur remise afin d'en faciliter une négociation de gré à gré ». Une telle clause ne peut être considérée comme abusive alors qu'elle n'est point exclusive de toute responsabilité et que d'ailleurs elle reprend littéralement la recommandation n° 82-04 émise à ce propos par la commission des clauses abusives. 

Si Monsieur X. ne fournit point de preuve écrite de ce que, comme il le prétend à l'encontre de PRESS LABO SERVICE, il aurait signalé la valeur exceptionnelle qu'il attachait aux documents remis, il est à relever que la clause contractuelle ne prévoyait point de formalisme. Au demeurant la pochette servant à l'emballage des clichés n'est manipulée que par le laboratoire à qui seul il appartient de faire diligence si ce caractère particulier est indiqué oralement, la possibilité pour le client de l'inscrire sur le ticket, invoquée par la défenderesse, étant sans portée puisque précisément cette pièce reste en la possession du client. Ainsi l'affirmation formelle de Monsieur X. qui prétend avoir attiré l'attention du photographe sur la valeur qu'il prêtait aux épreuves en cause peut-elle être retenue ; c'est donc la disposition de la clause limitative de responsabilité propre aux « travaux ayant une importance exceptionnelle » qui doit recevoir application. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE COGNAC

JUGEMENT DU 25 MARS 1994

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Audience Publique du Tribunal d'Instance de COGNAC, tenue au Palais de Justice de ladite ville, le vingt cinq mars mil neuf cent quatre vingt quatorze à neuf heures trente sous la présidence de Monsieur Bruno CHOLLET, Juge Placé auprès de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de BORDEAUX en remplacement de Madame Catherine GABART, chargée du Tribunal d'Instance de COGNAC, assisté de Madame Jocelyne CHOLLET, agent administratif faisant fonction de greffier.

 

ENTRE :

Monsieur X.

[adresse], DEMANDEUR, comparant en personne, D'UNE PART

 

ET :

Monsieur Y.

demeurant [adresse], DÉFENDEUR, comparant par Maître MOUTOT, avocat à PARIS

 

PARTIE INTERVENANT VOLONTAIREMENT :

LA SOCIÉTÉ PRESS LABO SERVICE

sise [adresse], DÉFENDERESSE, comparante par Maître MOUTOT, avocat à PARIS, D'AUTRE PART

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par une déclaration au greffe du 8 novembre 1993 Monsieur X., se plaignant de ce que les épreuves photographiques remises pour développement au magasin PRESS [minute page 2] PHOTO tenu par Monsieur Y., n'avaient pu être développés, les épreuves ayant été égarées, a saisi le tribunal d'une demande formulée à l'encontre de Monsieur Y. visant, au principal, à la restitution des épreuves et subsidiairement, suivant les dernières prétentions formulées à l'audience, à l'octroi de dommages et intérêts d'un montant de 5.000 Francs outre une indemnité procédurale de 1.000 Francs. Monsieur X. expose en effet que la perte des épreuves prises par lui lors d'une soirée privée exceptionnelle lui occasionnent un préjudice moral certain ; il asseoit son argumentation sur l'article 1789 du code civil et le droit commun de la responsabilité contractuelle.

Monsieur Y. conclut au rejet de la demande, conjointement avec la Société PRESS LABO intervenant volontaire, dont son commerce est l'une des agences. Prétendant tout d'abord que Monsieur X. n'apporte aucune preuve de ce que la pellicule déposée ne correspondait pas aux tirages effectués par Monsieur Y., les défendeurs invoquent la clause limitation de responsabilité figurant au contrat dont selon eux la validité n'est pas douteuse. Enfin les défendeurs tirent argument du caractère selon eux imprévisible du dommage au sens de l'article 1150 du Code Civil et dénient l'existence d'un préjudice. Ils concluent donc comme suit :

- « METTRE hors de cause Monsieur Y.,

- RECEVOIR LA SOCIÉTÉ PRESS LABO SERVICE en son intervention volontaire,

- DÉBOUTER Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes,

- DIRE qu'il ne rapporte pas la preuve de la faute de la Société PRESS LABO SERVICE,

- CONSTATER la validité de la clause limitative de responsabilité et dire en tant que de besoin libératoire l'offre faite de remise d'un nombre équivalent à celui confié de pellicule vierge avec développement gratuit ;

SUBSIDIAIREMENT,

- DIRE ET JUGER que le requérant n'apporte pas la preuve de son préjudice,

- DIRE ET JUGER que le dommage allégué est imprévisible au sens de l'Article 1150 du Code Civil,

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,

- CONDAMNER Monsieur X. à verser à la Société PRESS LABO SERVICE une somme de 2.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- [minute page 3] METTRE les dépens à sa charge, »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DU JUGEMENT :

La Société intervenante prétend que Monsieur Y. n'a agi que comme son mandataire ; celui-ci ne conteste pas cette qualité. Ainsi devra-t-il être mis hors de cause, la Société PRESS LABO SERVICE étant recevable en son intervention.

 

1) La faute invoquée :

La preuve de la faute de la Société LABO PRESS - soit la remise de clichés ne correspondant point à la pellicule confiée pour développement - ne peut être apportée formellement dans la mesure où précisément, selon la thèse du plaignant, la pellicule est indisponible. Toutefois la multiplicité des attestations versées faisant apparaître Monsieur X. comme chargé de photographies lors de la soirée costumée et la rapidité de ses protestations après remise d'épreuves dont il n'est pas contesté qu'elles représentaient des enfants dans une cour de récréation permettent de présumer que la preuve de la faute est apportée.

 

2) Sur la clause limitative de responsabilité :

La clause limitative de responsabilité invoquée par PRESS LABO SERVICE et figurant sur le ticket joint à la pochette remise au client est la suivante :

« la non restitution ou la détérioration totale de tous clichés (...) confiés donnera lieu à un dédommagement représenté par un film vierge et son traitement gratuit ou par leur contre-valeur, au choix du client (...) Dans le cas de travaux ayant une importance exceptionnelle, il est recommandé d'en faire la déclaration lors de leur remise afin d'en faciliter une négociation de gré à gré ». Une telle clause ne peut être considérée comme abusive alors qu'elle n'est point exclusive de toute responsabilité et que d'ailleurs elle reprend littéralement la recommandation n° 82-04 émise à ce propos par la commission des clauses abusives.

Si Monsieur X. ne fournit point de preuve écrite de ce que, comme il le prétend à l'encontre de PRESS LABO SERVICE, il aurait signalé la valeur exceptionnelle qu'il attachait aux documents remis, il est à relever que la clause contractuelle ne prévoyait point de formalisme. Au demeurant la pochette servant à l'emballage des clichés n'est manipulée que par le laboratoire à qui seul il appartient de faire diligence si ce caractère particulier est indiqué oralement, la possibilité pour le client de l'inscrire sur le ticket, [minute page 4] invoquée par la défenderesse, étant sans portée puisque précisément cette pièce reste en la possession du client. Ainsi l'affirmation formelle de Monsieur X. qui prétend avoir attiré l'attention du photographe sur la valeur qu'il prêtait aux épreuves en cause peut-elle être retenue ; c'est donc la disposition de la clause limitative de responsabilité propre aux « travaux ayant une importance exceptionnelle » qui doit recevoir application.

 

3) Sur le préjudice subi :

C'est à tort que la défenderesse prétend que le dommage doit être prévisible pour engager la responsabilité contractuelle du débiteur non seulement dans sa cause mais dans sa quotité ; doit être connue la cause du dommage - en l'espèce la valeur particulière prêtée par le client aux clichés - non forcément une évaluation d'ailleurs toujours délicate en la matière. C'est précisément en raison de cette difficulté que le contrat réservait dans ce cas une négociation de gré à gré, non intervenue en l'occurrence.

Les attestations versées par Monsieur X. font état des circonstances exceptionnelles - soirée costumée réunissant plusieurs dizaines de participants à l'occasion de l'anniversaire de plusieurs d'entre eux - au cours desquelles il avait été expressément chargé de faire des photos pour commémorer l'évènement, et de la déception des témoins à l'idée que ces documents sont perdus. Sans qu'il puisse sérieusement invoquer, d'ailleurs de manière hypothétique, un préjudice induit dans sa carrière par la perte de ces documents, cette perte entraîne un manquement de Monsieur X. à la mission donnée en confiance entraînant indéniablement un préjudice moral pour lequel une somme de 3.000 Francs apparaît satisfactoire, la restitution d'épreuves considérées comme perdues étant impossible.

Il apparaît de plus équitable d'accorder à Monsieur X. l'indemnité procédurale sollicitée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

REÇOIT LA SOCIÉTÉ PRESS LABO SERVICE en son intervention,

MET Monsieur Y. hors de cause,

- DÉCLARE la Société PRESS LABO SERVICE responsable du préjudice subi par M. X. du fait de la perte de la pellicule,

- [minute page 5] CONDAMNE la Société PRESS LABO SERVICE à payer à M. X. les sommes suivantes :

* trois mille francs (3.000 Francs) en dommages et intérêts,

* mille francs (1.000 Francs) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- CONDAMNE la Société PRESS LABO SERVICE aux dépens.

Ainsi Jugé et Prononcé à l'audience publique du vingt cinq mars mil neuf cent quatre vingt quatorze,

Et Monsieur le Juge a signé avec l'agent assermenté

L'Agent Assermenté,               Le Juge d'instance

J. CHOLLET                          B. CHOLLET