CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 22 février 2007
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 553
CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 22 février 2007 : RG n° 06/00295 ; arrêt n° 99
Extrait : « Toutefois, la Cour observe que l'insertion dans l'offre préalable de crédit d'une clause permettant l'augmentation – dans des proportions considérables – du montant maximal du découvert initialement consenti à l'emprunteur sans acceptation par celui-ci d'une nouvelle offre de crédit est de nature à faire obstacle à ce qu'il soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment des charges de son remboursement sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage qu'il peut tirer de la mise à disposition d'une somme plus importante et donc de créer à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Une telle clause est donc susceptible d'être considérée comme abusive et par suite réputée non écrite en application de l’article L. 132-1 du code de la consommation. La Cour rappelle par ailleurs qu'il résulte de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que la protection qu'elles assurent réplique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis.
En l'occurrence, cette appréciation est de nature à influer de façon déterminante sur la solution du litige dès lors que si la clause susdite devait être réputée non écrite, le montant maximum de l'ouverture de crédit resterait fixé à la somme de 1.524,49 euros, de sorte que sa modification sans acceptation par les emprunteurs d'une nouvelle offre préalable de crédit serait de nature à être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, ainsi que l'a retenu le premier juge. Il convient en conséquence, en application de l'article 16 du nouveau code de procédure civile, d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter l'appelante à s'expliquer sur le moyen soulevé d'office par la Cour du caractère abusif de la clause de l'offre préalable de crédit en date du 1er juillet 1990 permettant une augmentation du montant maximum initialement convenu de l'ouverture de crédit dans la limite d'un plafond fixé à 7.622,25 euros. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 06/00295. Arrêt n° 99. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE D’ABBEVILLE du 23 septembre 2005
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
SA COFIDIS
[adresse], Représentée par la SCP JEAN-CLAUDE MILLON ET PATRICK PLATEAU, avoués à la Cour et plaidant par Maître HERMAN, avocat au barreau de LAON
ET :
INTIMÉ
Monsieur X.
[adresse], Représenté par la SCP JACQUES LEMAL ET AURELIE GUYOT, avoués à la Cour et plaidant par Maître LEROY DUPREUIL, avocat au barreau d'AMIENS, Bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale numéro 2006/XXX du 24 octobre 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle [ville]
DÉBATS : A l'audience publique du 21 décembre 2006, devant : M. RUFFIER, Président, entendu en son rapport, Mme CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers,
qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 février 2007.
GREFFIER : M. DROUVIN
PRONONCÉ PUBLIQUEMENT : Le 22 février 2007 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ; M. RUFFIER, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
EXPOSE DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] DÉCISION :
Selon offre préalable sous seing privé datée du 1er juillet 1990, acceptée le 4 octobre 1990, la société Cofidis a consenti à Monsieur X. une ouverture de crédit « Libravou » utilisable par fraction, d'un montant autorisé renouvelable de 5.500 euros, stipulé remboursable par mensualités de 165 euros moyennant intérêts au taux contractuel de 17,28 % l'an.
Cette offre a été reconduite annuellement.
Consécutivement à la défaillance de Monsieur X. dans le remboursement de ce crédit, la société Cofidis lui a adressé une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception en date du 8 septembre 2004, en se prévalant de la déchéance du terme.
Cette mise en demeure s'étant avérée infructueuse, la société Cofidis a fait attraire Monsieur X. devant le tribunal d'instance d'Abbeville par exploit du 5 avril 2005 pour obtenir sa condamnation à lui payer, avec exécution provisoire, la somme de 6.216,88 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 8 septembre 2004, ainsi qu'une indemnité au titre de ses frais irrépétibles.
Par jugement rendu contradictoirement le 23 septembre 2005, le tribunal d'instance d'Abbeville a déclaré irrecevable l'action engagée par la société Cofidis et a laissé les dépens à la charge de cette dernière.
La société Cofidis a interjeté appel de cette décision le 20 janvier 2006.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Aux termes de ses conclusions d'appel déposées le 14 avril 2006, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de son argumentation, la société Cofidis sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de Monsieur X. à lui payer la somme de 6.216,88 euros avec intérêts au taux contractuel de 17,28 % l'an sur la somme de 5.793,04 euros et au taux légal sur la somme de 423,84 euros, ce à compter du 8 septembre 2004. Elle réclame en outre la condamnation de l'intimé à lui verser une somme de 600 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles et à supporter les entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au bénéfice de son avoué.
Suivant ses écritures en réplique déposées le 19 septembre 2006, auxquelles il est également renvoyé, Monsieur X. conclut au débouté et à la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions. Il réclame en outre la condamnation de la société Cofidis à lui verser une somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de son avoué.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2006.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
La société Cofidis reproche au premier juge d'avoir considéré pour lui opposer la forclusion biennale que le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte, fixé à la somme de 1.524,49 euros, avait été dépassé dès le mois de mars 2001, date à laquelle il convenait de fixer le premier incident de paiement non régularisé en l'absence d'une nouvelle offre de prêt.
[minute page 3] L'appelante fait valoir que l'offre préalable d'ouverture de crédit du 4 octobre 1990 avait été consentie dans la limite d'un découvert maximum autorisé de 50.000 Francs (7.622,45 euros) et que celui-ci n'a jamais été dépassé par Monsieur X. Elle soutient que la date du premier incident de paiement non régularisé peut être fixée au mois de mai 2004 et que le délai de forclusion biennale a été valablement interrompu par l'assignation du 5 avril 2005.
Monsieur X. fait valoir en réplique qu'il n'a absolument pas accepté une offre préalable de crédit dans la limite d'un découvert maximum autorisé de 50.000 Francs. Il expose que le tableau figurant dans l'offre préalable de crédit concerne l'ensemble des offres possibles mais qu'au regard des stipulations particulières de l'offre qu'il a acceptée, il n'a sollicité qu'un découvert maximum autorisé de 10.000 Francs.
Il résulte effectivement de la recension de l'offre préalable du 1er juillet 1990 que le prêteur a autorisé l'emprunteur à tirer sur le compte dans la limite du montant du découvert maximum autorisé fixé à 50.000 Francs ; le découvert autorisé l'ouverture du compte se montant quant à lui à la somme de 10.000 Francs selon l'option choisie par Monsieur X.
Toutefois, la Cour observe que l'insertion dans l'offre préalable de crédit d'une clause permettant l'augmentation – dans des proportions considérables – du montant maximal du découvert initialement consenti à l'emprunteur sans acceptation par celui-ci d'une nouvelle offre de crédit est de nature à faire obstacle à ce qu'il soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment des charges de son remboursement sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage qu'il peut tirer de la mise à disposition d'une somme plus importante et donc de créer à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Une telle clause est donc susceptible d'être considérée comme abusive et par suite réputée non écrite en application de l’article L. 132-1 du code de la consommation.
La Cour rappelle par ailleurs qu'il résulte de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que la protection qu'elles assurent réplique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis.
En l'occurrence, cette appréciation est de nature à influer de façon déterminante sur la solution du litige dès lors que si la clause susdite devait être réputée non écrite, le montant maximum de l'ouverture de crédit resterait fixé à la somme de 1.524,49 euros, de sorte que sa modification sans acceptation par les emprunteurs d'une nouvelle offre préalable de crédit serait de nature à être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, ainsi que l'a retenu le premier juge.
Il convient en conséquence, en application de l'article 16 du nouveau code de procédure civile, d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter l'appelante à s'expliquer sur le moyen soulevé d'office par la Cour du caractère abusif de la clause de l'offre préalable de crédit en date du 1er juillet 1990 permettant une augmentation du montant maximum initialement convenu de l'ouverture de crédit dans la limite d'un plafond fixé à 7.622,25 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant contradictoirement,
Avant dire droit au fond, ordonne la réouverture des débats à l'audience du jeudi 24 mai 2007 à 14 heures, en invitant les parties à s'expliquer sur le moyen soulevé d'office par la Cour du caractère éventuellement abusif de la clause de l'offre préalable de crédit en date du 1er juillet 1990 permettant, sans présentation d'une nouvelle offre préalable, une augmentation du montant maximum initialement autorisé lors de l'ouverture de crédit dans la limite d'un plafond fixé à 7.622,25 euros ;
Dit que les conclusions de la société Cofidis devront être signifiées à Monsieur X. avant le 21 avril 2007 ;
Réserve les dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5717 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Jurisprudence antérieure - Clauses abusives
- 5727 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Mise en œuvre - Modalités
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives