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CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 8 novembre 2007

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 8 novembre 2007
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. sect. 1
Demande : 06/00295
Date : 8/11/2007
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : TI ABBEVILLE, 23 septembre 2005, CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 22 février 2007
Numéro de la décision : 413
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1240

CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 8 novembre 2007 : RG n° 06/00295 ; arrêt n° 413

Publication : Juris-Data n° 356115

 

Extrait : « Attendu que l'insertion dans l'offre préalable de crédit d'une clause permettant l'augmentation, dans des proportions considérables, du montant du découvert initialement convenu sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, fait obstacle, d'une part, à l'information que ce dernier doit recevoir, préalablement à tout nouvel engagement, sur l'ensemble des caractéristiques du crédit projeté, notamment sur les charges de remboursement à venir, qu'une nouvelle offre de crédit, si elle lui avait été proposée à chaque dépassement du crédit précédemment autorisé, aurait permis d'assurer ainsi que, d'autre part, à la faculté de rétractation imposée par l'article L. 311-15 du code de la consommation à l'occasion de chaque nouvelle offre de crédit ; que la SA Cofidis ne peut utilement invoquer à cet égard la faculté qu'à tout moment l'emprunteur a de résilier le contrat, qui emporte pour lui l'obligation de rembourser le crédit déjà octroyé, ce qui est différent du bénéfice d'un délai de réflexion dont dispose l'emprunteur avant tout engagement ferme ;

Attendu que la clause litigieuse qui permet au prêteur d'augmenter le montant du crédit initialement consenti sans soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre préalable lors de chaque dépassement du crédit autorisé est de nature à créer au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat par rapport aux dispositions protectrices prévues par la loi en sa faveur ; que l'argument selon lequel il ne s'agit que d'une faculté pour l'emprunteur n'est pas pertinent dès lors que la loi encadre très strictement les conditions dans lesquelles le consentement de l'emprunteur doit être donné de manière à le protéger contre des engagements dont il n'aurait pas pu évaluer toute la portée au moment où il les prend ; que tel est précisément le cas en l'espèce et peu importe, la loi imposant que les informations soient données avant l'engagement, que l'emprunteur les ait reçues après avoir obtenu l'augmentation de crédit ;

Qu'il s'ensuit que la clause litigieuse est abusive et par suite doit être réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; qu'il y a lieu de rappeler que le délai de forclusion édicté à l'article L. 331-37 du code civil n'est pas applicable au moyen tiré du caractère abusif d'une clause ».

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 8 NOVEMBRE 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG : 06/00295. Arrêt n° 413. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE D’ABBEVILLE du 23 septembre 2005.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE :

SA COFIDIS

[adresse], Représentée par la SCP JEAN-CLAUDE MILLON ET PATRICK PLATEAU, avoués à la Cour et plaidant par Maître CONTANT, substituant Maître HERMAN, avocats au barreau de LAON

ET :

INTIMÉ :

Monsieur X.

[adresse], Représenté par la SCP JACQUES LEMAL ET AURELIE GUYOT, avoués à la Cour et plaidant par Maître Brigitte LEROY-DUPREUIL, avocat au barreau d'AMIENS - Bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AMIENS

 

DÉBATS : A l'audience publique du 6 septembre 2007, où les débats ont été repris conformément à l'article 444 du nouveau code de procédure civile, devant : M. GRANDPIERRE, Président, entendu en son rapport, Mme CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi, le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 8 novembre 2007.

GREFFIER : M. DROUVIN

PRONONCÉ PUBLIQUEMENT : [minute page 2] Le 8 Novembre 2007 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ; M. GRANDPIERRE, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Vu les conclusions déposées pour la SA Cofidis le 20 avril 2007 ;

Vu les conclusions déposées pour M. Franck X. le 23 mai 2007 ;

Attendu que par arrêt du 22 février 2007 auquel il convient de se référer pour l'exposé du litige, la Cour a invité les parties à s'expliquer sur le moyen soulevé d'office du caractère éventuellement abusif de la clause de l'offre préalable de crédit du 1er juillet 1990 permettant, sans présentation d'une nouvelle offre préalable, une augmentation du montant maximum initialement autorisé lors de l'ouverture du crédit, dans la limite d'un plafond fixé à 7.622,25 euros ;

Que pour une parfaite compréhension du litige, il sera rappelé les termes de la clause litigieuse : l'offre est faite aux conditions suivantes montant maximum du découvert autorisé : 50 000 Francs. Le montant du découvert autorisé à l'ouverture du compte peut être de 10.000 Francs ...selon l'option choisie par l'emprunteur et moyennant l'accord du prêteur. Il pourra être augmenté, moyennant l'accord du prêteur, par fractions successives, dans la limite du découvert maximum autorisé. L'attribution du découvert correspondant, actualisé sur le relevé de compte, vaudra approbation tacite de cette demande ;

Attendu que la SA Cofidis fait valoir que si le montant du découvert autorisé à l'ouverture du compte était de 1 5243,49 euros [N.B. lire sans doute 1.542 euros], l'offre de crédit stipule que le crédit est consenti dans la limite d'un découvert maximum autorisé de 7.622,45 euros ; qu'elle soutient qu'un établissement de crédit n'a pas à faire régulariser à son débiteur une nouvelle offre lorsque le montant du découvert qui lui a été consenti à l'ouverture et dont il pouvait disposer de façon fractionnée aux dates de son choix a été augmenté dès lors que cette augmentation n'a pas excédé les limites du découvert maximum autorisé ; qu'elle considère que la clause litigieuse ne saurait être qualifiée de clause abusive aux motifs qu'elle est réglementaire, étant conforme aux modèles types annexés au décret du 24 mars 1978, qu'elle est légale, le mécanisme du découvert « utile » et du découvert maximum autorisé étant prévu par l'article L. 311-9 du code de la consommation, et qu'elle ne comporte aucun abus dès lors qu'il s'agit seulement de faciliter l'octroi d'un crédit, limité par un plafond, en conférant a l'emprunteur une simple faculté, laquelle ne peut être source d'abus ;

Qu'elle maintient, en conséquence, ses prétentions initiales considérant que la clause litigieuse n'est pas abusive et qu'il ne peut donc lui être opposé ni la forclusion de sa demande ni encore moins la déchéance du droit aux intérêts qui n'est pas la sanction prévue en cas de clause abusive ;

Attendu que M. X. considère que la SA Cofidis dénature le contrat en le présentant comme ayant mis à sa disposition une fraction disponible de 10.000 francs sur le découvert maximal autorisé de 50.000 francs ; qu'il prétend au contraire que la somme de 10.000 francs correspond au montant du découvert autorisé et non à une fraction disponible de celui-ci ; qu'il fait valoir que la clause dont se prévaut le prêteur qui prévoit l'augmentation du montant du crédit autorisé initial n'a fait l'objet d'aucune acceptation de sa part, en l'absence de nouvelle offre de crédit et qu'elle est [minute page 3] obscure et incompréhensible puisqu'elle vient en contradiction avec la mention selon laquelle le montant du découvert est de 10.000 francs ; qui soutient qu'une telle clause est abusive en ce qu'elle permet au prêteur de modifier unilatéralement les caractéristiques du contrat et l'économie de celui-ci, et ce faisant, comme en l'occurrence, de consentir un crédit d'un montant totalement disproportionné à la situation financière de l'emprunteur ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la SA Cofidis est mal fondée à invoquer l'article L. 311-9 du code de la consommation qui vise comme étant soumise à l'obligation d'information de l'emprunteur par le préteur des conditions de renouvellement du crédit « l'ouverture de crédit qui, assortit ou non de l'usage d'une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti » pour en déduire que la loi prévoit l'hypothèse d'un contrat qui, comme en l'espèce, accorde un montant global de crédit que l'emprunteur utilisera de façon fractionnée aux dates de son choix, la première fraction n'étant autre selon elle que le découvert utile ou fraction disponible, alors que l'article précité ne fait que se référer à ce qu'est un crédit utilisable par fractions, autrement appelé crédit permanent ou revolving, c'est-à-dire une réserve d'argent que l'emprunteur peut utiliser soit en une fois ou en plusieurs fois ou fractions et qui, par ailleurs, se reconstitue au fur et à mesure du remboursement du capital emprunté que l'article L. 311-9 précité ne prévoit pas un dépassement du montant du crédit initialement convenu, les fractions dont il est question étant comprises à l'intérieur de l'enveloppe de crédit ;

Que pour le même motif que celui précède, la faculté prévue au modèle type n° 5 figurant en annexe à l'article R. 311-6 du code de la consommation et dont les indications doivent figurer sur les offres préalables de crédit utilisables par fractions conformément aux prescriptions de l'article précité, d'inscrire la mention des fractions périodiquement disponibles, ne saurait être la preuve que la clause litigieuse est conforme aux dispositions réglementaires ;

Attendu que l'insertion dans l'offre préalable de crédit d'une clause permettant l'augmentation, dans des proportions considérables, du montant du découvert initialement convenu sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, fait obstacle, d'une part, à l'information que ce dernier doit recevoir, préalablement à tout nouvel engagement, sur l'ensemble des caractéristiques du crédit projeté, notamment sur les charges de remboursement à venir, qu'une nouvelle offre de crédit, si elle lui avait été proposée à chaque dépassement du crédit précédemment autorisé, aurait permis d'assurer ainsi que, d'autre part, à la faculté de rétractation imposée par l'article L. 311-15 du code de la consommation à l'occasion de chaque nouvelle offre de crédit ; que la SA Cofidis ne peut utilement invoquer à cet égard la faculté qu'à tout moment l'emprunteur a de résilier le contrat, qui emporte pour lui l'obligation de rembourser le crédit déjà octroyé, ce qui est différent du bénéfice d'un délai de réflexion dont dispose l'emprunteur avant tout engagement ferme ;

Attendu que la clause litigieuse qui permet au prêteur d'augmenter le montant du crédit initialement consenti sans soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre préalable lors de chaque dépassement du crédit autorisé est de nature à créer au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat par rapport aux dispositions protectrices prévues par la loi en sa faveur ; que l'argument selon lequel il ne s'agit que d'une faculté pour l'emprunteur n'est pas pertinent dès lors que la loi encadre très strictement les conditions dans lesquelles le consentement de l'emprunteur doit être donné de manière à le protéger contre des engagements dont il n'aurait pas pu évaluer toute la portée au moment où il les prend ; que tel est précisément le cas en l'espèce et peu importe, la loi imposant que les informations soient données avant l'engagement, que l'emprunteur les ait reçues après avoir obtenu l'augmentation de crédit ;

Qu'il s'ensuit que la clause litigieuse est abusive et par suite doit être [minute page 4] réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; qu'il y a lieu de rappeler que le délai de forclusion édicté à l'article L. 331-37 du code civil n'est pas applicable au moyen tiré du caractère abusif d'une clause ;

Attendu que dès lors que la clause permettant l'augmentation du montant du découvert est non écrite, le montant du découvert est fixé à 1.5243,49 euros [N.B. lire sans doute 1.542 euros] ; qu'il a été dépassé dès le mois de mars 2001, sans être régularisé depuis ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation, les actions en paiement doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance ; que dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le dépassement du découvert convenu constitue, en l'absence de régularisation, un incident qui manifeste la défaillance de l'emprunteur, contrairement à ce que soutient la SA Cofidis, et constitue le point de départ du délai biennal de forclusion édicté par l'article précité ; que la SA Cofidis n'ayant introduit son action que par assignation du 5 avril 2005, soit plus de deux ans après le point de départ du délai de forclusion, sa demande est irrecevable ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à M. X. la charge des frais non compris dans les dépens qu'il a pu éventuellement exposer en cause d'appel bien qu'étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 23 septembre 2005 par le tribunal d'instance d'Abbeville ;

Y ajoutant,

Déboute M. X. de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne la SA Cofidis aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER,           LE PRÉSIDENT,