CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 8 avril 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5579
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 8 avril 2016 : RG n° 14/22083
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que la durée des communications constitue une qualité substantielle du service en portant sur les conditions de son utilisation et en ayant une incidence sur le calcul de son prix ; Que Numéricable a utilisé la formule « illimitée », alors qu'en réalité les communications étaient plafonnées selon un calcul difficilement accessible résultant de l'application d'une clause dont la rédaction obscure faisait référence à un calcul compliqué à partir de la consommation dite «normale» d'un client virtuel grand public ; que cette consommation de référence ressortait des statistiques périodiquement publiées par l'ARCEP dans l'observatoire annuel des marchés, sans pour autant que ne soit précisé le mode opératoire du calcul de manière claire et précise, ne permettant pas ainsi au client d'effectuer simplement le calcul le concernant afin d'appréhender la mesure correspondant à son cas particulier ; que la société NUMERICABLE a par là-même trompé Monsieur X. en viciant son consentement par des manœuvres constitutives d'un dol ;
Qu'en sollicitant des dommages et intérêts, Monsieur X. a opté pour l'action en indemnisation du dommage résultant du dol et correspondant à la privation régulière de téléphonie portable en fin de mois, alors qu'il avait souscrit une formule dite « illimitée » ;
Considérant que Monsieur X. fait encore valoir que la société NUMERICABLE n'a jamais exécuté le mandat de portabilité de son ancien numéro, l'ancien opérateur PRIXTEL ayant indiqué que la demande transmise par NUMERICABLE le 17 août 2011 seulement, n'avait pas pu être traitée en ce qu'elle comprenait une erreur, et le nouvel opérateur ayant mentionné une date de référence antérieure à la date de la demande ; Mais considérant qu'en se bornant à prétendre avoir subi un autre préjudice résultant de la contrainte à conserver deux téléphones alors qu'il avait souscrit un forfait tout compris, il n'a pas pour autant rapporter la démonstration, qui lui incombe, de la réalité concrète du préjudice qu'il allègue ;
Que Monsieur C. invoque aussi le préjudice moral résultant du défaut récurrent de réponse de la part de l`opérateur l'ayant contraint à multiplier les courriers recommandés et les interventions auprès de PRIXTEL, de la CNIL et de la DDPP ; Mais considérant qu'il ne rapporte pas davantage la preuve de la réalité du dommage qu'il allègue et que les frais concernant le coût de ses nombreuses démarches, récapitulés dans le tableau versé aux débats (pièce n° 44-1) sont inclus dans les frais irrépétibles objet d'un autre chef de demande, étant observé que ces derniers se limitent pas aux seuls frais exposés par son conseil ;
Considérant que finalement il convient seulement d'indemniser le dommage résultant du dol ayant affecté son consentement lors de la souscription du contrat abonnement qui ne se limite pas, comme le prétend la société NUMERICABLE, au seul montant de l'abonnement journalier dont il a été privé quasiment à la fin de chaque mois, ni à la somme globale facturée par l'autre opérateur ; Que Monsieur X. a formulé une demande « toutes causes de préjudice confondues » et qu'en fonction des éléments disponibles dans le dossier, il convient d'évaluer son préjudice réel à hauteur de la somme de 1.000 euros ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 8 AVRIL 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/22083 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 janvier 2014 -Tribunal d'Instance de PARIS 16e arrdt - R.G. n° 11-13-000845.
APPELANT :
Monsieur X.
demeurant [adresse], né le [date] à [ville], Représenté par Maître Grégory R. de la SELARL E. AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1002, Représenté par Maître Christophe S., avocat au barreau de ROUEN, toque : 98
INTIMÉE :
SAS NC NUMERICABLE vient aux droits de la société NUMERICABLE
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Nicolas B. de l'ASSOCIATION W. B. ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J046
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 mars 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre, Madame Michèle LIS SCHAAL, Président de chambre, Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, président et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 28 juin 2011, Monsieur X. a téléphoniquement souscrit un abonnement d'un an auprès de NUMERICABLE comprenant la télévision, l'internet haut débit et la téléphonie avec carte SIM (dite) illimitée outre le « pass » ciné et la location d'une « HD BOX » moyennant une redevance mensuelle d'un montant de 77,80 euros TTC, ramenée à hauteur de 59,80 euros durant la période de promotion. Il a en outre donné un mandat de portabilité concernant le numéro précédemment souscrit auprès d'un autre opérateur (PRINTEX). N'étant pas satisfait des services rendus, il a résilié le contrat par lettre du 30 avril 2012 à effet pour la fin de la période annuelle, soit pour le 28 juin 2012.
Le 29 juillet 2013, Monsieur X. a attrait la SAS NUMERICABLE devant le tribunal d'instance de Paris 16ème en sollicitant la somme de 7.500 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant d'une mauvaise exécution du contrat et de l'existence de clauses abusives, outre des frais irrépétibles. Bien que citée selon acte délivré « à personne habilitée », la SAS NUMERICABLE a été défaillante devant le tribunal d'instance.
Par jugement réputé contradictoire en premier ressort du 28 janvier 2014, le tribunal, estimant essentiellement ne pas être en mesure de déterminer les règles applicables entre les parties en raison de l'absence de production de l'intégralité du contrat souscrit (conditions particulières et générales), a intégralement débouté Monsieur X. de ses demandes en précisant qu'il ne les a pas justifiées et l'a condamné aux dépens.
Vu l'appel interjeté le 5 novembre 2014 par Monsieur X. en intimant la SAS NC NUMERICABLE « venant aux droits de la SAS NUMERICABLE », et ses dernières écritures télé-transmises le 9 février 2016, réclamant la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement en sollicitant à nouveau la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 7.500 euros de dommages et intérêts « toutes causes de préjudice confondues » ;
Vu les dernières conclusions télé-transmises le 9 février 2016, par la société NC NUMERICABLE intimée :
- soulevant à titre principal, la nullité et l'irrecevabilité de l'appel et de l'intervention forcée « à l'encontre d'un jugement non avenu, alors que la société NC NUMERICABLE n'était ni partie, ni représentée en première instance »,
- poursuivant subsidiairement, la confirmation du jugement en soutenant n'avoir commis aucune faute dans l'exécution du contrat en priant en outre la cour de dire que l'équité ne commande pas d'allouer [à Monsieur X.] [N.B. les crochets émanent de la Cour] une indemnité au titre des frais irrépétibles et que les dépens de première instance « ne sauraient être mis à la charge de la société NC NUMERICABLE », qui n'était pas partie devant le tribunal,
- demandant à titre infiniment subsidiaire, de limiter l'indemnisation de Monsieur X. à la somme de 13,28 euros tenant compte du montant de son forfait mobile pour les 16 jours de restriction établis ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Considérant que la société NC NUMERICABLE (RCS YYY), faisant valoir que :
- 1'assignation du 29 juillet 2013 a été délivrée a la SAS NUMERICABLE (RCS ZZZ), qui est, en conséquence, la personne morale partie au jugement dont appel,
- devant la cour, Monsieur X. a assigné la société NC NUMERICABLE (RCS YYY) « en intervention forcée », laquelle est différente de celle attraite en première instance pour en déduire que la société NC NUMERICABLE ne peut pas être privée du double degré de juridiction en formulant des demandes à son encontre pour la première fois devant la cour ;
Mais considérant :
- d'une part, que la société NC NUMERICABLE a été intimée dès la déclaration d'appel du 5 novembre 2014 en précisant qu'elle était attraite en sa qualité de société venant aux droits de la SAS NUMERICABLE, l'assignation délivrée le 19 décembre 2014 à la requête de Monsieur C. n'étant pas une assignation en intervention forcée, comme le soutient à tort l'intimée, mais la dénonciation de la déclaration d'appel et des premières conclusions d'appelant, la société NC NUMERICABLE n'ayant pas encore constitué avocat devant la cour, ce qu'elle ne fit que le 23 décembre suivant,
- d'autre part, que, sans être démenti par l'intimée, l'appelant fait valoir que la SAS NUMERICABLE (RSC ZZZ) a été absorbée par la société NC NUMERICABLE (RCS YYY) dans le cadre d'une fusion absorption ;
Qu'en application de l'article L. 236-3, I du code de commerce, la fusion entraîne la dissolution sans liquidation de la société qui disparaît et la transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante ;
Qu`il résulte du BODACC du 6 février 2014 (page 54) [pièce n° 5 de l'intimée] que la SAS NUMERICABLE (RSC ZZZ) était radiée à cette date du Registre du commerce et des sociétés tenu au greffe du tribunal de commerce de Meaux, de sorte que les opérations de fusion-absorption sont nécessairement antérieures ;
Que bien que la SAS NUMERICABLE (RCS ZZZ) était la partie défenderesse présente dans la cause devant le tribunal, c'est à bon droit que le 5 novembre 2014, Monsieur C. a directement intimé la société NC NUMERICABLE (RCS YYY) qui, à cette date, avait repris les droits et obligations de l'ancienne société initialement présente en première instance, et que l'appelant peut formuler des demandes directement à son encontre devant la cour, l'intimée, ayant pris la place de l'ancienne société, n'étant pas fondée à prétendre avoir été privée d'un degré de juridiction ;
Considérant que l'intimée fait encore valoir que le jugement du 28 janvier 2014, dont appel, est réputé contradictoire et n'a pas été signifié dans les six mois de sa date de sorte qu'au jour de l'appel du 5 novembre 2014, la décision était antérieurement devenue « non avenue » en application de l'article 478 du code de procédure civile ;
Mais considérant qu'en raison du défaut de comparution de la société SAS NUMERICABLE défenderesse en première instance, le jugement déféré a été qualifié de « réputé contradictoire » au motif qu'il est susceptible d'appel et qu'en déboutant intégralement Monsieur X. de ses demandes à l'encontre de la SAS NUMERICABLE, la décision dont appel n'a pas fait grief à celle-ci, de sorte que la société NC NUMERICABLE, venant aux droits et obligations de cette dernière défaillante devant le premier juge, n'est pas recevable à invoquer, sur le fondement de l'article 478 du code de procédure civile, le caractère non avenu faute de notification dans les six mois de sa date du jugement aujourd'hui déféré devant la cour, qui ne lui fait pas grief ;
Qu'en conséquence, les demandes de la société NC NUMERICABLE (ci-après société NUMERICABLE) de nullité de l'appel « à 1'encontre d'un jugement non avenu », et d'irrecevabilité d'une prétendue « assignation en intervention forcée », ne seront pas accueillies ;
Considérant, sur le fond, que l'appelant et l'intimée ont produit devant la cour l'extrait de l'édition du 16 mai 2011 de la brochure tarifaire NUMERICABLE (pièce n° 20 de l'appelant et pièce n°1 de l'intimée) dont le paragraphe 3.7.1 indique notamment « que les offres illimitées [...] concernent uniquement les communications effectuées par deux personnes physiques dans le cadre d'un usage privé et de l'utilisation normale d'un client grand public [... soit] la consommation moyenne d'un abonné grand public métropolitain issu de la dernière publication par l'ARCEP de l'Observatoire Annuel des Marchés, augmenté d'une marge de 300 % ... » ;
Qu'invoquant l'article L. 121 du code de la consommation, Monsieur X. estime que la société NUMERICABLE a engagé sa responsabilité envers lui en raison du caractère trompeur de ses publicités qui offrent des services illimités de téléphonie tout en les réduisant significativement par des clauses absconses insérées au contrat, ayant entraîné des restrictions du service téléphonique en fin de quasi chaque mois alors qu'il pensait bénéficier d'un service illimité ;
Considérant que la durée des communications constitue une qualité substantielle du service en portant sur les conditions de son utilisation et en ayant une incidence sur le calcul de son prix ;
Que Numéricable a utilisé la formule « illimitée », alors qu'en réalité les communications étaient plafonnées selon un calcul difficilement accessible résultant de l'application d'une clause dont la rédaction obscure faisait référence à un calcul compliqué à partir de la consommation dite «normale» d'un client virtuel grand public ; que cette consommation de référence ressortait des statistiques périodiquement publiées par l'ARCEP dans l'observatoire annuel des marchés, sans pour autant que ne soit précisé le mode opératoire du calcul de manière claire et précise, ne permettant pas ainsi au client d'effectuer simplement le calcul le concernant afin d'appréhender la mesure correspondant à son cas particulier ; que la société NUMERICABLE a par là-même trompé Monsieur X. en viciant son consentement par des manœuvres constitutives d'un dol ;
Qu'en sollicitant des dommages et intérêts, Monsieur X. a opté pour l'action en indemnisation du dommage résultant du dol et correspondant à la privation régulière de téléphonie portable en fin de mois, alors qu'il avait souscrit une formule dite « illimitée » ;
Considérant que Monsieur X. fait encore valoir que la société NUMERICABLE n'a jamais exécuté le mandat de portabilité de son ancien numéro, l'ancien opérateur PRIXTEL ayant indiqué que la demande transmise par NUMERICABLE le 17 août 2011 seulement, n'avait pas pu être traitée en ce qu'elle comprenait une erreur, et le nouvel opérateur ayant mentionné une date de référence antérieure à la date de la demande ;
Mais considérant qu'en se bornant à prétendre avoir subi un autre préjudice résultant de la contrainte à conserver deux téléphones alors qu'il avait souscrit un forfait tout compris, il n'a pas pour autant rapporter la démonstration, qui lui incombe, de la réalité concrète du préjudice qu'il allègue ;
Que Monsieur C. invoque aussi le préjudice moral résultant du défaut récurrent de réponse de la part de l`opérateur l'ayant contraint à multiplier les courriers recommandés et les interventions auprès de PRIXTEL, de la CNIL et de la DDPP ;
Mais considérant qu'il ne rapporte pas davantage la preuve de la réalité du dommage qu'il allègue et que les frais concernant le coût de ses nombreuses démarches, récapitulés dans le tableau versé aux débats (pièce n° 44-1) sont inclus dans les frais irrépétibles objet d'un autre chef de demande, étant observé que ces derniers se limitent pas aux seuls frais exposés par son conseil ;
Considérant que finalement il convient seulement d'indemniser le dommage résultant du dol ayant affecté son consentement lors de la souscription du contrat abonnement qui ne se limite pas, comme le prétend la société NUMERICABLE, au seul montant de l'abonnement journalier dont il a été privé quasiment à la fin de chaque mois, ni à la somme globale facturée par l'autre opérateur ;
Que Monsieur X. a formulé une demande « toutes causes de préjudice confondues » et qu'en fonction des éléments disponibles dans le dossier, il convient d'évaluer son préjudice réel à hauteur de la somme de 1.000 euros ;
Qu'il serait, en outre, inéquitable de laisser à Monsieur X. la charge définitive des frais irrépétibles qu'il a dû exposer depuis le début de l'instance ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Rejette les demandes de nullité et d'irrecevabilité de la société NC NUMERICABLE,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
Condamné la SAS NC NUMERICABLE à payer à Monsieur X. la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts et la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles,
Condamne, en outre, la SAS NC NUMERICABLE aux dépens de première instance et d'appel,
Admet la Selarl E. AVOCATS, avocat postulant, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
Vincent BRÉANT Patrick BIROLLEAU
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