CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 21 avril 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5587
CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 21 avril 2016 : RG n° 13/17933 ; arrêt n° 2016/180
Publication : Jurica
Extrait : « La SARL CENTRALE DU COMMERCE est par définition une professionnelle du commerce, et non un consommateur comme l'a retenu à tort le Tribunal de Commerce ; est donc exclue l'application de l'article R. 132-1 du Code de la Consommation protégeant le consommateur contre le professionnel. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 21 AVRIL 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/17933. Arrêt n° 2016/180. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 16 mai 2013 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 2012F00276.
APPELANTE :
SARL CENTRALE DU COMMERCE
demeurant [adresse], représentée par Maître Damien F., avocat au barreau de TARASCON
INTIMÉE :
SARL CAGNES AUTO SPORT
demeurant [adresse], représentée par Maître Françoise B. de la SELARL B. C. I., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Maître Thierry DE S., avocat au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 29 février 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, monsieur FOHLEN, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 avril 2016
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 avril 2016, Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS - PROCÉDURE - DEMANDES :
Monsieur X. est propriétaire du véhicule ASTON MARTIN mis en circulation le 14 mars 2008.
La SARL CENTRALE DU COMMERCE a selon bon du 28 janvier 2012 commandé ce véhicule (dont le compteur indiquait 38.718 km) à la SARL CAGNES AUTO SPORT pour la somme de 72.000 euros 00 réglée le même jour, ledit bon précisant : « Conformément au mandat de dépôt vente du 25/01/2012 de M. X. ». Par certificat du 30 janvier 2012 Monsieur X. a vendu ce véhicule à la CENTRALE DU COMMERCE.
Cette dernière a pour des interventions sur le véhicule été facturée les 12 et 13 mars pour un total de 2.141 euros 62 TTC. Elle a revendu celui-ci avec 40.000 km selon certificat du 15 mars au prix de 62.000 euros 00.
Le 2 juillet 2012 la CENTRALE DU COMMERCE a fait assigner la société CAGNES AUTO SPORT devant le Tribunal de Commerce de CANNES ; un jugement du 16 mai 2013 visant les articles R. 132-1 du Code de la Consommation et 1641 du Code Civil a :
* débouté la CENTRALE DU COMMERCE :
- de sa demande de garantie à l'encontre de la société CAGNES AUTO SPORT au titre des vices cachés ;
- de sa demande de responsabilité contractuelle à l'encontre de la même ;
- de l'ensemble de ses autres demandes ;
* condamné la CENTRALE DU COMMERCE aux dépens ;
* condamné la même à payer à la société CAGNES AUTO SPORT la somme de 1.000 euros 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SARL CENTRALE DU COMMERCE a régulièrement interjeté appel le 4-5 septembre 2013. Concluant le 25 septembre 2013 elle soutient notamment que :
- le véhicule lui a été livré dans un état inopportun eu égard à son standing et à son prix ;
- très rapidement de nombreux désordres sont apparus rendant le véhicule impropre à l'usage et dès lors à sa destination ; elle a demandé à la société CAGNES AUTO SPORT de prendre en charge les frais de réparation et de dépannage, mais sans succès ;
- est tenu à la garantie des vices cachés non seulement le vendeur, mais également le mandataire de ce dernier ; elle a pensé acheter le véhicule directement à la société CAGNES AUTO SPORT ;
- la trappe à essence s'est avérée cassée, et ce dès le premier plein ; 3 jours après la livraison des voyants du tableau de bord se sont allumés, indiquant des problèmes de pneumatiques et de frein à main ; encore 3 jours plus tard le tableau de bord n'a plus donné d'indication alors même que le véhicule roulait ; le garagiste a mis en évidence une panne majeure du module de contrôle de la capote électrique, occasionnant un arrêt complet du système électrique ;
- à plusieurs reprises le véhicule a présenté des codes défauts donnant lieu à des interventions ; aucun entretien du véhicule n'apparaît entre le 8 juillet 2011 et son achat en février 2012 ;
- le véhicule n'est pas un jouet capricieux ou une mécanique fragile soumise à de réels problèmes mécaniques et électroniques, mais une haute technologie et technicité qui ne devrait pas présenter ce type de défaut ;
- elle a dû exposer des frais (1.441 euros 61 pour réparation, 800 euros 00 pour remorquage, et 700 euros 00 pour rapatriement) qui constituent son préjudice ;
- la revente du véhicule en seulement un mois et demi lui a fait perdre 10.000 euros 00 ;
- la société CAGNES AUTO SPORT a refusé d'intervenir lorsqu'elle-même lui a signalé les défauts du véhicule ;
- à titre subsidiaire cette société est responsable contractuellement pour défaut de conseil et non respect de ses engagements, faute d'information sur les problématiques techniques du véhicule et le suivi de la réparation de ce dernier, d'autant qu'elle est une professionnelle de l'automobile ce qui implique une vigilance particulièrement accrue.
L'appelante demande à la Cour, vu les articles 1134 et suivants, et notamment 1153 alinéa 4, 1641 et 1645 du Code Civil, de :
- dire et juger son appel justifié au fond ;
- réformer le jugement ;
- à titre principal, dire et juger que la société CAGNES AUTO SPORT est tenue de la garantie des vices cachés ;
- à titre subsidiaire, dire et juger qu'elle a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société demanderesse ;
- en tout état de cause la condamner au paiement des sommes de :
* 2.941 euros 61 correspondant à l'ensemble des frais suscités par le véhicule vendu ;
* 10.000 euros 00 à titre de dommages et intérêts ;
* 2.000 euros 00 à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive sur le fondement de l'article 1153 alinéa 4 du Code Civil ;
* 4.000 euros 00 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Concluant le 21 novembre 2013 la SARL CAGNES AUTO SPORT répond notamment que :
- le vendeur est Monsieur X. qui l'a mandatée pour la vente, ce que rappelle le bon de commande ;
- elle n'a pas la qualité de vendeur du véhicule, et ne peut se voir opposer les articles 1641 et 1645 du Code Civil ; le véritable vendeur n'est pas partie à l'instance ;
- très subsidiairement le véhicule a depuis sa mise en circulation le 27 [en réalité 14] mars 2008 été régulièrement suivi et révisé ; rien ne laissait augurer que des problèmes techniques tels que ceux connus par la CENTRALE DU COMMERCE pouvaient survenir ; ces difficultés ne sont pas des vices cachés car un véhicule ASTON MARTIN est un véhicule à la mécanique particulièrement fragile ; les réparations sont de coût dérisoire au regard du prix d'acquisition neuf ;
- rien ne permet d'établir un lien entre ces réparations et la dépréciation du prix lors de la revente.
L'intimée demande à la Cour de :
- confirmer le jugement ;
- constater qu'elle n'a pas la qualité de venderesse ;
- débouter la CENTRALE DU COMMERCE de ses entières demandes ;
- constater en tout état de cause que ses demandes sont infondées ;
- débouter de plus fort la société demanderesse de ses entières prétentions ;
- y ajoutant condamner la CENTRALE DU COMMERCE [à] la somme de 5.000 euros 00 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L’ARRÊT :
La SARL CENTRALE DU COMMERCE est par définition une professionnelle du commerce, et non un consommateur comme l'a retenu à tort le Tribunal de Commerce ; est donc exclue l'application de l'article R. 132-1 du Code de la Consommation protégeant le consommateur contre le professionnel.
L'action engagée par la CENTRALE DU COMMERCE est fondée à titre principal sur les articles 1641 et 1645 du Code Civil, lesquels régissent la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue ; mais cette garantie pèse uniquement sur le vendeur, ce que n'était pas la société CAGNES AUTO SPORT puisque le certificat de vente du 30 janvier 2012 mentionne clairement que le véhicule ASTON MARTIN est vendu par Monsieur X. L'existence d'un contrat de dépôt vente entre ce dernier et la société CAGNES AUTO SPORT n'est pas de nature à attribuer à celle-ci la qualité de vendeur du véhicule, dans la mesure où le bon de commande signé par la CENTRALE DU COMMERCE le 28 janvier 2012 précise lui aussi clairement que le véhicule a été mis en dépôt vente par Monsieur X. auprès de la société CAGNES AUTO SPORT. C'est donc à tort que la CENTRALE DU COMMERCE prétend avoir pensé acheter directement le véhicule à la société CAGNES AUTO SPORT.
En outre l'article 9 et dernier des conditions générales de vente de la société CAGNES AUTO SPORT, cacheté et signé par la CENTRALE DU COMMERCE le 28 janvier 2012 jour du bon de commande du véhicule, stipule clairement : « (...) Le mandataire ne pourra être considéré comme contractant dans la transaction commerciale, ni comme subrogateur du vendeur en cas de litige ou de défection (...) ».
Les éléments précités ne permettent pas à la CENTRALE DU COMMERCE d'agir contre la société CAGNES AUTO SPORT qui n'est pas son vendeur mais un simple mandataire du vendeur Monsieur X.
A titre subsidiaire la CENTRALE DU COMMERCE invoque les articles 1134 et suivants du Code Civil, lesquels eux aussi régissent les relations entre les parties à un contrat ; ce dernier a été conclu entre Monsieur X. et la CENTRALE DU COMMERCE, et la société CAGNES AUTO SPORT y est tiers ce qui empêche que sa responsabilité soit recherchée.
Le jugement est donc confirmé, bien que pour un autre motif, en ce qu'il a débouté la CENTRALE DU COMMERCE de ses demandes.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Confirme le jugement du 16 mai 2013.
Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile condamne en outre la SARL CENTRALE DU COMMERCE à payer à la SARL CAGNES AUTO SPORT une indemnité de 2.500 euros 00 au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.
Rejette toutes autres demandes.
Condamne la SARL CENTRALE DU COMMERCE aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.
- 5838 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat : contrat synallagmatique inversé (consommateur créancier du prix)
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5933 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Véhicules et engins
- 6114 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 212-1-6° C. consom.)