CA NANCY (5e ch. com.), 18 mai 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5617
CA NANCY (5e ch. com.), 18 mai 2016 : RG n° 15/01336
Publication : Jurica
Extrait (jugement) : « - dit que même si le coût du crédit a été calculé avec un TEG inexact, les indications financières fournies par la BPLC ne contreviennent pas aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, - dispose que, au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation, le supposé déséquilibre entre les droits et obligations des parties et qui se mesure par une différence de 0,20 euros concernant le coût du crédit, n'est pas significatif et qu'il n'a aucune conséquence financière pour l'emprunteur ».
Extrait (arrêt) : « En raison du caractère accessoire du cautionnement, le juge du cautionnement, saisi d'une action en paiement par le créancier contre la caution, est tenu de respecter la décision passée en force de chose jugée rendue par le juge compétent de la procédure collective dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal, et concernant l'existence ainsi que le montant de la créance. La Banque justifiant dans les circonstances de cette espèce de la notification, le 8 octobre 2014, d'une décision d'admission de créance à hauteur de 50.418,47 euros, Mme Y., qui ne justifie pas de l'existence d'un recours exercé contre cet état des créances, ne saurait être déclarée recevable en sa contestation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
CINQUIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 18 MAI 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R. G. n° 15/01336. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Commerce d'EPINAL, R.G. n° 2014/3279, en date du 31 mars 2015.
APPELANTE :
Madame X. épouse Y.
demeurant [adresse], représentée par Maître Hervé B. substitué par Maître Anne-Isabelle F., avocats au barreau de NANCY ;
INTIMÉE :
SA BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE LORRAINE CHAMPAGNE
suivant fusion absorption en date du 21 novembre 2014, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social [adresse] inscrite au Registre du Commerce de Metz et des Société sous le numéro XXX, représentée par Maître Frédérique M., avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 mars 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MESLIN, Président de Chambre, chargé du rapport, et Monsieur Claude SOIN, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sylvie MESLIN, Président de Chambre, Madame Bénédicte SOULARD, Conseiller, Monsieur Claude SOIN, Conseiller.
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 18 mai 2016, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; signé par Mme Sylvie Meslin, Président et par M. Ali Adjal, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'appel déclaré le 7 mai 2015 par Mme X. épouse Y. (Mme Y.) contre le jugement prononcé par le tribunal de commerce d'Épinal le 31 mai 2015 dans l'affaire qui l'oppose à la société anonyme Banque Populaire Lorraine Champagne, aux droits de laquelle se trouve être aujourd'hui, la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (société BPALC.) ;
Vu le jugement entrepris ;
Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes écritures présentées le :
- 15 décembre 2015 par Mme Y., appelante,
- 8 février 2016 par la société BPALC, intimée ;
Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que des éléments et pièces déposées par les parties.
SUR CE,
La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales.
Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel des parties.
1. Données analytiques, factuelles et procédurales, du litige
La Banque a selon acte sous seing privé du 21 mars 2011, consenti à la société par actions simplifiée Herazeus ayant pour nom commercial « Sweetair Energie », un prêt professionnel référencé 03ZZ87 portant sur un montant de 100.000 euros moyennant un intérêt au taux fixe annuel de 3,95 %, remboursable en 60 mensualités.
Mme Y., présidente de la société Herazeus, s'est par acte sous seing privé du 6 décembre 2012, porté caution solidaire « tous engagements » du remboursement de ce prêt dans la limite de 50.000 euros.
La société Herazeus a selon jugement du tribunal de commerce d’Épinal du 11 février 2014, été placée en redressement judiciaire.
La Banque a déclaré sa créance et pris des mesures conservatoires contre la caution au visa de l'article L. 622-28 alinéa 3 du code de commerce.
Mme Y. a ensuite par acte d'huissier du 22 avril 2014, été appelée par la société BPALC devant le tribunal de commerce d'Épinal, en paiement de 50.000 euros en exécution de son obligation de garantie du prêt professionnel précité.
Le 17 juin 2014, la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire.
Par jugement contradictoire du 31 mars 2015, les juges consulaires saisis ont statué comme suit :
- vu l'article L. 622-28 du code de commerce,
- vu les articles 1134 et suivants, 1905, 1907, 2288, 2292 du code civil,
- vu la définition du TEG et son mode de calcul,
- vu les articles L. 132-1, L. 312-1 et suivants du code de la consommation,
- vu les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code monétaire et financier,
- vu les articles L. 11-1 [111-1], L. 313-2, R. 313-1 du code de la consommation et son annexe,
- vu l'article R. 511-7 du code de procédure civile d'exécution,
- vu l'article 700 du CPC,
- vu la jurisprudence civile,
- vu les pièces produites aux débats,
- juge que seule la SAS Herazeus a une existence juridique et que les prétendues sociétés SARL ou SAS Sweetair Energie n'ont pas d'existence légale, n'étant que le nom de l'enseigne commerciale de la SAS Herazeus,
- reçoit la BPLC en sa demande,
- dit que la société pour laquelle Mme Y. s'est portée « caution solidaire tous engagements » est bien la société SAS Herazeus et que dans ces conditions, le débiteur cautionné est bien le débiteur garanti, avec les conséquences qui en découlent,
- estime que la confusion autour de différentes entités que sont la SARL Sweetair Energie, la SAS Sweetair Energie, la SAS Herazeus a été sciemment organisée par Mme Y.,
- juge que l'action du créancier est en tout point recevable et que l'instance qui avait été suspendue depuis l'ouverture de la procédure collective, a repris du fait du prononcé de la liquidation judiciaire,
- dit que même si le coût du crédit a été calculé avec un TEG inexact, les indications financières fournies par la BPLC ne contreviennent pas aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation,
- dispose que, au visa de l'article L. 132-1 du code de la consommation, le supposé déséquilibre entre les droits et obligations des parties et qui se mesure par une différence de 0,20 euros concernant le coût du crédit, n'est pas significatif et qu'il n'a aucune conséquence financière pour l'emprunteur,
- juge qu'au visa de l'article 1134 du code civil, le contrat de crédit professionnel dans lequel figurent les différentes données financières, a été signé par les parties le 21 mars 2011 et les engage réciproquement,
- dit que la BPLC est mal fondée à réclamer à Madame Y. des intérêts sur le montant du cautionnement de 50.000 euros,
- en conséquence, le tribunal,
- déboute Madame Y. de l'ensemble de ses contestations et de ses demandes reconventionnelles,
- condamne Madame Y. à payer à BPLC, à titre de caution solidaire « tous engagements », la somme de 50.000 euros,
- dit que ce montant ne portera pas intérêts et déboute la BPLC sur ce point,
- juge qu'il n'y a pas lieu à paiement d'indemnités au titre de l'article 700 du CPC,
- condamne Mme Y. aux entiers dépens de l'instance en ce compris le coût des mesures conservatoires autorisées,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont notamment retenu que, nonobstant le fait que l'acte de cautionnement signé par Mme Y. ne porte mention que d'une société Sweetair Energie et non pas celle de la société Herazeus, la caution poursuivie ne saurait sérieusement soutenir qu'il s'agit de deux sociétés différentes puisque Sweetair Energie est le nom commercial de la société Herazeus. Ils ont ajouté que la procédure introduite devant eux était parfaitement recevable en dépit de la procédure collective prononcée envers la société débitrice principale d'autant que, la procédure de redressement judiciaire a été convertie en une procédure de liquidation judiciaire selon jugement du 17 juin 2014. Ils ont souligné que le supposé déséquilibre significatif des droits et obligations des parties se mesure par une différence de 0, 20 euros se rapportant au coût du crédit et que dans ces conditions, les engagements de la BPLC envers Mme Y.ne pouvaient être remis en cause, qu'enfin la société BPLC n'était pas autorisée à réclamer à la caution des intérêts sur le montant de 50.000 euros puisque le montant de cet engagement intègre déjà les intérêts.
Mme Y. a déclaré appel de cette décision.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 9 mars 2016 et l'affaire, renvoyée pour être plaidée à l'audience tenue en formation de double rapporteur à l'audience du 16 mars suivant.
2. Dispositif des conclusions des parties
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
Les conclusions des parties ci-avant visées, récapitulent les demandes par l'énoncé des dispositifs suivants :
Mme Y. prie la Cour de :
- vu les dispositions de l'article 1109, 1131, 1907, 1134 et 2292 du code civil,
- vu les dispositions de l'article L.622-28 du code de commerce,
- vu les dispositions de l'article L. 132-1 et L. 312-1 et suivants du code de la consommation,
- vu les dispositions de l'article L. 112-1 et L. 112-2 du code monétaire et financier,
- vu les dispositions des articles L. 131-1, L. 131-2, R. 313-1 et son annexe et 1907 du code civil
- vu les pièces et la jurisprudence citée,
- dire et juger que le cautionnement donné par Mme Y. aux engagements de la SARL Sweetair Energie ne peut être étendu à ceux d'une autre société, non visée par la convention de garantie ni par la mention manuscrite,
- juger que l'action ne peut, en l'état, être admise, le cautionnement ne pouvant se présumer
- juger que l'acte de cautionnement est nul, le consentement de Madame Y. ayant été vicié par usage de violence morale,
- juger que l'acte de cautionnement est nul pour défaut de cause,
- subsidiairement, dire et juger irrecevable l'action au fond de la BPLC à l'encontre de Mme Y. en sa qualité de caution, bénéficiant des dispositions de la suspension des poursuites,
- subsidiairement encore, relever que le contrat de crédit cautionné ne comporte aucune disposition relative aux arrondis, qui aurait été acceptée par le débiteur principal,
- dire qu'en procédant par voie d'arrondis, la BPLC n'a pas calculé les termes d'intérêts réclamés au débiteur et à la caution conformément aux dispositions contractuelles relatives au calcul des intérêts selon la méthode proportionnelle,
- dire et juger qu'en conséquence, le TEG du contrat de crédit est inexact et que la caution est recevable à se prévaloir de ce moyen inhérent à la dette,
- ordonner en conséquence la substitution du taux de l'intérêt légal au taux contractuel,
- dire que les intérêts de retard seront calculés au taux légal compte tenu de ce qui précède,
- juger que l'information annuelle due à la caution n'a pas été exacte ni fidèle,
- juger en conséquence que dans les rapports entre le prêteur et la caution, les sommes versées s'imputeront sur le principal de la dette,
- juger subsidiairement que la somme garantie par la caution sera limitée en tout état de cause à 17.219,05 euros, compte tenu de l'état des risques dont la caution a eu connaissance au titre de l'obligation d'information annuelle,
- condamner la BPLC à payer à Mme Y.la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles visés par les dispositions de l'article 700 du CPC [code de procédure civile],
- condamner la BPLC aux entiers dépens de l'instance.
La BPALC demande qu'il plaise à la Cour de :
- vu le bordereau de pièces justificatives signifié,
- vu les articles 1905 et suivants du code civil, 1134 et suivants du code civil,
- vu les articles 2288 et suivants du code civil,
- vu l'article L. 622-28 alinéa 3 du code de commerce,
- vu l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution,
- vu l'article R. 313-1 du code de la consommation,
- déclarer l'appel interjeté par Mme Y. recevable mais totalement infondé,
- la débouter de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Épinal,
- ce faisant,
- dire et juger l'action intentée par la Banque Populaire recevable,
- débouter Madame Y. de l'ensemble de ses contestations, fins, conclusions et demandes reconventionnelles,
- au titre du prêt professionnel n° 03ZZ87 et du cautionnement solidaire « tous engagements » y afférant :
- condamner Madame Y. née X. à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne venant aux droits de la Banque Populaire Lorraine Champagne suivant fusion absorption en date du 21 novembre 2014 la somme de 50.000 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- y ajoutant,
- condamner Madame Y. au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC,
- condamner Madame Lucienne Y. née G. aux entiers dépens, en ce compris le coût des mesures conservatoires autorisées.
La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour un exposé complet des argumentaires de chaque partie dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CELA ETANT EXPOSÉ,
Les parties en litige s'opposent, sur la recevabilité et le bien-fondé d'une demande en paiement d'un solde de prêt professionnel amortissable en 60 mensualités dirigée par un organisme prêteur contre une caution dirigeante, par suite de la défaillance d'une société placée sous un régime de redressement judiciaire puis, à compter du 17 juin 2014, sous un régime de liquidation judiciaire, présentée comme étant la société cautionnée.
Sur la recevabilité de la demande de la Banque :
En ce qui concerne l'intérêt à agir de la Banque contre la caution du fait du débiteur litigieux :
Mme Y. fait valoir : - que l'acte de cautionnement litigieux a été donné au créancier en garantie de tous les engagements dus par la « SARL Sweetair Energie » alors que cette société n'existait plus, puisqu'elle avait été rachetée et avait changé de nom ; - que le débiteur cautionné n'est ainsi pas le débiteur du crédit litigieux ; - que les quatre mentions manuscrites portées par elle ne souffrent d'aucune interprétation dès lors qu'elle apparaît s'être clairement engagée à se porter caution des engagements d'une société déterminée, dénommée SARL Sweetair Energies et d'elle seule ; - qu'au demeurant, la lettre d'information annuelle que la partie adverse lui a adressée rappelle les termes précis de cet engagement de caution omnibus particulièrement risqué, au bénéfice d'une société dénommé « SAS Sweetair Energie » ; - qu'elle n'a jamais entendu couvrir la dette litigieuse amortissable qui d'une part, est absente du contrat de cautionnement signé par elle et d'autre part, pèse sur une personnalité morale non désignée par la convention signée avec la Banque
La BPLAC s'oppose à ses assertions, en répondant que la partie adverse admet à plusieurs reprises dans ses écritures qu'elle s'est portée caution en sa faveur. Elle souligne qu'il s'agit là d'un aveu civil irrévocable, au sens de l'article 1356 du code civil.
Elle ajoute : - que si un cautionnement ne permettant pas de déterminer le débiteur de l'obligation principale est sans effet juridique, tel n'est pas le cas du cautionnement litigieux ; - que Sweetair Energie et Herazeus ne sont en effet pas deux sociétés distinctes mais une seule et unique entité ; - que Mme Y., présidente de la société Herazeus, ne peut en effet prétendre que son cautionnement a été donné pour une autre société, la société cautionnée étant clairement désignée dans son engagement par son nom commercial de « Sweetair Energie », également porté sur l'acte de prêt ; - que les premiers juges n'ont en réalité fait, que constater que la caution avait nécessairement connaissance de l'identité de la débitrice principale qu'elle cautionnait et qu'elle avait ainsi, sciemment créé la confusion entre ces deux entités ; - que Mme Y. s'est engagée à garantir la société Herazeus, seule entité juridique, en dénommant sciemment celle-ci par son nom commercial ; - que s'agissant d'un acte de cautionnement tous engagements, le paiement des échéances du prêt en cours est nécessairement garanti.
En soutenant que l'acte de cautionnement sur le fondement duquel les poursuites sont engagées ne concerne pas le débiteur principal du crédit, Mme Y. se prévaut à l'évidence d'une fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt de la Banque à agir contre elle.
L'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai, un fait de nature à produire contre lui des conséquences légales.
Aucune mention prétendument inscrite dans les conclusions déposées par Mme Y. ne saurait de manière précise, équivaloir à un aveu judiciaire au sens de l'article 1356 du code civil contrairement aux affirmations de la Banque.
Au demeurant, l'allégation portée par cette dernière est formulée en termes généraux et n'est agrémentée d'aucune précision.
L'acte de cautionnement personnel et solidaire « tous engagements » dont se prévaut la Banque est libellé en ces termes : « en me portant caution de la SARL Sweetair energie dans la limite de la somme de 50.000 euros (cinquante mille euros.) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de vingt-quatre mois, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si SARL Sweetair energie n'y satisfait pas elle-même en renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec Sweetair energie je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement SARL Sweetair energie ».
Ce même document signé le 6 décembre 2012, porte par ailleurs mention du débiteur principal désigné comme étant « SAS Sweetair Energie, [...] ».
L'acte de prêt professionnel sous seing privé référencé 03ZZ87, porte également mention de cette SAS Sweetair Energie dont le siège social est situé [...].
La déclaration de créance de la Banque soumise à la Cour, fait également état de la « SAS Sweetair Energie (Herazeus RCS XX). » tout comme les lettres de mise en demeure adressées par la Banque à la caution - voir notamment pièce 6 de la Banque.
Enfin, l'extrait K Bis de la société Herazeus daté du 23 mars 2014 versé aux débats, laisse apparaître que Sweetair Energie est de manière précise, le nom commercial de la société Herazeus dont Mme X. épouse Y. est la présidente.
Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que Sweetair Energie et la société Herazeus correspondent donc bien à la même entité juridique.
L'intérêt à agir de la Banque contre la caution est établi.
En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de l'état de la demande au fond dirigée contre la caution :
Mme Y. se prévaut des dispositions de l'article L. 622-28 alinéa 3 du code de commerce, observant que la Banque n'a pu valablement engager une action au fond à son encontre puisqu'à la date de délivrance de l'assignation, la société débitrice principale était placée sous un régime de redressement judiciaire.
Elle ajoute que cette interdiction est d'ordre public et qu'elle n'est susceptible d'aucune régularisation si bien que l'action engagée par la Banque est irrecevable, peu important qu'au jour du jugement querellé, la procédure de redressement judiciaire ait été alors convertie en une procédure de liquidation judiciaire.
La Banque objecte que le jugement ouvrant le redressement judiciaire ne rend pas les actions à l'égard des cautions irrecevables mais qu'il en suspend seulement le cours jusqu'à la décision adoptant un plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire. Elle précise que le tribunal de commerce d'Épinal ayant au cas d'espèce, finalement ouvert une procédure de liquidation judiciaire au nom de la société Herazeus, le cours de l'action engagée contre la caution avait repris et ne se heurtait à aucune fin de non-recevoir.
Vu l'article L. 622-28 du code de commerce dont il ressort que le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan en prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ;
C'est à bon droit, que les premiers juges ont retenu que l'action au fond était recevable au jour où ils se prononçaient dès lors que la liquidation judiciaire de la société débitrice principale était acquise et que partant, le cours de l'instance au fond avait repris.
Le créancier craignant dans l'hypothèse d'une procédure collective du débiteur principal que la caution ne cherche à organiser son insolvabilité, n'est nullement empêché, ainsi que la Banque s'y est autorisée dans les circonstances de la présente cause, de prendre une mesure conservatoire sur les biens de la caution sur le fondement de l'article L. 622-28 alinéa 3 du code de commerce.
Il doit seulement, selon l'article R. 511-7 du dit code, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire qui ne peut alors être subordonnée à l'exigibilité de la créance contre la caution. L'instance ainsi engagée est simplement suspendue jusqu'au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire du débiteur principal.
Ce second grief d'irrecevabilité sera sur ces constatations et pour ces raisons, écarté.
Sur la nullité de l'acte de caution :
En ce qui concerne le grief de nullité pour violence morale :
Mme Y. fait valoir, que son engagement a en réalité été obtenu dans un contexte de violence morale que la Banque a soigneusement orchestré.
Elle fait observer : - que l'acte de cautionnement litigieux a été signé plus d'un an et demi après l'acte de prêt ; - que dans les jours ayant précédé cette signature, la Banque a par ailleurs, procédé à un chantage parfaitement inadmissible, menaçant la société Herazeus de ne procéder à aucun versement de salaire tant que le crédit litigieux n'était pas cautionné par la dirigeante ; - que le versement de salaires engendrant effectivement à cette période, un découvert de 50.000 euros sur le compte de la société que la Banque refusait d'accorder, elle n'a pas eu d'autre choix en tant que dirigeante, que de se porter caution du remboursement d'un crédit qui d'évidence, l'exposait à un risque d'endettement important ; - qu'elle a ainsi signé dans la précipitation, un acte dont elle n'a nécessairement mesuré ni les termes, ni la portée et ce, d'autant qu'âgée de 70 ans, elle était dans une situation de vulnérabilité particulière ; - que la violence morale dont la Banque a fait preuve transparaît clairement des pièces déposées aux débats, les dates de dépôt des chèques et de la signature du cautionnement coïncidant parfaitement tandis que la Banque a validé l'ordre de virement de 50.000 euros sur le compte RJ de la société Herazeus sans s'en servir pour solder le crédit.
La Banque réplique que de telles allégations ne reposent sur aucune preuve. Elle précise : - que Mme Y. n'a pas cautionné un crédit en particulier mais consenti un crédit « tous engagements » de sorte qu'il n'y a rien de suspect à ce que cet engagement de caution n'ait pas été signé, concomitamment à un prêt ; - que la partie adverse ne peut, en tant que dirigeante de la société Herazeus, sérieusement soutenir qu'elle était particulièrement vulnérable ; - qu'au demeurant, le cautionnement des engagements d'une société par le dirigeant de celle-ci, est un acte particulièrement banal dans la vie d'une société sauf à démontrer, ce qu'elle ne fait pas, que la Banque avait envers la société cautionnée des informations dont elle-même n'avait pas connaissance ; - qu'aucune violence morale n'a été exercée envers Mme Y. qui, en qualité de dirigeante de la société cautionné, ne pouvait qu'avoir parfaitement conscience de la portée de son engagement.
Au vu des éléments de contexte admis par chacune des parties, il est clair qu'au jour de la signature de l'engagement de caution, Mme Y. se trouvait ès qualité de dirigeante dans un état de contrainte économique.
Une telle contrainte ne peut cependant se rattacher à la violence au sens de l'article 1112 du code civil que s'il est établi que la Banque, a abusivement exploité la situation de dépendance dans laquelle se trouvait être Mme Y.
Un tel abus n'apparaît pas dans les circonstances de la cause, justifiée à suffisance par les éléments portés aux débats puisqu'il est acquis que si la Banque a exigé de la partie appelante cette garantie dite omnibus en contrepartie du paiement de salaires dus par la société dont elle était dirigeante, il est tout aussi constant que ce versement occasionnait un découvert dans les comptes sociaux.
Le grief de nullité sera écarté.
En ce qui concerne le grief de nullité pour absence de cause :
Mme Y. explique : - qu'en sollicitant sa garantie, la Banque n'a entendu « octroyer » aucun avantage à la société Sweetair Energie qui n'entretenait aucune relation priviligiée avec elle ; - que le cautionnement litigieux était donc dépourvu de cause ; - que quoi qu'il en soit, le but de la Banque était de disposer en sa personne, d'un autre débiteur plus solvable que le débiteur principal du prêt dont la situation financière ne cessait de se dégrader ; - que sauf à faire preuve d'une intention libérale, non établie dans les circonstances de la cause, elle n'aurait jamais accepté de se porter caution si la Banque n'avait pas fait pression sur elle en la menaçant de ne pas verser les salaires à ses employés.
La Banque observe : - qu'il est d'ores et déjà démontré que la société Sweetair Energie et Herazeus sont une seule et même entité juridique ; - que la cause de l'engagement litigieux était au demeurant fondée sur une cause consistant à obtenir une garantie de la dirigeante de la société, ce qui est un acte courant dans les relations d'affaires.
Vu l'article 1108 du code civil dont il ressort qu'une cause licite dans l'obligation consentie, est une condition essentielle de la validité d'une convention ;
En l'espèce, il a déjà été dit et constaté que la société Herazeus et la société Sweetair Energie correspondent à une seule et même société.
La cause du cautionnement consenti par Mme Y. correspond d'évidence, à la persistance du lien d'affaires qui était noué entre les parties et donc au droit pour la Banque, d'obtenir une garantie pour maintenir cette relation.
Ce second grief de nullité sera écarté puisqu'il n'est pas établi que l'avantage escompté par la caution dirigeante, à savoir le paiement des salaires dus par la société débitrice principale n'ait pas été octroyé par la Banque.
Sur la demande de déchéance des intérêts conventionnels :
Mme Y. expose que les stipulations du contrat de crédit ne sont assorties d'aucune précision conventionnelle sur le sort contractuel d'éventuels arrondis et que le taux de période comme le TEG, ont été calculés par la Banque avec une précision au centième de millième.
Elle soutient : - que cette précision décimale selon la méthode proportionnelle est entrée dans le champ contractuel et constitue donc la loi des parties ; - que le comportement de la Banque est cependant contradictoire en ce qu'elle n'a pas repris cette précision au centième de millième du TEG lors du calcul des intérêts du crédit litigieux puisque, si tel avait été le cas, le coût réel de celui-ci se serait élevé à 10.363,801378 euros ; - qu'en dépit de la précision décimale du taux de période et du TEG, soi-disant donnée par elle, la Banque s'est en réalité extraite de cette exigence professionnelle et a pratiqué un arrondi à l'unité supérieure ; - qu'elle s'est donc octroyé un avantage qui d'une part, n'est pas prévu par le contrat de prêt et qui d'autre part, déroge au calcul exact produit par la méthode proportionnelle prévue par ce même contrat sans en informer l'emprunteur ; - que la question reste celle de savoir si, en donnant une précision allant au-delà d'au moins une décimale, la banque s'est engagée à donner un taux exact ou si une inexactitude « au-delà de la première décimale » est sans conséquence ; - que selon les articles L. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation le TEG doit être calculé de manière exacte ; - que les premiers juges ont à tort considéré que l'article R. 313-1 du code de commerce ne prescrit la précision qu'à la limite d'une décimale puisque cet article prévoit l'exactitude d'au moins une décimale avant de préciser les règles de l'arrondi ; - qu'alors qu'elle s'était engagée à une plus grande précision que celle imposée par le texte de loi, la Banque a en l'espèce procédé par arrondi de sorte que le TEG, le taux de période et le taux d'intérêts se sont avérés faux ; - qu'il y a subséquemment lieu de constater la nullité du taux d'intérêts conventionnels et de substituer le taux légal depuis l'origine.
La Banque réplique : - que l'appelante perd de vue que sa créance, régulièrement déclarée dans le cadre de la procédure collective de la société Herazeus, a fait l'objet d'une ordonnance d'admission de créance à hauteur de 50.418,47 euros ; - que cette ordonnance d'admission ayant autorité de la chose jugée, la caution qui s'est engagée à hauteur de 50.000 euros ne peut plus contester, ni le principe, ni le montant de la créance admise ; - que ce jugement d'admission s'impose à la caution n'ayant pas exercé de recours contre l'état des créances ; - que quoi qu'il en soit, Mme Lucienne L. affirme elle-même dans ses écritures, que le calcul de TEG effectué par la Banque est exact, voir p. 13 de ses écritures, et reproche uniquement l'arrondi à la décimale supérieure ; - qu'une erreur inférieure à la décimale n'est selon une jurisprudence constante, pas suffisante pour retenir l'inexactitude.
En raison du caractère accessoire du cautionnement, le juge du cautionnement, saisi d'une action en paiement par le créancier contre la caution, est tenu de respecter la décision passée en force de chose jugée rendue par le juge compétent de la procédure collective dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal, et concernant l'existence ainsi que le montant de la créance.
La Banque justifiant dans les circonstances de cette espèce de la notification, le 8 octobre 2014, d'une décision d'admission de créance à hauteur de 50.418,47 euros, Mme Y., qui ne justifie pas de l'existence d'un recours exercé contre cet état des créances, ne saurait être déclarée recevable en sa contestation.
Sur les manquements à l'obligation d'information annuelle :
Mme Y. fait reproche à la Banque de n'avoir pas satisfait à l'obligation d'information mise à sa charge par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et relève qu'alors qu'elle pensait n'être exposée qu'à un risque de 17.219,05 euros, son exposition réelle était de 50.000 euros. Elle conclut être fondée à obtenir une décharge partielle de son engagement de garantie, à hauteur des seuls risques portés à sa connaissance.
La Banque réplique que son adversaire ne rapporte pas la preuve de ses allégations sauf à se fier à des documents de comptabilité interne de la société Herazeus nullement probants puisqu'émanés de l'appelante elle-même. Elle souligne établir avoir rempli son obligation d'information.
Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier dont il ressort notamment que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année, de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement.
En l'espèce, la Banque justifie à suffisance avoir rempli son obligation par la production des lettres des 15 février 2013 et 17 février 2014.
Sur les autres demandes :
Mme Y., partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût des mesures conservatoires autorisées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y AJOUTANT :
CONDAMNE Mme Y. aux entiers dépens d'appel.
Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE Mme Y. à verser à la société anonyme Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne venant aux droits de la Banque Populaire Lorraine Champagne une indemnité de deux mille euros (2.000 euros) à titre de frais irrépétibles d'appel.
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en dix pages.
- 5710 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Obstacles au contrôle du juge - Autorité de la chose jugée
- 5853 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur tiers au contrat
- 5982 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge du fond - Illustrations diverses
- 6014 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Absence de déséquilibre - Déséquilibre non significatif
- 6619 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Taux d’intérêt et frais