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CASS. CIV. 1re, 1er juin 2016

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 1er juin 2016
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 15-13236
Décision : 16-586
Date : 1/06/2016
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:C100586
Nature de la décision : Cassation
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 586
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5641

CASS. CIV. 1re, 1er juin 2016 : pourvoi n° 15-13236 ; arrêt n° 586

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Lorsqu’elle procède au don de chiens, la SPA agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, de sorte qu’elle n’a pas la qualité de professionnel au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 1er JUIN 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 15-13236. Arrêt n° 586.

DEMANDEUR à la cassation : Association Société protectrice des animaux (SPA)

DÉFENDEUR à la cassation : M. et Mme X.

Mme Batut (président), président. SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon le jugement attaqué, que, les 2 août, 20 août et 2 octobre 2010, l’association Société protectrice des animaux (la SPA) a conclu avec M. X. cinq conventions portant donation de cinq chiens, à charge, notamment, de ne pas céder les animaux sans accord écrit du refuge d’adoption ; qu’invoquant le manquement du donataire à cette obligation, la SPA a assigné M. X. et son épouse en révocation des donations consenties ;

 

Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour déclarer abusive la clause des contrats subordonnant la cession de l’animal à l’accord écrit du donateur, le jugement retient que la SPA est un professionnel, dès lors que ces contrats sont en lien avec son objet social ayant pour but d’améliorer, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, le sort de tous les animaux, de lutter contre leur trafic, de veiller à ce que soient respectées les dispositions législatives et réglementaires, et de leur accorder assistance ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, alors que, lorsqu’elle procède au don de chiens, la SPA agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, de sorte qu’elle n’a pas la qualité de professionnel au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, la juridiction de proximité a violé ce texte ;

 

Et sur le second moyen :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article 1382 du code civil ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour accueillir la demande de dommages-intérêts formée à titre reconventionnel par M. et Mme X., le jugement retient que subir une action en justice vouée à l’échec leur a nécessairement causé un préjudice ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un abus par la SPA de son droit d’agir en justice, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le premier moyen : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 juin 2014, entre les parties, par la juridiction de proximité de Vannes ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi du chef de l’application de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

Dit qu’en concluant avec M. et Mme X., les 2 et 20 août et 2 octobre 2010, cinq contrats de donation de chiens, la Société protectrice des animaux n’a pas agi en qualité de professionnel ;

Renvoie pour le surplus devant la juridiction de proximité de Lorient ;

Condamne M. et Mme X. aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille seize.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour l’association Société protectrice des animaux.

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d’avoir dit abusive la clause mentionnée dans l’article III des contrats conclus entre la SPA et M. X., les 2 août 2010, 20 août 2010 et 20 octobre 2010, et d’avoir débouté la SPA de ses demandes tendant, d’une part, à ce qu’il soit constaté que M. X. avait violé les obligations contractuelles lui incombant en exécution de ces donations, d’autre part, à la révocation des donations conclues avec M. X., à la restitution sous astreinte des chiens objet des donations et à la condamnation de M. X. à lui payer la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE les contrats conclus entre la SPA et M. X. sont intitulés « Contrat de donation avec charges d’un animal » ; qu’il y est précisé que la SPA donne les chiens à M. X. « sous respect des charges indiquées » mentionnées aux articles I à VIII du contrat ; que ces charges consistent à bien traiter l’animal, le munir d’un collier, ne pas le céder sans l’accord écrit du refuge d’adoption, communiquer à la SPA les changements d’adresse du chien, aviser la SPA en cas de disparition de l’animal, ne pas faire reproduire l’animal, faire tous les rappels de vaccins, recevoir, le cas échéant, l’enquêteur de la SPA ; qu’aux termes de ces contrats, il est également précisé que « Les conditions de donation indiquées ci-dessus devront être effectivement réservées à l’animal. Le non-respect de ce contrat entrainera la révocation de la donation et autorisera la SPA à reprendre l’animal » ; qu’ainsi, les contrats conclus entre la SPA et M. X. sont des actes de donation entre vifs transférant la propriété des chiens, biens meubles, à M. X. ; que les charges mises à la charge de M. X. sont, quant à elles, des conditions résolutoires dont le non-respect entraine la révocation de la donation sous réserve de la validité des conditions ; qu’aux termes de l’article III du contrat conclu entre la SPA et M. X., il est indiqué que le donataire « s’engage à ne pas céder l’animal sans accord écrit du refuge d’adoption sous peine de poursuites. En cas de retour, il se fera aux conditions d’abandon du refuge » ; que cette atteinte au droit de disposer de l’animal, droit dévolu à M. X. compte tenu du transfert de propriété de l’animal opéré par la donation, créé au détriment de M. X. un déséquilibre significatif entre ses droits et obligations et ceux de la SPA ; que le droit de disposer du chien, inhérent au transfert de propriété du chien opéré au profit de M. X., se trouve particulièrement entravé puisqu’il ne peut s’opérer qu’avec l’accord écrit du refuge sans que cet accord ne soit, notamment, limité dans le temps ou expressément subordonné au bien-être du chien ; que par ailleurs, l’article III ajoute qu’en cas de retour, celui-ci doit s’opérer aux conditions d’abandon du refuge sans que ces conditions ne soient explicitées ; que de la même manière, M. X. est particulièrement entravé dans son droit de jouir du chien puisqu’il ne peut en tirer aucun fruit en application de l’article VI du contrat et que son droit d’user du chien est rigoureusement réglementé par les articles II, IV, V, VII et VIII ; qu’en contrepartie, la SPA ne transfère un droit de propriété sur le chien qu’extrêmement parcellaire ; qu’association reconnue comme établissement d’utilité publique par décret du 22 décembre 1860, la SPA est, dans le cadre de la conclusion de ce contrat, un professionnel ; que ses statuts précisent que son objet social est « d’améliorer, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, le sort de tous les animaux, de lutter contre leur trafic, de veiller à ce que soient respectées les dispositions législatives et réglementaires qui les protègent et de leur accorder assistance » ; que le contrat conclu avec M. X. est précisément en lien direct avec cet objet social ; qu’à l’inverse, à défaut pour M. X. d’agir à des fins qui rentrent dans le cadre de son activité professionnelle, celui-ci devra être considéré comme un consommateur (directive CEE, 5 avril 1993 relative aux clauses abusives) ; que, retraité, M. X. n’exerce plus d’activité professionnelle ; que sa participation à la vie associative d’associations spécialisées dans la protection des animaux ne peut faire de M. X. un professionnel faute pour cette activité de s’inscrire dans le cadre de l’activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale de M. X. ; qu’en conséquence, la clause mentionnée à l’article III du contrat liant la SPA à M. X. devra être considérée comme abusive ; que le non-respect de cette clause par M. X. ne saura donc être sanctionné sur le fondement des dispositions régissant la responsabilité contractuelle ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°) ALORS QUE les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, qui qualifient d’abusives les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au contrat, ne s’appliquent pas à un acte de donation, fut-il consenti avec charge ; qu’en l’espèce la cour d’appel a constaté que les contrats litigieux constituaient des actes de donation ; qu’en jugeant que la clause mentionnée à l’article 3 du contrat liant la SPA à M. X. devait être considérée comme abusive et que le non-respect de la clause ne pouvait être sanctionné du fait de l’application des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, cependant que ce texte n’était pas applicable aux donations litigieuses, alors même qu’elles avaient été consenties avec charges, la juridiction de proximité a violé les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

2°) ALORS QU’une clause ne peut être réputée abusive que si elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; qu’en l’espèce, les donations consenties par la SPA au profit de M. X. avaient transféré à ce dernier, sans contrepartie équivalente, la propriété de cinq chiens ; qu’en jugeant que la clause soumettant la possibilité de céder les chiens à un accord de la SPA créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, cependant que, nonobstant les restrictions imposées au droit de céder les animaux, les donations avec charges litigieuses avaient transféré à M. X., sans contrepartie équivalente, un certain nombre de droits sur les chiens, de sorte que les clauses litigieuses ne pouvaient être regardées comme ayant créé un déséquilibre au détriment de M. X., la juridiction de proximité a violé les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation.

 

SECOND MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d’avoir condamné la SPA à verser à M. et Mme X., chacun, la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QU’en raison du stress subi par M. et Mme X. exacerbé par leur vulnérabilité liée à leur état de santé et en raison de leur profond attachement à la cause animale, ils sollicitent la condamnation de la SPA à leur verser chacun la somme de 1.500 euros ; que subir une action en justice vouée à l’échec cause nécessairement un préjudice au moins moral devant souffrir les troubles et tracas inhérents à cette action ; que de ce chef, il y a lieu d’indemniser M. et Mme X. à hauteur de 500 euros chacun ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE le droit d’agir en justice ne dégénère en abus que lorsqu’une partie a conscience du caractère infondé de sa demande, notamment lorsqu’elle a été suffisamment éclairée par les motifs de décisions antérieurement rendues ; qu’en se bornant à énoncer, pour condamner la SPA à verser à M. et Mme X. des dommages et intérêts, que subir une action en justice vouée à l’échec cause nécessairement un préjudice au moins moral devant souffrir les troubles et tracas inhérents à cette action, sans relever que la SPA avait nécessairement conscience que son action était vouée à l’échec, la juridiction de proximité a violé l’article 1382 du code civil.