CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 1er juillet 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5659
CA REIMS (1re ch. civ. sect. inst.), 1er juillet 2016 : RG n° 15/01310
Publication : Jurica
Extrait : « Mme X. invoque deux causes de déchéance du droit aux intérêts conventionnels : la clause présentant le prélèvement automatique comme seul mode de paiement possible et la hauteur inférieure à celle du corps huit de l'offre préalable.
Il n'apparaît pas que le principe du paiement par prélèvement sur le compte bancaire de l'emprunteur aggrave la situation de ce dernier par rapport aux prévisions du modèle-type, lequel ne dit rien des modalités de règlement des mensualités du prêt.
En revanche l'offre de prêt est rédigée en caractères dont la hauteur est inférieure au corps huit, puisque les caractères de la première page de l'offre préalable mesurent 2,66 millimètres entre la plus haute et la plus basse lettre des lettres d'un même paragraphe, au lieu des 3 millimètres correspondant au corps huit. Ce non respect des dispositions de l'ancien article R. 311-6 du code de la consommation est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels. »
COUR D’APPEL DE REIMS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION INSTANCE
ARRÊT DU 1er JUILLET 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/01310
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 10 mars 2015 par le tribunal d'instance de Châlons en Champagne (RG 11-13-000135)
Madame X.
Comparant, concluant par la SCP ACG & Associés, avocats au barreau de Reims
INTIMÉES :
SA Sogefinancement
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Comparant, concluant par Maître Dominique R., avocat au barreau de Reims
PARTIE APPELÉE EN INTERVENTION FORCÉE :
SCP Tirmant R.
prise en la personne de Maître Isabelle T. ès qualités de mandataire judiciaire de Madame X., N'ayant pas constitué avocat, bien que régulièrement assignée par acte remis à domicile le 18 février 2016
DÉBATS : A l'audience publique du 24 mai 2016, le rapport entendu, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er juillet 2016, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 786 du code de procédure civile, Madame Lefèvre, conseiller, a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Lafay, présidente de chambre, Madame Lefèvre, conseiller, Madame Magnard, conseiller
GREFFIER D'AUDIENCE : Monsieur Jolly, greffier lors des débats et du prononcé
ARRÊT : Défaut, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Lafay, présidente chambre, et par Monsieur Jolly, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Selon offre acceptée le 22 juin 2006, la société Sogefinancement a consenti à Mme X. un prêt étudiant de 30.000 euros remboursable en 96 mensualités. Le contrat prévoyait une franchise partielle de 48 mois avec des échéances de 89,90 euros correspondant au coût des intérêts et à la cotisation d'assurance-groupe, puis un amortissement de 48 mois avec des échéances de 677,66 euros assurance comprise, le taux d'intérêt conventionnel annuel étant de 3,10 %.
Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 25 janvier 2012 et distribuée le 28 janvier 2012, la société Sogefinancement a mis Mme X. en demeure de régler sa dette.
Le 14 février 2013, la société Sogefinancement a fait assigner Mme X. devant le tribunal d'instance de Châlons en Champagne en paiement de la somme de 33.005,74 euros, outre intérêts au taux de 3,10 % sur la somme de 26.449,98 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 25 janvier 2012, ainsi que d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme X. lui a opposé la forclusion de l'action, l'existence de clauses abusives et la faute du prêteur dans l'allongement de la période de franchise partielle.
Le jugement du 10 mars 2015 a dit l'action régulière et recevable, a condamné Mme X. à payer à la société Sogefinancement la somme de 30.605,74 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,10 % à compter du 28 janvier 2012, la somme de 100 euros au titre de l'indemnité légale et une indemnité de 200 euros pour frais irrépétibles en sus des dépens, rejetant les autres demandes.
Mme X. a fait appel de cette décision.
Par jugement du 5 novembre 2015, le tribunal de commerce de Châlons en Champagne a placé Mme X. en redressement judiciaire et désigné la SCP Isabelle T. - Bruno R., prise en la personne de Maître T., en qualité de mandataire judiciaire.
Aux termes de conclusions du 2 mai 2016, Mme X. demande à la cour de dire irrecevable la demande en paiement intervenue plus de deux ans après la première échéance impayée, subsidiairement de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, de condamner la société Sogefinancement à restituer les sommes versées au titre des intérêts contractuels, de réduire à un euros l'indemnité légale de 8 % et à défaut d'en fixer le montant à 2.116 euros, de rejeter l'appel incident, de condamner la société Sogefinancement au paiement d'une somme de 33.005,74 euros à titre de dommages et intérêts. Elle sollicite la condamnation de la société Sogefinancement aux dépens et au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon écritures du 16 février 2016, la société Sogefinancement conclut à la recevabilité de l'action en paiement et à l'absence de tout motif de déchéance du droit aux intérêts conventionnels. Elle demande la fixation de ses créances au passif de Mme X. à la somme de 30.605,74 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,10 % à compter du 28 janvier 2012, et à celle de 2.400 euros au titre de la clause pénale, toutes autres demandes étant rejetées. Elle veut voir condamner Mme X. à lui payer une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
La société Sogefinancement a fait signifier au mandataire judiciaire la déclaration d'appel et les conclusions des deux parties par acte du 18 février 2016 remis à domicile.
Par conclusions du 2 mai 2016, la société Sogefinancement demande à la cour d'écarter des débats les écritures et la pièce n° 3 de Mme X. notifiées et communiquée le 2 mai 2016, veille de l'ordonnance de clôture.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce, la cour :
Sur la demande en rejet des débats :
Les conclusions de Mme X. du 2 mai 2016 sont identiques à ses conclusions précédentes du 18 décembre 2015, sauf en ce qu'elle y ajoute la mention du redressement judiciaire du 5 novembre 2015. Par ailleurs, la nouvelle pièce communiquée le 2 mai 2016 est l'annonce au BODACC du 17 novembre 2015 de l'ouverture du redressement judiciaire de Mme X. Il n'en résulte aucune atteinte au principe du contradictoire puisque la société Sogefinancement était parfaitement informée depuis plusieurs mois du redressement judiciaire, ayant déclaré sa créance par courrier du 30 novembre 2015.
Sur la recevabilité de l'action en paiement :
Selon l'article L. 311-37 du code de la consommation, en sa rédaction antérieure à la loi du 1er juillet 2010, « Les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés (...) ».
L'offre de prêt prévoyait une période de franchise partielle du 30 juillet 2006 au 30 juin 2010 pendant laquelle les mensualités étaient de 89,90 euros, puis une période d'amortissement du 30 juillet 2010 au 30 juin 2014 pendant laquelle les mensualités étaient de 677,66 euros.
Est versé aux débats le courrier de Mme X. daté du 25 mars 2010 par lequel elle a sollicité le report d'une année du début de la période d'amortissement du prêt étudiant, en raison de la poursuite de ses études. Cette possibilité d'augmenter la durée de la période de franchise d'amortissement était offerte par l'article 7 des conditions générales, qui prévoyait alors la signature d'un avenant et la perception de frais fixes.
Le premier juge a pertinemment relevé que, si aucun avenant n'a été signé par Mme X. suite à sa demande, il résulte des relevés bancaires de l'emprunteuse que les échéances ont été maintenues à 89,90 euros jusqu'en juin 2011, ce qui démontre suffisamment l'accord des parties sur l'allongement de la période de franchise, que, dès lors, Mme X. qui n'a pas contesté les montants figurant sur ses relevés bancaires, ne peut affirmer que la modification des conditions contractuelles est unilatérale et ne lui est pas opposable, et qu'enfin en raison de l'allongement de la durée de la franchise partielle le premier incident non régularisé est intervenu le 30 juin 2011, soit moins de deux ans avant l'assignation du 14 février 2013. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a dit recevable l'action en paiement de la société Sogefinancement.
Sur la demande en paiement :
Mme X. invoque deux causes de déchéance du droit aux intérêts conventionnels : la clause présentant le prélèvement automatique comme seul mode de paiement possible et la hauteur inférieure à celle du corps huit de l'offre préalable.
Il n'apparaît pas que le principe du paiement par prélèvement sur le compte bancaire de l'emprunteur aggrave la situation de ce dernier par rapport aux prévisions du modèle-type, lequel ne dit rien des modalités de règlement des mensualités du prêt.
En revanche l'offre de prêt est rédigée en caractères dont la hauteur est inférieure au corps huit, puisque les caractères de la première page de l'offre préalable mesurent 2,66 millimètres entre la plus haute et la plus basse lettre des lettres d'un même paragraphe, au lieu des 3 millimètres correspondant au corps huit. Ce non respect des dispositions de l'ancien article R. 311-6 du code de la consommation est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Par suite, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital, l'ensemble des versements effectués étant déduits de la somme prêtée et cette limitation des sommes dues exclut l'application de l'indemnité de clause pénale.
Il a été prêté à Mme X. la somme de 30.000 euros. Elle a payé 48 + 11 échéances de 89,90 euros, soit 5.304,10 euros, puisqu'elle n'a pas réglé la dernière échéance de 89,90 euros du 30 juin 2011 selon l'historique du compte. Il convient dès lors de fixer à la somme de 24.695,90 euros, à majorer des intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2012, la créance de la société Sogefinancement au passif de Mme X. Il convient en outre d'écarter la majoration des intérêts légaux afin d'assurer l'effectivité de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels. En effet, à défaut de ce faire, les montants susceptibles d'être perçus ne seraient pas significativement inférieurs à ceux dont le prêteur bénéficierait s'il avait rempli ses obligations.
Sur la demande de Mme X. en dommages et intérêts :
Mme X. fait valoir que la société Sogefinancement a commis une faute en différant la période d'amortissement alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle aggravait la situation de la débitrice en la faisant s'engager sur une période plus longue et en lui faisant payer des intérêts pendant une année supplémentaire.
Cependant l'allongement de la période de franchise partielle devait permettre à Mme X. de terminer ses études et de trouver un emploi en adéquation avec ses nouvelles qualifications professionnelles, ce qui devait lui faciliter ensuite le remboursement du prêt. Par ailleurs, Mme X. ne démontre pas qu'elle a été incitée par la société Sogefinancement à formuler une telle demande, ni que la modification recherchée entraînait un endettement incompatible avec sa situation d'emprunteuse. La faute alléguée n'est donc pas établie.
Mme X. reproche également à la société Sogefinancement de ne pas l'avoir informée sur les conditions du report, ni sur son coût financier. Toutefois, elle ne justifie pas d'un préjudice souffert du fait de ce défaut d'information, d'autant que le report ne modifiait les conditions du crédit initial qu'en retardant d'un an la période d'amortissement, sans changement du taux d'intérêt, ni du montant des échéances d'amortissement.
Dans ces conditions, le premier juge est approuvé en ce qu'il a débouté Mme X. de sa demande en dommages et intérêts.
La société Sogefinancement et Mme X. succombant partiellement, chacune d'elles conserve la charge des dépens de première instance et d'appel exposés, ce qui ne permet pas de faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile aux dépens d'appel, et se trouve déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
Déboute la société Sogefinancement de sa demande en rejet des débats des conclusions de Mme X. du 2 mai 2016 et de sa pièce n° 3,
Confirme le jugement du 10 mars 2015 en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société Sogefinancement et rejeté la demande en dommages et intérêts de Mme X.,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Fixe à la somme de 24.695,90 euros, à majorer des intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2012, la créance de la société Sogefinancement au passif de Mme X., et dit que la majoration des intérêts légaux ne sera pas applicable,
Rejette toutes autres demandes,
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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