CA LYON (6e ch.), 23 juin 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5681
CA LYON (6e ch.), 23 juin 2016 : RG n° 14/07863
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Attendu que la société Orange ne peut pas soutenir qu'elle n'aurait commis aucun manquement en ce qu'elle a respecté le délai qui s'imposait à elle en tant qu'opérateur écrasé, à savoir qu'elle devait rétablir la ligne et connexion de monsieur X. et la SELARL Y. avant un délai de 7 jours ; que ce faisant elle se réfère aux dispositions de la convention relative aux changements de lignes non sollicitées signée le 7 février 2012 entre Bouygues Télécom, France Télécom, Free, SFR, Numéricable, Darty Télécom d'une part et la Fédération française des télécommunications et des communications électroniques, qui précise dans son préambule les engagements par ces opérateurs auprès du ministre chargé de la consommation, au nombre desquels figure celui-ci « le client retrouve sa connexion sous 7 jours ouvrés maximum à partir du constat de la perte de ligne » ; que toutefois cette convention n'est pas opposable à monsieur X. et la SELARL Y. qui n'en sont pas signataires. »
2/ « qu'il doit être considéré que ces délais (respectivement 11 jours et un mois) ne répondent pas à la condition de bref délai posée par l'article D98-4 -1er du code précité.
Attendu que la société Orange, tenue d'une obligation de résultat quant aux services offerts, ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité à l'égard de monsieur X. et de la SARL Y. en raison d'une défaillance technique conduisant à l'interruption de la fourniture des services de téléphonie et d'internet, hormis le cas de force majeure, à savoir un événement présentant à la fois un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible au moment de son exécution ; que le dégroupage opéré le 22 avril 2013 par l'opérateur Free ayant conduit à une telle défaillance technique ne revêt pas, en tout état de cause, le caractère d'imprévisibilité requis, ainsi qu'en atteste au demeurant la convention signée par la société Orange le 7 février 2012 dont la finalité était de régler les difficultés liées aux changements de lignes non sollicitées à la suite d'un dégroupage ; qu'ainsi il doit être jugé que la société Orange n'a pas satisfait à son obligation contractuelle générale d'assurer à ses abonnés une fourniture d'accès à la téléphonie et à internet permanente et continue en s'abstenant de rétablir dans les délais les plus brefs cette fourniture interrompue par le fait d'un tiers ne présentant pas toutefois les caractéristiques de la force majeure.
Attendu que contrairement au jugement déféré il doit être jugé que monsieur X. et sa société n'ont pas la qualité de consommateurs en ce que les abonnements téléphoniques et internet litigieux ont été souscrits pour les besoins de leur activité professionnelle, qu'il s'agisse de la ligne téléphonique destinée à recevoir les appels des patients et fixer leurs rendez-vous ou de la connexion à internet haut débit selon la technique ADSL avec l'option « boite aux lettres santé » permettant d'assurer la transmission des feuilles de soins par voie électronique ; qu'il en résulte qu'ils ne sont pas fondés à se prévaloir de la législation sur les clauses abusives pour contester les clauses limitatives de responsabilité figurant à l'article 12-1 des conditions générales de l'abonnement téléphonique applicable aux professionnels au 29 mai 2009 et à l'article 12 des conditions générales d'abonnement « Internet Pro Orange », l'article L. 132-1 du code de la consommation ne s'appliquant qu'à l'égard de contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
SIXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 23 JUIN 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/07863. Décision du Tribunal d'Instance de BELLEY, Au fond, du 8 septembre 2014 : R.G. n° 1113000274.
APPELANTE :
La Société ORANGE précédemment dénommée FRANCE TELECOM
Représentée par la SELARL JURISQUES, avocats au barreau de LYON, assistée de la [??] de Maître Patrice LE H., avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
M. X.
né le [date] à [ville], Représenté par la SELARL L. 01 -P.-V.-T., avocat au barreau de l'AIN
SELARL Y.
représentée par son gérant en exercice Monsieur X., Représenté par la SELARL L. 01 -P.-V.-T., avocat au barreau de l'AIN
Date de clôture de l'instruction : 28 avril 2015
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 mai 2016
Date de mise à disposition : 23 juin 2016
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Claude VIEILLARD, président, - Olivier GOURSAUD, conseiller, - Catherine CLERC, conseiller
assistés pendant les débats de Martine SAUVAGE, greffier
A l'audience, Catherine CLERC a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Claude VIEILLARD, président, et par Martine SAUVAGE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
Monsieur X., médecin oto-rhino-laryngologiste, a souscrit le 23 février 1990 auprès de la société France Telecom (devenue société Orange) un abonnement téléphonique pour son local professionnel sis à [ville B.], (numéro [...]) devenu en octobre 2010 un forfait « Pro illimité » ;
il a bénéficié à compter de 2002 sur la même ligne support d'une connexion à internet haut débit selon la technique ADSL avec l'option « boite aux lettres santé » permettant d'assurer la transmission des feuilles de soins par voie électronique ;
il était également titulaire d'autres contrats dont le dernier en septembre 2008 portant sur un abonnement internet +TV « les optimales Orange +TV ».
Le 22 avril 2013, à la suite d'un dégroupage par l'opérateur Free, la ligne téléphonique et la connexion internet de monsieur X. ont été attribuées à une tierce personne, le privant ainsi de tout accès à internet et au service de transmission électronique des feuilles de soins.
Monsieur X. a récupéré sa ligne téléphonique le 3 mai 2013 et sa ligne internet le 22 mai suivant.
Les 21 et 22 juin 2013 il a dû faire publier à ses frais dans deux journaux locaux une annonce du Conseil de l'Ordre des Médecins destinée aux patients afin d'expliquer la disparition de ses coordonnées téléphoniques et leur rétablissement et ce d'autant que l'inscription de son cabinet médical dans l'annuaire téléphonique avait été supprimée durant plusieurs semaines.
Alléguant un préjudice professionnel du chef de la suspension de la ligne téléphonique et de l'accès à internet monsieur X. et la SELARL Y., ont assigné le 13 décembre 2013 la société Orange devant le tribunal d'instance de Belley en paiement de dommages et intérêts, avec exécution provisoire outre frais irrépétibles et dépens, sur le double fondement des articles 1101 et 1382 du code civil.
Par jugement contradictoire du 8 septembre 2014, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal d'instance précité a, tout à la fois,
- dit que la société Orange est l'unique responsable du retard dans le rétablissement de la ligne téléphonique et de la connexion internet de monsieur X. et de la SELARL Y. dans le cadre de l'exécution des relations contractuelles des parties
- condamné en conséquence la société Orange à payer à monsieur X. pour lui-même et en qualité de gérant de la SELARL Y. les sommes de :
* 1.500 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Orange aux entiers dépens.
Le tribunal a retenu que :
- monsieur X. et la SELARL Y. ne pouvaient pas être considérés comme professionnels vis à vis de la société Orange, en ce qu'ils ne disposaient d'aucune compétence particulière dans le domaine de la téléphonie et d'internet, même si les contrats ont été souscrits par monsieur X. dans le cadre de son activité professionnelle et en sa qualité de gérant de la SELARL Y.
- la société Orange est tenue d'une obligation de résultat vis à vis de ses abonnés quant aux services souscrits par celui-ci, à savoir pour le service téléphonique « Pro illimité », de « l'accès au réseau et au service téléphonique »
- la convention dite CLNS signée sous le contrôle des autorités publiques entre la société Orange et les autres opérateurs est inopposable à monsieur X. et à la SELARL Y. qui n'y étaient pas partie
- l'erreur de dégroupage ne constitue pas un cas de force majeure pour la société Orange de nature à l'exonérer de sa responsabilité contractuelle, et cette dernière ne s'est pas donné les moyens techniques d'exécuter les obligations contractuelles qu'elle s'est elle-même fixées
- la société Orange n'a pas respecté son engagement de rétablir la ligne lors du signalement du dérangement en transférant les appels sur une autre ligne désignée par monsieur X., service qui était compris dans l'offre téléphone Pro illimité selon l'article 2.8 « continuité du service » des dispositions du contrat « Téléphone Pro illimité » édition 2010, seules applicables, les conditions générales du service téléphonique réservé aux professionnels datées du 29 mai 2009 étant antérieures aux engagements pris par la société Orange dans le cadre du contrat « Téléphone Pro illimité »
- les conditions générales du contrat de téléphone et de la connexion internet fixant des règles de limitation de responsabilité et des indemnisations forfaitaires sont inopposables à monsieur X. et la SELARL Y., celles-ci n'étant pas signées ou annexées aux contrats
- le préjudice allégué résulte, non pas de l'utilisation de service, mais de l'inexécution par la société Orange de ses obligations contractuelles de rétablissement du service auquel monsieur X. et la SELARL Y. étaient abonnés, de sorte que ne doit pas s'appliquer la clause figurant à l'article 12 du contrat de connexion internet excluant toute indemnisation des dommages indirects (préjudices commerciaux, pertes d'exploitation) survenus à l'occasion de l'utilisation du service.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 6 octobre 2014 la société Orange a relevé appel général de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions numéro 2 déposées électroniquement le 17 mars 2015 la société Orange sollicite l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, le rejet de l'ensemble des demandes de monsieur X. et la SELARL Y. et la condamnation in solidum de ces derniers aux entiers dépens avec recouvrement par maître Catherine F., SELARL Jurisques, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'appelante fait valoir notamment que :
- en ce qui concerne la coupure de la ligne
* elle ne supporte aucune part de responsabilité dans la survenue de la coupure intempestive de la ligne litigieuse, elle ne disposait pas du pouvoir de s'opposer au dégroupage réalisé par l'opérateur Free
* elle n'est pas tenue d'une obligation de résultat mais d'une obligation de moyens ainsi que le précise l'article D. 98-4 du code des postes et communications
* le dégroupage de ligne opéré par un opérateur tiers constitue un cas de force majeure qui l'exonère de sa responsabilité, s'agissant d'un fait extérieur, irrésistible et imprévisible
- en ce qui concerne le rétablissement de la ligne
* elle a rétabli la ligne téléphonique le 3 mai 2013, soit seulement quelques jours après la demande de monsieur X. du 28 avril 2013, sans être tenue contractuellement d'un délai de 24 heures, ce délai ne s'imposant que dans le cadre de la souscription de l'option 24HGTR, ce qui n'était pas le cas
* les dispositions de l'article 2.8 des conditions générales du service téléphonique « Pro illimité » ne devaient pas s'appliquer dès lors que l'interruption du service n'était pas due à une panne technique mais à un dégroupage lequel imposait de respecter une procédure particulière afin de pouvoir réintégrer les lignes vers l'opérateur d'origine, et ce dans un délai de 7 jours, délai qu'elle a respecté
* si le rétablissement de la ligne internet a été plus long, il en est résulté aucun préjudice particulier
- en ce qui concerne les autres points
* la somme de 9.999 euros réclamée à titre incident n'est pas justifiée au plan comptable
* les dispositions du code de la consommation ne s'appliquant pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le co-contractant, l'article L. 132-1-6ème n'est pas applicable en l'espèce, de sorte que ne peuvent être qualifiées d'abusives et écartées les clauses limitatives de responsabilité figurant à l'article 12.1 des conditions générales d'abonnement au service téléphonique applicables aux professionnels a été validé par la jurisprudence ou encore dans les conditions générales de l'abonnement internet Pro
* monsieur X. et la SELARL Y. n'ont pas la qualité de consommateurs mais celle de professionnels, dès lors que les contrats de téléphonie et internet ont été conclus pour les besoins de l'activité professionnelle du cabinet médical.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées électroniquement le 20 mars 2015 monsieur X. et la SELARL Y. s'opposent aux prétentions de l'appelante entendant voir le jugement déféré confirmé en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité de la société Orange au titre de l'interruption des lignes téléphoniques et internet souscrites par monsieur X. pour les besoins de son activité professionnelle, et formant appel incident sur le montant de l'indemnisation, demandent à la cour de condamner la société Orange à leur payer la somme principale de 9.999 euros toutes causes de préjudices confondus, outre intérêts de droit à compter de l'assignation, ainsi que la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Ils font valoir notamment que :
- l'inaccessibilité au réseau téléphonique et à internet est constitutif d'une inexécution contractuelle qui engage la responsabilité de la société Orange sur le fondement de l'article 1147 du code civil
- l'inexécution reprochée à la société Orange n'est pas fondée sur la cause de l'interruption du service mais sur le non-respect des délais de rétablissement contractuellement prévus
- la société Orange n'a pas rétabli la ligne téléphonique dans le délai de 24 heures à compter de la signalisation de son dysfonctionnement alors que les conditions spécifiques de l'offre « Téléphone Pro illimité » acceptée par monsieur X. précisaient que la société Orange « fournit un service après-vente à délai de rétablissement garanti » intitulé « 24 heures chrono » et que l'offre souscrite permettait de bénéficier d'un service « continuité de service en cas de panne » visant à réorienter gratuitement les appels reçus sur la ligne en dérangement vers une autre ligne de téléphone fixe ou mobile
- si les conditions générales annexées à l'abonnement souscrit par monsieur X. applicables aux abonnements professionnels à compter du 29 mai 2009 (dont l'article 12.1 précise que « France Telecom est responsable de la mise en place des moyens nécessaires au bon fonctionnement du réseau et du service téléphonique jusqu'au point de terminaison ») ne sont pas opposables à monsieur X. qui ne les a pas signées, elles s'imposent à la société Orange
- le protocole d'accord conclu entre la société Orange et les autres opérateurs n'est pas opposable à monsieur X. et par suite le délai de 7 jours qui y est mentionné
- la privation d'accès au réseau téléphonique pendant deux semaines et durant un mois pour la connexion internet a occasionné une baisse du chiffre d'affaires chiffrée à 9.999 euros représentant seulement 7 jours et demi de chiffres d'affaires
- les clause limitatives de responsabilité opposées par la société Orange sont abusives et réputées non écrites, l'article R. 132-1-6ème du code de la consommation doit s'appliquer dès lors que monsieur X. et la SELARL Y. n'ont pas la qualité de professionnel.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 avril 2015 et l'affaire plaidée le 17 mai 2016, a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Attendu qu'il convient de rappeler que monsieur X. et la SELARL Y. ne fondent pas leur action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société Orange sur l'interruption de leur ligne téléphonique et de leur accès internet provoquée par le dégroupage effectué par un autre opérateur mais excipent du non-respect des délais de rétablissement contractuels de leur ligne téléphonique et de l'accès internet ensuite de cette interruption, se référant à cette fin d'une part aux dispositions de l'offre de « Téléphone Pro illimité » souscrite et de seconde part, à l'article 12-1 des conditions générales annexées à l'abonnement souscrit par monsieur X. applicables aux abonnements professionnels à compter du 29 mai 2009 selon lequel « France Télécom ( Orange) est responsable de la mise en place des moyens nécessaires au bon fonctionnement du réseau ou du service téléphonique jusqu'au point de terminaison ».
Attendu que monsieur X. et la SELARL Y. ne sont pas fondés à se prévaloir du non-respect du délai institué à l'article 2-7 des conditions spécifiques du contrat « Téléphone Pro Illimité » selon lequel «France Télécom ( devenu depuis Orange) fournit un service après-vente à délai de rétablissement garanti, dénommé service à Garantie du Temps de Rétablissement 24 heures chrono (ou service GTR 24 H) » ;
qu'en effet, outre que cet article prévoit uniquement l'allocation d'une indemnité forfaitaire d'un montant égal à un mois d'abonnement à l'offre « Téléphone Pro Illimité », ce que monsieur X. et la SELARL Y. ne réclament pas, ceux-ci poursuivant l'allocation de dommages et intérêts au titre du manque à gagner, d'une perte de chance et des désagréments subis, il doit être relevé que cette indemnisation forfaitaire n'est pas due si le non-respect du délai de rétablissement n'est pas exclusivement imputable à France Télécom ( Orange), et notamment dans les cas où il résulte des défaillances imputables au client ou à des tiers ou en cas de force majeure ;
que tel est le cas en l'espèce, la société Orange ayant subi les conséquences des agissements d'un tiers, à savoir le dégroupage opéré par l'opérateur Free, et ayant dû mettre en œuvre une procédure administrative dont la durée excédait le délai de 24 heures susvisé aux fins de rétablir les lignes téléphoniques et internet de monsieur X. et la SELARL Y.
Attendu qu'ensuite monsieur X. et la SELARL Y. ne peuvent pas utilement faire grief à la société Orange d'avoir manqué à ses obligations contractuelles au motif qu'elle n'aurait pas réorienté leurs appels téléphoniques reçus sur la ligne originelle vers une autre ligne téléphonique dans le cadre de la garantie « continuité de service en cas de panne » prévue à l'article 2-8 des conditions spécifiques de l'offre « Téléphone Pro Illimité » ;
qu'en effet cette prestation ne pouvait pas techniquement être mise en œuvre en raison des effets du dégroupage opéré par l'opérateur Free, la ligne téléphonique de monsieur X. et de sa société ayant été attribuée à une tierce personne, de sorte qu'elle ne leur appartenait plus ;
que c'est donc à tort que le premier juge a retenu à l'encontre de la société Orange une faute contractuelle sur le fondement de cet article 2-8.
Attendu que la société Orange ne peut pas soutenir qu'elle n'aurait commis aucun manquement en ce qu'elle a respecté le délai qui s'imposait à elle en tant qu'opérateur écrasé, à savoir qu'elle devait rétablir la ligne et connexion de monsieur X. et la SELARL Y. avant un délai de 7 jours ;
que ce faisant elle se réfère aux dispositions de la convention relative aux changements de lignes non sollicitées signée le 7 février 2012 entre Bouygues Télécom, France Télécom, Free, SFR, Numéricable, Darty Télécom d'une part et la Fédération française des télécommunications et des communications électroniques, qui précise dans son préambule les engagements par ces opérateurs auprès du ministre chargé de la consommation, au nombre desquels figure celui-ci « le client retrouve sa connexion sous 7 jours ouvrés maximum à partir du constat de la perte de ligne » ;
que toutefois cette convention n'est pas opposable à monsieur X. et la SELARL Y. qui n'en sont pas signataires.
Attendu toutefois que selon les dispositions de l'article D. 98-4-1er du code des postes et des communications électroniques relatif aux conditions de permanence du réseau et des services, « l'opérateur doit prendre les dispositions nécessaires pour assurer de manière permanente et continue l'exploitation du réseau et des services de communications électroniques et pour qu'il soit remédié aux effets de la défaillance du système dégradant la qualité du service pour l'ensemble ou une partie des clients, dans les délais les plus brefs ; il prend toutes les mesures de nature à garantir un accès ininterrompu aux services d'urgence ».
Attendu qu'il n'est pas discuté que par suite du dégroupage opéré par l'opérateur Free, la permanence et la continuité des communications électroniques a été interrompue au préjudice de monsieur X. et la SELARL Y. ;
que conformément à l'article précité, il incombait alors à la société Orange de prendre toutes les dispositions nécessaires pour remédier, « dans les délais les plus brefs » à ce dysfonctionnement généralisé (téléphone et accès à internet).
Qu'il apparaît que monsieur X. a signé dès le 23 avril 2013 au profit de la société Orange un mandat de commande d'accès avec portabilité /retour de dégroupage/retour de VGA et un mandat aux fins de consultation de la plate-forme opérateur ;
que par courriers respectifs du 28 avril 2013 la société Orange informait monsieur X. que le dégroupage survenu le 22 avril 2013 avait été initié par l'opérateur Free, tandis que monsieur X. réitérait avec véhémence et insistance auprès de cette société la restitution de sa ligne téléphonique « en toute urgence », non sans rappeler qu'il attendait depuis 5 jours cette restitution ;
que de fait la ligne téléphonique a été remise en service le 3 mai 2013, soit 11 jours après le 23 avril 2013, tandis que la connexion internet n'a été rétablie que le 22 mai 2013 ;
qu'il doit être considéré que ces délais (respectivement 11 jours et un mois) ne répondent pas à la condition de bref délai posée par l'article D98-4 -1er du code précité.
Attendu que la société Orange, tenue d'une obligation de résultat quant aux services offerts, ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité à l'égard de monsieur X. et de la SARL Y. en raison d'une défaillance technique conduisant à l'interruption de la fourniture des services de téléphonie et d'internet, hormis le cas de force majeure, à savoir un événement présentant à la fois un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible au moment de son exécution ;
que le dégroupage opéré le 22 avril 2013 par l'opérateur Free ayant conduit à une telle défaillance technique ne revêt pas, en tout état de cause, le caractère d'imprévisibilité requis, ainsi qu'en atteste au demeurant la convention signée par la société Orange le 7 février 2012 dont la finalité était de régler les difficultés liées aux changements de lignes non sollicitées à la suite d'un dégroupage ;
qu'ainsi il doit être jugé que la société Orange n'a pas satisfait à son obligation contractuelle générale d'assurer à ses abonnés une fourniture d'accès à la téléphonie et à internet permanente et continue en s'abstenant de rétablir dans les délais les plus brefs cette fourniture interrompue par le fait d'un tiers ne présentant pas toutefois les caractéristiques de la force majeure.
Attendu que contrairement au jugement déféré il doit être jugé que monsieur X. et sa société n'ont pas la qualité de consommateurs en ce que les abonnements téléphoniques et internet litigieux ont été souscrits pour les besoins de leur activité professionnelle, qu'il s'agisse de la ligne téléphonique destinée à recevoir les appels des patients et fixer leurs rendez-vous ou de la connexion à internet haut débit selon la technique ADSL avec l'option « boite aux lettres santé » permettant d'assurer la transmission des feuilles de soins par voie électronique ;
qu'il en résulte qu'ils ne sont pas fondés à se prévaloir de la législation sur les clauses abusives pour contester les clauses limitatives de responsabilité figurant à l'article 12-1 des conditions générales de l'abonnement téléphonique applicable aux professionnels au 29 mai 2009 et à l'article 12 des conditions générales d'abonnement « Internet Pro Orange », l'article L. 132-1 du code de la consommation ne s'appliquant qu'à l'égard de contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ;
que selon ces clauses,
- en matière de connexion internet, la société France Télécom (Orange) n'est pas tenue de réparer d'éventuels dommages indirects subis par les clients à l'occasion de l'utilisation su service, les dommages indirects étant ceux qui ne résultent pas exclusivement et directement de la défaillance des prestations de France Télécom (Orange) et s'entendant notamment des pertes d'exploitation et de chiffre d'affaires, de pertes de données et les préjudices commerciaux et financiers
- en matière d'abonnement téléphonique, lorsque la responsabilité de France Télécom (Orange) est engagée à la suite d'une faute de sa part, la réparation ne s'applique qu'aux seuls dommages directs, personnels et certains que le client a subis, à l'exclusion expresse de la réparation de tous dommages et /ou préjudices indirects et immatériels tes que les préjudices financiers, les préjudices commerciaux, les pertes d'exploitation et de chiffre d'affaires, les pertes de données ;
que monsieur X. et la SELARL Y. qui réclament une somme de 9.999 euros incluant une perte du chiffre d'affaires, ne seront accueillis dans leur demande qu'à hauteur de 1.500 euros, cette somme indemnisant opportunément les dommages directs résultant de la défaillance de la société Orange dans le rétablissement rapide et efficient des lignes téléphoniques et internet, à savoir les désagréments liés à l'impossibilité de télétransmettre les actes de soins et au fait que les coordonnées professionnelles du cabinet médical de monsieur X. avaient été supprimées dans l'annuaire téléphonique.
Attendu qu'en définitive le jugement déféré mérite confirmation, par substitution de motifs, en ce qu'il a condamné la société Orange à indemniser le préjudice subi par monsieur X. et la SELARL Y. à hauteur de 1.500 euros après l'avoir déclarée responsable du retard dans le rétablissement de la ligne téléphonique te de la connexion internet.
Attendu que la société Orange sera condamnée à verser à monsieur X. et la SELARL Y. une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, la somme allouée par le premier juge au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant être par ailleurs confirmée.
Attendu que la société Orange, qui succombe, doit supporter les dépens de la procédure d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré,
Confirme la décision déférée sauf à dire que monsieur X. et la SELARL Y. ont la qualité de professionnels vis à vis d'Orange,
Y ajoutant,
Condamne la société Orange à payer à monsieur X. et la SELARL Y. la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société Orange aux dépens d'appel,
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Claude VIEILLARD, président, et par madame Martine SAUVAGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5878 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : besoins de l’activité
- 5930 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Matériels et matériaux
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet
- 6272 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Internet - Fourniture d’accès (5) - Obligations du fournisseur