CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 27 juillet 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5686
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 27 juillet 2016 : RG n° 15/00798 ; arrêt n° 613/2016
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Attendu que Monsieur X. suggère à la cour de soulever d'office « la question d'un éventuel sursis à statuer » eu égard à une procédure pénale à l'encontre de la SA BNP PERSONAL FINANCE mise en examen, a tribunal de grande instance de PARIS, en mai 2015 pour pratique commerciale trompeuse s'agissant précisément des prêts immobiliers HELVET IMMO souscrits en francs suisses ;
Attendu en la forme qu'il est à regretter que Monsieur X. n'ait pas soumis cette question à l'appréciation du conseiller de mise en état ; Qu'au fond, à l'appui de sa demande l'appelant produit un article de journal faisant état d'une mise en examen le 15 avril 2015 de la SA BNP PERSONAL FINANCE pour pratique commerciale trompeuse dans le cadre de prêts immobiliers HELVET IMMO en francs suisses, ainsi qu'une convocation sur incident devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris dans le cadre d'une affaire civile ;
Attendu que ces éléments sont insuffisants pour justifier un sursis à statuer dans la présente procédure dès lors que Monsieur X. n'est pas partie à la procédure pénale, qu'il n'existe aucune précision sur cette procédure, et l'identité des contrats, et qu'enfin l'instruction est ouverte au tribunal de grande instance de PARIS ».
2/ « Attendu que la clause de valeur monnaie étrangère, telle le cas en l'espèce s'agissant d'une clause de valeur en francs suisses, est assimilée par la cour de cassation à une clause d'indexation, ce dont les deux parties conviennent finalement ».
3/ « Que par conséquent l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier n'autorise les clauses d'indexation que si elles sont en rapport direct avec l'objet de la convention, ou l'activité de l'une des parties ;
Attendu qu'il convient en premier lieu de souligner que le texte vise l'activité de l'une des parties, et pas seulement celle de l'emprunteur comme le soutient à tort l'appelant, de sorte que c'est à juste titre que le juge a examiné le lien entre la clause de monnaie compte en francs suisses et l'activité de la SA BNP PERSONAL FINANCE ;
Attendu que les circonstances selon lesquelles les parties sont domiciliées en France, de nationalité française (pour l'emprunteur), immatriculée en France (pour la banque), et le bien financé se trouve en France, caractérisent en effet une opération interne ; Que pour autant un contrat interne, ne rend pas pour autant illicite le recours à une clause d'indexation de type clause de monnaie compte en devises, dès lors que la clause d'indexation est en lien direct avec l'activité de la société prêteuse ;
Or Attendu que le commerce de l'argent est au cœur de l'activité de la SA BNP PERSONAL FINANCE, qui en l'espèce pour octroyer le crédit litigieux a, notamment, elle-même acquis les devises sur le marché monétaire international ;
Qu'il s'ensuit que la clause d'indexation sur la variation du taux de change euros/francs suisses prévu au contrat liant les parties est licite ».
4/ « Attendu que l'article L. 132 1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date de la signature du contrat, dispose que « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », et qu'il est précisé que « Les clauses abusives sont réputées non écrites » ;
Attendu que les clauses valeur monnaie étrangère ont pour caractéristique essentielle d'introduire un aléa lié au taux de change de la monnaie choisie au moment de la souscription du contrat, et à son évolution ultérieure, et que cet aléa qui peut jouer, indépendamment de la volonté de l'une ou l'autre partie, soit en faveur, soit en défaveur de chacune, est incompatible avec la notion de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », puisque les deux parties sont soumises au même aléa ; Que la banque qui a emprunté les devises sur le marché financier à un taux de change donné, subit indiscutablement l'aléa lié à la fluctuation du cours, dans le cadre du remboursement des échéances, et ce tant à la hausse, qu'à la baisse ;
Attendu s'agissant de l'information l'emprunteur a, tel que détaillé ci-dessous, lors de la signature de l'offre, bénéficié d'une information claire et complète sur le prêt en devises, et plus précisément sur le risque de change ; Attendu enfin que le contrat offre la possibilité à l'emprunteur, tous les trois ans, d'opter pour une conversion du prêt en euros à taux fixe ou révisable, ou de conserver les caractéristiques initiales du prêt ; Qu'en l'espèce force est de constater que Monsieur X. n'a pas usé de cette possibilité, le taux en cours à la première période triennale étant particulièrement avantageux ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la clause d'indexation du contrat liant les parties n'a pas pour objet, ou pour effet, de créer au détriment de Monsieur X., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au sens de l'article L. 132 1 du Code de la consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 27 JUILLET 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A 15/00798. Arrêt n° 613/2016. Décision déférée à la Cour : 18 décembre 2014 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG.
APPELANT :
Monsieur X.
Représenté par Maître Valérie B. - DE O., avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître D., avocat à STRASBOURG
INTIMÉE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Nadine H., avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître P., avocat à PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 2 mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, entendue en son rapport, Mme DORSCH, Conseillère, Mme ALZEARI, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE
ARRÊT : - contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Christine DORSCH, Conseillère en ayant délibéré, en l'absence de la Présidente légitimement empêchée, et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 20 mai 2009, Monsieur X. a souscrit un prêt immobilier, dit « Helvet Immo » auprès de la SA BNP PERSONAL FINANCE, pour un montant de 465.697,80 francs suisses, soit la contre-valeur en euros de 303.590 euros, le remboursement des échéances se faisant en euros, et ce au taux fixe de 4,05 % l'an les 3 premières années, puis à taux révisable. La durée des remboursements était fixée à 246 mois. En cas de variation du taux de change, les échéances en euros demeurent fixes mais la durée du prêt est impacté, sans limite s'il s'agit de le raccourcir, et dans la limite de 5 ans en cas de dépréciation de l'euros. L'offre de prêt a été réitérée par acte authentique le 16 juin 2009.
Ce prêt était destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier comportant 5 appartements à louer.
Le taux de change était alors de 1 euro pour 1,5113 CHF. La valeur du franc suisse a ensuite été nettement dévaluée par rapport à l'euros, ce qui a bouleversé l'économie du prêt souscrit par Monsieur X. Ce dernier s'est alors rapproché de la BNP pour renégocier son prêt, mais les propositions de la banque ont été rejetées par l'emprunteur.
Le 13 décembre 2012 Monsieur X. assigné la SA BNP PERSONAL FINANCE devant le tribunal de grande instance de STRASBOURG. Ses conclusions complétées en cours d'instance tendaient à ce qu'il soit dit que la clause monétaire est réputée non écrite, que les parties soient remis dans les conditions initiales du contrat, que la BNP soit condamnée à lui payer 69.064 euros au titre du préjudice matériel, 5.000 euros au titre du préjudice moral, et 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA BNP PERSONAL FINANCE s'opposait à ces demandes et sollicitait l'allocation de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 18 décembre 2014, Monsieur X. a été débouté de l'intégralité de ses demandes, et condamné à payer à la BNP 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile augmentée des dépens de l'instance. Le tribunal a en outre dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Vu le jugement en date du 18 décembre 2014,
Vu la déclaration d'appel formalisée par Monsieur X. le 10 février 2015,
Vu les dernières conclusions récapitulatives de l'appelant en date du 29 janvier 2016 tendant à :
- INFIRMER la décision entreprise,
- CONSTATER que la clause d'indexation contenue dans le contrat de prêt souscrit ne répond pas aux conditions requises par l'article L. 112-2 du Code Monétaire et Financier,
- DIRE et JUGER que cette clause est réputée non écrite,
- CONSTATER que la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a manqué à son devoir de mise en garde de conseil et d'information,
Et statuant à nouveau,
- REMETTRE les parties dans les conditions initiales du contrat, avec un taux de change fixe à 1,5113,
- CONDAMNER la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer la somme de 69.064 euros à Monsieur X., à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel,
- CONDAMNER la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer la somme de 5.000 euros à Monsieur X. à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- DÉCLARER la demande reconventionnelle formée par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE irrecevable et en tous cas, mal fondée,
- L'en DÉBOUTER purement et simplement,
En tout cas,
- La CONDAMNER à payer une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC,
- La CONDAMNER aux entiers frais et dépens de la procédure tant de première instance que d'appe1.
Vu les dernières conclusions récapitulatives de l'intimée en date du 2 février 2016 tendant à :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- Débouter Monsieur X. de l'intégralité de ses demandes ;
A titre reconventionnel :
- Condamner Monsieur X. au paiement de la somme de 10.263,05 euros à parfaire, majorée du taux légal au titre des impayés intervenus dans le cadre de l'exécution du prêt Helvet Immo n° 65 XX ;
- Condamner Monsieur X. à l'exécution forcée de ses obligations au titre du prêt Helvet Immo n° 65 XX qu'il a souscrit auprès de BNP Paribas Personal Finance, à savoir le paiement de ses échéances ;
- Condamner Monsieur X. au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Le condamner aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 17 février 2016,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur le sursis à statuer :
Attendu que Monsieur X. suggère à la cour de soulever d'office « la question d'un éventuel sursis à statuer » eu égard à une procédure pénale à l'encontre de la SA BNP PERSONAL FINANCE mise en examen, a tribunal de grande instance de PARIS, en mai 2015 pour pratique commerciale trompeuse s'agissant précisément des prêts immobiliers HELVET IMMO souscrits en francs suisses ;
Attendu en la forme qu'il est à regretter que Monsieur X. n'ait pas soumis cette question à l'appréciation du conseiller de mise en état ;
Qu'au fond, à l'appui de sa demande l'appelant produit un article de journal faisant état d'une mise en examen le 15 avril 2015 de la SA BNP PERSONAL FINANCE pour pratique commerciale trompeuse dans le cadre de prêts immobiliers HELVET IMMO en francs suisses, ainsi qu'une convocation sur incident devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris dans le cadre d'une affaire civile ;
Attendu que ces éléments sont insuffisants pour justifier un sursis à statuer dans la présente procédure dès lors que Monsieur X. n'est pas partie à la procédure pénale, qu'il n'existe aucune précision sur cette procédure, et l'identité des contrats, et qu'enfin l'instruction est ouverte au tribunal de grande instance de PARIS ;
Qu'il y a par conséquent lieu d'examiner le litige au fond ;
Sur la nullité de la clause d'indexation au regard de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier :
Attendu que le tribunal de grande instance de STRASBOURG a jugé que la loi du 26 juillet 2013 sur la séparation et la régulation des activités bancaires n'est pas applicable au contrat litigieux souscrit antérieurement, et que la clause litigieuse respecte les conditions de l'article L. 122-2 du code monétaire et financier dès lors qu'elle a une relation directe avec l'activité de la BNP ;
Attendu que l'appelant convient que la loi du 26 juillet 2013 est postérieure au contrat litigieux mais estime qu'elle doit éclairer la cour sur les pratiques illicites de l'intimée, et sur la volonté de l'Etat de les sanctionner ;
Qu'il conteste que l'activité de la BNP soit en relation directe avec la clause d'indexation dès lors que :
- L'activité visée est celle de l'emprunteur et non du prêteur,
- La BNP exerce une activité de crédit aux personnes physiques, sans démarches boursières ou spéculatives ;
- La BNP n'exerce aucune activité en Suisse,
- L'intervention de la BNP sur le marché des devises n'est que purement accessoire, et n'est pas en relation directe avec son activité qui est avant tout le prêt ;
* * *
Attendu que la clause de valeur monnaie étrangère, telle le cas en l'espèce s'agissant d'une clause de valeur en francs suisses, est assimilée par la cour de cassation à une clause d'indexation, ce dont les deux parties conviennent finalement ;
Attendu que l'article L. 112-2 code monétaire et financier dispose que :
« Dans les dispositions statutaires ou conventionnelles, est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties » ;
Que par conséquent l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier n'autorise les clauses d'indexation que si elles sont en rapport direct avec l'objet de la convention, ou l'activité de l'une des parties ;
Attendu qu'il convient en premier lieu de souligner que le texte vise l'activité de l'une des parties, et pas seulement celle de l'emprunteur comme le soutient à tort l'appelant, de sorte que c'est à juste titre que le juge a examiné le lien entre la clause de monnaie compte en francs suisses et l'activité de la SA BNP PERSONAL FINANCE ;
Attendu que les circonstances selon lesquelles les parties sont domiciliées en France, de nationalité française (pour l'emprunteur), immatriculée en France (pour la banque), et le bien financé se trouve en France, caractérisent en effet une opération interne ;
Que pour autant un contrat interne, ne rend pas pour autant illicite le recours à une clause d'indexation de type clause de monnaie compte en devises, dès lors que la clause d'indexation est en lien direct avec l'activité de la société prêteuse ;
Or Attendu que le commerce de l'argent est au cœur de l'activité de la SA BNP PERSONAL FINANCE, qui en l'espèce pour octroyer le crédit litigieux a, notamment, elle-même acquis les devises sur le marché monétaire international ;
Qu'il s'ensuit que la clause d'indexation sur la variation du taux de change euros/francs suisses prévu au contrat liant les parties est licite ;
Attendu que c'est par conséquent à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de nullité de la clause d'indexation, et que l'appel de Monsieur X. tendant à l'annulation de la clause d'indexation pour violation de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier est rejeté ;
Sur la nullité de la clause d'indexation au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation :
Attendu que l'appelant invoque, le caractère abusif de la clause prévoyant le remboursement sur la valeur du franc suisse au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation de sorte qu'elle est selon lui, réputée non écrite ;
Qu'il affirme que la clause d'indexation conduit à un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, que les informations fournies sont complexes et difficilement compréhensibles, qu'il supporte unilatéralement le risque de change, et qu'enfin malgré les paiements intervenus le capital amorti ne diminue pas ;
* * *
Attendu que l'article L. 132 1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date de la signature du contrat, dispose que « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », et qu'il est précisé que « Les clauses abusives sont réputées non écrites » ;
Attendu que les clauses valeur monnaie étrangère ont pour caractéristique essentielle d'introduire un aléa lié au taux de change de la monnaie choisie au moment de la souscription du contrat, et à son évolution ultérieure, et que cet aléa qui peut jouer, indépendamment de la volonté de l'une ou l'autre partie, soit en faveur, soit en défaveur de chacune, est incompatible avec la notion de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », puisque les deux parties sont soumises au même aléa ;
Que la banque qui a emprunté les devises sur le marché financier à un taux de change donné, subit indiscutablement l'aléa lié à la fluctuation du cours, dans le cadre du remboursement des échéances, et ce tant à la hausse, qu'à la baisse ;
Attendu s'agissant de l'information l'emprunteur a, tel que détaillé ci-dessous, lors de la signature de l'offre, bénéficié d'une information claire et complète sur le prêt en devises, et plus précisément sur le risque de change ;
Attendu enfin que le contrat offre la possibilité à l'emprunteur, tous les trois ans, d'opter pour une conversion du prêt en euros à taux fixe ou révisable, ou de conserver les caractéristiques initiales du prêt ;
Qu'en l'espèce force est de constater que Monsieur X. n'a pas usé de cette possibilité, le taux en cours à la première période triennale étant particulièrement avantageux ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la clause d'indexation du contrat liant les parties n'a pas pour objet, ou pour effet, de créer au détriment de Monsieur X., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au sens de l'article L. 132 1 du Code de la consommation ;
Attendu qu'il convient de rejeter la demande de nullité de la clause valeur monnaie étrangère de ce chef ;
Sur la responsabilité de la banque :
Sur le devoir de mise en garde :
Attendu que le tribunal a jugé que l'obligation de mise en garde se limite en l'espèce à alerter l'emprunteur, au regard de ses capacités de remboursement, au risque d'endettement, alors que Monsieur X. ne formule pas de reproche ne ce sens, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner s'il est un emprunteur averti ou non, et qu'il ne peut donc être reproché à la BNP d'avoir failli à son obligation ;
Attendu que l'appelant persiste à reprocher à la SA BNP PERSONAL FINANCE de ne pas l'avoir mis en garde sur les risques auxquels il s'exposait, s'agissant d'un prêt complexe, spéculatif, et non un crédit immobilier classique ;
Qu'il soutient qu'il n'est pas un emprunteur averti, qu'exerçant le métier de programmateur informatique il n'a aucune compétence en matière bancaire ou immobilière, de sorte que la BNP avait bien un devoir de mise en garde sur le risque d'endettement, mais aussi sur la complexité du prêt ;
Qu'il poursuit que l'autorité de contrôler prudentielle a le 6 avril 2012 émis une recommandation concernant les prêts comportant un risque de change, recommandation qui n'a en l'espèce pas été suivie ;
Attendu que la SA BNP PERSONAL FINANCE dénonce la confusion faite par Monsieur X. entre l'obligation de conseil, et celle de mise en garde, déclare qu'il est un emprunteur initié, et conteste être débitrice d'une obligation de mise en garde ;
* * *
Attendu que l'objet du devoir de mise en garde porte sur le risque d'endettement excessif, et ce au bénéfice de l'emprunteur non averti, au regard de ses facultés contributives au moment de la conclusion du contrat ;
Attendu que, le risque d'une indexation sur une devise, peut impacter fortement l'économie générale du contrat et même dans les cas extrêmes entrainer un risque d'endettement excessif, de sorte qu'il convient de considérer que l'information relative au taux de change relève de l'obligation de mise en garde ;
Qu'il appartient à la SA BNP PERSONAL FINANCE qui se prétend libérer de cette obligation de démontrer que Monsieur X. est un emprunteur averti ;
Attendu que certes Monsieur X. exerce la profession de programmateur informatique éloignée des professions bancaires ;
Que néanmoins il convient à titre préliminaire de relever que le crédit litigieux finançait l'achat d'un immeuble de rapport comportant 5 appartements de type F3, dans le cadre d'une opération de défiscalisation ;
Que surtout il résulte des pièces versées aux débats que par ailleurs au moment du prêt, Monsieur X. est, ou a été, détenteur de 90 % et 50 % de parts sociales de SCI elles-mêmes propriétaires d'immeubles financés par des emprunts bancaires ;
Qu'il est en outre propriétaire d'un logement F3 dans une résidence destinée à l'accueil de personnes handicapées ou âgées, qu'il a, selon bail commercial du 6 novembre 2007, loué à une société d'accueil et de services ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que Monsieur X. est propriétaire de manière directe, ou par le biais de SCI, de plusieurs immeubles financés par des crédits, de sorte qu'il dispose d'une expérience certaine en matière d'emprunt, de défiscalisation, de création et de gestion de SCI, de baux d'habitation et commerciaux ;
Qu'il doit dans ces conditions être considéré comme un emprunteur averti ayant les compétences pour comprendre l'étendue de l'engagement qu'il a choisi parmi plusieurs propositions que lui soumettait son courtier ;
Attendu enfin que la recommandation de l'autorité de contrôler prudentielle du 6 avril 2012 entrée en vigueur le 1er octobre 2012, soit plus de 3 années après la conclusion du présent contrat, ne saurait rétroagir, et n'est en l'espèce pas applicable ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la SA BNP PERSONAL FINANCE n'est pas débitrice d'une obligation de mise en garde à l'endroit de Monsieur X. qui est un emprunteur averti ;
Que le jugement déféré, est par substitution de motifs sur ce point, confirmé en ce qu'il dispose qu'il ne peut être reproché à la SA BNP PERSONAL FINANCE de manquement à son devoir de mise en garde ;
Sur le manquement à l'obligation de conseil et d'information :
Attendu que Monsieur X. mêle dans son argumentation, devoir de mise en garde, obligation de conseil, et obligation d'information, sans distinction ;
Attendu que c'est à juste titre que le tribunal a jugé que le banquier, en l'espèce en sa qualité de dispensateur de crédit, est soumis au principe de non immixtion dans les affaires de son client, de sorte qu'il ne lui appartient pas de vérifier l'opportunité économique de l'opération financée, et qu'il ne peut lui être reproché un défaut de conseil ;
Attendu que s'agissant du manquement à l'obligation d'information, Monsieur X. estime n'avoir pas été suffisamment informé sur les risques générés par la fluctuation du taux de change, affirme qu'il n'a fait que signé et paraphé un volumineux contrat sans en comprendre les termes ;
Attendu qu'il appartient au banquier dispensateur de crédit d'informer l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du prêt consenti, et s'agissant d'un prêt avec une clause d'indexation de type « clause de monnaie compte en devises », de l'informer de manière claire et précise sur les risques de fluctuation du taux de change ;
Attendu que le jugement énumère très précisément toutes les informations apportées à ce titre à l'emprunteur, et qu'en effet il est précisé que le montant du crédit s'exprime en francs suisses, pour 465.697,80 CHF correspondant au financement du projet et aux frais de change, et que le financement du crédit se fait par un emprunt en francs suisses effectué par le prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises ;
Qu'il est indiqué que « ne s'agissant pas d'une opération de crédit international les versements ne peuvent être effectués qu'en euros pour un remboursement de francs suisses », et que « les sommes en francs suisses correspondent au solde des règlements mensuels en euros après opération de change en francs suisses selon les modalités décrites au paragraphe « opération de change » valeur au jour de la réception de vos règlements », et qu'une page d'explications est consacrée aux opérations de change ;
Que le paragraphe consacré au remboursement du crédit est particulièrement clair, et qu'il rappelle en premier lieu que les règlements se font en euros, puis que l'amortissement du capital « évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué à vos règlement mensuels » ;
Que la question de l'amortissement du capital est notamment illustrée par deux exemples :
- S'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible : l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non amorti au titre d'une échéance de votre crédit sera inscrite au solde débiteur de votre compte interne en francs suisses ;
- S'il résulte de l'opération de change une somme inférieure à l'échéance en francs suisses exigible : l'amortissement du capital sera plus rapide et vous rembourserez plus rapidement votre crédit ;
Que de la même manière l'impact des variations de taux d'intérêt sur le montant des règlements en euros est appréhendé dans les deux cas de figure puisqu'il est contractuellement énoncé que :
- « Si le montant de ce règlement mensuel théorique est inférieur au règlement mensuel en Euros précédemment payé, le montant de vos règlements en euros restera néanmoins inchangé, la durée de votre crédit sera raccourcie et vous rembourserez plus rapidement »,
- « Si le montant de ce règlement mensuel théorique est supérieur au règlement mensuel en euros précédemment payé, le montant de vos règlements en euros restera alors inchangé mais la durée de votre crédit sera allongée. Néanmoins, si le maintien du montant de vos règlements en euros ne permettait pas de régler la totalité du solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale majorée de 5 années, vos règlements en euros seraient alors augmentés. Dans cette hypothèse cette augmentation de vos règlement sera établie de manière à permettre de régler la solde de votre compte sur la durée initiale du crédit majorée de 5 années » ;
Que l'éventualité d'un taux de change défavorable à l'emprunteur est ainsi clairement abordée dans le contrat et ce en plusieurs endroits, et qu'il est notamment précisé dans ce dernier cas que « si au terme de la durée initiale de votre crédit, le solde de votre compte n'était pas apuré, la durée de votre crédit sera alors allongée dans la limite de cinq ans », et qu'ensuite toutes les explications sont fournie sur ce mécanisme, et le calcul du taux ;
Attendu enfin que l'offre de prêt comporte plusieurs documents annexes dont :
- Un tableau d'amortissement prévisionnel du crédit en francs suisses,
- Une notice présentant les conditions et modalité de variation de taux d'intérêt du crédit (article L. 312-8 2° du code de la consommation),
- Une simulation de l'évolution du taux d'intérêt,
- Une notice d'informations relatives aux opérations de change qui seront réalisées dans le cadre de la gestion du crédit ;
Qu'en particulier ce dernier document est très éclairant en ce qu'il comporte deux simulations de règlement l'un sur la base d'un parité 1euros pour 1,5913 CHF, et le second avec une parité de 1 euros pour 1,4313 CHF permettant de mettre en évidence un rallongement de la durée du crédit de 25 mois et une augmentation du coût de 65.247 euros ;
Attendu que l'offre de prêt accordée à Monsieur X. indique par conséquent bien que le prêt contracté est un prêt en francs suisses, remboursé en euros, et que l'amortissement du prêt, se fait par le règlement d'échéances en euros soumises à conversion, et donc impactées par le taux de change ;
Que les conséquences de l'évolution du taux de change, qu'elle soit favorable, ou défavorable à l'emprunteur sont clairement abordées dans le contrat et illustrées par des simulations ;
Qu'enfin Monsieur X. compte tenu de ses expériences en matière d'emprunts, d'investissements immobiliers, de défiscalisation, et autre gestion de son patrimoine, était tout à fait à même de comprendre la portée de ces informations ; de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a jugé que la BNP a respecté son obligation d'information ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments que contrairement à ses affirmations, Monsieur X. a été clairement informé du risque de variation du taux de change et de l'impact sur l'économie de son crédit, s'agissant de l'augmentation de la durée du remboursement, ou de l'augmentation du coût du crédit ;
Attendu par conséquent que Monsieur X. ne peut être que débouté de sa demande de dommages et intérêts qui résulterait selon lui du non-respect par la BNP de l'obligation d'information, de l'obligation de conseil (inexistante en l'espèce) ou du non-respect du devoir de mise en garde (dont il ne bénéficie pas s'agissant d'un emprunteur averti) ;
Sur la demande reconventionnelle de la SA BNP PERSONAL FINANCE :
Attendu que la SA BNP PERSONAL FINANCE sollicite la condamnation de Monsieur X. à lui payer 10.263,05 euros au titre des échéances impayées depuis septembre 2015, ainsi que l'exécution forcée des obligations incombant à l'emprunteur ;
Que Monsieur X. soulève l'irrecevabilité de ces demandes qui ne présentent selon lui, pas de lien suffisant avec la demande principale, estimant que cette dernière vise les clauses du contrat et les conditions de leur signature, alors que la demande reconventionnelle a trait à l'exécution du contrat ;
* * *
Attendu que la demande reconventionnelle est en application de l'article 567 du code de procédure civile, recevable en appel ;
Attendu que la demande reconventionnelle doit cependant répondre à la condition de l'article 70 du code de procédure civile de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant ;
Que ce texte doit demeurer d'interprétation stricte s'agissant d'une demande formée la première fois devant la cour d'appel, afin de veiller au respect du principe du double degré de juridiction ;
Attendu que Monsieur X. ne conteste pas avoir cessé de payer les échéances de son prêt à compter de septembre 2015, ni que l'arriéré s'élève à 10.263,05 euros au 2 février 2016, de sorte qu'il doit être condamné à payer ce montant ;
Que le payement de cet arriéré présentant un lien suffisant avec la demande principale portant sur la nullité d'une clause d'indexation de ce même contrat de prêt ;
Que l'exception d'irrecevabilité est donc rejetée sur ce point ;
Attendu que s'agissant de l'exécution forcée de l'intégralité des obligations il apparaît que cette demande reconventionnelle ne présente pas de lien suffisant avec la demande principale, et ce d'autant moins que, la BNP se déclare titulaire d'un acte authentique du 16 juin 2009 rédigé par un notaire dont l'étude se trouve en Alsace, (acte qu'elle ne verse pas aux débats) et qu'elle peut le cas échéant, s'il en rempli les conditions, rendre exécutoire ;
Que la demande de la SA BNP PERSONAL FINANCE est sur ce point déclarée irrecevable ;
Sur le surplus :
Attendu que l'appelant qui succombe sur les mérites de leur appel est condamné aux entiers frais et dépens de la procédure ;
Que l'équité ne commande pas de faire application à son profit de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'à l'inverse l'équité commande d'allouer une somme de 2.000 euros sur ce même fondement à la SA BNP PERSONAL FINANCE ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Rejette l'appel,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Condamne Monsieur X. à payer à la SA BNP PERSONAL FINANCE la somme de 10.263,05 euros avec les intérêts légaux à compter de ce jour au titre des échéances de retard de septembre 2015 au 2 février 2016,
Déclare irrecevable la demande de la SA BNP PERSONAL FINANCE tendant à condamner Monsieur X. à l'exécution forcée de ses obligations au titre du prêt litigieux ;
Condamne Monsieur X. aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel,
Déboute Monsieur X. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur X. à payer à la SA BNP PERSONAL FINANCE la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière : La Conseillère :
- 5851 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Absence de lien avec la profession
- 6030 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Acceptation des clauses - Clauses offrant une option
- 6033 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Esprit du contrat - Contrat aléatoire
- 6638 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Présentation générale
- 9742 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Monnaie étrangère