CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 29 juin 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5690
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 29 juin 2016 : RG n° 14/02306
Publication : Jurica
Extrait : « Mais considérant que la société Les Jambons du Cotentin ne forme pas de demande de nullité des conventions de coopération commerciale devant la cour d'appel,
Considérant que la société Les Jambons du Cotentin forme une demande en répétition de l'indu en application des dispositions de l'article L. 442-6-I-2°-a) dans sa version issue de la loi 2001-420 du 15 mai 2001 ; qu'elle peut, nonobstant le protocole signé en 2006, agir à cette fin ; qu'en effet, toute partie s'estimant victime d'une pratique restrictive de la concurrence peut engager, sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce qui assurent l'ordre public économique, la responsabilité délictuelle de l'auteur de cette pratique, quels qu'aient pu être les contrats qui ont pu les lier, les relations qu'elles ont pu nouer, Considérant que la loi 2005-882 du 2 août 2005 a (article 442-6-III alinéa 2 in fine) précise : « Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services... qui se prétend libéré de justifier du fait qui produit l'extinction de son obligation » ; que ce texte qui a modifié la charge de la preuve s'applique à la présente procédure ; qu'il appartient donc à la société Eurauchan de rapporter la preuve qu'elle a réalisé effectivement les services dont elle demande le paiement et non de prétendre que la charge incombe à la société Les Jambons du Cotentin dès lorsqu'elle aurait reconnu sa dette à son égard,
Considérant que la société Eurauchan doit justifier que les prestations rémunérées sont distinctes des opérations d'achat et de vente, et qu'elles ont été réalisées, Considérant que la coopération commerciale qui a donné lieu à rémunération n'est pas définie par un contrat, Que les factures de coopération commerciale versées des années 2004, 2005 et 2006 aux débats précisent : […] Que la preuve qui lui incombe n'est manifestement pas faite de ce que les services ainsi rémunérés sont distincts des services prévus et rémunérés dans les conditions générales de vente des fournisseurs et que, si ces services sont distincts, ils sont également réels,
Considérant que le moyen tiré de la disproportion du prix, dont la démesure n'est pas expliquée, s'avère sans objet ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 29 JUIN 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/02306. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de ROUBAIX-TOURCOING du 25 mars 2010 - Arrêt de la Cour d'Appel de DOUAI du 19 juin 2012 - Arrêt du 24 septembre 2013 - [sur renvoi de] Cour de Cassation de PARIS - [pourvoi] n° 12-23.353
APPELANTS :
Monsieur X.
Représenté et plaidant par Maître Bastien M., avocat au barreau de ROUEN
Monsieur Y.
Né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté et plaidant par Maître Bastien M., avocat au barreau de ROUEN
LES JAMBONS DU COTENTIN
ayant son siège social [adresse], représenté et plaidant par Maître Bastien M., avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉS :
SAS EURAUCHAN
ayant son siège social [adresse], N° de SIRET XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Maître Nadia B.-F., avocat au barreau de PARIS, plaidant par Maître Amélie P., avocat au barreau de LILLE, substitué par Maître Thomas D., avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue me 18 mai 2016, en audience publique, devant Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, rédacteur, Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, Monsieur François THOMAS, Conseiller. Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Françoise COCCHIELLO dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile
Greffier lors des débats : Monsieur Vincent BRÉANT
ARRÊT : Réputé contradictoire, Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Faits et procédure :
La société Les Jambons du Cotentin fabrique des produits de charcuterie traditionnelle et du terroir. Elle a été placée en redressement judiciaire en 1998 et a bénéficié d'un plan d'apurement du passif d'une durée de dix ans.
Dans le cadre du plan, elle fournissait ses produits à Eurauchan avec laquelle elle avait conclu plusieurs contrats de coopération commerciale fixant le tarif des services spécifiques que la société Eurauchan lui rendait.
Le 5 décembre 2006, les parties ont conclu un accord selon lequel la société les Jambons du Cotentin reconnaissait devoir à la société Eurauchan une somme de 332.500,55 Euros qu'elle s'engageait à payer en trois ans, cependant que la société Eurauchan annulait les sommes facturées à ce titre pour les années 2004, 2005 et 2006, pour un montant global de 510.733,38 Euros HT, donnant lieu à l'émission d'un avoir (510.733 Euros) au profit de la société Les Jambons du Cotentin qui devait demeurer séquestré jusqu’à ce que cette dernière procède à une augmentation de capital d'au moins 300.000 Euros, à laquelle son gérant, Y. devait souscrire pour 170.000 Euros.
Une augmentation de capital a eu lieu le 18 septembre 2007 mais la société Eurauchan a refusé de débloquer l'avoir.
La société Les Jambons du Cotentin a été placée en liquidation judiciaire le 13 novembre 2007. La société Eurauchan a déclaré une créance de 319.205 Euros.
X., mandataire liquidateur et Y. à titre personnel ont reproché à Eurauchan une fausse coopération commerciale et subsidiairement l'inexécution du protocole ainsi qu'une rupture partielle, brutale et abusive de la relation commerciale des parties, et ont assigné la société Eurauchan en répétition de l'indu, subsidiairement, en paiement de l'avoir et en dommages-intérêts.
Par jugement le 25 mars 2010, le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing a :
- Condamné la société Eurauchan à payer à X. ès qualités la somme de 297.500 euros qui viendra en compensation de la créance déclarée par Eurauchan au passif des Jambons du Cotentin,
- Rejeté les autres demandes des parties,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement et
- Condamné Eurauchan au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par un arrêt du 19 juin 2012, la Cour d'appel de Douai a :
- Confirmé le jugement entrepris, sauf sur le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la SAS Eurauchan,
Statuant à nouveau sur ce point,
- Condamné la SAS Eurauchan à payer à X. ès qualités la somme de 244.620,45 euros, cette somme venant en compensation de la créance déclarée par la SAS Eurauchan au passif de la SARL Les Jambons du Cotentin,
- Condamné la SAS Eurauchan à payer à X. ès qualités la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Condamné la SAS Eurauchan aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par un arrêt du 24 décembre 2013, la Cour de Cassation a, aux motifs qu'il appartenait à la société Eurauchan de justifier des faits ayant produit l'extinction de ses obligations et à la cour de vérifier si les prestations fournies étaient bien distinctes des opérations d'achat et de revente incombant au distributeur, cassé et annulé l'arrêt de la cour de Douai du 19 juin 2012 en ce qu'il a rejeté les demandes de remboursement formées par X. ès qualités, au titre de la coopération commerciale et les demandes de dommages-intérêts de Y., et remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel de Paris ; la cour de cassation a condamné la société Eurauchan aux dépens et à payer à X. ès qualités, et à Y. la somme globale de 3.000 euros et rejette sa demande ;
La cour d'appel de Paris a été saisie le 3 février 2014.
II/ Demandes des parties
a/ Les appelants : SARL Jambons du Cotentin et M. Y.
Par conclusions du 11 avril 2016, la SARL Jambons du Cotentin représentée par son mandataire liquidateur, Maître G. et Jacky L. demandent à la cour de :
- Déclarer recevable et bien fondé Maître Éric G., en sa qualité de liquidateur de la société Jambons du Cotentin et Monsieur X. en leur appel.
- Réformer l'arrêt de la Cour d'appel de Douai entrepris sur les sommes octroyées à Maître Éric G., ès qualités et faire droit aux demandes de Maître Éric G., ès qualités et Monsieur X.
En conséquence,
Vu l'ordonnance du 1er décembre 1986, la loi du 15 mai 2001 et la loi du 2 août 2005,
Vu les articles L. 441-3, L. 441-6, L. 441-7 et L. 442-6 du code de commerce et l'article 1376 du Code civil, constater l'absence de réalisation des prestations de coopération commerciale prétendument réalisées par la société Eurauchan et condamner en conséquence la société Eurauchan à payer, au titre de la répétition de l'indu au profit de Maître G., ès qualités :
- 797.795 euros au titre de la fausse coopération commerciale
Dire que la société Eurauchan est responsable du préjudice personnel subit par Monsieur X. et en conséquence, la condamner en conséquence payer à Monsieur X. :
- 227.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice direct subi du fait de la réalisation de l'augmentation de capital au mois d'octobre 2007
- 166.309,03 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de la perte de chance subie par Monsieur X.
Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou périodiques au choix de Maître G. aux frais de la société Eurauchan
Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, condamner la société Eurauchan à payer 15.000 euros au profit Maître G. et 18.000 euros au profit de Monsieur X.
Condamner la société défenderesse aux entiers dépens de la procédure dont distraction au profit du cabinet AARPI CFC AVOCATS aux offres de droit.
b/ L'intimé : SAS Eurauchan
Par conclusions 11 avril 2016, SAS Eurauchan demande à la cour de :
A titre principal,
PAR CES MOTIFS
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté :
- Maître Éric G. ès qualités de ses demandes de remboursement des sommes versées au titre des services de coopérations commerciales,
- M. X. de sa demande d'indemnisation ;
Le réformer pour le surplus et débouter Maître G. ès qualités et M. L. de leurs demandes
Reconventionnellement,
Les condamner solidairement au paiement d'une somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Les condamner en tous les frais et dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A/ Sur la répétition de l'indu :
Considérant que La SARL Jambons du Cotentin fait valoir que la SAS Eurauchan n'a pas respecté les principes légaux concernant la notion de coopération commerciale selon les dispositions applicables jusqu'à la loi du 2 août 2005, selon les dispositions applicables depuis la loi du 2 août 2005, modifiée par les lois des 4 janvier et 4 août 2008, et selon l'interprétation de l'administration de sorte qu'elle a engagé sa responsabilité délictuelle, peu important l'existence de convention ou de rapports contractuels entre les parties, que n'ayant nullement reconnu par la signature du protocole qu'elle devait quoi que ce soit à la société Eurauchan, elle rappelle qu'une partie lésée par une pratique restrictive de la concurrence peut agir devant la juridiction de fond pour obtenir répétition de l'indu,
Qu’il incombe à la société Eurauchan de justifier la spécificité des services rendus au titre de la coopération commerciale, les services distincts ou de coopération commerciale payés par la société Les Jambons du Cotentin qui se différencient de l'opération d'achat-vente ; qu'en l'espèce, le libellé des services est large et non défini dans leur étendue, dans leur périodicité ; qu’il ne peut être considéré qu'un service de paiement centralisé ou de diffusion des assortiments dans les enseignes permet de valoriser les produits auprès des consommateurs et peut être qualifié de service de coopération commerciale,
Que la société Eurauchan doit également démontrer la réalité de ces services ; que l'article L. 441-3 du code de commerce prescrit un formalisme qui impose au vendeur lors de la rédaction des factures, la mention de la dénomination précise des produits vendus et des services rendus ; qu'en l'espèce, aucune date de réalisation des prestations de coopération commerciale n'est mentionnée sur les factures transmises alors même qu'il s'agit d'un élément obligatoire permettant de démontrer la réalisation effective de ces prestations ; qu'aucune autre pièce que les conditions particulières de référencement n'est versée aux débats par la société Eurauchan permettant de démontrer que ces prestations ont effectivement été réalisées ;
Que les prix imposés ont de plus un caractère disproportionné, qu'ils ne sont pas facturés à leur juste valeur, que le montant de rémunération n'est aucunement justifié,
Que la demande en répétition de l'indu est justifiée, et les sommes indûment versées par Les Jambons du Cotentin devront être restituées à hauteur de 797.795 Euros,
Considérant que la société SAS Eurauchan soutient que le litige concerne l'application du protocole, que la société Les Jambons du Cotentin a reconnu sa dette à son égard et ne peut prétendre que les services n'ont pas été réalisés sinon alors en rapportant elle-même la preuve de l'absence de réalisation des prestations de coopération commerciale ; que les services rendus, les services de centralisation, la diffusion et la validation de ces différentes assortiments ont été effectués sans que l'appelante ait à faire une quelconque démarche auprès de chacun des points de vente, que la gamme de ses produits a été diffusée dans les différents réseaux et qu'elle n'a jamais émis la moindre critique ; que l'action en nullité des accords de coopération commerciale des années 2004, 2005 et 2006 n'est pas justifiée alors que ces contrats ont été valablement consentis,
Qu'elle soutient que la disproportion dans le prix des prestations n'est pas rapportée par l’appelante, et que les factures déterminent la nature, le montant et les prestations réalisées, les périodes concernées, que le défaut de respect de l'article L. 441-3 du Code de commerce ne saurait constituer la preuve que les prestations n'auraient pas été réalisées,
Mais considérant que la société Les Jambons du Cotentin ne forme pas de demande de nullité des conventions de coopération commerciale devant la cour d'appel,
Considérant que la société Les Jambons du Cotentin forme une demande en répétition de l'indu en application des dispositions de l'article L. 442-6-I-2°-a) dans sa version issue de la loi 2001-420 du 15 mai 2001 ; qu'elle peut, nonobstant le protocole signé en 2006, agir à cette fin ; qu'en effet, toute partie s'estimant victime d'une pratique restrictive de la concurrence peut engager, sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce qui assurent l'ordre public économique, la responsabilité délictuelle de l'auteur de cette pratique, quels qu'aient pu être les contrats qui ont pu les lier, les relations qu'elles ont pu nouer,
Considérant que la loi 2005-882 du 2 août 2005 a (article 442-6-III alinéa 2 in fine) précise : « Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services... qui se prétend libéré de justifier du fait qui produit l'extinction de son obligation » ; que ce texte qui a modifié la charge de la preuve s'applique à la présente procédure ; qu'il appartient donc à la société Eurauchan de rapporter la preuve qu'elle a réalisé effectivement les services dont elle demande le paiement et non de prétendre que la charge incombe à la société Les Jambons du Cotentin dès lorsqu'elle aurait reconnu sa dette à son égard,
Considérant que la société Eurauchan doit justifier que les prestations rémunérées sont distinctes des opérations d'achat et de vente, et qu'elles ont été réalisées,
Considérant que la coopération commerciale qui a donné lieu à rémunération n'est pas définie par un contrat,
Que les factures de coopération commerciale versées des années 2004, 2005 et 2006 aux débats précisent : « convention de service de paiement centralisé », « convention de service centrale groupe », « convention de service diffusion et cooptation des assortiments », « fournitures des relevés des prix de vente » ; que toutefois, les conditions générales de vente du fournisseur sur ces mêmes périodes prévoient déjà une rémunération pour « services distincts », notamment pour « prestations centrale », pour « coopération » ; qu’il aurait convenu que Eurauchan précise en quoi les services rémunérés au titre de la « coopération commerciale » sont distincts de ceux qui sont déjà rémunérés dans le cadre des CGV des fournisseurs,
Que les factures de coopération commerciale précisent encore : « prestation commerciale suivant contrat » : « mise en avant sur gamme locale » ou « tête de gondole » ou « animation externe au rayon » ou « OPE terroir » ou « gamme locale gamme festive », « prestation 2004 », « organisation et réalisation de tête de gondole dynamisation des ventes au moyen d'actions promotionnelles fortes, fondée sur une mise en avant des produits par une signalétique d'accroche visuelle, des facings multipliés et leur positionnement en tête de gondole » ; qu'il s'agirait, selon Eurauchan, d'opérations de promotion qui ont profité à la société Les Jambons du Cotentin et sont « détachables des simples obligations résultant des achats et ventes » ; que toutefois, si certaines de ces prestations peuvent être distinguées de celles qui relèvent des opérations de vente et d'achat, alors que d'autres n'apparaissent pas distinctes du « service de création d'évènement promotionnel » rémunéré dans les conditions générales de vente, il lui appartient de justifier la réalité des opérations qu'elle a décrites dans ses factures, ce qu'elle ne fait pas en l'espèce, ne pouvant se borner à dire que ces opérations ont servi à la société Les Jambons du Cotentin,
Que la preuve qui lui incombe n'est manifestement pas faite de ce que les services ainsi rémunérés sont distincts des services prévus et rémunérés dans les conditions générales de vente des fournisseurs et que, si ces services sont distincts, ils sont également réels,
Considérant que le moyen tiré de la disproportion du prix, dont la démesure n'est pas expliquée, s'avère sans objet,
Considérant que l'action en répétition de l'indu doit être accueillie à hauteur de la somme de 797.795 Euros,
B/ Sur le préjudice personnel de Y. :
Considérant que Y. explique qu'il exerçait les fonctions de gérant majoritaire de la SARL Jambons du Cotentin, que dans le cadre du protocole en date du 5 décembre 2006, la société Eurauchan a exigé une contribution personnelle de sa part en qualité de gérant à l'augmentation de capital ainsi que la communication régulière des comptes, ce qu’il a respecté ayant fait confiance à Eurauchan quant au respect des engagements de celle-ci,
Qu'en raison de la dénonciation du protocole faite par Eurauchan avec mauvaise foi, par la liquidation judiciaire, Y. a non seulement perdu son outil de travail et toute perspective de rémunération, mais encore le bénéfice de l'ensemble des investissements très importants qu'il a consacrés à la SARL Jambon du Cotentin, soit la somme de 227.500 Euros qu'il a versée au titre de l'augmentation du capital au mois d'octobre 2007, les sommes investies dans l'achat du fonds de commerce, dans la souscription des augmentations de capital antérieures et des engagements de cautions et d'autre part, une perte de chance de recueillir les fruits de ses investissements qu'il évalue à la somme de 166.309,03 Euros,
Considérant que la société Eurauchan expose n'avoir eu aucune exigence dans la négociation du protocole et qu'il s'agit de « la résultante d'une convention négociée entre entreprises, ce qui a dûment été validé par Y., lequel était dûment conseillé », que celui-ci a investi en toute connaissance de cause, qu'en outre, il s'agit d'un préjudice indirect non indemnisable,
Mais considérant que la société Eurauchan pouvait dénoncer l'accord alors que l'augmentation de capital n'avait pas été réalisée pour le montant prévu, que Y. ne justifie pas que cette dénonciation (certes sévère, compte tenu du montant effectif de l'augmentation de 297.500 Euros) a été faite dans le but de lui porter préjudice,
Que par ailleurs, rien dans les pièces versées aux débats ne justifie que la société Eurauchan a « exigé » sa participation dans l'augmentation du capital à laquelle il a été procédé,
Que dès lors, les préjudices dont il fait état (investissements perdus, perte de chance de recueillir les fruits des investissements) ne peuvent être imputés à un comportement fautif de la société Eurauchan en ce qui concerne l'exécution de l'accord signé par les parties,
Que par ailleurs, les préjudices dont il fait état sont en relation indirecte avec la faute commise par Eurauchan dans la facturation de services fictifs de coopération commerciale ;
Qu'il doit être débouté de sa demande.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La COUR :
Infirmant le jugement,
Condamne la société Eurauchan à payer à la société Les Jambons du Cotentin représentée par son mandataire liquidateur X. la somme de 797.795 Euros,
Déboute Y. de ses demandes,
Condamne la société Eurauchan à payer à la société Les Jambons du Cotentin représentée par X. la somme de 15.000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,
Condamne la société Eurauchan aux entiers dépens.
Le Greffier, Vincent BRÉANT
La Présidente, Françoise COCCHIELLO
- 6164 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Protection d’ordre public
- 6175 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Cadre général - Charge de la preuve
- 6202 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Distribution - Services de coopération commerciale