CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

5701 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Compétence - Ordre des juridictions (judiciaire et administratif)

Nature : Synthèse
Titre : 5701 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Compétence - Ordre des juridictions (judiciaire et administratif)
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
Imprimer ce document

 

CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5701 (16 février 2024)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION – RÉGIME

ACTION D’UN CONSOMMATEUR – PROCÉDURE

RÈGLES DE COMPÉTENCE – RESPECT DE L’ORDRE DES JURIDICTIONS (ADMINISTRATIF ET JUDICIAIRE)

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2024)

 

Présentation. La protection contre les clauses abusives n’a pas été exclue de certains actes administratifs (V. Cerclab n° 5845). La question peut se poser lorsque la légalité de la disposition réglementaire est directement contestée devant le juge administratif (recours pour excès de pouvoir) ou à l’occasion d’un litige particulier, soulevé devant un juge administratif ou judiciaire, ce dernier cas supposant la formulation d’une question préjudicielle. En tout état de cause, la compétence respective de chaque ordre juridictionnel doit être respectée. Sur cette question, V. Cerclab n° 5846.

Illustrations. * Autoroute. Pour une prise de position générale, en dehors des clauses abusives : une société concessionnaire de la construction et de l’exploitation d’une autoroute a pour activité l’exécution d’une mission de service public administratif, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que les péages, qui ont le caractère de redevances pour service rendu, sont assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ; les usagers de l’autoroute, même abonnés, sont dans une situation unilatérale et réglementaire à l’égard du concessionnaire ; il en résulte que les litiges pouvant naître entre ces usagers et le concessionnaire quant au principe et au montant du péage, y compris quant à la délivrance de factures afférentes à ce péage, relèvent de la compétence de la juridiction administrative. T. confl., 20 novembre 2006 : req. n° C3569 ; rec. Lebon ; Cerclab n° 5201 - T. confl., 20 novembre 2006 : req. n° C3599 ; Cerclab n° 5202 (idem). § Dans le même sens : CE, 28 juillet 1995 : req. n° 126484 ; Cerclab n° 5203 (l’abonné à un péage autoroutier se trouve dans une situation unilatérale et réglementaire à l’égard de la société chargée de l’exploitation de l’autoroute), annulant TA Nice, 26 mars 1991 : Dnd.

* Crédit. Le Tribunal civil a la possibilité de saisir la juridiction administrative pour qu'elle statue sur la légalité de dispositions réglementaires qui conditionnent la poursuite de l'instance civile ; une telle saisine constitue un préalable pour permettre au Tribunal de juger le caractère abusif ou non de la clause incriminée, le caractère abusif du modèle réglementaire pouvant entacher de nullité la clause utilisée par les prêteurs qui l'ont contractualisée avec les emprunteurs. TI Bourganeuf, 8 décembre 2004 : RG n° 11-04-000010 ; Site CCA ; Cerclab n° 7032 (jugement concluant que la législation sur le crédit à la consommation n’est pas exclusive de celle sur les clauses abusives et invitant les parties, pour les clauses litigieuses, à saisir le juge administratif), après avis de CCA, 27 mai 2004 : avis n° 04-02 ; Cerclab n° 3609 - TI Bourganeuf, 8 décembre 2004 : RG n° 10-04-000015 ; Cerclab n° 7054 (idem), après avis CCA (avis), 27 mai 2004 : avis n° 04-03 ; Cerclab n° 3610. § Toutefois, lorsque l'aménagement et l'adaptation du modèle type par le prêteur excède les dispositions réglementaires, le tribunal  civil reste seul compétent pour apprécier le caractère abusif ou non de cette adaptation contractuelle sans que ne soit en cause la validité même des dispositions réglementaires. TI Bourganeuf, 8 décembre 2004 : RG n° 10-04-000015 ; Cerclab n° 7054 (crédit renouvelable) - TI Bourganeuf, 8 décembre 2004 : RG n° 11-04-000010 ; Site CCA ; Cerclab n° 7032 (idem). § N.B. Le  jugement estime qu’en l’espèce les clauses d’augmentation du découvert et de variabilité du taux d’intérêt s’écartent du modèle, mais il décide de surseoir à statuer de façon assez surprenante : d’une part, il laisse aux parties le soin de saisir le juge administratif, d’autre part, il étend le sursis à toutes les stipulations, alors que la clause d’augmentation du découvert pouvait sans doute être examinée indépendamment du modèle, ce qui était en revanche moins le cas de la clause d’intérêt variable).

* Eau. Le service public de distribution de l’eau est en principe, de par son objet, un service public industriel et commercial ; il en va ainsi même si, s’agissant de son organisation et de son financement, ce service est géré en régie par une commune, sans disposer d’un budget annexe, et si le prix facturé à l’usager ne couvre que partiellement le coût du service ; en revanche le service ne peut revêtir un caractère industriel et commercial lorsque son coût ne fait l’objet d’aucune facturation périodique à l’usager. T. confl., 21 mars 2005 : pourvoi n° 05-03413 ; Bull. confl. n° 6 ; Cerclab n° 3623 (compétence judiciaire, pour une exploitation en régie, sans budget annexe mais avec facturation aux usagers), sur demande de TA Nice, 10 octobre 2003, annulant TGI Nice, 24 février 1998 (incompétence). § V. aussi : eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat d'abonnement qui lie le service public industriel et commercial de distribution d'eau potable à l'usager, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître des dommages causés à ce dernier à l'occasion de la fourniture de la prestation due par le service du fait de la rupture du branchement particulier desservant l'usager, peu important que la cause des dommages réside dans un vice de conception, l'exécution de travaux publics ou l'entretien d'ouvrages publics. T. confl., 20 janvier 2003 : pourvoi n° 03-03327 ; Bull. confl. n° 2 ; Dnd - T. confl., 28 avril 2003 : pourvoi n° 03-03348 ; Bull. confl. n° 12 ; Dnd (eu égard à son objet et aux conditions de son fonctionnement, le service public de distribution de l'eau d'une commune présente le caractère d'un service public industriel et commercial ; il suit de là que le litige qui oppose une personne à une commune au sujet du paiement d'une facture de consommation d'eau relève de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire).

* Égoûts. Saisi par la Cour de cassation (Civ. 1re, 16 mai 2018, pourvoi n° 17-18897), en application de l’article 35 du décret n° 215-233 du 27 février 2015, le Tribunal des conflits a, par arrêt du 8 octobre 2018 (n° 4135), énoncé qu’eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat qui lie le service public industriel et commercial de l’assainissement à ses usagers, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire et que, dès lors, il n’appartient qu’à cette dernière de connaître des litiges relatifs à la facturation et au recouvrement de la redevance due par les usagers, aux dommages causés à ceux-ci à l’occasion de la fourniture du service, peu important que la cause des dommages réside dans un vice de conception, l’exécution de travaux publics ou l’entretien d’ouvrages publics, ou encore à un refus d’autorisation de raccordement au réseau public. Cass. civ. 1re, 28 novembre 2018 : pourvoi n° 17-18897 ; arrêt n° 1137 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 7677. § Le Tribunal des conflits a jugé qu’en revanche, un litige né du refus de réaliser ou de financer des travaux de raccordement au réseau public de collecte, lesquels présentent le caractère de travaux publics, relève de la compétence de la juridiction administrative. Cass. civ. 1re, 28 novembre 2018 : précité, cassant sans renvoi CA Metz, 30 mars 2017 : Dnd (arrêt admettant la compétence judiciaire alors que des époux qui avaient financé le raccordement de leur maison au réseau collectif demandaient son remboursement à la commune).

* Piscine. Dès lors que la piscine municipale litigieuse est un établissement géré en régie directe par la direction de la Jeunesse et des Sports de la ville de Paris et chargé de développer la pratique sportive, que ses produits d'exploitation sont imputés, avec ceux des terrains de sports et des stades municipaux, au chapitre des Sports et Beaux-arts du budget de la collectivité territoriale, il en résulte qu'elle constitue un service public administratif. La demande d'indemnisation du préjudice causé par le vol d'effets et d'objets personnels commis par des individus non identifiés dans un casier fermé à clé de cette piscine municipale ressortit donc à la compétence de la juridiction de l'ordre administratif. T. confl., 26 mai 2003 : pourvoi n° 03-03346 ; décision n° 1446 ; Cerclab n° 1895, après demande de Cass. civ. 1re, 22 octobre 2002 : pourvoi n° 00-18770 ; Cerclab n° 1889, solution reprise par Cass. civ. 1re, 28 octobre 2003 : pourvoi n° 00-18770 ; arrêt n° 1307 ; Cerclab n° 2019 (compétence administrative), cassant CA Paris (8e ch. D), 29 juin 2000 : RG n° 1998/09533 ; Cerclab n° 932 ; Juris-Data n° 2000-141026 (décision écartant l’application de l’arrêté de la Ville de Paris pris pour l’exploitation des piscines en ce qu’il exonérait l’exploitant de toute responsabilité en cas de vols ou de détérioration d’objets, la clause n’ayant pas été portée à la connaissance du public, la cour assimilant la situation à un service public industriel et commercial), sur appel de TI Paris 15e 12 février 1998 : Dnd.

* Port (location d’emplacement). La location d'un emplacement dans un port ne répond pas à la notion de service public industriel et commercial, dès lors que les plaisanciers ne payent pas un prix en contrepartie d'un service, mais une redevance pour occupation du domaine public. CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 23 octobre 2014 : RG n° 11/14550 ; arrêt n° 2014/508 ; Cerclab n° 4979 ; Juris-Data n° 2014-028732 (incompétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur l’action en responsabilité du propriétaire d’un bateau endommagé par un feu d’artifice contre la commune l’ayant organisé et son assureur ; examen, en revanche, de l’action contre la communauté de commune, concédante de l’emplacement, dès lors que celle-ci n’a pas soulevé l’exception d’incompétence in limine litis ; clause jugée non abusive), sur appel de TI Toulon, 30 juin 2011 : RG n° 11/09/2496 ; Dnd. § Comp. pour une compétence judiciaire lorsque le contrat est conclu avec l’exploitant du port : Cass. civ.1re, 30 novembre 2016 : pourvoi n° 15-25516 ; arrêt n° 1360 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 6676.

Question préjudicielle : limites de la saisine. Il incombe au juge administratif, dès lors qu’il est lui-même compétent pour en connaître, de répondre à la question préjudicielle posée par le juge judiciaire, sans que puisse être discutée devant lui la question de l’applicabilité de l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. CE (3e ch. 8e sect.), 30 décembre 2015 : req. n° 387666 ; Rec. Lebon (tables) ; Cerclab n° 5460 (motif répondant sans doute à la contestation de la qualité de professionnel de l’abonné, une société de production et distribution de café), réformant TA Marseille, 16 décembre 2014 : req. n° 1103577 ; Dnd, sur demande de T. com. Marseille, 21 avril 2010 : RG n° 2008F02130 et n° 2008F02334 ; Dnd.

En vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n’appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu’elle est saisie d’une question préjudicielle en appréciation de validité d’un acte administratif, de trancher d’autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l’autorité judiciaire ; lorsque la juridiction de l’ordre judiciaire a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d’aucun autre, fût-il d’ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l’encontre de cet acte. TA Amiens (1re ch.), 13 octobre 2008 : req. n° 08/02015 ; Cerclab n° 1643 ; Juris-Data n° 2008-006666 (jugement limitant la question aux dispositions susceptibles de contrevenir à l’ancien art. L. 132-1 [212-1 nouveau] C. consom. : il n’appartient pas au juge administratif de se prononcer sur le moyen tiré de la légalité desdites clauses au regard du régime de responsabilité inhérente au fonctionnement des ouvrages publics), sur question préjudicielle de TGI Saint-Quentin, 20 mars 2008 : Dnd. § § En vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l'autorité judiciaire ; il suit de là que, lorsque la juridiction de l'ordre judiciaire a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d'aucun autre, fût-il d'ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l'encontre de cet acte ; ce n'est que dans le cas où, ni dans ses motifs ni dans son dispositif, la juridiction de l'ordre judiciaire n'a limité la portée de la question qu'elle entend soumettre à la juridiction administrative, que cette dernière doit examiner tous les moyens présentés devant elle, sans qu'il y ait lieu alors de rechercher si ces moyens avaient été invoqués dans l'instance judiciaire. TA Saint-Martin (2e ch.), 30 novembre 2023 : req. n° 2300108 ; Cerclab n° 10637 (conséquence : respect strict de la question préjudicielle portant sur le « caractère abusif des clauses du règlement du service de l'eau du 23 mars 2006 au sens du code de la consommation » et irrecevabilité du moyen soutenant l’inapplicabilité de ce règlement ou visant une responsabilité extracontractuelle).

Invocation tardive de l’exception d’incompétence. Aux termes de l'art. 74 CPC, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ; est irrecevable l’exception d’incompétence de la juridiction judiciaire invoquée par une communauté de commune, concédante d’un emplacement portuaire, qui n’a été formulée que tardivement. CA Aix-en-Provence (11e ch. B), 23 octobre 2014 : RG n° 11/14550 ; arrêt n° 2014/508 ; Cerclab n° 4979 ; Juris-Data n° 2014-028732, sur appel de TI Toulon, 30 juin 2011 : RG n° 11/09/2496 ; Dnd.

Procédure administrative. Est suffisamment motivée, au sens de l'art. R. 411-1 C. just. adm., la requête qui énonce que le règlement du service public des eaux dont le requérant demande l'abrogation est illégal, en ce qu'il comporte des clauses abusives. TA Grenoble (1re ch.), 29 juillet 2022 : req. n° 1905463 ; jugt n° 43338 ; Cerclab n° 9741. § Sur le délai de recours de deux mois, V. Cerclab n° 5705.