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6058 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Respect des droits et libertés du consommateur - Libertés individuelles

Nature : Synthèse
Titre : 6058 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Respect des droits et libertés du consommateur - Libertés individuelles
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6058 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - APPRÉCIATION DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF

DÉSÉQUILIBRE INJUSTIFIÉ - RESPECT DES DROITS ET LIBERTÉS DU CONSOMMATEUR - LIBERTÉS INDIVIDUELLES

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

A. LIBERTÉ D’ALLER ET VENIR

Clauses portant atteinte à la liberté d’aller et de venir. Est abusive la clause résolutoire d’un contrat d’ouverture de crédit au cas où l’emprunteur quitte le territoire français métropolitain ; il est difficile de discerner en quoi le fait de quitter le territoire français métropolitain menace l’exécution du contrat de crédit, sauf à considérer que toutes les personnes dans cette situation sont par nature des mauvais payeurs ; une telle clause, dépourvue de toute justification, est de nature à restreindre la liberté d’aller et de venir de l’emprunteur, liberté qui est protégée tant par l’art. 2 du protocole n° 4 de la Conv. EDH que par l’art. 12 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques. TI Niort, 16 décembre 1998 : RG n° 11-98-000832 ; Cerclab n° 3094, confirmé, sans reprise de l’argument, par CA Poitiers (2e ch. civ.), 16 janvier 2001 : RG n° 99/01486 ; arrêt n° 25 ; Cerclab n° 598 ; Juris-Data n° 2001-176609 (caractère abusif affirmé sans justification précise). § Pour d’autres illustrations : CA Rennes (2e ch.), 3 mars 2017 : RG n° 14/01219 ; arrêt n° 106 ; Cerclab n° 6772 (caractère illicite de la clause prévoyant la suspension de la faculté d'utilisation du crédit en cas d'établissement de l'emprunteur à l'étranger qui est dépourvue de toute justification et aggrave la situation de celui-ci en ce qu'elle est de nature à restreindre sa liberté d'aller et de venir : N.B. la clause exigeait le maintien d'une domiciliation bancaire sur le territoire français ; déchéance des intérêts), confirmant TI Guingamp, 30 janvier 2014 : Dnd. § V. aussi pour une clause illicite : la Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet, dans un contrat de séjour linguistique, « d’interdire au consommateur de retourner dans la famille d’accueil ou de lui imposer en ce cas le paiement d’une somme d’argent ». Recomm. n° 94-03/7° : Cerclab n° 2161 (considérant n° 7 : clause manifestement illicite en ce qu’elle constitue une entrave à la liberté du consommateur d’aller et venir).

Caractère abusif des clauses permettant au professionnel d’imposer au consommateur des sanctions privatives de liberté en cas de manquement au contrat ou au règlement intérieur. Recomm. n° 85-03/B-27° : Cerclab n° 2155 (hébergement de personnes âgées ; considérant n° 47). § La Commission des clauses abusives recommande l’élimination dans les contrats d’hébergement de personnes âgées des clauses ayant pour objet ou pour effet de restreindre le droit du consommateur de s’absenter à tout moment de l’établissement, sauf pour le professionnel à décliner sa responsabilité s’il juge que l’état de santé du consommateur ne le permet pas, à demander d’être informé préalablement de départs ou de retours à des heures inhabituelles, ou à stipuler les précautions à respecter pour la sécurité et la tranquillité des autres occupants. Recomm. n° 85-03/B-28° : Cerclab n° 2155 (considérants n° 48 à 50 ; si le professionnel est garant de la sécurité des consommateurs, il ne lui appartient pas de se substituer au libre arbitre de chacun).

B. LIBERTÉ D’EXPRESSION

Clauses portant atteinte à la liberté d’expression. V. pour un refus : la clause d’un contrat de location d’emplacement de mobile-home stipulant que « les attitudes, paroles ou chants incorrects sont interdits, ainsi que toutes propagandes ou discussions politiques, religieuses ou autre susceptibles de créer un trouble ou désordre dans le camp » n’est pas abusive, dès lors qu’elle précise explicitement que la limite au droit d’expression de chacun réside uniquement dans des propos ou manifestations susceptibles de créer un trouble ou un désordre dans le camp ; il ne peut être fait grief au bailleur de prévoir de telles dispositions dont le but est d’assurer la jouissance paisible des lieux loués à l’ensemble de ses locataires, comme l’y oblige les dispositions de l’art. 1719-3° C. civ. ; la clause critiquée s’avère usuelle dans tout contrat de louage d’immeuble ou dans un lieu de vie en collectivité. TI Coutances, 15 janvier 2007 : RG n° 11-06-000070 ; jugt n° 10/07 ; Cerclab n° 3091, confirmé par Caen (1re ch. sect. civ. et com.), 13 mars 2008 : RG n° 07/00729 ; Legifrance ; Cerclab n° 2896; Juris-Data n° 2008-364675 (clause non abusive dès lors que la limite du droit d’expression est strictement circonscrite aux manifestations de ce droit susceptibles de porter atteinte au droit de jouissance paisible des autres locataires), pourvoi rejeté par Cass. civ. 3e, 10 juin 2009 : pourvoi n° 08-13797 ; Bull. civ. III, n° 140 ; Cerclab n° 2861 ; D. 2009. AJ 1685, obs. Delpech ; JCP 2009, n° 28, p. 22 ; Contr. conc. consom. 2009, n° 259, obs. Raymond ; RJDA 2009, n° 784 ; Defrénois 2009. 2340, obs. Savaux ; RDC 2009. 1435, obs. Fenouillet (clause non contestée devant la Cour de cassation). § N.B. La prohibition de discussions politiques ou religieuses entre occupants serait certainement contraire à la liberté d’expression et l’interprétation restrictive de la clause par l’arrêt d’appel est plus convaincante que la motivation du jugement.

C. LIBERTÉ MATRIMONIALE

Clauses portant atteinte à la liberté matrimoniale. La Commission des clauses abusives, relevant que le contrat, dit de « courtage » matrimonial, a été considéré comme licite, à la condition qu’aucune pression, de quelque nature que ce soit, ne soit exercée sur les consommateurs concernés afin qu’ils contractent un mariage, leur consentement devant être totalement libre, en déduit que les agences matrimoniales ne sauraient bien évidemment contracter une quelconque obligation de résultat et que, de même, le paiement des sommes dues en vertu du contrat ne doit pas être subordonné à la réalisation du mariage. Recomm. n° 87-02 (considérant n° 1) : Cerclab n° 2157. § Est abusive la clause prévoyant la faculté pour le prêteur de résilier le contrat dans l’hypothèse où l’emprunteur s’abstiendrait de l’avertir de toute modification d’adresse, d’état-civil ou de situation professionnelle […] ; il apparaît difficile de comprendre en quoi la modification de la situation familiale justifierait la suspension ou la résiliation du contrat ; une telle clause pourrait permettre au prêteur de résilier le contrat en cas de mariage, divorce, paternité ou maternité de l’emprunteur, ce qui constitue une ingérence injustifiée dans la vie privée du consommateur, laquelle est protégée tant par l’art. 8-1 de la Conv. EDH que par l’art. 17 du pacte international relatifs aux droits civils et politiques. TGI Limoges (JEX), 12 juin 2002 : Dnd, cassé par Cass. civ. 2e, 4 décembre 2003 : pourvoi n° 02-04162 ; arrêt n° 1686 ; Cerclab n° 2850 (cassation fondée sur l’impossibilité du relevé d’office, à l’époque, de l’irrégularité d’une offre préalable de crédit à la consommation).

D. LIBERTÉ DE TRAVAILLER

Clauses portant atteinte à la liberté de travailler. Caractère abusif de la clause ayant pour conséquence paradoxale d’interdire à un assuré chômeur d’occuper un emploi disponible de durée déterminée pendant toute la période garantie, qui porte ainsi atteinte à son droit fondamental au travail. CA Versailles (3e ch.), 9 avril 1999 : RG n° 1996-8735 ; Cerclab n° 1743, cassé par Cass. civ. 1re, 12 mars 2002 : pourvoi n° 99-15711 ; arrêt n° 478 ; Bull. civ. I, n° 92 ; Cerclab n° 2033 (absence de preuve d’un abus de puissance économique et d’un avantage excessif, que la référence aux seuls désavantages subis par l’assuré, sans les comparer aux avantages recueillis par l’assureur, ne permet pas de caractériser).

Si le bailleur peut interdire au locataire d’exercer une activité professionnelle dans les lieux loués, il ne peut en revanche, sans attenter à sa liberté individuelle, lui interdire de travailler dans la ville ou dans la région des lieux loués ou de rechercher un emploi. TGI Chambéry (1re ch.), 4 février 1997 : RG n° 95/01426 ; jugt n° 99/97 ; Cerclab n° 536 (contrat de location en meublé pour étudiants), confirmé par CA Chambéry (ch. civ.), 19 janvier 2000 : RG n° 97-00472 ; arrêt n° 182 ; Site CCA ; Cerclab n° 583. § En sens contraire, pour une clause voisine, apparemment interprétée différemment : n’est pas abusive, la clause par laquelle le locataire en meublé, étudiant, déclare sur l'honneur n'exercer et ne chercher à exercer aucune profession dans la ville et dans la région des lieux loués, qui ne contient aucun engagement restreignant sa liberté individuelle susceptible d'être sanctionné par la résiliation du bail, alors que la clause litigieuse lui fait exclusivement obligation de ne pas exercer un commerce, une profession ou une industrie dans les lieux loués. TGI Grenoble (4e ch. civ.), 3 juin 1996 : RG n° 95/04219 ; jugt n° 175 ; Cerclab n° 3152 (location en meublé de chambres d’étudiants ; déclaration sans portée juridique).