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6078 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Modes d’expression du Consentement - Consentement par le silence

Nature : Synthèse
Titre : 6078 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Modes d’expression du Consentement - Consentement par le silence
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6078 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CLAUSE

CONSENTEMENT - MODES D’EXPRESSION DU CONSENTEMENT - CONSENTEMENT PAR LE SILENCE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Principe : le silence ne vaut pas consentement. En droit commun, le principe fondamental est que le silence ne vaut pas consentement. L’affirmation jurisprudentielle du principe a été consacrée par le nouvel art. 1120 C. civ. : « le silence ne vaut pas acceptation ».

La règle découle directement du respect de la liberté contractuelle et se comprend lorsqu’on raisonne a contrario : si le silence valait consentement, toute personne risquerait d’être engagée à son insu, dès lors qu’elle n’aurait pas pris connaissance d’une proposition de contracter qui lui a été adressée et qu’elle n’aurait pas refusée en manifestant un refus exprès. L’exigence rejoint ainsi le respect de la liberté individuelle, nul ne devant être obligé de se manifester pour exprimer ce refus. Ce principe est également applicable en droit de la consommation.

Limites. En droit commun, il existait avant l’ordonnance du 10 février 2016 plusieurs exceptions d’origine jurisprudentielle. Elles ont été pour une part reprises par le nouvel art. 1120 C. civ. : « le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu'il n'en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d'affaires ou de circonstances particulières ». La portée de ces exceptions mérite d’être appréciée en droit de la consommation.

* Exception légale. L’existence d’une exception légale ne pose pas de problème (ex. renouvellement en matière de baux d’habitation, V. Cerclab n° 6134).

* Usages contraires. Celle découlant de l’existence d’usages devrait a priori être écartée, dès lors que ces usages concernent normalement des relations professionnelles et qu’en tout état de cause, il serait nécessaire que le consommateur en ait connaissance. Par ailleurs, l’existence d’une clause sur le silence rend la référence aux usages sans intérêt, puisqu’un usage est de nature supplétive.

* Clauses favorables au consommateur. La jurisprudence a parfois admis l’acceptation du destinataire d’une offre, en dépit de son silence, lorsque cette offre était dans son intérêt exclusif. L’art. 1120 C. civ. n’a pas explicitement consacré cette exception, qui peut toutefois entrer dans la formule finale évoquant des « circonstances particulières ». Une telle situation ne peut être exclue pour un consommateur, même si ses conditions doivent être examinées avec encore plus de rigueur qu’en droit commun.

* Relations antérieures d’affaires. En droit commun, la conclusion d’un contrat par le silence peut parfois résulter de l’existence de relations d’affaires antérieures entre les parties. Celles-ci, pour gagner du temps lors d’opérations répétitives, vont mettre en place un mode de conclusion simplifié, qui s’apparente d’ailleurs souvent plus à une acceptation tacite par l’exécution que par un véritable silence (ex. livraison tous les jours d’un café en baguettes et croissants). La dérogation ne vaut que pour des contrats dont le contenu est identique. La situation n’est pas exclue pour les consommateurs, même si elle sans doute rare (ex. plutôt britannique et peut-être obsolète de la bouteille de lait déposée devant la porte). Elle suppose peut-être l’existence d’un droit de retrait, exercé à bref délai.

* Clauses contraires. L’art. 1120 C. civ. n’évoque pas cette question, mais, le texte n’étant pas d’ordre public, la possibilité de clauses contraires ne soulève pas de difficultés particulières en droit commun et la jurisprudence antérieure en a toujours admis la possibilité. Ainsi, dans une promesse unilatérale, il est possible de stipuler que l’option sera levée, soit par une manifestation expresse de contracter dans le délai offert, soit par l’écoulement du délai sans manifestation contraire. Le procédé est également utilisé pour les renouvellements de contrat, lorsque celui-ci est acquis en l’absence de dénonciation avant un certain délai avant l’échéance. Ces dispositions peuvent être examinées sous l’angle des clauses abusives. Compte tenu de leur importance, il semble notamment indispensable que le consommateur en ait clairement connaissance. Les décisions recensées montrent, hormis la question du renouvellement (V. Cerclab n° 6134), que les stipulations litigieuses concernent surtout la modification du contrat ou la preuve de son exécution.

Modification du contrat et acceptation par le silence. V. pour la Commission des clauses abusives : la Commission recommande que soient éliminées des contrats liant un professionnel à un non-professionnel ou consommateur les clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel de modifier à son gré des clauses d’un contrat, sans que le consommateur ait à exprimer de façon explicite son acceptation. Recomm. n° 94-01 : Cerclab n° 2186 (considérant n° 2 : le silence ne vaut pas consentement). § V. aussi pour une recommandation spéciale : la Commission recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet, en cas de cession du contrat par le professionnel, de déduire du silence du consommateur, après un délai déterminé, son consentement implicite à de nouvelles conditions contractuelles. Recomm. n° 99-02/9 : Cerclab n° 2193 (téléphones portables ; clauses présentant faussement une modification des conditions contractuelles comme une cession, emportant obligation du consommateur à paiement sans « engagement exprès et préalable » contrairement, selon la Commission, à l’ancien art. L. 122-3 C. consom.).

Pour des décisions des juges du fond admettant le caractère abusif d’une clause faisant valoir acceptation au silence en cas d’augmentation du montant d’un crédit renouvelable (entre autres arguments), V. par exemple : TI Clermont-Ferrand, 2 mai 2007 : RG n° 11-07-000018 ; jugt n° 337/07 ; Cerclab n° 3590 (clause de dispense d’offre pour l’augmentation du montant d’un crédit renouvelable), confirmé par CA Riom (ch. com.), 28 mai 2008 : RG n° 07/01635 ; Cerclab n° 2515 (argument non repris) - CA Versailles (1re ch. 2e sect.), 6 novembre 2008 : RG n° 07/05701 ; arrêt n° 504 ; Cerclab n° 2369 (augmentation du montant du crédit renouvelable ; clause aboutissant en dehors d’une affirmation expresse de volonté, en dehors de toute possibilité de rétractation et sans examen de sa situation financière, à engager l’emprunteur pour un montant supérieur au montant initial) - CA Colmar (3e ch. civ. A), 26 janvier 2009 : RG n° 07/04426 : arrêt n° 09/0039 ; Cerclab n° 1384 (augmentation du montant du crédit renouvelable ; déséquilibre provenant de l’absence d’acceptation formelle de l’augmentation du montant du crédit et de la perte du droit de rétractation) - CA Paris (8e ch. sect. A), 14 mai 2009 : RG n° 07/13024 ; arrêt n° 314 ; Cerclab n° 3393 ; Juris-Data n° 2009-006917 (augmentation du montant du crédit renouvelable ; absence d’acceptation formelle de l’emprunteur et de droit de rétractation), sur appel de TI Paris (12e arrdt), 14 juin 2007 : RG n° 11-07-00334 ; Dnd. § V. aussi : l’acceptation de l’emprunteur ne peut être tacite et doit résulter d’un acte univoque de sa part dès lors que l’attention du consommateur doit être attirée sur l’aggravation de son risque. CA Bordeaux (1re ch. civ. A), 17 février 2011 : RG n° 09/01631 ; Cerclab n° 2894 (crédit renouvelable), sur appel de TI Bordeaux, 25 novembre 2008 : RG n° 08-2616 ; Dnd. § Sur les clauses de dispense d’offre dans les crédits renouvelables, V. plus généralement Cerclab n° 6630 s.

Rappr. : aux termes de l’art. L. 211-14 C. tourism., lorsque, avant le départ, le respect d’un des éléments essentiels du contrat est rendu impossible par suite d’un événement extérieur qui s’impose au vendeur, celui-ci doit le plus rapidement possible en avertir l’acheteur et informer ce dernier de la faculté dont il dispose soit de résilier le contrat, soit d’accepter la modification proposée par le vendeur ; cet avertissement et cette information doivent être confirmés par écrit à l’acheteur, qui doit faire connaître son choix dans les meilleurs délais ; ne respecte pas ce texte le comité d’entreprise qui n’a notifié sa décision d’annulation plus de trois mois après l’envoi des avenants.CA Versailles (1re ch., 1re sect.), 27 novembre 2014: RG n° 12/05740 ; Cerclab n° 4961 (arrêt détaillant aussi le comportement du comité qui a notamment participé à une réunion évoquant les modifications rendues nécessaires pour prévenir une grève de la compagnie initialement prévue), sur appel de TGI Nanterre (6e ch.), 3 juillet 2012 : RG n° 09/01018 ; Dnd. § N.B. L’arrêt ne discute pas la clause insérée par l’organisateur de voyages dans les avenants envoyés au comité d’entreprise qui stipulait que « le présent avenant est valable 8 jours ; à défaut, les présentes modifications seront considérées comme acceptées par le client », clause donnant au silence la valeur d’une acceptation et qui, même en droit commun, est dépourvue de toute portée.

Exécution du contrat et acceptation par le silence. V. pour la Commission des clauses abusives : la Commission recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de laisser croire qu’est définitivement acceptée une facture non contestée dans un délai déterminé. Recomm. n° 99-02/28 : Cerclab n° 2193 (téléphones portables ; clauses abusives, qui confèrent au silence de l’abonné valeur d’acceptation). § Sur l’impossibilité d’interdire toute contestation d’une facture ou d’un relevé de compte au-delà d’un certain délai, V. plus généralement Cerclab n° 6143 (preuve) et Cerclab n° 6139 (délai).

Comp. admettant le principe du jeu de silence, dès lors que le consommateur peut s’y opposer : n’est pas abusive la clause d’un contrat de fourniture de gaz relative aux obligations d’entretien des citernes stipulant que « pour chacune de ces opérations (visite triennale et épreuve décennale) un rendez-vous est pris avec le client », dès lors que les fiches d’annonces sont rédigées clairement et informent suffisamment le client du rendez-vous, dont il peut modifier la date. TGI Nanterre (6e ch.), 2 septembre 2003 : RG n° 01/02488 ; Cerclab n° 3949 (clause prévoyant une prise de rendez-vous pour les visites d’entretien sans critiquer la mention : « pour plus de simplicité, votre absence de réponse vaudra accord de votre part ») après avoir écarté des débats CCA (avis), 26 septembre 2002 : avis n° 02-02 ; Cerclab n° 3613 (avis adoptant la même solution : stipulation claire et précise, ne conférant pas de valeur contractuelle aux énonciations des cartons d’annonces de visite d’entretien).

Absence de protestation à réception d’un document. Les conventions de compte bancaire prévoient fréquemment que l’absence de protestation dans un délai suivant la réception des relevés de compte vaut acceptation de ceux-ci, sans remettre en cause cette solution dans son principe, le caractère abusif découlant en général de la rédaction de la clause faisant croire au consommateur qu’il ne peut plus contester passé ce délai. V. cependant : CA Angers (ch. com.), 24 février 2009 : RG n° 07/02296 ; arrêt n° 49 ; site CCA ; Cerclab n° 2884 (convention de compte bancaire ; acceptation des relevés de compte ; clause abusive donnant valeur au silence).