6146 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Clauses sur l’accès au juge - Clause compromissoire (arbitrage)
- 6145 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Clauses sur l’accès au juge - Présentation générale
- 6147 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Clauses sur l’accès au juge - Modes alternatifs de règlement des litiges (conciliation, médiation)
- 6148 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Clauses sur l’accès au juge - Clauses attributives de compétence - Compétence d’attribution
- 6149 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Clauses sur l’accès au juge - Clauses attributives de compétence - Compétence territoriale
- 6240 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Accès au juge
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6146 (12 août 2023)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CLAUSE
RESTRICTION DE L’ACCÈS AU JUGE - CLAUSE COMPROMISSOIRE (ARBITRAGE)
Présentation. L’arbitrage est un mode de règlement juridictionnel des litiges par une autorité qui tient son pouvoir de juger, non d’une délégation permanente de l’État, mais de la convention des parties (définition reprise en simplifiant du Vocabulaire juridique, sous la direction de G. Cornu). Contrairement aux modes alternatifs (Cerclab n° 6147), il s’agit donc bien d’une juridiction (« tribunal arbitral ») qui rend des décisions (« sentence arbitrale ») et qui est soumise à un certain nombre de règles figurant, notamment, dans le Code de procédure civile (art. 1442 s. CPC).
La clause compromissoire est la convention par laquelle les parties conviennent en cas de litige de recourir à l’arbitrage. Si l’article 2059 C. civ. semble au premier abord favorable à une telle procédure - « toutes personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition » -, sous réserve des exceptions prévues à l’art. 2060, une position en réalité plus restrictive a longtemps découlé de l’art. 2061 qui disposait que « la clause compromissoire est nulle s’il n’est disposé autrement par la loi ».
La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 (art. 126 JORF 16 mai 2001) a profondément modifié cette situation, puisque désormais cet article dispose que « sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle ».
L’art. 2061 a à nouveau été modifié par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 qui dispose « La clause compromissoire doit avoir été acceptée par la partie à laquelle on l'oppose, à moins que celle-ci n'ait succédé aux droits et obligations de la partie qui l'a initialement acceptée. [alinéa 1] Lorsque l'une des parties n'a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée [alinéa 2] ».
Il en résulte que ces textes limitent sérieusement l’intérêt de l’appréciation du caractère abusif d’une clause compromissoire, laquelle reste importante pour les contrats internationaux conclus par un consommateur.
Pour une illustration d’appréciation du caractère professionnel dans le cadre de l’art. 2061 C. civ. : cassation de l’arrêt admettant la validité d’une clause intitulée « procédure de conciliation » et prévoyant que les conclusions du médecin s’imposaient aux parties, dans un contrat d’assurance collective ayant pour objet de couvrir le risque d’invalidité permanente totale, alors qu’un tel contrat qui n’était pas conclu à raison d’une activité professionnelle ne pouvait instaurer valablement une procédure d’arbitrage. Cass. civ. 2e, 16 juin 2011 : pourvoi n° 10-22780 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 3438 (cassation pour violation de l’art. 2061 C. civ.) selon lequel, sous réserve de dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle), cassant CA Bastia (ch. civ.), 4 novembre 2009 : RG n° 08/00402 ; Cerclab n° 3625.
Évolution des textes. * Loi du 10 janvier 1978.Sous l’empire du droit initial, l’art. 35 de la loi du 10 janvier 1978 ne visait pas les clauses concernant l’accès au juge, solution compréhensible au regard de la rédaction ancienne de l’art. 2061, et le décret du 24 mars 1978 ne pouvait passer outre cette limitation (comp. infra pour la Commission).
* Directive du 5 avril 1993 et loi du 1er février 1995. L’annexe 1.q) à l’ancien art. L. 132-1 C. consom. précisait, notamment, que peuvent être regardées comme abusives, si elles satisfont aux conditions posées au premier alinéa de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. et à condition, en cas de litige, que le demandeur apporte la preuve de ce caractère abusif, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales (annexe 1.q, conforme sur ce point à la Directive 93/13/CEE abrogée à compter du 1er janvier 2009, mais toujours présente dans la directive).
La validité de la clause compromissoire figurant dans les conditions générales (en langue espagnole) et dans les conditions particulières (en langue française) doit être examinée à la lumière des dispositions de la directive 93/13 CEE. CA Versailles (14e ch.), 15 février 2018 : RG n° 17/03779 ; Cerclab n° 7439 (contrat de conseil fiscal et successoral pour régler une succession complexe et litigieuse en Espagne), sur appel de TGI Pontoise (JME), 2 mai 2017 : RG n° 14/05624 ; Dnd, pourvoi rejeté avec approbation de la solution par Cass. civ. 1re, 30 septembre 2020 : pourvoi n° 18-19241 ; arrêt n° 556 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8590 (points n° 7 à 11 ; V. résumé plus loin).
* Décret du 18 mars 2009 : clause simplement présumée abusive. Depuis le décret du 18 mars 2009, l’ancien art. R. 132-2-10° C. consom., transféré à l’art. R. 212-2-10° C. consom. (sauf pour l’extension au non-professionnel transférée à l’art. R. 212-5 C. consom.) dispose, notamment, qu’est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, la clause ayant pour objet ou pour effet de « supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges ». La présomption de caractère abusif est donc simple et le professionnel est autorisé à rapporter la preuve que la clause ne crée pas de déséquilibre significatif. Il faut noter toutefois que le texte ne concerne ici que les consommateurs et pas les non-professionnels : faut-il y voir une maladresse de rédaction ? Sous l’empire de la rédaction ancienne, le consommateur ne pouvait être concerné par l’art. 2061 C. civ. (sauf contrat international). Curieusement, en détachant la protection des non-professionnels à l’art. R. 212-5 C. consom., l’applicabilité du texte aux non-professionnels ne semble plus contestable, ce qui redonne une certaine importance à la protection des clauses abusives. Néanmoins, la définition étroite du non-professionnel par l’article liminaire dans sa rédaction résultant de la loi n° 2017-203 du 21 février 2017 comme une personne morale « qui n'agit pas à des fins professionnelles » réaligne celui-ci sur le consommateur au sens de l’art. 2061 C. civ.
Commission des clauses abusives. La Commission des clauses abusives a pris position à plusieurs reprises en défaveur de la validité des clauses imposant un arbitrage à un consommateur. Elle a cependant déclaré la clause tantôt illicite, solution incontestable, tantôt abusive, ce qui était discutable avant la loi du 1er février 1995 sauf à considérer que le caractère abusif résultait de son seul maintien dans le contrat.
La Commission recommande d’éliminer les clauses visant à imposer le recours à l’arbitrage pour un litige qui n’est pas encore né (clause compromissoire). Recomm. n° 79-02/2° : Cerclab n° 2143 (considérant n° 3 ; clause contraire à l’art. 2061 C. civ.). § Dans le même sens à propos de contrats particuliers, avant la loi de 1995 : Recomm. n° 81-02/17 : Cerclab n° 2173 (considérant n° 15 : clause abusive) - Recomm. 94-04/B-11° : Cerclab n° 2162 (locations saisonnières ; clause illicite) - Recomm. n° 91-01/C : Cerclab n° 2159 (établissements d’enseignement ; considérant n° 12 : clause manifestement illicite). § Dans le même sens, après la loi de 1995 mais avant la loi de 2001 : Recomm. n° 97-02 : Cerclab n° 2190 (considérant n° 3 et visa de l’art. 2061 C. civ. ; clause abusive).
V. aussi dans le cadre d’un contrat international : Recommandation de l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice par le consommateur ou par le non-professionnel, en obligeant le consommateur ou le non professionnel à saisir, en cas de litige, une juridiction d’arbitrage étrangère sauf disposition contraire aux conditions générales d’utilisation. Recomm. n° 2014-02/44° : Cerclab n° 5002 (réseau social ; considérant n° 44).
Droit de l’Union européenne. N.B. La Cour de justice de l’Union européenne étant susceptible d’intervenir pour n’importe quel pays membre de l’Union, dont certains sont moins restrictifs que la France en matière d’arbitrage, elle peut être saisie de l’appréciation du caractère abusif d’une clause compromissoire ou de la façon dont la protection des clauses abusives, qui est d’ordre public, est appliquée par l’arbitre.
Sur l’office du juge : la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 doit être interprétée en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale ayant acquis la force de chose jugée, rendue sans comparution du consommateur, est tenue, dès qu’elle dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d’apprécier d’office le caractère abusif de la clause d’arbitrage contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans la mesure où, selon les règles de procédure nationales, elle peut procéder à une telle appréciation dans le cadre de recours similaires de nature interne. Si tel est le cas, il incombe à cette juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause. CJCE (1re ch.), 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones SL/Cristina Rodríguez Nogueira : Aff. C-40/08 ; Cerclab n° 4417. § Il en découle que, dans la mesure où le juge national saisi d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale définitive doit, selon les règles de procédure internes, apprécier d’office la contrariété entre une clause arbitrale et les règles nationales d’ordre public, il est également tenu d’apprécier d’office le caractère abusif de cette clause au regard de l’art. 6 de ladite directive, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Une telle obligation incombe également au juge national lorsqu’il dispose, dans le cadre du système juridictionnel interne, d’une simple faculté d’apprécier d’office la contrariété entre une telle clause et les règles nationales d’ordre public. Même arrêt (points n° 53 et 54).
Sur le caractère abusif de la clause, V. prudent : l’art. 3, § 1 et 3, de la directive 93/13/CEE, ainsi que le point 1-q), de l’annexe de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale concernée de déterminer si une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit, au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion dudit contrat, être considérée comme abusive au sens de ces dispositions. Dans le cadre de cette appréciation, la juridiction nationale concernée doit notamment : - vérifier si la clause en question a pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, et - tenir compte du fait que la communication au consommateur, avant la conclusion du contrat en cause, d’informations générales sur les différences existantes entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif de cette clause. Dans l’affirmative, il incombe à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause. CJUE (1re ch.), 3 avril 2014, Katalin Sebestyén / Zsolt Csaba Kővári - OTP Bank - OTP Faktoring Követeléskezelő Zrt - Raiffeisen Bank Zrt : aff. C‑342/13 ; Cerclab n° 7051.
Sur le contrôle par l’arbitre de la validité de la clause et donc de sa compétence, V. aussi ci-dessous.
Clause compromissoire imposée à un consommateur. * Loi du 17 mars 2014. Dans la loi du 17 mars 2014, le consommateur est défini comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». Il en résulte que le contrat ne peut être conclu « à raison d’une activité professionnelle », ce qui rend la clause compromissoire illicite au sens de l’ancien art. 2061 C. civ. Le caractère abusif de la clause est donc secondaire, sauf à considérer, classiquement, qu’une clause illicite est également abusive lorsqu’elle est maintenue dans le contrat, le déséquilibre significatif résultant de l’asymétrie d’information qu’elle provoque. Le point 1.q) de l’ancienne annexe, l’ancien art. R. 132-2-10° C. consom., transféré à l’art. R. 212-2-10° C. consom., sont donc ici d’une utilité quasi nulle lorsque l’art. 2061 est applicable (pour les contrats internationaux V. ci-dessous).
Pour une illustration, à tout le moins surprenante, de l’insertion d’une telle clause dans un contrat d’assurance, son application étant au surplus revendiquée initialement par l’assureur, ce qui semble encore plus invraisemblable : irrecevabilité de la demande des assureurs, personnes morales défenderesses, aux fins de voir constater l'incompétence de la juridiction saisie, au profit d’un arbitrage en application de la clause compromissoire stipulée au contrat. TGI Douai, 31 août 2017 : RG n° 16/01261 ; Dnd (assurance de véhicule non professionnelle d’un particulier), confirmé par CA Douai (3e ch.), 22 novembre 2018 : RG n° 17/06390 ; arrêt n° 18/463 ; Cerclab n° 7937 (absence de contestation en appel par les assureurs du rejet de ce moyen par le tribunal).
* Ordonnance du 14 mars 2016. L’article liminaire créé par l’ordonnance a maintenu cette définition du consommateur sauf pour l’adjonction de l’activité agricole au nouvel article liminaire. La clause est donc illicite et éventuellement abusive jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016 modifiant l’art. 2061. La clause est désormais inopposable à une partie qui « n'a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle ». Sur un plan logique, la clause inopposable n’est pas dans le contrat, en tout cas pour la partie qui peut se prévaloir de cette inopposabilité et la question du caractère abusif n’a même plus à se poser.
Pour un rappel de la solution : la clause stipulant qu’« en cas de litiges, et avant de soumettre celui-ci à la juridiction compétente, les parties s'engagent à soumettre leur différend à un arbitre qui s'efforcera de concilier les points de vue », ne constitue pas une clause compromissoire, puisqu’elle n'écarte pas la compétence de la juridiction, mais crée une irrecevabilité préalable à sa saisine ; en tout état de cause, en application de l’art. 2061 C. civ., la clause aurait été inopposable au maître de l’ouvrage, puisqu’elle ne peut concerner que les seuls contrats professionnels. CA Aix-en-Provence (ch. 1-4), 13 avril 2023 : RG n° 18/08564 ; Cerclab n° 10169 (projet de construction immobilière réalisé dans le cadre d’une qualification juridique incertaine, le contrat non signé par le client évoquant une convention de mandat), sur appel de TGI Grasse, 4 avril 2018 : RG n° 14/01892 ; Dnd.
* Il reste alors seulement à déterminer si les critères de l’article liminaire et de l’art. 2061 C. civ. se recoupent exactement, Il convient notamment de déterminer si, lorsque le contrat est à la fois à usage privé et professionnel, le critère de l’accessoire jouera identiquement dans les deux cas (notamment, un contrat conclu principalement à titre privé pourrait être jugé comme entrant quand même dans le cadre de l’activité, sans pour autant avoir été conclu à raison d’une activité). La rédaction de l’art. 2061 résultant de la loi de 2016 visant une partie qui « n'a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle » semble avoir rapproché les deux formulations.
Clause compromissoire imposée à un non-professionnel. La protection accordée par l’art. L. 212-1 C. consom. n’est pas limitée au consommateur au sens de l’article liminaire ou préliminaire, mais elle peut aussi bénéficier aux « non-professionnels » (art. L. 212-2 C. consom.), catégorie qui a historiquement recouvert des situations différentes, variabilité encore accentuée par l’ambiguïté des textes.
* Droit antérieur à l’ordonnance du 14 mars 2016. Les textes antérieurs à l’ordonnance sont contradictoires. Alors que le début de l’ancien art. R. 132-2 C. consom. vise les consommateurs et les non-professionnels, le 10° ne vise littéralement que le consommateur. Deux interprétations étaient dès lors possibles. Soit considérer que le 10° était limité aux consommateurs, ce qui ne permettait de ne protéger les non-professionnels qu’au titre du texte du Code civil. Soit considérer que le texte était une erreur de rédaction et devait être interprété en combinaison avec l’alinéa 1er. Pour les personnes morales sans activité professionnelle (association), dans ce cas, la protection contre les clauses abusives de l’ancien art. R. 132-1-10° C. consom. restait applicable, alors que la clause compromissoire était nulle au regard de l’art. 2061 C. civ.
* Droit postérieur à l’ordonnance du 14 mars 2016. L’ordonnance du 14 mars 2016 a modifié la situation. Pour les non-professionnels, l’application de l’art. R. 212-2-10° C. consom. n’est plus contestable depuis la création du nouvel art. R. 212-5 C. consom. Toutefois, à compter de la loi de ratification du 21 février 2017, le non-professionnel est nécessairement une personne morale sans activité professionnelle : la clause est donc illicite par application de l’art. 2061 C. civ., et inopposable à la suite de la modification du texte.
Clause compromissoire imposée à un professionnel. Avant l’ordonnance du 14 mars 2016, la jurisprudence incluait dans la notion de non-professionnel, des professionnels ayant conclu un contrat sans rapport direct avec leur activité (pour se limiter au critère majoritaire). Dans un tel cas, la clause pouvait être licite au regard du Code civil, mais éventuellement abusive si l’art. R. 132-2-10° C. consom. était interprété comme incluant les non-professionnels (V. ci-dessus).
Après l’ordonnance, le professionnel est exclu de la protection contre les clauses abusives et la clause est licite au regard du Code civil. Seule l’application de l’art. L. 442-6-I-2° C. com. pourrait être théoriquement envisageable, mais il suppose l’existence d’un partenariat et se limite à une action en responsabilité pour le préjudice subi, ce qui semble illusoire et de peu d’intérêt pour une clause compromissoire.
Contrats internationaux. Le caractère international du contrat conclu par le consommateur peut conduire à l’application d’une loi étrangère ne disposant pas de texte comparable à l’art. 2061 C. civ. Dans ce cas, seule la protection de l’art. L. 212-1 C. consom. peut être invoquée.
Pour la Commission des clauses abusives : recommandation de l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l’exercice d’actions en justice par le consommateur ou par le non-professionnel, en obligeant le consommateur ou le non professionnel à saisir, en cas de litige, une juridiction d’arbitrage étrangère sauf disposition contraire aux conditions générales d’utilisation. Recomm. n° 2014-02/44° : Cerclab n° 5002 (réseau social ; considérant n° 44).
Il résulte de l'article 1448 du code de procédure civile, applicable à l'arbitrage international en vertu de l'article 1506 du même code, sauf si les parties n'en sont autrement convenues, que lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable [12]. La règle procédurale de priorité édictée par ce texte ne peut avoir pour effet de rendre impossible, ou excessivement difficile, l'exercice des droits conférés au consommateur par le droit communautaire que les juridictions nationales ont l'obligation de sauvegarder [13]. Dès lors, la cour d'appel qui, après en avoir examiné l'applicabilité, en tenant compte de tous les éléments de droit et de fait nécessaires dont elle disposait, a écarté la clause compromissoire en raison de son caractère abusif, a, sans méconnaître les dispositions de l'article 1448 du code de procédure civile, accompli son office de juge étatique auquel il incombe d'assurer la pleine efficacité du droit communautaire de protection du consommateur [14]. Cass. civ. 1re, 30 septembre 2020 : pourvoi n° 18-19241 ; arrêt n° 556 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8590 (points n° 12 à 14). § Pour l’arrêt attaqué : est manifestement abusive la clause compromissoire invoquée par une société de conseil juridique, qui n’a pas fait l'objet d'une négociation individuelle et qui crée, en imposant la saisine de la cour arbitrale et en excluant toute possibilité de recours aux juridictions étatiques, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. CA Versailles (14e ch.), 15 février 2018 : RG n° 17/03779 ; Cerclab n° 7439 (contrat de conseil fiscal et successoral pour régler une succession complexe et litigieuse en Espagne ; preuve non rapportée qu’une héritière française, résidant en France, ne maîtrisant pas l'espagnol et désireuse de bénéficier en Espagne de conseils éclairés sur une succession complexe et litigieuse puisse dans de telles conditions négocier dans un rapport équilibré les termes d'une clause compromissoire manifestement prérédigée par la société cocontractante, peu important la présence à ses côtés d'un employé de banque susceptible, selon le professionnel, de la conseiller utilement), sur appel de TGI Pontoise (JME), 2 mai 2017 : RG n° 14/05624 ; Dnd. § V. aussi : la clause d’un contrat de vente d’un salon en cuir, acheté en Belgique et livré en France, obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage constitue une clause abusive au sens de l’art. 3 de la directive CEE n° 93/13 du conseil du 5 avril 1993 et de son annexe, et des dispositions d’ordre public de l’ancien art. L. 132-1 du code de la consommation et son annexe ; l’art. 17 du règlement 44/2001 qui permet de déroger aux dispositions du règlement par des dispositions permettant au consommateur de saisir d’autres « Tribunaux que ceux indiqués dans la présente section » ne peut recevoir application en l’espèce dès lors que le Tribunal désigné par le contrat est un Tribunal arbitral. CA Douai (1re ch. 1re sect.), 15 décembre 2008 : RG n° 08/02472 ; Cerclab n° 2659 (est non écrite la clause attribuant compétence, exclusive, à la Commission des litiges, instance arbitrale), sur appel de TI Douai, 14 mars 2008 : RG n° 07/000530 ; Dnd.
Comp. dans le cadre d’une action directe : dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, la clause compromissoire est transmise de façon automatique en tant qu'accessoire du droit d'action, lui-même accessoire du droit substantiel transmis ; les sous-acquéreurs français qui agissent sur un fondement contractuel, en se prévalant d'une action directe contre la société allemande qui l’a fabriqué, peuvent se voir opposer, même s’ils ne l’ont pas acceptée, la clause compromissoire contenue dans le contrat conclu entre cette société et son revendeur français, qui ont contracté dans le cadre de leur activité professionnelle, ce qui rend les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives inapplicables. CA Lyon (1re ch. civ. B), 30 mai 2017 : RG n° 17/00081 ; Cerclab n° 6897 ; Juris-Data n° 2017-017178 (clause désignant une juridiction arbitrale située… à Londres), sur appel de TGI Roanne (JME) 19 octobre 2016 : RG n° 15/01168 ; Dnd. § La clause compromissoire, convenue entre professionnels, n'est pas manifestement inapplicable dès lors que le litige est lié au contrat contenant ladite clause ; elle ne saurait être considérée comme manifestement nulle dès lors qu'elle figure dans divers documents scellant l'accord des parties de sorte qu'elle ne saurait être considérée comme n'ayant pas été acceptée et que seule une analyse préalable du droit applicable au contrat permettrait d'écarter son caractère contractuel. Même arrêt.
Vérification de la validité de la clause par l’arbitre. Sur la compétence de principe de l’arbitre pour apprécier le caractère abusif : il appartient à l’arbitre de statuer, par priorité, sous le contrôle du juge de l’annulation, sur sa propre compétence, le juge étatique étant sans pouvoir pour le faire, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause. Cass. civ. 1re, 12 mai 2010 : pourvoi n° 09-11872 ; arrêt n° 468 ; Cerclab n° 2848 (arrêt estimant que tel n’est pas le cas en l’espèce dès lors que l’art. 2061 n’était pas applicable à un contrat international ; demandeur au pourvoi invoquant le caractère abusif de la clause), rejetant le pourvoi contre CA Paris (1re ch. D), 21 janvier 2009 : RG n° 08/18859 ; arrêt n° 8 ; Cerclab n° 7368 (renvoi des parties à mieux se pourvoir), sur appel de TGI Paris (3e ch. sect. 2), 12 septembre 2008 : RG n° 08/8427 ; Dnd. § V. aussi CJCE (1re ch.), 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones SL/Cristina Rodríguez Nogueira : Aff. C-40/08 ; Cerclab n° 4417 (résumé supra).
Absence d’invocation de la clause. L’art. II § 3 de la convention de New-York du 10 juin 1958, pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, dispose que : « 3. Le tribunal d'un Etat contractant, saisi d'un litige sur une question au sujet de laquelle les parties ont conclu une convention au menu du présent article, renverra les parties à l'arbitrage, à la demande de l'une d'elles, à moins qu'il ne constate que ladite convention est caduque, inopérante ou non susceptible d'être appliquée » ; par ailleurs, selon l’art. 76 CPC, « sauf application de l'article 82-1, l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l'être qu'en ces cas. Devant la cour d'appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d'office que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française » ; en l’espèce, si le contrat de vente comporte une clause d'arbitrage, stipulant en outre l'application au litige de la loi de Hong Kong, la compétence de la juridiction française et l'application au litige de la loi française doivent être retenues, dès lors qu’aucune des parties ne se prévaut de l'application de cette clause. CA Poitiers (1re ch. civ.), 24 novembre 2020 : RG n° 18/01230 ; arrêt n° 508 ; Cerclab n° 8672, sur appel de TGI La Roche-sur-Yon, 2 mars 2018 : Dnd.