6251 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Principes
- 6161 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Conformité à la Constitution
- 6162 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Conformité aux droits européens - Convention européenne des Droits de l’Homme
- 6252 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Suppression de la clause (nullité)
- 6253 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Réparation du préjudice
- 6254 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Restitutions
- 6255 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Amende civile
- 6256 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Publication de la décision
- 6257 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Autres effets
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6251 (10 juillet 2020)
PROTECTION CONTRE LES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS DANS LE CODE DE COMMERCE (ART. L. 442-1-I-2° C. COM.)
EFFETS DE L’ACTION - PRINCIPES GÉNÉRAUX
Diversité des effets en fonction des demandeurs. L’art. L. 442-4-I C. com., tout comme l’ancien art. L. 442-6-III, ouvre l’action à des instances publiques en charge de l’intérêt général et du bon fonctionnement du marché : « pour l'application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8, l'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée aux articles précités ». En visant aussi « toute personne justifiant d'un intérêt », cet article vise évidemment les cocontractants victimes du déséquilibre, ce qui est encore plus clair depuis l’ordonnance puisque l’alinéa suivant mentionne « la partie victime ». La formule peut, le cas échéant, englober des tiers qui auraient pu aussi souffrir du déséquilibre imposé (V. aussi l’art. L. 470-5 C. com., devenu l’art. L. 490-10 C. com. offrant aux organisations professionnelles la possibilité d’agir « devant la juridiction civile ou commerciale pour les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ou du secteur qu'elles représentent, ou à la loyauté de concurrence »). La lettre du texte instaure en revanche des distinctions en fonction des sanctions demandées qui ne sont pas ouvertes à tous. L’ordonnance du 24 avril 2019 a maintenu tout en les précisant les distinctions antérieures.
* Réparation du préjudice. La réparation du préjudice appartient aux victimes, cocontractant ou tiers, qui ont seules le droit de percevoir le montant de la réparation accordée. Depuis l’ordonnance du 24 avril 2019, le Ministre et le ministère public ne sont plus visés (le texte antérieur disposait « la réparation des préjudices subis peut également être demandée »). Le président de l’Autorité de la concurrence n’a jamais été mentionné.
* Nullité des clauses ou des contrats. Dans la version initiale du texte, la nullité des stipulations dans les contrats effectivement conclus, la demande d’une cessation des pratiques pour l’avenir et la restitution de l’indu était réservée au Ministre chargé de l'économie et au ministère public. Le cocontractant et l’autorité de la concurrence n’étaient pas visés, ce qui a suscité des discussions pour les cocontractants (V. Cerclab n° 6252).
L’ordonnance a tranché : la partie victime, le Ministre et le ministère public peuvent solliciter la nullité des clauses et la restitution de l’indu. Ni le président de l’Autorité de la concurrence, ni les victimes non parties au contrat ne peuvent le faire.
* Amende civile. Une amende civile peut également être demandée, uniquement là encore, par le Ministre chargé de l'économie et le ministère public. Le cocontractant, les tiers victimes et le président de l’Autorité de la concurrence ne sont pas visés. Sur ce point, l’ordonnance du 24 avril 2019 n’a rien changé au droit antérieur.
Présenté sous un autre angle, après l’ordonnance, l’art. L. 442-4-I C. com. accorde les prérogatives les plus larges au Ministre de l’économie et au ministère public. La partie victime a vu les siennes élargies. Le président de l’Autorité de la concurrence conserve le droit d’agir, mais apparemment uniquement pour demander une cessation des pratiques.
Sur l’articulation des actions : dans le cadre de l’ancien art. L. 442-6-III C. com., les initiatives de toute personne intéressée, du ministère public ou du Ministre de l’économie sont concurrentes et non exclusives. CA Versailles (12e ch. sect. 2), 11 mai 2006 : RG n° 05/00760 ; Dnd ; Juris-Data n° 2006-313422.
Distinction des préjudices selon les manquements. Sur l’articulation entre la réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies et celui subi du fait de l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties : CA Paris (pôle 5 ch. 5), 12 septembre 2013 : RG n° 11/22934 ; Juris-Data n° 2013-019543 ; Cerclab n° 4609 (nécessité de démontrer l'existence d'un préjudice distinct), sur appel de T. com. Paris (15e ch.), 22 nov. 2011 : RG n° 2011035989 ; Dnd.
Portée de la décision : respect de la prohibition des arrêts de règlement. Selon l'art. 5 C. civ. : « il est défendu au juge de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». L’argument a parfois été invoqué par les responsables pour s’opposer à l’application de l’ancien art. L. 442-6 C. com. [L. 442-1 et 4], notamment lorsque le juge interdit une pratique pour l’avenir. L’argument a toujours été repoussé.
La cour d’appel qui relève que l’action introduite par le Ministre se fondait sur des clauses précises issues de contrats conclus entre distributeur et fournisseurs, reprises chaque année, et sur le déséquilibre, identifié, qui en résultait, a justement écarté le moyen tiré de l’interdiction des arrêts de règlement. Cass. com., 3 mars 2015 : pourvoi n° 14-10907 ; arrêt n° 239 ; Cerclab n° 5073, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 novembre 2013 : RG n° 12/04791 ; Cerclab n° 4622 ; Juris-Data n° 2013-026814 (le juge ne se lie pas pour l'avenir en statuant sur la demande). § V. aussi, s’inscrivant implicitement dans le respect de cette prohibition : l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1] ne permet pas de prohiber de manière générale et pour l’avenir l’insertion dans des contrats commerciaux de clauses créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, l’interdiction de telles clauses étant prévue par l’ancien art. L. 442-6-III, alinéa 2 de ce code [L. 442-4]. Cass. com., 25 juin 2015 (QPC) : pourvoi n° 14-28013 ; arrêt n° 735 ; Cerclab n° 5214 (refus de renvoi au Conseil constitutionnel ; la question, mal formulée, ne visait que le premier texte), sur demande lors du pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551.
L'action du ministre qui a pour objet d'obtenir la cessation des pratiques pour les contrats en cours et à venir ne saurait en soi amener le juge à violer la prohibition des arrêts de règlement prévue par l’art. 5. C. civ., la demande étant en l’espèce fondée sur l'analyse concrète de clauses des contrats. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 27 septembre 2017 : RG n° 16/00671 ; Cerclab n° 7064, sur appel de T. com. Lille, 10 novembre 2015 : RG n° J2012000024 ; Dnd. § V. aussi : T. com. Lille, 6 janvier 2010 : RG n° 2009/5184 ; Cerclab n° 4251 ; D. 2010. p. 1000, note J. Sénéchal ; JCP G. 2010. 516, obs. M. Chagny ; Contr. conc. consom. 2010/3. Comm. n° 71, note N. Mathey ; RDC 2010/3. p. 928, obs. M. Behar-Touchais ; Rev. Lamy conc. 2010, n° 23, p. 43, note M. Behar-Touchais ; Lettre distrib. n° 1-2010, note J.-M. Vertut (une décision rendue sur le fondement des anciens art. L. 442-6-I-2° et L. 442-6-III C. com. [L. 442-1 et 4] n'est pas incompatible avec l'art. 5 C. civ.) - CA Paris, (pôle 5 ch. 4), 11 septembre 2013 : RG n° 11/17941 ; Cerclab n° 4630 (la décision rendue sur la demande du Ministre n'est pas un arrêt de règlement) ‑ CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 (la demande du Ministre en cessation de pratiques illicites est expressément prévue par la loi, elle ne concerne que cinq clauses identifiées de conventions de partenariat conclues pour une année donnée entre un distributeur et ses fournisseurs et le décision rendue ne sera opposable qu'aux parties à l'instance : elle ne conduit donc pas la Cour à statuer par un arrêt de règlement), sur appel de T. com. Evry (3e ch.), 26 juin 2013 : RG n° 2009F00729 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 décembre 2017 : RG n° 13/04879 et n° 13/11192 ; Cerclab n° 7372 ; Juris-Data n° 2017-027127 (le juge n’est pas conduit à méconnaître l'art. 5 C. civ. en statuant sur la demande du ministre), pourvoi rejeté par Cass. com., 20 novembre 2019 : pourvoi n° 18-12823 ; arrêt n° 855 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8228 (argument non examiné).
Jugé en conséquence que la décision de cesser une pratique illicite découlant de clauses créant un déséquilibre significatif ne sera opposable qu'aux parties à l'instance. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 (affirmation posée pour échapper au grief de l’arrêt de règlement ; N.B. prise à la lettre, la solution de l’arrêt signifierait que seul le Ministre peut se prévaloir du non-respect de l’arrêt). § V. aussi : serait assimilable à un arrêt de règlement une décision qui serait susceptible de s'appliquer de la même façon à tout justiciable, ce qui est la caractéristique essentielle d'un texte réglementaire, alors que la décision d'interdiction susceptible d'être prise par le Tribunal ne pourra en tout état de cause s'appliquer qu'aux parties à l'instance. T. com. Évry (3e ch.), 6 février 2013 : RG n° 2009F00727 ; Cerclab n° 4352 (l’éventuelle injonction de ne pas faire n’aura aucun effet de droit sur les agents économiques non parties à l'instance).