6162 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Conformité aux droits européens - Convention européenne des Droits de l’Homme
- 6161 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Conformité à la Constitution
- 6163 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Conformité aux droits européens - Droit de l’Union européenne
- 6165 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Nature de l’action du Ministre
- 6251 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Principes
- 6167 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Application dans le temps
- 6256 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Publication de la décision
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6162 (14 octobre 2023)
PROTECTION CONTRE LES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS DANS LE CODE DE COMMERCE (ART. L. 442-6-I-2° C. COM.)
PRÉSENTATION GÉNÉRALE - CONFORMITÉ DU TEXTE AUX DROITS EUROPÉENS
CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
Articulation avec le contrôle de constitutionnalité. L'art. 7 § 1 Conv. EDH peut être utilement invoqué ainsi que l'article 15 du Pacte ratifié en 1980 par la France, alors même que la disposition légale a fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le point précis de la légalité. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 25 novembre 2015 : RG n° 12/14513 ; Cerclab n° 5441, confirmant de T. com. Bobigny, 29 mai 2012 : RG n° 2009F01541 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. com., 26 avril 2017 : pourvoi n° 15-27865 ; arrêt n° 581 ; Cerclab n° 6876 (moyen non admis).
A. ARTICLE 6 CONV. EDH
Texte. Selon l’art. 6 § 1 Conv., « Droit à un procès équitable », « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »
Applicabilité du texte. L'action du Ministre de l'économie, en ce qu'elle tend à l'application, à l'initiative des autorités publiques, de mesures à caractère punitif afin de sanctionner un comportement susceptible de troubler l'ordre public économique, constitue une accusation de nature pénale au sens de la Conv. EDH rendant applicable l'art. 6-3-d de cette convention. CA Rennes (2e ch. com.), 20 janvier 2009 : RG n° 08/00246 ; Cerclab n° 4334 ; Juris-Data n° 2009-005280, sur appel de TGI Dinan, 13 novembre 2007 : Dnd. § Comp. ci-dessous pour la présomption d’innocence de l’art. 6 § 2 et V. aussi Cerclab n° 6165 (nature pénale de l’action). § V. aussi : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 (si l'action du ministre de l'économie n'est pas une action pénale, l'amende civile prévue à l’anc. art. L. 442-III C. com. [L. 442-4-I] constitue une sanction punitive à laquelle est applicable le principe de la personnalité des délits et des peines découlant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 6 § 2 de la Conv. EDH), sur appel de T. com. Evry (3e ch.), 26 juin 2013 : RG n° 2009F00729 ; Dnd, pourvoi rejeté par Cass. com., 4 octobre 2016 : pourvoi n° 14-28013 ; arrêt n° 833 ; Cerclab n° 6555 (problème non examiné, mais solution implicitement identique) - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 5 mars 2017 : Dnd (l'action visée par l’ancien art. L. 442-6-III C. com. [L. 442-4-I] est une action de nature civile sur le plan du droit national, soumise aux règles du code de procédure civile, seule la définition de l'infraction relevant de la « matière pénale »), motifs repris par CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 décembre 2017 : RG n° 13/04879 et n° 13/11192 ; Cerclab n° 7372 ; Juris-Data n° 2017-027127 (en ayant statué sur les moyens fondés sur la violation des articles 6 et 7 de la CEDH, la cour a implicitement admis que l'infraction concernée, le déséquilibre significatif, bien que sa sanction soit qualifiée d’« amende non pénale » par le Conseil constitutionnel, et qu'elle soit constatée et sanctionnée par le juge commercial, relevait de la « matière pénale », au sens de ce texte), pourvoi rejeté par Cass. com., 20 novembre 2019 : pourvoi n° 18-12823 ; arrêt n° 855 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8228 (argument non examiné).
Respect du texte. L’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. n’a pas été jugé contraire aux principes du procès équitable posés par l’art. 6 § 1, ce qui a notamment obligé les juridictions saisies à se prononcer sur la nature de l’action intentée par le Ministre (V. Cerclab n° 6165). La solution vaut aussi pour le nouvel art. L. 442-1-I-2° C. com. qui est identique sur les points en discussion.
* CEDH. V. pour la CEDH : est irrecevable la requête fondée sur l’art. 6 § 1 Conv. EDH, par laquelle un distributeur se plaint de ce que l’action en substitution du Ministre aurait eu pour effet d’usurper le droit d’agir en justice des fournisseurs, entraînant l’iniquité du procès dans lequel il était défendeur.
En effet, s’agissant tout d’abord du droit d’accès à un tribunal, la Cour relève que le distributeur a pu exposer ses griefs à tous les stades de la procédure.
Ensuite, sous l’angle de l’iniquité du procès en raison de l’« usurpation » du droit d’accès à un tribunal des fournisseurs par le Ministre, la Cour observe que, dans les circonstances visées par [l’ancien] art. L. 442-6 C. com., le Ministre agit avant tout en défense de l’ordre public économique qui n’est pas limité aux intérêts immédiats des fournisseurs et que cette action du Ministre n’exclut pas les cocontractants lésés par la relation commerciale, puisque ces derniers restent en droit d’engager eux-mêmes une action en justice aux fins d’obtenir l’annulation des clauses ou des contrats illicites, la répétition de l’indu et le paiement de dommages-intérêts, ou de se joindre à l’instance initiée par le Ministre. Ces fournisseurs sont également susceptibles d’être attraits à l’instance par les parties au procès, notamment par la partie défenderesse aux fins d’obtenir la production de pièces essentielles à sa défense.
Si le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation tenant à la nécessité d’informer les victimes de l’introduction d’une action en justice par le Ministre, la Cour observe que cette obligation d’information des cocontractants est justifiée par un impératif de protection des fournisseurs ; en l’espèce, quand bien même cette condition n’aurait pas été remplie à l’égard des fournisseurs, il n’est pas démontré que cela aurait causé un préjudice quelconque au distributeur, au titre des garanties de l’art. 6 § 1, dans la mesure où celui-ci était libre d’attirer ses cocontractants à l’instance. CEDH (5e sect.), 17 janvier 2012 : req. n° 51255/08 ; Cerclab n° 4259 ; JCP G 2012, 462, note A. M. Luciani ; Contr. conc. consom. 2012/4, comm. 94, obs. M. Malaurie-Vignal (décision à l’unanimité ; N.B. devant la CEDH, une requête manifestement mal fondée est déclarée irrecevable), après épuisement des voies de recours lors de CA Versailles (12e ch. sect. 1), 29 octobre 2009 : RG n° 08/07356 ; Cerclab n° 4332 (l’arrêt s’étant conformé à l’arrêt de renvoi, tout moyen sur cet aspect du litige aurait été déclaré irrecevable par la Cour de cassation), sur renvoi de Cass. com., 8 juillet 2008 : pourvoi n° 07-16761 ; Cerclab n° 3534 ; cité ci-dessous.
* Cour de cassation. V. déjà dans la même affaire, pour la Cour de cassation : conformité à l’art. 6 § 1 Conv. EDH de l’action du Ministre chargé de l’économie, exercée en application des dispositions l’anc. art. L. 442-6-III du code de commerce [L. 442-4-I], analysée comme une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence. Cass. com., 8 juillet 2008 : pourvoi n° 07-16761 ; Bull. civ. IV. n° 103 ; Cerclab n° 3534 ; D. 2008, 3046, note M. Bandrac ; D. 2010, pan. p. 2892, obs. D. Ferrier ; JCP G 2008. 1. 218, n° 18, obs. M. Chagny ; JCP E 2008, n° 30, p. 8, note A.-M. Luciani ; JCP E 2009, 1739, obs. G. Decocq ; Contr. conc. consom. 2008, comm. 237, note M. Malaurie-Vignal ; Rev. Lamy conc. 2008, 43, obs. M. Behar-Touchais ; Lettre distrib. 2008-7/8, p. 1, obs. J. Raynard, cassant CA Versailles (12e ch. sect. 2), 3 mai 2007 : RG n° 05/09223 ; Cerclab n° 3986 ; D. 2007, p. 1656, obs. E. Chevrier ; JCP E 2007, 2303, n° 9, obs. G. Decocq et 2429, note Kœring (si le Ministre de l'économie, grâce à cette habilitation législative, dispose d'un pouvoir et d'une qualité propres à agir à ces fins, il exerce cette action par substitution à la victime des pratiques en cause dont il met en œuvre les droits privés et non de manière autonome et dans le respect des droits fondamentaux ; est irrecevable l'action exercée par le Ministre de l'économie, en violation de l'art. 6 § 1 Conv. EDH, sans en informer les fournisseurs titulaires des droits et qu'il a poursuivie sans les y associer alors que, de surcroît, plusieurs d'entre eux avaient expressément exprimé leur volonté contraire), sur appel de T. com. Nanterre (7e ch.), 15 novembre 2005 : RG n° 04F01493 : Dnd.
Dans le même sens pour la Cour de cassation : Cass. com., 16 décembre 2008 : pourvoi n° 08-13162 ; Cerclab n° 3648 ; JCP G 2009. 1. 138, obs. M. Chagny (action autonome ; la cour d’appel a retenu à bon droit que l’intervention du Ministre concernait un domaine d’activité où la liberté contractuelle des fournisseurs peut parfois être rendue virtuelle par des pratiques commerciales que le législateur a voulu interdire pour garantir les droits fondamentaux des opérateurs économiques), rejetant le pourvoi contre CA Nîmes (2e ch. com. sect. B), 17 janvier 2008 : RG n° 05/01724 ; Cerclab n° 3652 (atteinte proportionnée) - Cass. com., 5 mai 2009 : pourvoi n° 08-15264 ; Cerclab n° 3998 (l’action du Ministre chargé de l’économie, exercée en application des dispositions de l’ancien art. L. 442-6-III [L. 442-4-I], est une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui n’est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs) - Cass. com., 25 janvier 2017 : pourvoi n° 15-23547 ; arrêt n° 135 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 6707, rejetant le pourvoi contre CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er juillet 2015 : RG n° 13/19251 ; Cerclab n° 5288.
* Juges du fond. Dans le même sens, pour les juges du fond : conformité à l’art. 6 Conv. EDH de l’action exercée par le Ministre chargé de l’économie en application de l’ancien art. L. 442-6 C. com., issu de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et de ses modifications ultérieures par la loi dite NRE du 15 mai 2001, analysée non comme une action de substitution, mais comme une action principale autonome visant à la défense de l’ordre public économique et non à la restauration des droits patrimoniaux. CA Colmar (1re ch. civ. sect. B), 12 juin 2008 : RG n° 05/05738 ; Legifrance ; Cerclab n° 3235, sur appel de TGI Strasbourg (compét. com.), 25 novembre 2005 : Dnd. § Il serait contraire à l'objectif d'intérêt général poursuivi par le législateur, la protection de l'ordre public économique et du marché fonctionnant selon un principe de libre concurrence, de laisser un opérateur économique qui aurait été convaincu d'avoir abusé de sa position économique envers un de ses partenaires commerciaux, conserver le bénéfice de l'opération illicite ainsi réalisée. Il est donc justifié que le Ministre de l'Economie soit chargé, par ce texte d'ordre public dérogatoire au droit commun, de solliciter des juridictions compétentes que soit ordonnée la répétition des sommes indûment perçues du fait des pratiques anticoncurrentielles abusives par l'opérateur économique, au bénéfice des partenaires commerciaux lésés, sans préjudice des dommages et intérêts supplémentaires que ceux-ci pourraient solliciter par ailleurs à titre personnel. CA Nîmes (2e ch. sect. B com.), 10 mars 2011 : RG n° 08/04995 ; Cerclab n° 3272, cassé sur un autre point par Cass. com., 9 octobre 2012 : pourvoi n° 11-19833 ; Cerclab n° 3979.
Pour d’autres illustrations, V. aussi : CA Reims (ch. civ. 1re sect.), 5 novembre 2007 : RG n° 06/01898 ; Cerclab n° 4328 ; Juris-Data n° 2007-365306 (absence de violation de l’art. 6-1 Conv. EDH dans l’absence de consentement des victimes ; la restitution est une conséquence de la nullité des clauses et la volonté des victimes est indifférente), sur appel de T. com. Châlons-en-Champagne, 15 juin 2006 : Dnd - CA Rennes (2e ch. com.), 20 janvier 2009 : RG n° 07/07013 ; arrêt n° 21 ; Legifrance ; Cerclab n° 3291 (absence de violation de l’art. 6-3-d de la Conv. EDH), sur appel de T. com. Saint-Nazaire, 24 octobre 2007 : Dnd - CA Rennes (2e ch. com.), 20 janvier 2009 : RG n° 08/00246 ; Cerclab n° 4334 ; Juris-Data n° 2009-005280 (idem ; les dispositions du CPC permettent au défendeur de prendre lui-même l'initiative de faire intervenir son cocontractant à l'instance, s’il estime qu'il y a intérêt afin de lui rendre le jugement commun, ou encore de provoquer son témoignage contradictoire en sollicitant une enquête civile), sur appel de TGI Dinan, 13 novembre 2007 : Dnd - CA Versailles (12e ch. sect. 2), 24 septembre 2009 : RG n° 08/05366 ; Cerclab n° 3293 (l'action du Ministre ne saurait être déclarée irrecevable en considération des droits des victimes personnelles des pratiques dénoncées, et notamment de leur droit à un procès équitable), sur appel de T. com. Nanterre (6e ch.), 28 mars 2007 : RG n° 2006F01964 ; Cerclab n° 4356 ; Juris-Data n° 2007-363867 - CA Bastia (ch. civ.), 30 septembre 2009 : RG n° 07/00993 ; Cerclab n° 3903 (en exerçant un droit propre dans un objectif de défense de l'ordre public économique, le Ministre ne porte pas atteinte au droit personnel du fournisseur lésé d'accéder à un tribunal indépendant et impartial pour faire trancher les contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; absence de violation de l'art. 6 § 1 Conv. EDH), sur appel de T. com. Ajaccio, 3 décembre 2007 : RG n° 06/1419 ; Dnd - CA Versailles (12e ch. sect. 1), 29 octobre 2009 : RG n° 08/07356 ; Cerclab n° 4332 ; Juris-Data n° 2009-015907 (absence de violation de l'art. 6 § 1 Conv. EDH, dès lors que l’action ouverte par l’ancien art. L. 442-6 C. com. garantit les droits fondamentaux des opérateurs économiques, qu’elle est justifiée par des impératifs légitimes d'intérêt général et qu’elle laisse aux fournisseurs la poursuite de la défense de leurs droits et de la réparation de leur préjudice) - CA Aix-en-Provence (2e ch.), 15 septembre 2010 : RG n° 08/10314 ; arrêt n° 2010/346 ; Cerclab n° 4308 (absence de violation de l’art. 6 Conv. EDH dans l’absence de mise en cause ou d’assentiment des victimes, l'action du Ministre qui vise à la défense de l'ordre public économique général, lequel n'est pas limité aux intérêts immédiats des fournisseurs, étant autonome et pouvant être engagée même contre leur volonté), sur appel de T. com. Manosque, 6 mai 2008 : RG n° 2006/000120 ; Dnd - CA Nîmes (2e ch. sect. B com.), 10 mars 2011 : RG n° 08/04995 ; Cerclab n° 3272 (décision faisant état d’une saisine de la CEDH, le 15 octobre 2008 par le Groupement d'Achat Leclerc), sur appel de T. com. Nîmes, 6 juin 2008 : Dnd, cassé sur un autre point par Cass. com., 9 octobre 2012 : pourvoi n° 11-19833 ; Cerclab n° 3979 - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 27 septembre 2017 : RG n° 16/00671 ; Cerclab n° 7064 (absence de preuve d’une violation de l’art. 6 Conv. EDH relatif aux droits de la défense), sur appel de T. com. Lille, 10 novembre 2015 : RG n° J2012000024 ; Dnd.
Article 6 Conv. EDH : égalité des armes. Nonobstant l'appartenance de l'infraction à la matière pénale, le principe de l'égalité des armes prévue à l'art. 6 de la CEDH n’a pas été violé, en dépit du caractère dissymétrique des parties en présence, d'une part le ministre doté de pouvoirs d'enquête et d'autre part les parties privées soupçonnées d'avoir enfreint [l’ancien] article L. 442-6 C. com., dès lors que l'équilibre entre les parties est assuré par la soumission de l'action du ministre aux dispositions du code de procédure civile, et, dans le cadre de cette action, par le fait que l'ensemble des pièces fondant les poursuites, transmises au juge par le ministre chargé de l'économie, sont communiquées aux parties et soumises au débat contradictoire : les prérogatives nécessaires à l'accomplissement d'une mission de protection de l'ordre public économique ont déjà été jugées comme ne constituant pas, en elles-mêmes, une atteinte au principe de l'égalité des armes dès lors que les éléments sur lesquels se fondent la poursuite et qui sont communiqués au juge sont également soumis au débat contradictoire. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 décembre 2017 : RG n° 13/04879 et n° 13/11192 ; Cerclab n° 7372 ; Juris-Data n° 2017-027127 (le moyen, qui se borne à contester de manière générale l'absence de communication de l'entier dossier du ministre, n'établit pas en quoi les droits de la défense auraient été, dans l'affaire en cause, précisément violés), pourvoi rejeté par Cass. com., 20 novembre 2019 : pourvoi n° 18-12823 ; arrêt n° 855 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8228 (argument non examiné). § Les parties, y compris le ministre, ont la liberté de choisir les pièces qu'elles entendent produire au soutien de leurs prétentions, soumises à la libre discussion des parties, et qu'il appartenait ensuite au juge d'examiner les pièces produites au soutien des demandes respectives et d'en apprécier le caractère probant. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 décembre 2017 : précité (absence de violation des principes de l'égalité des armes).
La mise en œuvre des dispositions de [l’ancien] art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°] ne porte pas atteinte aux droits de la défense, à l'égalité des armes et au procès équitable prévu par l'article 6 §1 Conv. EDH, dès lors que, si le Ministre agit avant tout pour défendre l'ordre public économique, qui est plus que la somme des intérêts des fournisseurs et doit avoir les moyens de le faire, notamment en engageant seul la procédure et en demandant des condamnations à des amendes civiles, il n'est pas interdit aux « victimes » d'engager une procédure ou d'y intervenir volontairement ou sur intervention forcée et que, par ailleurs, l'équilibre entre les parties est assuré par la soumission de cette action aux dispositions du Code de procédure civile, que ce soit pour le mode de résolution des conflits, l'administration de la preuve ou encore la communication des pièces, étant rappelé que le procès est la chose des parties qui apportent au soutien de leurs prétentions les éléments de preuve qu'elles choisissent, et que le juge statue au vu des seuls éléments de preuve qui lui sont communiqués. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 11 septembre 2013 : RG n° 11/17941 ; Cerclab n° 4630 ; Juris-Data n° 2013-019306, pourvoi rejeté par Cass. com., 3 mars 2015 : pourvoi n° 13-27525 ; arrêt n° 238 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 5103 (moyen non admis).
Article 6 § 2 Conv. EDH : présomption d’innocence. Selon l’art. 6 § 2 Conv. EDH, « Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».
Le principe de la présomption d'innocence, selon lequel le doute profite à l'accusé, s'applique à la pratique de déséquilibre significatif, celle-ci relevant de la matière pénale au sens de l'article 6 de la CEDH. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 décembre 2017 : RG n° 13/04879 et n° 13/11192 ; Cerclab n° 7372 ; Juris-Data n° 2017-027127, pourvoi rejeté par Cass. com., 20 novembre 2019 : pourvoi n° 18-12823 ; arrêt n° 855 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8228 (argument non examiné). § Ce principe n’est pas violé du seul fait que la décision sollicite un avis de la CEPC. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 décembre 2017 : précité. § … Ni par le fait que le ministre n’aurait pas communiqué tous les éléments de son dossier d’enquête, le juge devant en tirer toutes les conséquences de droit selon les règles qui s'appliquent à la communication des pièces entre parties, définies aux art. 132 s. CPC, sans qu’il soit possible d’en déduire une irrecevabilité ab initio. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 20 décembre 2017 : précité. § V. déjà antérieurement : le Ministre de l'économie, demandeur à l'action, ayant la charge de la preuve devant les juridictions commerciales, le principe de la présomption d'innocence a été respecté. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 21 juin 2017 : RG n° 15/18784 ; Cerclab n° 6938 (absence d’atteinte à la présomption d’innocence lors de la médiatisation de l’introduction de l’instance, V. Cerclab n° 6256).
V. cependant, antérieurement, plutôt en sens contraire : les pratiques abusives visées par l'ancien art. L. 442-6 C. com. [L. 442-1] ne constituent pas des infractions pénales et n'ont donc pas à être compatibles avec le principe de la présomption d'innocence édicté par l'article 6 § 2 Conv. EDH ; cet article ne renverse pas la charge de la preuve et n'est que la transcription en droit commercial de l'ancien art. 1315 C. civ. [1353 nouveau]. CA Paris (pôle 5 ch. 5), 2 février 2012 : RG n° 09/22350 ; Cerclab n° 3621 ; Lettre distrib. 2012/3, p. l, obs. J.-M. Vertut, pourvoi rejeté par Cass. com. 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804 ; Cerclab n° 4624 (argument non examiné).
Article 6 § 3 Conv. EDH. Selon l’art. 6 § 3 Conv. EDH, « Tout accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ; d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. »
Absence de preuve d’une atteinte aux droits de la défense, alors que, tant devant le tribunal de commerce, que devant la cour d'appel, conformément au principe de la contradiction, le Ministre de l'économie a communiqué en temps utile aux intimées ses conclusions, dont les moyens et les demandes sont clairs et suffisamment précis pour permettre aux intimées de se défendre, ainsi que l'ensemble de ses pièces. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551. § V. aussi : CA Rennes (2e ch. com.), 20 janvier 2009 : RG n° 07/07013 ; arrêt n° 21 ; Legifrance ; Cerclab n° 3291 (absence de violation de l’art. 6-3-d de la Conv. EDH), sur appel de T. com. Saint-Nazaire, 24 octobre 2007 : Dnd.
Limites : refus d’assimiler la DIRRECTE à un tribunal. Si les poursuites engagées par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en vue d'infliger des sanctions financières sur le fondement des dispositions de l'anc. art. L. 442-6 C. com. constituent des accusations en matière pénale, au sens de l'art. 6 Conv. EDH, il n'en résulte pas que la procédure administrative doit respecter les stipulations de cet article, dès lors, d'une part, que ni la DIRECCTE, ni sa directrice, compétents pour prendre les mesures de sanction, ne peuvent être regardés comme un tribunal, au sens des stipulations de cet article, et, d'autre part, que la décision de sanction peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative, conformément aux exigences de l'article 6 précité. CAA Marseille (6e ch.), 14 juin 2021 : req n° 20MA01711 ; Cerclab n° 8951 (rejet du moyen selon lequel le cumul des pouvoirs de constatation et de répression des infractions par la DIRECCTE méconnaîtrait le principe d'impartialité ou tout autre principe, stipulation ou disposition imposant la séparation des autorités administratives responsables du déclenchement des poursuites et de leur sanction), sur appel de TA Bastia, 6 mars 2020 : req. n° 1800270 ; Dnd - CAA Marseille (6e ch.), 14 juin 2021 : req n° 20MA00199 ; Cerclab n° 8952, sur appel de TA Marseille, 18 novembre 2019 : req. n°1703263 ; Dnd.
B. ARTICLE 7 CONV. EDH
Texte. Selon l’art. 7 Conv. EDH, « Pas de peine sans loi », « 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. 2. Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d'une personne coupable d'une action ou d'une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d'après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées. »
Applicabilité. Si les dispositions de [l’ancien] art. L. 442-6-III C. com. instituant une amende civile n'ont pas, en droit français, le caractère d'une sanction punitive de nature pénale à laquelle est applicable le code pénal, cette sanction relève cependant de la matière pénale au sens de la Conv. EDH, rendant applicables les dispositions de l'article 6 § 1 et 7 de cette Convention, ce dernier texte comportant les mêmes exigences que le principe de valeur constitutionnelle de légalité des délits et des peines. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551, sur appel de T. com. Evry (3e ch.), 26 juin 2013 : RG n° 2009F00729 ; Dnd. § V. déjà : CA Paris (pôle 5 ch. 5), 2 février 2012 : RG n° 09/22350 ; Cerclab n° 3621 ; Lettre distrib. 2012/3, p. l, obs. J.-M. Vertut (dispositions respectées), pourvoi rejeté par Cass. com. 10 septembre 2013 : pourvoi n° 12-21804 ; Cerclab n° 4624 - CA Paris (pôle 5 ch. 4), 11 septembre 2013 : RG n° 11/17941 ; Cerclab n° 4630 ; Juris-Data n° 2013-019306 (il est désormais acquis que le principe de légalité des peines s'applique aux amendes civiles, et qu'ainsi l'art. 7 § 1 Conv. EDH peut être utilement invoqué), pourvoi rejeté par Cass. com., 3 mars 2015 : pourvoi n° 13-27525 ; arrêt n° 238 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 5103 (moyen non admis).
Clarté et précision : « déséquilibre significatif ». Les termes de l’ancien art. L. 442-6-1-2° C. com. [L. 442-1-I-2°] définissent de manière claire, précise et sans ambigüité le comportement qu’ils visent et ne contredisent aucune des autres stipulations de l’art. 7 Conv. EDH. Cass. com., 12 juillet 2011 : pourvoi n° 10-21551 ; Cerclab n° 3248, rejetant le pourvoi contre CA Nîmes (2e ch. com. sect. B), 25 février 2010 : RG n° 07/00606 ; Cerclab n° 2350 ; Boccrf n° 3, 30 mars 2010 ; RDC 2010/4, p. 1331, obs. M. Behar-Touchais (les dispositions de l’art. L. 442-6, ancien, du Code de commerce ne sont pas contraires aux art. 6 § 1 et 7 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ni à l’art. 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, pas plus qu’à la Constitution), sur appel de T. com. Annonay, 12 janvier 2007 : Dnd. § V. aussi : Cass. com., 3 mars 2015 : pourvoi n° 13-27525 ; arrêt n° 238 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 5103 (absence de violation des art. 7 Conv. EDH et 8 Déclaration des droits de l’homme, dans l’admission d’un déséquilibre significatif pour une clause type, après un examen du contexte dans lequel le contrat est conclu, de son économie et après avoir examiné les relations commerciales régies par la convention litigieuse). § V. encore, pour la non-admission du moyen remettant une nouvelle fois en cause la précision et la clarté des comportements réprimés par l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°] : Cass. com., 26 avril 2017 : pourvoi n° 15-27865 ; arrêt n° 581 ; Cerclab n° 6876 (moyen invoquant la méconnaissance de l’art. 7 § 1 CEDH, ensemble l’art. 15 du Pacte relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966). § Pour une solution identique dans le cadre du contrôle de constitutionnalité, V. Cerclab n° 6161.
Dans le même sens pour les juges du fond : en retenant la notion de « déséquilibre significatif », le législateur a renvoyé à une notion parfaitement connue et suffisamment claire et précise du droit de la consommation insérée dans l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom., lequel reprend les termes de l'art 3 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, et que par ailleurs, les amendes civiles prévues par le texte sont parfaitement proportionnées aux droits fondamentaux des opérateurs économiques et justifiées par l'ordre économique. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 11 septembre 2013 : RG n° 11/17941 ; Cerclab n° 4630 ; Juris-Data n° 2013-019306, pourvoi rejeté par Cass. com., 3 mars 2015 : pourvoi n° 13-27525 ; arrêt n° 238 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 5103 (moyen non admis). § Il résulte de le jurisprudence de la CEDH que celle-ci admet que les textes d'incrimination utilisent à dessein des formulations larges afin d'appréhender l'ensemble des pratiques prohibées et qu'il est dès lors satisfait au principe de légalité des délits et des peines lorsque un opérateur économique peut, en s'entourant de conseils éclairés, savoir que les obligations qui ont été incluses dans un contrat à la charge de ses cocontractants déséquilibrent de façon significative le contrat à son profit. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551 (arrêt rappelant longuement l’interprétation de ce texte par la CEDH, notamment dans ses arrêts du 26 avril 1979, Sunday Times c. Royaume-Uni : req. n° 6538/74, point 49 - 2 août 1984, Malone c. Royaume-Uni : req. n° 8691/79, point 66 - 21 octobre 2008, Salihoglu c/ Turquie : req. n°1606/03, point 26). § Il en résulte qu’en ne donnant pas une liste de clauses prohibées, en laissant ouvert le champ d'application de l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°] et en donnant au juge la mission de contrôler l'existence d'un déséquilibre contractuel, le législateur n'a pas méconnu les dispositions de l'art. 7 Conv. EDH, dès lors, d'une part, que la rédaction du texte permet aux opérateurs économiques de savoir que toute rupture importante de l'équilibre contractuel au bénéfice d'un des contractants est susceptible d'être sanctionnée, ce qui écarte le reproche d'imprévisibilité et, d'autre part, que le contrôle de l'économie du contrat entre traditionnellement dans l'office du juge, ce qui écarte le reproche d'immixtion du juge dans le contrat. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : précité (arrêt citant notamment CEDH, 29 mars 2006, Achour c. France : req. n° 67335/01). § Les notions de « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » et de « soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial », introduites à l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°] par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, sont des notions juridiques déjà connues en droit français, notamment l'ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. qui, ayant déjà donné lieu à une jurisprudence abondante, fait partie du droit positif français. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551. § Même si l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. concerne les rapports entre consommateurs et professionnels et l’ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°] les rapports entre professionnels, dans les deux cas, le législateur a confié au juge le pouvoir d'apprécier si les obligations prévues au contrat sont justifiées et équilibrées et si certaines obligations ne créent pas un déséquilibre entre les droits et obligations des parties, en se référant à une notion dont le contenu a déjà été précisé par la jurisprudence ; qu'ainsi, l'interprétation faite par le juge ne peut encourir le reproche d'arbitraire. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : précité. § L'existence de la notion de « déséquilibre significatif » dans le droit de la consommation permet au juge et aux opérateurs économiques d'avoir un précédent légal facilitant la compréhension du texte ; si le juge peut s'inspirer des solutions dégagées sur le fondement de l'ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. pour interpréter les dispositions de l'ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°], il n'en résulte pas que son raisonnement procède par analogie, dès lors que le champ d'application des deux textes est distinct, l'ancien art. L. 442-6 précité ayant vocation à s'appliquer dans les rapports entre professionnels où les rapports de force sont différents de ceux existants entre professionnels et consommateurs ; par ailleurs, le juge a la faculté de consulter, avant de prendre une décision, la Commission d'examen des pratiques commerciales, instance consultative, qui veille à l'équilibre des relations entre producteurs, fournisseurs et revendeurs au regard de la législation en vigueur et qui peut être saisie par de nombreuses autorités, mais également par tout producteur, fournisseur ou revendeur s'estimant lésé par une pratique commerciale ; les opérateurs économiques, qui sont des professionnels avertis, doivent être en mesure d'apprécier par eux-mêmes si un contrat est manifestement déséquilibré et peuvent, en cas de doute, saisir la Commission afin d'obtenir un avis sur le caractère licite des clauses figurant dans un contrat. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : précité. § En retenant la notion de déséquilibre significatif, le législateur a renvoyé à une notion connue, claire et précise du droit de la consommation insérée dans l'ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom. lequel reprend les termes de l'art. 3 de la directive 93/13 du 5 avril 1993 ; en référence à cette notion, dont le contenu est précisé depuis de nombreuses années par la jurisprudence, l'infraction est définie dans des conditions qui permettent au juge de statuer sur l'action du Ministre ; le principe de légalité des délits et des peines se trouve dès lors respecté dans la mesure où le justiciable peut savoir, au besoin à l'aide de l'interprétation faite de l'ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°] par les tribunaux, quels actes engagent sa responsabilité. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 25 novembre 2015 : RG n° 12/14513 ; Cerclab n° 5441, confirmant de T. com. Bobigny, 29 mai 2012 : RG n° 2009F01541 ; Dnd, sur pourvoi Cass. com., 26 avril 2017 : pourvoi n° 15-27865 ; arrêt n° 581 ; Cerclab n° 6876 (moyen non admis). § V. encore : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 27 septembre 2017 : RG n° 16/00671 ; Cerclab n° 7064 (absence de preuve d’une violation de l’art. 7 Conv. EDH relatif au principe de légalité), sur appel de T. com. Lille, 10 novembre 2015 : RG n° J2012000024 ; Dnd.
Comp. moins affirmatif : si la notion de déséquilibre significatif peut donner lieu à des interprétations multiples, qui ne sauraient se référer aux solutions existantes en matière de droit de la consommation, d'une part parce que les sanctions n'y sont pas les mêmes et d'autre part parce que le champ du droit commercial reste, sauf exceptions, celui de l'autonomie de la volonté, il apparaît qu'en l'espèce, en demandant l'interdiction de certaines clauses et la condamnation des défenderesses à une amende de 2 millions d'euros, le Ministre ne se fonde pas sur une analyse de l'équilibre global d'un contrat, mais sur le caractère estimé intrinsèquement abusif desdites clauses ; en conséquence le risque d'arbitraire, qui découlerait de l'évaluation par le juge de tous les éléments tendant à réaliser l'équilibre ou le déséquilibre du contrat n'existe pas et ce risque n'existe pas davantage à partir du moment où, consécutivement, une clause ne pourra être déclarée abusive pour la seule raison qu'elle est favorable ou très favorable à l'une des parties. T. com. Évry (3e ch.), 6 février 2013 : RG n° 2009F00727 ; Cerclab n° 4352 (absence, en l’espèce, de violation de l’art. 7 Conv. EDH). § V. aussi : si la notion de déséquilibre significatif figure à l'ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom., néanmoins le champ d'application des deux textes est distinct, puisque l'ancien art. L. 442-6-I-2° C. com. [L. 442-1-I-2°] n'a vocation à s'appliquer que dans les rapports entre professionnels où les rapports de force sont différents de ceux existants entre professionnels et consommateurs. CA Paris (pôle 5 ch. 11), 24 juin 2016 : RG n° 13/20422 ; Cerclab n° 5677 ; Juris-Data n° 2016-015041 (contrat de télésurveillance pour un carrossier ; les décisions de la Commission des clauses abusives, qui au surplus concernent les contrats conclus par les consommateurs, ne s'imposent pas au juge judiciaire), sur appel de T. com. Paris, 12 septembre 2013 : RG n° 2012061972 ; Dnd.
Clarté et précision : « soumettre ou tenter de soumettre ». Le terme « soumettre », figurait déjà dans la version précédente de l'article L. 442-6, issue de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 (« ... en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées ») ; le fait que le législateur ait supprimé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 la condition de dépendance économique, notion d'interprétation étroite, qui restreignait l'action du Ministre de l'économie à certaines situations, afin d'élargir le contrôle du Ministre de l'économie à l'ensemble des contrats entre professionnels, n'a pas eu pour effet de rendre l’ancien art. L. 442-6-I-2° précité [L. 442-1-I-2°] imprévisible et inaccessible pour les professionnels concernés ; la notion de « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations » consiste à faire peser ou tenter de faire peser sur un partenaire commercial, du fait du déséquilibre du rapport de force existant entre les parties, des obligations injustifiées et non réciproques ; cette notion, qui ne pose aucune difficulté de compréhension, caractérise l'élément moral du comportement sanctionné. CA Paris (pôle 5 ch. 4), 1er octobre 2014 : RG n° 13/16336 ; Cerclab n° 5030 ; Juris-Data n° 2014-023551. § N.B. L’ordonnance du 24 avril 2019 a maintenu la même rédaction.
Respect des garanties. L’amende est une condamnation susceptible de bénéficier d’un certain nombre de garanties applicables aux sanctions pénales. V. ci-dessus pour la précision du manquement et pour d’autres exemples : CA Paris (pôle 5 ch. 4), 3 décembre 2014 : RG n° 13/06091 ; Cerclab n° 4986 (décision rendue à propos d’une violation de l’ancien art. L. 442-6-I-5° C. com. [L. 442-1-II] ; nécessité de respecter le principe d'individualisation des peines pour fixer le montant de l’amende civile), pourvoi rejeté par Cass. com., 18 octobre 2016 : pourvoi n° 15-13834 ; arrêt n° 878 ; Cerclab n° 6552 (problème non examiné).
Prohibition des arrêts de règlement. Sur la compatibilité du dispositif avec la prohibition des arrêts de règlement, V. Cerclab n° 6251.