CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 7 octobre 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 7 octobre 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 13/19175
Date : 7/10/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/10/2013
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2016-020921
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 6525

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 7 octobre 2016 : RG n° 13/19175 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Mais considérant que aux termes de l'article L. 442-6, II, a) du code de commerce « Sont nulles les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers la possibilité de bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale » ;

Considérant que le contrat conclu le 18 janvier 2008 prévoit, à l'article 3.1, le versement par la société 5 D MEDIA à la société BAT France d'une remise sur chiffre d'affaires calculée sur l'ensemble du chiffre d'affaires annuel, à compter du 1er janvier 2007, payable au mois de décembre de chaque année ; que les remises de fin d'année dont a bénéficié l'intimée au titre de l'année 2007 et 2006, a un caractère rétroactif et doivent être annulées, les remises de fin d'année contractuellement prévues pour les années 2008 et suivantes sont légales et ne peuvent être annulées ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ».

2/ « Mais considérant que les stipulations du contrat signé le 18 janvier 2008 et celles prévues à l'annexe 1 de ce contrat, dénommée « conditions générales » qui « … ont pour objet de définir les dispositions générales auxquelles est soumise toute livraison de services et/ou produit effectuée par un fournisseur pour le compte de BAT France », se complètent et ne sont pas exclusives les unes des autres ; que les pénalités de retard prévues à l'article 2.2.3 du contrat, en cas de non-respect du délai de livraison, n'ont pas le même objet que le remboursement des frais supportés par la société BAT France du fait du retard de livraison, prévu à l'article 9 des « conditions générales » ; que les stipulations contractuelles critiquées ne sont donc pas dépourvues de cause ;

Considérant que la stipulation de pénalités en cas de mauvaise exécution par une des parties des obligations spécifiques lui incombant, ne constitue pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, dès lors qu'il résulte en l'espèce des stipulations de l'article 4.2 du contrat et du droit commun de la responsabilité contractuelle que les manquements éventuels de la société BAT France sont également sanctionnés ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 7 OCTOBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/19175 (8 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 juin 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 2012030714.

 

APPELANTE :

SARL 5 D MEDIA

représentée par son gérant Monsieur Éric D. domicilié en cette qualité audit siège N° SIRET : XX (Paris), Représentée par Maître Catherine K., avocat au barreau de PARIS, toque : E1078, Représentée par Maître Charles-André C., avocat au barreau de ROUEN

 

INTIMÉE :

SAS BRITISH AMERICAN TOBACCO FRANCE

agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal, domicilié audit siège de la société, N° SIRET : B YY (Nanterre), Représentée par Maître Jacques M. de la SCP Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285, Représentée par Maître Judith V., avocat au barreau de PARIS, toque : R139

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 7 avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre, Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre, Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, chargée du rapport, qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

ARRÊT : - contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Patrick BIROLLEAU, président et par Madame Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Depuis 2006, la SARL 5 D MEDIA, spécialisée dans la Publicité sur Lieu de Vente (PLV), a systématiquement remporté les appels d'offres organisés chaque année par la SAS BRITISH AMERICAN TOBACCO France (BAT France), filiale française du groupe BRITISH AMERICAN TOBACCO, qui a pour activité la fabrication et la commercialisation de produits du tabac, afin de sélectionner ses fournisseurs en matériel publicitaire « PLV », en l'espèce des présentoirs publicitaires.

Le 18 janvier 2008, les sociétés BAT France et 5 D MEDIA ont conclu un contrat-cadre à durée indéterminée, avec effet rétroactif au 1er janvier 2007, fixant les conditions générales applicables aux commandes pouvant être passées à la société 5 D MEDIA.

En 2010, le Groupe BAT a décidé de rationnaliser sa politique fournisseurs en « imprimés marketing », notamment PLV, en Europe de l'Ouest en substituant à la multitude d'intervenants locaux, sélectionnés par ses filiales sur appels d'offres locaux, un nombre restreint d'entreprises agréées au niveau européen.

Le 19 mai 2010, le Groupe BAT a annoncé à ses fournisseurs en « imprimés marketing », le lancement d'un appel d'offres européen visant à sélectionner ses nouveaux partenaires pour l'Europe de l'Ouest.

Bien que présélectionnée à l'issue de la première étape de l'appel d'offres, la candidature de la société 5 D MEDIA n'a pas été retenue par le Groupe BAT.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 9 février 2012, la société BAT France a notifié à la société 5 D MEDIA la résiliation du contrat, avec effet au 31 mai 2012.

Par courrier de son conseil du 21 février 2012, la société 5 D MEDIA a informé la société BAT France que cette rupture lui causait un important préjudice et la priait de lui communiquer les coordonnées de son propre conseil.

Par courrier du 10 avril 2012, le conseil de la société BAT France a répondu « ... Dès lors que chaque commande passée à 5 D MEDIA a toujours fait l'objet d'une mise en concurrence préalable par le biais d'appels d'offres systématiques et réguliers, et qu'aucun volume de chiffre d'affaires n'était contractuellement prévu, sa relation commerciale avec BAT France s'inscrivait en effet dans une précarité certaine, exclusive de l'application des dispositions de l'article L. 442-6, I 5° du code de commerce. »

Durant l'année 2012, la société BAT France a passé 4 commandes à la société 5 D MEDIA.

 

Par acte en date du 26 avril 2012, la société 5 D MEDIA, a assigné la société BAT France devant le tribunal de commerce de Paris afin que soit, pour l'essentiel :

- constatée la rupture brutale des relations commerciales par la société BAT France, en application des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce,

- fixée à 9 mois la durée du préavis qui aurait dû être observé par la société BAT France,

- fixée la réparation à 3 années de marge brute, soit la somme de 329.604,88 euros,

- remboursée la somme de 18.286,24 euros qu'elle a versé à la société BAT France à titre d'indemnité de retard, alors qu'elle n'aurait dû verser, en vertu des dispositions contractuelles, que la somme de 277,90 euros,

- condamnée la société BAT France à lui rembourser la somme de 18.008,34 euros indûment perçus au titre des pénalités de retard,

- déclarée nulle, en application des dispositions de l'article L. 442-6 II du code de commerce, la clause de rétrocession annuelle du chiffre d'affaires prévue au contrat,

- condamnée la société BAT France à lui rembourser la somme de 76.839 euros indûment perçues au titre des marges arrières.

 

Par jugement du 17 juin 2013 le tribunal de commerce a :

- débouté la SARL 5 D MEDIA de ses demandes assises sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales,

- condamné la SAS BRITISH AMERICAN TOBACCO France à rembourser à la SARL 5 D MEDIA la somme de 14.921 euros correspondant aux rétrocessions annuelles versées en 2006 et 2007,

- débouté la SARL 5 D MEDIA de sa demande de remboursement des rétrocessions annuelles des années ultérieures,

- débouté la SARL 5 D MEDIA de sa demande de remboursement des indemnités de retard d'un montant de 18.008,34 euros versées à la SAS BRITISH AMERICAN TOBACCO France,

- débouté la SARL 5 D MEDIA de l'intégralité de ses demandes,

- laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision sans constitution de garantie,

- condamné la SARL 5 D MEDIA aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 4 octobre 2013 la société 5 D MEDIA interjeté appel de ce jugement.

 

Vu les dernières conclusions, notifiés et déposés le 28 avril 2015, par lesquelles la société 5 D MEDIA demande à la cour de :

Vu l'article 442-6 du code de commerce,

Vu les articles 1131, 1154, 1162 et 1235 du code civil,

- réformer le jugement en toutes ses dispositions

- constater qu'il existait bien une relation commerciale établie entre 5 D MEDIA et BAT au sens de de l'article L. 442-6-I-5) du code de commerce depuis l'année 2006, date de début de la collaboration entre les parties ;

- dire et juger que BAT a rompu cette relation commerciale établie de manière brutale au sens de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, sans respecter un préavis écrit d'une durée suffisante au regard de la durée des relations entre les parties et de la situation de dépendance économique dans laquelle se trouvait placée 5 D MEDIA à l'égard de BAT ;

- évaluer de ce fait à une année le préavis écrit qui aurait dû être respecté par BAT pour rompre non fautivement la relation commerciale établie entre les parties ;

- condamner en conséquence BAT à indemniser 5 D MEDIA du préjudice subi par cette dernière du fait de cette rupture brutale des relations commerciales établies, à hauteur de 330.000 euros, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 26 avril 2012 ;

- en outre, constater la nullité de la clause de remise de fin d'année figurant au contrat conclu le 18 janvier 2008 entre 5 D MEDIA et BAT ;

- condamner par voie de conséquence BAT à rembourser à 5 D MEDIA, au titre de la répétition de l'indu, la somme totale de 76.839 euros, représentant la totalité des remises de fin d'année versées par 5 D MEDIA à BAT au titre de la clause ainsi annulée, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 26 avril 2012 ;

- en outre, dire et juger que les pénalités de retard dues par 5 D MEDIA à BAT au titre de l'exécution du contrat du 18 janvier 2008 se limitaient à 0,50 % du montant de la facturation de la livraison concernée, qui s'élevait 55.580 euros, soit un montant total de pénalité de retard se limitant en réalité à 277,90 euros ;

- par voie de conséquence, déclarer 5 D MEDIA bien fondée dans sa demande de remboursement des indemnités de retard d'un montant de 18.008,34 euros indûment versées à BAT et condamner cette dernière à lui rembourser ladite somme, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2012 ;

- condamner BAT à verser à 5 D MEDIA la somme de 15.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

 

Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 24 février 2015, par lesquelles la société BAT France demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Vu l'article 1134 du code civil ;

Vu l'article L. 442-6-I-2°) du code de commerce ;

Vu l'article L. 442-6, II, a) du code de commerce ;

SUR LA RUPTURE DES RELATIONS COMMERCIALES

I) A TITRE PRINCIPAL :

- CONSTATER, compte tenu de la précarité des relations entretenues entre BAT France et 5 D MEDIA, résultant de mises en concurrence régulières et systématiques dès l'origine de la relation par le biais d'appel d'offres, que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ne s'appliquaient pas à BAT France ;

EN CONSÉQUENCE

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société 5 D MEDIA de sa demande d'indemnisation pour rupture prétendument déloyale et brutale du Contrat ;

II) A TITRE SUBSIDIAIRE :

Si par extraordinaire, en dépit de la précarité des relations entretenues entre 5 D MEDIA et BAT France, la Cour considérait néanmoins que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce doivent s'appliquer en l'espèce :

- constater le caractère prévisible et non violent de la rupture des relations, BAT France n'ayant fait que tirer les conséquences des résultats de l'Appel d'Offres européen lancé par le Groupe deux ans avant la date effective de la rupture ;

- constater le caractère effectif de la notification expresse et sans équivoque de la rupture des relations par BAT France par courrier RAR en date du 9 février 2012 ;

- constater que le préavis dont 5 D MEDIA a bénéficié était suffisant pour lui permettre de réorganiser son activité ;

EN CONSÉQUENCE

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société 5 D MEDIA de sa demande d'indemnisation pour rupture prétendument brutale du Contrat ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

- constater que la demande d'indemnisation formée par 5 D MEDIA pour rupture brutale de relations commerciales établies est injustifiée dans son montant, tant au regard de la méthode de calcul retenue par 5 D MEDIA - infondée au regard de celle retenue de manière constante par la jurisprudence -, qu'au regard du principe d'indemnisation du seul manque à gagner subi pendant les mois de préavis dont le cocontractant évincé a été privé ;

EN CONSÉQUENCE

- débouter la société 5 D MEDIA de sa demande d'indemnisation à hauteur de 330.000 euros ;

SUR LES AUTRES DEMANDES FORMÉES PAR 5 D MEDIA

- constater que la société BAT France, en application du Contrat et en toute hypothèse conformément à l'engagement souscrit par la société 5 D MEDIA, était bien fondée à solliciter le paiement de 18.286,24 euros correspondant aux coûts supplémentaires causés à BAT France par le retard de livraison de 5 D MEDIA ;

- constater que l'application cumulative de l'article 9 des conditions générales d'achat et de l'article 2.2.3 du Contrat ne crée pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

- constater que les remises de fin d'années versées sur les CA 2008, 2009, 2010 et 2011, fixées par un contrat conclu le 18 janvier 2008, ne sont pas rétroactives ;

EN CONSÉQUENCE

- débouter la société 5 D MEDIA de sa demande de remboursement des sommes indûment qualifiées de « pénalités de retard » ;

- débouter la société 5 D MEDIA de sa demande de remboursement des remises de fin d'année ;

- condamner la société 5 D MEDIA à payer à BAT France la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Sur la rupture des relations commerciales :

Considérant que la société 5 D MEDIA expose qu'il existe entre les parties une relation commerciale établie, au sens des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, dès lors, d'une part, qu'elle a remporté systématiquement, depuis 2006, tous les appels d'offres annuels, portant sur l'ensemble des commandes de l'année, organisés par la société BAT France et, d'autre part, que, dès le début de l'année 2008, la société BAT France lui a proposé de conclure un contrat afin de formaliser et d'encadrer leur collaboration, avec effet rétroactif au 1er janvier 2007 ; que ces faits démontrent la volonté des parties d'inscrire leurs relations dans la pérennité ;

Que l'évolution du partenariat entre les parties permet également d'exclure toute notion de précarité dans la relation commerciale, puisque la société BAT France a exigé, qu'à compter de 2010, elle cesse toute relation d'affaires avec son concurrent direct, la société JAPAN TOBACCO INTERNATIONAL (JTI) ; qu'en application de cet accord de quasi-exclusivité, le volume représenté par les commandes de la société BAT France a fini par représenter plus de la moitié de son chiffre d'affaires ;

Que le recours systématique et ab initio à une procédure d'appel d'offres, ne suffit pas à exclure par principe l'existence d'une relation commerciale établie, même dans ce cas, la relation commerciale peut ne pas être précaire dès lors que les parties ont eu la commune intention d'inscrire leur relation dans la durée ;

Considérant que la société BAT France répond que la relation commerciale avec la société 5 D MEDIA était précaire et exclusive de l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I- 5° du code de commerce ; que le recours régulier et systématique à des appels d'offres préalablement à chaque commande exclut que la relation commerciale soit établie, même en cas de flux d'affaires prolongé, régulier et significatif ; que les parties étaient liées par un contrat renouvelé tacitement pour une durée indéterminée, qui n'avait vocation qu'à définir les conditions générales régissant les relations entre les sociétés BAT France et 5 D MEDIA lorsqu'à l'issue des appels d'offres, systématiquement organisés, la société 5 D MEDIA était retenue ; que le contrat n'a prévu aucune clause d'exclusivité, des contrats cadre similaires étant conclus avec d'autres prestataires pour la PLV ;

Qu'elle conteste avoir demandé à la société 5 D MEDIA de mettre un terme à ses relations avec la société JTI, le fait que l'appelante ait arrêté de travailler avec cette société pouvant résulter soit d'une décision de la société JTI, soit d'un choix stratégique de la part de la société 5 D MEDIA ;

Que l'appelante ne peut se prévaloir d'une imprévisibilité de la rupture alors qu'elle n'a pas participé à la deuxième phase de l'appel d'offres ;

 

Mais considérant que la relation commerciale établie prévue par l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce est celle qui présentait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l'interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaire avec son partenaire commercial ; qu'il est établi que, depuis le début de la relation commerciale entre les parties, la société BAT France a organisé tous les ans un appel d'offres pour choisir le partenaire commercial auprès duquel elle passait commande ; que cette mise en concurrence régulière et systématique, préalable à chaque commande a affecté d'un aléa et a ainsi rendue précaire dès l'origine la relation commerciale qui s'est installée entre les parties, et ce même si la société 5 D MEDIA a remporté plusieurs années de suite les appels d'offres de la société BAT France ;

Considérant que le contrat-cadre conclu le 18 janvier 2008 a pour objet de définir, sur une période de 12 mois, les conditions générales d'exécution de la commande pouvant être passée à la société 5 D MEDIA au cas où elle aurait remporté l'appel d'offres, les conditions particulières étant définies dans la commande passée auprès du prestataire ayant été sélectionné à l'issue de l'appel d'offres ; que ce contrat ne conférait aucune exclusivité à la société 5 D MEDIA et ne contenait aucune garantie de volume d'affaires ; que l'appelante ne rapporte pas la preuve que la société BAT France soit à l'origine de l'arrêt de sa relation d'affaires avec la société JAPAN TOBACCO INTERNATIONAL ;

Considérant que la continuité de la relation commerciale existant entre les parties étant soumise chaque année à l'aléa résultant de l'organisation d'un l'appel d'offres, la société 5 D MEDIA ne peut se prévaloir de l'existence d'une relation commerciale établie au sens des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

 

Sur la demande de remboursement des remises de fin d'année :

Considérant que la société 5 D MEDIA expose que le contrat cadre conclu le 18 janvier 2008, avec effet rétroactif au 1er janvier 2007, stipule qu'elle doit reverser à la société BAT France, à l'issue de chaque année, une remise assise sur le chiffre d'affaires généré par le volume de commande de la société BAT France au titre de l'année échue ; que la rétroactivité contractuellement convenue avait pour conséquence, selon l'intimée, d'appliquer rétroactivement la clause de remise de fin d'année aux années 2006 et 2007 ; que ces dispositions contractuelles constituaient une « clause prévoyant la possibilité de bénéficier rétroactivement de remises », au sens de l'article L. 442-6-II-a) du code de commerce, qu'en conséquence la clause de remise de fin d'année doit être annulée dans sa globalité, ce qui implique l'anéantissement rétroactif de l'ensemble de ces dispositions ; que la société BAT France doit lui rembourser, au titre de la répétition de l'indu, la somme totale de 76.839 euros qu'elle lui a versée au titre des remises de fin d'année, outre les intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2012, qui seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

Considérant que la société BAT France soutient que seuls sont interdites par le code de commerce les remises négociées en fin d'année au titre d'un exercice déjà écoulé ; que le contrat conclu avec 5 D MEDIA ayant été signé le 18 janvier 2008, la validité des remises versées sur les CA réalisés en 2008, 2009, 2010 et 2011 ne peut être contestée ;

 

Mais considérant que aux termes de l'article L. 442-6, II, a) du code de commerce « Sont nulles les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers la possibilité de bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération commerciale » ;

Considérant que le contrat conclu le 18 janvier 2008 prévoit, à l'article 3.1, le versement par la société 5 D MEDIA à la société BAT France d'une remise sur chiffre d'affaires calculée sur l'ensemble du chiffre d'affaires annuel, à compter du 1er janvier 2007, payable au mois de décembre de chaque année ; que les remises de fin d'année dont a bénéficié l'intimée au titre de l'année 2007 et 2006, a un caractère rétroactif et doivent être annulées, les remises de fin d'année contractuellement prévues pour les années 2008 et suivantes sont légales et ne peuvent être annulées ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

 

Sur la demande de remboursement des indemnités de retard :

Considérant que la société 5 D MEDIA sollicite le remboursement des indemnités de retard qu'elle a versé à l'intimée à la suite du retard dans la livraison d'une commande intervenue en plusieurs fois, avec un retard allant de 5 à 10 jours, en septembre 2011, en faisant valoir, d'une part, qu'en prévoyant dans le contrat du 18 janvier 2008 une stipulation spécifique relative aux pénalités de retard, les parties ont entendu déroger à l'article 9 de l'annexe 1 du contrat 'conditions générales, ; que d'autre part, la stipulation de pénalités de retard forfaitaires prévue au contrat, se cumulant avec les pénalités de retard stipulées à l'article 9 des conditions générales, présente un caractère léonin et manifeste un déséquilibre significatif entre les parties au détriment de l'appelante, au sens de l'article L. 442-6-I-2 ° du code de commerce et encourt la nullité en raison du défaut de cause aux obligations cumulatives contractées par l'appelante ; qu'en cas de doute sur l'interprétation de ces deux clauses contractuelles, il conviendrait de faire application des dispositions de l'article 1162 du code civil ;

Considérant que la société BAT France soutient que les dispositions prévues aux conditions générales d'achat figurant en annexe 1 du contrat s'applique aux parties au même titre que les stipulations du contrat ; que les stipulations de l'article 2.2.3 du contrat, qui prévoient des pénalités de retard, n'ont pas le même objet que l'article 9 des conditions générales d'achat, qui prévoit la possibilité de mettre à la charge de la société 5 D MEDIA des dépenses supplémentaires supportées par l'intimée du fait du non-respect des délais de livraison ;

 

Mais considérant que les stipulations du contrat signé le 18 janvier 2008 et celles prévues à l'annexe 1 de ce contrat, dénommée « conditions générales » qui « ..ont pour objet de définir les dispositions générales auxquelles est soumise toute livraison de services et/ou produit effectuée par un fournisseur pour le compte de BAT France », se complètent et ne sont pas exclusives les unes des autres ; que les pénalités de retard prévues à l'article 2.2.3 du contrat, en cas de non-respect du délai de livraison, n'ont pas le même objet que le remboursement des frais supportés par la société BAT France du fait du retard de livraison, prévu à l'article 9 des « conditions générales » ; que les stipulations contractuelles critiquées ne sont donc pas dépourvues de cause ;

Considérant que la stipulation de pénalités en cas de mauvaise exécution par une des parties des obligations spécifiques lui incombant, ne constitue pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, dès lors qu'il résulte en l'espèce des stipulations de l'article 4.2 du contrat et du droit commun de la responsabilité contractuelle que les manquements éventuels de la société BAT France sont également sanctionnés ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement.

Et y ajoutant,

Constate que compte tenu de la précarité des relations entretenues entre la SAS BRITISH AMERICAN TOBACCO France et la SARL 5 D MEDIA, résultant de mises en concurrence régulières et systématiques dès l'origine de la relation par le biais d'appel d'offres, les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce n'étaient pas applicables ;

Dit que l'application cumulative de l'article 9 des conditions générales d'achat et de l'article 2.2.3 du contrat du 18 janvier 2008 ne crée pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

Dit que les remises de fin d'années versées sur les chiffres d'affaires 2008, 2009, 2010 et 2011, fixées par le contrat du 18 janvier 2008, ne sont pas rétroactives ;

Condamne la SARL 5 D MEDIA à payer à la SAS BRITISH AMERICAN TOBACCO France la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL 5 D MEDIA aux dépens d'appel.

Le greffier                 Le président