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CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 14 décembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 14 décembre 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 4
Demande : 14/14207
Date : 14/12/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. COM., 30 mai 2018
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6665

CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 14 décembre 2016 : RG n° 14/14207

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Mais, dès que sont invoquées les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, que ce soit à titre principal, subsidiaire, incident ou reconventionnel, il y a lieu de soumettre l'entier litige à la compétence de la juridiction spécialisée, même s'il porte pour une autre partie, même essentielle, sur la responsabilité contractuelle. Il ne peut donc être opposé à la société Casino l'irrecevabilité de ses demandes fondées sur la responsabilité contractuelle, du simple fait, conforme à cette jurisprudence, qu'elle a saisi la juridiction spécialisée pour connaître de son action subsidiaire fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce. »

2/ « La société C. demande ensuite dans son dispositif de : « constater au sens de l'article L. 442-6-I 2° du Code de Commerce le déséquilibre significatif résultant dans le contrat de la clause n° 1 b) prévoyant qu'aucune exclusivité territoriale n'est donnée au franchisé et de la clause de non-concurrence post contractuelle (article 14) par laquelle le franchisé s'oblige sur un périmètre de 30 kilomètres autour du fonds de commerce, en sorte que le franchisé, quelles que soient les conditions de la résiliation du contrat, ne peut se réimplanter dans un périmètre de 30 kilomètres autour du fonds lorsque le franchiseur lui-même a pu y développer ses propres enseignes ; en conséquence des dispositions précitées, prononcer l'annulation des articles 1 b) et 14 du contrat ».

Mais elle n'explique pas en quoi l'absence d'exclusivité territoriale du franchisé serait déséquilibrée au regard de la clause post contractuelle de non concurrence, interdisant, pendant un an au franchisé, à compter de la cessation du contrat de franchise, dans un rayon de 30 km du magasin exploité dans le cas d'une zone rurale et dans un rayon de 10 km dans une zone urbaine, de participer à l'exploitation d'un fonds de commerce, d'une entreprise ayant une activité identique ou similaire à l'unité en franchise et de s'affilier, adhérer ou participer à une chaîne concurrente du franchiseur ou d'en créer une lui-même. En effet, cette clause de non-concurrence post contractuelle, d'une durée limitée, a pour objet de protéger le savoir-faire de l'ancien franchiseur et éviter qu'il ne soit divulgué dans un autre réseau. Il s'agit donc d'une restriction de concurrence justifiée par l'objet de la franchise lui-même. Par ailleurs, il n'entre pas dans l'objet spécifique de la franchise de protéger le franchisé de la concurrence d'autres franchisés dans la même zone de chalandise durant l'exécution du contrat, même si certains contrats peuvent contenir une telle protection. L'objet de ces deux clauses, contractuelles et post contractuelles, est différent et aucun déséquilibre ne saurait, en soi, en résulter, la société C. échouant à établir que la clause de non concurrence post contractuelle serait disproportionnée au regard des obligations mises à la charge du franchiseur, de mise à disposition de l'enseigne, de fourniture du savoir-faire et d'assistance. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 4

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/14207 (17 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 juin 2014 -Tribunal de Commerce de LYON - R.G. n° 14J00105.

 

APPELANTE :

SARL C. DISTRIBUTION

ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Florence G. de la SELARL P. - DE M. - G., avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, Ayant pour avocat plaidant Maître Bertrand C., avocat au barreau de LILLE

 

INTIMÉE :

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Edmond F., avocat au barreau de PARIS, toque : J151, Ayant pour avocat plaidant Maître Sébastien S., avocat au barreau de LYON

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 2 novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur, Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, Monsieur François THOMAS, Conseiller, qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT

ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Irène LUC, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Distribution Casino France (ci-après Casino) exploite, sous les enseignes Petit Casino, Vival, Eco Service, Spar, Supermarché Casino, géant Casino, Casino Shop et Casino Shopping, un réseau de supermarchés et d'hypermarchés.

La société C. Distribution (ci-après C.), dirigée par Monsieur C., exploite un point de vente de distribution alimentaire situé [...].

La société Distribution Casino France, venant aux droits de la société Medis, a signé le 28 avril 2008 un contrat de franchise Spar avec la société C. Distribution, déjà franchisée de l'enseigne depuis 1996. Un avenant au contrat de franchise a été signé entre les deux parties le 4 juin 2010 ayant pour objet de prolonger la durée de la franchise de 7 années, celle-ci devant s'achever le 1er juin 2017.

En avril 2010, la société Distribution Casino France a proposé à la société C. Distribution un nouveau logiciel informatique, dénommé « Gold », pour lui permettre de passer ses commandes. Au terme de l'année 2010, la société C. Distribution allait constater une perte substantielle de son taux de marge moyen et établissait un lien entre le fonctionnement du logiciel Gold et la dégradation constante de sa marge commerciale.

Courant 2011, alors qu'un projet d'investissement nouveau pour le compte de l'enseigne Casino était envisagé dans le Haut Minervois, la société C. a finalement renoncé à y participer.

Courant avril 2013, Monsieur C. a fait part de son souhait de vendre les parts de sa société dans le courant de l'année 2014. Pour raisons personnelles de son dirigeant, cette décision a été repoussée par l'intéressé à l'année 2015. La société Casino s'est mise à la recherche d'un repreneur pour la société C. dès la fin de 2013.

Le 10 décembre 2013, la société C. a adressé à la société Casino une lettre recommandée avec accusé de réception, lui faisant grief d'avoir installé des enseignes dans sa zone de chalandise sans l'avoir informée, et lui reprochant des problèmes informatiques récurrents entraînant, selon elle, des ventes à pertes dues aux anomalies liées au logiciel Gold installé depuis 2010. Estimant que ce logiciel avait été nuisible à sa marge d'exploitation, la société C. a mis en demeure la société Casino de lui fournir dans les 15 jours un autre logiciel informatique, visant la clause résolutoire de l'article 13 b du contrat de franchise, lui indiquant qu'à défaut de satisfaire à cette mise en demeure dans le délai de 15 jours à compter de sa réception, la société C. prononcera la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Casino.

La société Casino a répondu à cette mise en demeure par trois courriers, entre les 16 et 18 décembre 2013, proposant un nouveau logiciel à la société C.. Celle-ci a répondu à ces trois courriers par courrier du 23 décembre 2013 afin de manifester son mécontentement à propos des solutions apportées par la société Casino, puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 décembre 2013, a résilié le contrat qui la liait à la société Casino et a annoncé à sa clientèle un prochain changement d'enseigne.

Estimant que la société C. a cherché un prétexte pour quitter l'enseigne Spar au profit d'une enseigne concurrente, la société Casino a contesté, par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 décembre 2013, le bien fondé et la régularité de cette résiliation, étant précisé que la société C. a répondu à ce courrier le 6 janvier 2014.

La société Casino a saisi la juridiction des référés du tribunal de Lyon aux fins de voir constater un trouble manifestement illicite, obtenir à titre de mesure conservatoire la poursuite forcée du contrat et, à titre subsidiaire, constater l'existence d'une rupture brutale d'une relation établie et, par voie de conséquence, ordonner durant le préavis prétendument nécessaire le maintien de la relation commerciale. Le président du tribunal de commerce de Lyon a fait droit aux prétentions de la société Casino par ordonnance du 21 janvier 2014. Celui-ci a constaté que la société Casino avait proposé dans les délais de substituer au logiciel Gold un nouveau logiciel et qu'elle s'était donc acquittée de ses obligations contractuelles à l'égard de la société C. au regard des griefs soulevés par cette dernière dans sa mise en demeure du 10 décembre 2013. Il a donc estimé la résiliation du contrat de franchise brutale, abusive et constitutive d'un trouble manifestement illicite. Il a ordonné à la société C. « la reprise et le maintien de ces relations contractuelles avec la société Casino telles qu'elles résultent du contrat de franchise et de son avenant jusqu'à ce qu'une décision au fond intervienne s'agissant de la rupture du contrat, et ce sous astreintes de 10 000 euro par jour de retard et par infraction constatée à compter de la signification de la présente ordonnance ».

Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 10 février 2015, devenu définitif, suite à la radiation du pourvoi formé par la société C.. Dans cet arrêt, la cour relève « qu'alors qu'il est constant que le logiciel Gold a été utilisé depuis près de quatre ans par la société C., celle-ci ne peut justifier d'aucune doléance relative à son fonctionnement préalable à la mise en demeure ; (...) en effet, les anomalies dans les tarifs de la papeterie à la rentrée des classes 2012 signalées entre avril et août 2012 ne peuvent s'analyser comme une défaillance de cet outil informatique, à défaut pour le franchisé, d'y faire une quelconque allusion dans ses courriels versés aux débats et les relevés informatiques produits destinés à établir la perte de marges, de même que les pièces relatives aux difficultés rencontrées par des sociétés tierces dont il est prétendu qu'elles sont consécutives à l'utilisation de ce logiciel, ne permettent pas davantage de retenir son application ». Elle conclut que la société C. « échoue à démontrer avec l'évidence requise en référé d'une part que la société Casino a manqué à ses obligations en fournissant à son franchisé un logiciel défaillant, d'autre part que la société Casino n'a pas répondu dans le bref délai de quinzaine de la clause résolutoire aux sollicitations de la société C. relatives à la fourniture d'un nouveau logiciel ». Il estime que la société C. a causé à la société Casino un trouble manifestement illicite qui autorisait le juge des référés à prendre les mesures nécessaires pour le faire cesser.

C'est dans ce contexte que, le 17 janvier 2014, la société Casino a assigné la société C. devant le tribunal de commerce de Lyon, afin de l'entendre condamner, au titre d'une résiliation unilatérale abusive du contrat, à la reprise ou au maintien des relations contractuelles et, à titre subsidiaire, au titre d'une rupture brutale des relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, au respect d'un préavis suffisant.

Par jugement du 24 juin 2014, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Lyon a :

- écarté des débats la pièce n° 57 produite par la société Distribution Casino France,

- dit recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence rationae loci formée par la société C. Distribution, et en conséquence, s'est déclaré compétent pour connaître du présent litige,

- rejeté la demande de la société C. Distribution tendant à voir annuler le contrat de franchise du 28 avril 2008,

- dit que la clause résolutoire stipulée à l'article 13b du contrat de franchise du 28 avril 2008 n'a pas été mise en œuvre de bonne foi par la société C. Distribution,

- rejeté la demande formée par la société C. Distribution tendant au sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de commerce de Marseille saisi d'une demande au titre de l'abus de dépendance économique,

- rejeté la demande formée par la société C. Distribution tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise du 28 avril 2008,

- ordonné à la société C. Distribution la reprise des relations contractuelles avec la société Distribution Casino France résultant du contrat de franchise du 28 avril 2008 et de son avenant du 4 juin 2010 jusqu'à son terme, à savoir le 1er juin 2017, ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision et par infraction,

- s'est réservé la faculté de liquider l'astreinte ainsi prononcée,

- rejeté tous autres prétentions, fins et moyens des parties,

- condamné la société C. Distribution au paiement de la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société C. Distribution aux entiers dépens de la présente instance.

Le tribunal a conclu en ces termes : « Il s'infère de ces différentes constatations que la société C. n'a pas mis en œuvre de bonne foi la clause résolutoire visée à l'article 13b du contrat de franchise du 28Avril·2008, contrairement aux dispositions de l'article 1134 du Code Civil » et « la résiliation opérée doit donc être déclarée abusive ». Il a également jugé que les différents griefs articulés par la société C. contre la société Casino pour servir de fondement à sa demande de résiliation judiciaire du contrat, n'étaient pas établis, aucun manquement de la société Casino à son obligation de délivrer un savoir-faire et une assistance personnelle n'étant démontré et aucun comportement déloyal ne pouvant être imputé à la société Casino dans l'implantation d'enseignes concurrentes sur le haut minervois, en l'absence de toute exclusivité territoriale consentie au franchisé.

 

La cour,

Vu l'appel interjeté par la société C. Distribution ;

Vu les dernières conclusions du 10 octobre 2016 de la société C. Distribution, appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

principalement,

- déclarer irrecevables les demandes présentées par la société Casino France Distribution,

à titre subsidiaire,

- prononcer l'annulation des articles 5-1 et 4-3-i du contrat de franchise Spar ayant lié la société C. Distribution à la société Distribution Casino France, par application des dispositions de l'article L. 420-3 du code de commerce, à raison de l'abus de dépendance économique, tel que constaté dans le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 3 mars 2016, et en conséquence, l'annulation du contrat de franchise du 18 avril 2008, en son ensemble, l'abus de dépendance économique viciant les clauses essentielles à l'économie du contrat,

à tout le moins, prononcer sa caducité,

en tout état de cause,

- prononcer l'annulation du contrat de franchise pour erreur sur les qualités substantielles du contrat et défaut de cause,

- en conséquence,

- déclarer irrecevables les prétentions de la société Distribution Casino France, au regard dudit contrat de franchise,

- ordonner la restitution des cotisations indûment perçues par la société Distribution Casino France et, pour faire le compte entre les parties, désigner tel expert qu'il plaira avec mission complète,

à titre plus subsidiaire,

- constater que le contrat de franchise en date du 18 avril 2008 a pris fin par la mise en jeu d'une clause de résiliation de plein droit, régulièrement mise en œuvre par la société C. Distribution,

- déclarer irrecevable la demande de la société Distribution Casino France de poursuite forcée du contrat à raison de la règle du non cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle, Distribution Casino France fondant sa demande sur les dispositions cumulées des article L 442-6-I-5ème du code de Commerce et 1134 du code civil,

en tout état de cause,

- constater qu'aucune brusque rupture du contrat n'est intervenue,

- rejeter en conséquence les demandes de la société Distribution Casino France,

à titre encore plus subsidiaire,

- dire en conséquence que la violation de l'ordre public économique constituée par un abus de dépendance économique constitue une faute grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société Distribution Casino France, laquelle résiliation judiciaire, sur le fondement de l'article 1184 du Code Civil, doit rétroagir à la date à laquelle la rupture entre les parties a été consommée, soit au 27 décembre 2013,

en tout état de cause,

- constater que les griefs émis par la société C. Distribution à l'encontre de la société Distribution Casino France sont d'une gravité telle qu'ils justifiaient la résiliation du contrat et excluent la brusque rupture invoquée par la société intimée,

- prononcer la résiliation du contrat de franchise conclu le 18 avril 2008 à la date du 27 décembre 2013,

en conséquence,

- débouter la société Distribution Casino France de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire,

- constater que les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ne permettent pas à la société intimée de solliciter la poursuite forcée du contrat, outre que la reprise du contrat stipulé intuitu personae est impossible,

en toute hypothèse,

- constater que le déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce résultant, dans le contrat, de la clause n° 1 b) prévoyant qu'aucune exclusivité territoriale n'est donnée au franchisé et de la clause de non-concurrence post contractuelle (article 14) par laquelle le franchisé s'oblige sur un périmètre de 30 kilomètres autour du fonds de commerce, en sorte que le franchisé, quelles que soient les conditions de la résiliation du contrat, ne peut se réimplanter dans un périmètre de 30 kilomètres autour du fonds lorsque le franchiseur lui-même a pu y développer ses propres enseignes,

en conséquence des dispositions précitées,

- prononcer l'annulation des articles 1 b) et 14 du contrat,

à titre plus infiniment subsidiaire,

- constater qu'à raison de l'intuitu personae pesant sur l'identité de l'exploitant, à savoir Monsieur C., tel que stipulé dans le contrat de franchise, et alors que Distribution Casino France s'est déjà prévalu de la perte de cet intuitu personae, la société Distribution Casino France doit être déboutée de sa demande de reprise forcée du l'exécution du contrat, laquelle ne reposant sur aucun fondement en droit, la reprise d'un contrat déjà résilié étant impossible,

à titre encore plus infiniment subsidiaire,

- juger que l'annulation du contrat, à tout le moins sa résiliation aux torts de Distribution Casino France, entraînent le rejet des prétentions de Distribution Casino France.

- constater, ainsi, en toute hypothèse, que la rupture du contrat repose sur une faute grave de Distribution Casino France privative de préavis, qu'elle doit donc être déboutée de toutes ses demandes.

en toute hypothèse,

- constater que la société Distribution Casino France ne justifie par aucune pièce probante, recevable en justice, la réalité de son préjudice prétendu et en voie de conséquence la débouter de l'ensemble de ses demandes,

- constater que Distribution Casino France est seul responsable de la résiliation avant son terme du contrat et qu'elle doit donc en supporter les conséquences, en étant déboutée de sa demande de restitution au prorata temporis des budgets d'enseigne,

- constater que Distribution Casino France est seul responsable de la non restitution de l'enseigne et des matériels informatiques, qu'elle doit donc être déboutée de ses demandes à hauteur 154.836,00 euros au titre de la non restitution des signes distinctifs et 109.764,00 euros au titre de la non restitution des matériels informatiques,

en tout état de cause,

- constater en revanche que c'est la société Distribution Casino France qui est à l'origine d'une rupture partielle d'une relation établie,

en conséquence,

- condamner la société Distribution Casino France au paiement de la somme de 2 428 325,90 euros,

- condamner la société Distribution Casino France au paiement de la somme de 100 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les frais et dépens de l'instance ;

 

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 11 octobre 2016 par la société Distribution Casino France, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

et en tout état de cause :

- déclarer, en conséquence, sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile et du principe que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, que la société C. Distribution est irrecevable dans toutes ses demandes et prétentions présentées, dans le cadre de la présente instance, fondées sur le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 3 mars 2016 et le prétendu abus de dépendance économique qui y aurait été constaté,

- donner acte à la société C. Distribution qu'elle abandonne son exception d'incompétence, son exception de litispendance et sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de commerce de Marseille,

- déclarer les demandes de la société Distribution Casino France recevables,

- débouter la société C. Distribution de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- dire que la société Distribution Casino France avait répondu à la mise en demeure qui lui avait été adressée de sorte que celle-ci n'était pas restée « non suivie d'effets», au sens de l'article 13, b du contrat de franchise,

- débouter la société C. de sa demande de nullité et/ou caducité du contrat de franchise fondée sur l'article L.420-3 du code de commerce et le jugement du tribunal de commerce de Marseille en date du 3 mars 2016 ou sur une prétendue erreur sur la substance ou une prétendue absence de cause,

- débouter la société C. de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de franchise au titre d'une prétendue faute grave de la part de la société Distribution Casino France,

- dire que rien ne s'oppose à la poursuite forcée du contrat de franchise,

- dire que la rupture unilatérale par la société C. du contrat de franchise en date du 28 avril 2008, à durée déterminée et dont l'échéance contractuelle est fixée au 1er juin 2017 qui fait loi des parties, est abusive,

en conséquence,

- ordonner à la société C. la reprise et/ou le maintien des relations contractuelles avec la société Distribution Casino France telles qu'elles résultent du contrat de franchise en date du 28 avril 2008 et de son avenant en date du 4 juin 2010 et, ce, jusqu'à son terme, soit le 1erjuin 2017, ce, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard et infraction constatée à compter du jugement à intervenir,

à titre subsidiaire,

- dire que la rupture par la société C. de la relation commerciale établie, depuis 17 ans, avec la société Distribution Casino France revêt un caractère brutal,

en conséquence,

- ordonner à la société C. de respecter un préavis dans les conditions et obligations telles qu'elles résultent du contrat de franchise de 17 mois ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard et infraction constatée à compter du jugement à intervenir,

à titre subsidiaire, sur la réparation du préjudice subi par la société Distribution Casino France du fait de la rupture anticipée du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé,

- condamner la société C. Distribution au paiement des sommes suivantes à la société Distribution Casino France :

* 126.100 euros HT au titre du remboursement du budget d'enseigne,

* 1.501.712 euros HT au titre du manque à gagner,

* 154.836 euros HT, à parfaire, au titre de l'astreinte conventionnelle liée à la non-restitution des signes distinctifs,

* 109.764 euros, à parfaire, au titre de l'astreinte conventionnelle liée à la non-restitution du matériel informatique et d'encaissement mis à la disposition de la société C.,

- ordonner à la société C. Distribution de procéder au retrait des signes distinctifs et à la restitution du matériel informatique et d'encaissement appartenant à la société Distribution Casino France sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard et infraction constatée à compter du jugement à intervenir,

à titre subsidiaire, sur la réparation du préjudice résultant du caractère brutal de la rupture des relations commerciales établies :

- condamner la société C. Distribution au paiement des sommes suivantes à la société Distribution Casino France :

* 94.000 euros HT du remboursement du budget d'enseigne (remboursement prorata temporis du fait de la rupture) au 1erjuin 2015,

* 622.661 euros HT au titre de la perte de marge brute,

ordonner à la société C. Distribution de procéder au retrait des signes distinctifs appartenant à la société Distribution Casino France sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard et infraction constatée à compter du jugement à intervenir,

- condamner la société C. au paiement d'une somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- condamner la société C. à payer à la Société Distribution Casino France, en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir, au paiement d'une indemnité équivalente au droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'Huissier instrumentaire au titre de l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001,

- se réserver le pouvoir de liquider les astreintes prononcées ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Casino fondées sur le contrat :

L'appelante soutient qu'ayant choisi le fondement de la responsabilité délictuelle, la société Casino serait, en vertu de la règle du non cumul des responsabilités, irrecevable à invoquer le contrat et les obligations respectives des parties pour contester les conditions de résiliation du contrat et solliciter sa poursuite forcée sur le fondement de l'article 1134 du code civil. La société Casino serait tenue par le choix du fondement délictuel de son action et ne pourrait invoquer le fondement contractuel.

L'intimée expose que si elle a expliqué la saisine de la juridiction lyonnaise par la référence aux dispositions des articles D. 442-3 et 46 du code de procédure civile, ce n'est pas parce qu'elle avait choisi comme seul fondement à sa demande la responsabilité délictuelle mais parce que la jurisprudence constante considère que, dès que sont invoquées les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, il y a lieu de soumettre l'entier litige à la compétence de la juridiction spécialisée, même s'il porte pour une autre partie sur la responsabilité contractuelle, L'intimée soutient donc que la règle du non cumul des responsabilités n'a pas vocation à s'appliquer.

Mais, dès que sont invoquées les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, que ce soit à titre principal, subsidiaire, incident ou reconventionnel, il y a lieu de soumettre l'entier litige à la compétence de la juridiction spécialisée, même s'il porte pour une autre partie, même essentielle, sur la responsabilité contractuelle. Il ne peut donc être opposé à la société Casino l'irrecevabilité de ses demandes fondées sur la responsabilité contractuelle, du simple fait, conforme à cette jurisprudence, qu'elle a saisi la juridiction spécialisée pour connaître de son action subsidiaire fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce.

Il y a donc lieu de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société C.

 

Sur la nullité du contrat de franchise pour abus de dépendance économique :

L'appelante soutient que, par jugement rendu le 3 mars 2016, le tribunal de commerce de Marseille a jugé que le contrat de franchise Spar plaçait la société C. dans un état de dépendance économique et que Casino abusait de cette dépendance, cette décision ayant autorité de la chose jugée et étant opposable erga omnes. L'appelante demande en conséquence à la cour d'appel de tirer les conséquences de ce jugement en prononçant l'annulation du contrat de franchise Spar, les clauses d'approvisionnement et tarifaires, essentielles à l'économie du contrat, ayant été estimées abusives.

L'intimée soutient que l'appelante s'est opposée à la demande de jonction, présentée par la société Casino, de la présente instance, avec celle de l'appel du jugement du tribunal de commerce de Marseille du du 3 mars 2016 ayant statué sur l'abus de dépendance et qu'en vertu du principe selon lequel il est interdit de se contredire au détriment d'autrui, la société C. est irrecevable et infondée à demander à la cour d'appel de tirer les conséquences de ce jugement dans le cadre de la présente instance, relative aux conditions de mise en 'uvre de la clause résolutoire, alors qu'elle a elle-même dénié tout lien entre les deux procédures.

* * *

Par assignation du 16 janvier 2014, la société C. Distribution a saisi le tribunal de commerce de Marseille afin de voir constater régulière la résiliation de plein droit du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Casino, en application de la clause de résiliation de plein droit, voir juger la violation par la société Distribution Casino France de son obligation de loyauté contractuelle et de voir constater que la société Distribution Casino France a commis un abus d'une situation de dépendance économique engageant sa responsabilité délictuelle. Par jugement du 3 mars 2016, le tribunal de commerce de Marseille a estimé que la société C. avait été victime d'un abus de dépendance économique et condamné à ce titre la société Casino au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'au paiement de ristournes non payées. Il a également déclaré nulle la clause de non concurrence contractuelle insérée dans le contrat de franchise.

La société C. s'est expressément opposée à toute jonction de la présente instance avec celle, également pendante devant la cour d'appel de céans, relative à l'appel du jugement du tribunal de commerce de Marseille du 3 mars 2016 (RG 16/05817) au motif que « les demandes de part et d'autre sont différentes ainsi que les moyens exposés ».

La société C., en s'opposant à la jonction des deux procédures, qui pouvaient être traitées séparément, l'une examinée dans le présent arrêt, relative à la régularité de la mise en œuvre de la clause résolutoire du contrat, et l'autre, au prétendu abus de dépendance économique de Distribution Casino France, est irrecevable à demander à la cour de tirer toutes les conséquences du jugement du tribunal de commerce de Marseille, qui, par ailleurs, fait l'objet d'un appel distinct et n'est donc pas définitif.

La demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat pour abus de dépendance économique, en conséquence du jugement du 3 mars 2016, doit donc être rejetée.

 

Sur la nullité pour erreur sur la substance :

L'appelante soutient que, s'agissant d'un contrat intuitu personae et en application de la solution dégagée par l'arrêt Lesage du 3 juin 2008, le mécanisme de la fusion/absorption ne permettait pas la transmission à la société Distribution Casino France des droits consentis par la société Spar France sur l'enseigne et le concept Spar à la société Medis et qu'en conséquence la société Distribution Casino France ne prouve en rien qu'elle vient aux droits de la société Medis s'agissant de l'enseigne Spar puisqu'elle n'apporte pas la preuve que Spar France l'ait expressément agréée au lieu et place de la société Medis. Le contrat SPAR serait donc nul pour erreur sur la substance, en ce que la société C. Distribution ne savait pas, lorsqu'elle s'est engagée dans le contrat de franchise, que Distribution Casino France n'était pas valablement investie des droits sur l'enseigne Spar et son concept.

Mais la société C. ne peut demander la nullité pour erreur que si elle démontre que cette erreur l'a conduite à se méprendre sur la portée de son engagement en la conduisant à contracter avec une personne morale non titulaire des droits de l'enseigne Spar.

Or, la société C. ne démontre pas s'être méprise sur son engagement et avoir été privée des droits sur l'enseigne. L'intimée démontre en effet que la société C. était informée, par les mentions du contrat de franchise elles-mêmes, que la société Distribution Casino venait aux droits de la société Medis, elle-même titulaire d'un contrat de sous-licence consenti par le licencié principal pour la France, Spar France, à la suite de la dissolution de la société Medis par suite d'une fusion-absorption par la société Casino le 21 octobre 2001. Dans un premier temps, la société Medis, filiale à 100 % du Groupe Casino, a cédé, avec l'accord de Spar France, ses droits à Distribution Casino jusqu'à l'échéance de son propre contrat de sous-licence le 31 décembre 2008. Dans un second temps, la société Distribution Casino a conclu son propre contrat de sous-licence Spar avec Spar France, en vigueur à compter du 1er janvier 2009.

La société intimée verse aux débats une attestation de la société Spar France confirmant l'accord de celle-ci s'agissant du transfert des droits d'utilisation de l'enseigne Spar de la société Medis au profit de la société Distribution Casino France. La société Distribution Casino France bénéficiait donc effectivement, dès la signature du contrat de franchise, des droits sur l'enseigne Spar.

La demande en nullité du contrat pour erreur sur la substance sera donc rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

 

Sur la mise en œuvre de la clause de résiliation de plein droit :

L'appelante soutient qu'elle a régulièrement résilié le contrat aux torts exclusifs de la société Distribution Casino France, sur le fondement de la clause de résiliation de plein droit stipulée à l'article 13, qui permet à une partie de mettre un terme au contrat en cas d'inexécution ou de manquement de l'autre partie à l'une de ses obligations, après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception non suivie d'effets dans un délai de 15 jours, par l'envoi d'une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception. Elle prétend que le courrier de mise en demeure du 10 décembre 2013 à la société Casino visait plusieurs griefs se rattachant aux obligations contractuelles (devoir d'assistance dans l'application de la politique commerciale préconisée par le franchiseur, imposant à Casino l'obligation de délivrance, au franchisé, d'un logiciel lui permettant de façon pérenne de bénéficier de la politique de prix du franchiseur sans être confronté à des ventes à perte et à des erreurs de TVA, obligation de loyauté interdisant à Distribution Casino France d'abuser de la situation de dépendance économique de la société C. Distribution et l'obligeant à avertir son cocontractant de toute nouvelle implantation de fonds sous ses enseignes, dans la zone de chalandise visée dans l'avant contrat de franchise).

La société Distribution Casino France n'ayant pas remédié à ces griefs dans le délai imparti, elle lui a notifié la résiliation de plein droit par le jeu de la clause résolutoire, par une lettre recommandée avec accusé de réception du 10 décembre 2013.

L'intimée soutient avoir répondu dans le délai de 15 jours, à la sommation qui lui a été faite dans la mise en demeure du 10 décembre 2013, la privant ainsi d'effets. En effet, elle expose avoir proposé à son franchisé de lui mettre à disposition, dès le lendemain, un logiciel informatique autre que Gold. Elle précise qu'il ressort de la chronologie des faits que la société C. n'a jamais entendu poursuivre sa relation avec la société Distribution Casino France et a, en réalité, cherché un prétexte pour mettre un terme, à tout prix, et de manière aussi brutale qu'infondée à sa relation avec son franchiseur, dans le seul but de passer sous enseigne concurrente, en l'occurrence une enseigne du groupe Carrefour.

* * *

Mais la société C. a choisi de mettre en œuvre la clause résolutoire du contrat prévue à l'article 13 b qui stipule : « En cas d'inexécution ou de manquement par l'une des parties de l'une quelconque de ses obligations, l'autre partie pourra, après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception non suivie d'effets dans un délai de quinze (15) jours, résilier de plein droit le présent contrat par l'envoi d'une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception et, ce, sans formalité judiciaire ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 décembre 2013, la société C. a adressé à la société Distribution Casino France la mise en demeure suivante, après lui avoir parlé d'une succession d'anomalies informatiques récurrentes entraînant des ventes à perte, d'erreurs grossières de TVA et de l'implantation dans sa zone de chalandise d'établissements concurrents : « je dois vous rappeler qu'en application de l'article 3 du contrat, vous vous engagez à me communiquer un savoir-faire et à m'apporter une assistance me permettant une exploitation pérenne de mon magasin sous enseigne Spar. (…). Il en découle pour vous tant une obligation de conseil que d'assistance, à savoir, me transmettre un savoir-faire me permettant de pouvoir commander effectivement les marchandises en respectant votre politique commerciale et vos normes sans mettre en péril l'exploitation de mon fonds. Je ne peux ainsi continuer à respecter votre politique « prix » si celle-ci me conduit à vendre à perte. Il est manifeste que votre logiciel Gold ne répond pas à votre obligation de délivrance à mon égard. (…). C'est pourquoi, ne pouvant continuer à vous faire confiance, et ne pouvant continuer à subir un logiciel informatique gravement défaillant, je me vois contraint au nom de la société que je représente de vous mettre en demeure, en application de l'article 13 b du contrat, d'avoir, sous 15 jours à réception de la présente lettre recommandée avec accusé de réception, à me fournir un logiciel informatique autre que Gold permettant à ma société, de façon effective, d'appliquer votre tarif conseillé sans risquer d'être soumis à des ventes à perte, erreurs de TVA, et toutes autres anomalies que vous avez pu constater » (c'est la cour qui souligne).

Il est donc clair que la mise en demeure porte sur la mise à disposition d'un logiciel adapté par Casino, et non sur l'abus de dépendance, sur les implantations nouvelles d'enseigne, ou encore le manquement au devoir d'assistance, qui ne sont cités que comme éléments contextuels, et ne sont, au surplus, pas suffisamment précis pour faire l'objet d'une mise en demeure utile.

En effet, la rédaction et la mise en œuvre des clauses résolutoires, par lesquelles les parties peuvent convenir qu'il sera mis fin automatiquement au contrat si l'un des événements qui y est prévu s'est réalisé, sont entendues strictement. Ainsi, une telle clause ne peut sanctionner que les obligations expressément prévues par le contrat et ne peut jouer qu'après une mise en demeure préalable, indiquant avec précision les manquements qui sont reprochés au partenaire et le délai dont il dispose pour se mettre en règle.

Dès lors l'appelante ne peut soutenir que l'abus de dépendance économique, tel que jugé par le tribunal de commerce de Marseille en son jugement du 3 mars 2016, constituerait une faute grave, visée expressément dans la mise en œuvre de la clause de résiliation de plein droit, qui justifierait la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Casino France. Pas davantage ne peut-elle exciper de ce que la société Casino ne s'est pas engagée à mettre fin à des implantations nouvelles d'enseignes qui remettaient en cause l'économie du contrat, pour mettre en œuvre la clause résolutoire.

La cour doit donc vérifier, pour juger de la mise en œuvre de la clause résolutoire, d'une part l'existence du manquement reproché à la société Casino, s'agissant du logiciel Gold, et d'autre part, la réponse apportée par la société Casino à la mise en demeure.

Sur le premier point, si l'appelante soutient que les premiers juges auraient méconnu les moyens de preuve apportés par elle, pour faire prévaloir les affirmations « péremptoires » de la société Distribution Casino France, il convient de souligner que les éléments qu'elle invoque, identiques à ceux soulevés en première instance, ne sont pas convaincants pour démontrer les dysfonctionnements du logiciel Gold.

Les problèmes exposés par la société C. dans sa mise en demeure résulteraient, d'une part de l'intégration via Gold, de nombreux prix conseillés par le franchiseur inférieurs aux prix de cession, entraînant donc des ventes à perte, sans que l'exploitant ne puisse s'en rendre compte, sauf à analyser a posteriori la facturation ligne par ligne. En effet, la société C. soutient que, lors de leur réception, les marchandises sont livrées avec des prix pré-étiquetés suivant le prix conseillé, et que, quand bien même l'exploitant se serait rendu compte d'une erreur sur les prix, il ne pourrait modifier le prix sur Store POS, car l'intégration de la mise à jour quotidienne écraserait toute modification sur caisse.

Or, les courriers versés aux débats ne sont relatifs qu'à des dysfonctionnement ponctuels relatifs à certains articles de la collection papeterie en 2012 signalés par la société Casino, en avril, juillet et août 2012, la société C. ne s'en étant, quant à elle, jamais plainte.

En effet, le directeur commercial de la société Casino, en la personne de Monsieur M., Directeur commercial SPAR supermarché DO SUD-OUEST, constatait, dans un courrier du 17 août 2012 adressé au siège de la société Casino, des « anomalies prix de vente, collection rentrée des classes magasin en double code » : « Bonjour, À nouveau le même problème sur la collection papeterie reçue par le magasin de [ville R.]. Les prix de vente sont anormalement bas et les prix qu'il avait modifiés précédemment ont été écrasés (exemple : taille-crayon code 3212472791997 facturé 0.22 BVBL : 1.25, en caisse : 0.37) ».

Ce courriel renvoyait à un précédent courriel de Monsieur P., du groupe Casino, en date du 12 juillet 2012 : « Les prix de vente descendus sur les caisses du magasin de [ville R.] pour la collection papeterie rentrée des classes 2012 sont erronés. À titre d'exemple : collection rentrée des classes 2012. ANCIEN CODE MAGASIN NOUVEAU CODE MAGASIN ZCH035M1A00-ZCH035M1A00PAPETERIE RDC SM 2012 / HOMA TL815 11138 FICHE ARTICLE GOLD TW870 11038 FICHE ARTICLE GOLD ».

Par un autre courriel du 20 août 2012, Monsieur P. confirmait à Monsieur M. que les anomalies constatées trouvaient leur cause dans le logiciel Gold lui-même et dans la diffusion, à travers ce logiciel, de ses tarifs par le franchiseur : « Suite à notre échange de vendredi, je te confirme que les anomalies de prix constatées sur le magasin de [ville R.] sont liées à la construction tarifaire sur le tarif T230 avec des PVC sur les familles de l'univers PAPETERIE (F384 ECRITURE F 746 PAPIER F747CLASSEMENT) qui sont bien inférieurs aux précédents tarifs (baisse jusqu'à 78 %). Tu trouveras ci-joint le tableau des références concernées sur la collection RDC qui sont également présentes sur l'assortiment PERMANENT sur ces familles. Pour [ville R.], cela représente 105 références. Sur ces références analysées, il y a 5 hausses, 104 baisses. ».

Mis à part ces dysfonctionnements ponctuels, portant sur un nombre limité de références, et dont il est raisonnable de penser qu'ils ont été résolus, devant le silence des protagonistes, la société C. ne justifie pas de l'inadaptation du logiciel Gold, pour lequel elle n'a jamais avant fin 2013, formulé le moindre grief. Elle ne peut au surplus déduire cette inadaptation chronique du seul fait que sa marge aurait baissé de 20, 20 % à 18, 19 % de septembre 2010 à septembre 2011. Elle n'établit pas, par le versement aux débats de tickets de caisse, que les prix de vente seraient systématiquement inférieurs aux prix de cession, ni que le logiciel interdirait au franchisé de déterminer ses propres prix de détail, ce qui constituerait une entente anticoncurrentielle sur les prix. Elle ne verse aux débats que des éléments démontrant, pour un nombre limité de références (460 références, de 2010 à 2013), sur 9 000 mises en vente en magasins, que le prix conseillé par le franchiseur est inférieur au prix de cession, ce qui ne préjuge en rien du prix effectif de vente.

Elle verse également aux débats une expertise réalisée dans une autre affaire, concernant le logiciel de la société Mac Alimenta, qui concernerait un autre franchisé Casino. S'il ressort de ce rapport les mêmes griefs que ceux formulés par la société C. (certains prix conseillés inférieurs aux prix de cession ; difficultés, pour le franchisé, de modifier les tarifs de vente sans que ces modifications soient écrasées par les mises à jour), le rapport est muet sur la franchise concernée (Spar ou autre), sur le logiciel concerné et sa version. Le rapport ne fait pas ressortir d'anomalies systématiques, le pourcentage de références concernées n'étant pas mentionné. Par ailleurs, il ressort de ce rapport que l'écrasement des modifications apportées par le franchisé à chaque mise à jour peut être évité par le recours à Gold, sans que l'on sache si ce terme recouvre le même sens que dans la présente affaire.

En définitive, aucune conclusion ne peut, en l'espèce, en être inférée.

Sur le second point, la chronologie des événements démontre que la société Casino a répondu à la mise en demeure, tout en réfutant le grief, mais que la société C. n'a jamais souhaité, dès sa mise en demeure du 10 décembre 2013, continuer sa relation avec la société Distribution Casino France.

Dès le 16 décembre 2013, en effet, la société Casino indiquait par lettre recommandée avec accusé de réception, à son franchisé que : « Nous faisons suite à votre courrier recommandé avec AR daté du 10 décembre 2013 dont les termes n'ont pas manqué de nous surprendre et sur lequel nous tenons à vous faire part de nos plus expresses réserves. Sans que le présent courrier vaille quelque reconnaissance que ce soit s'agissant des griefs que vous alléguez à notre encontre et afin de satisfaire à votre demande, nous vous confirmons mettre à votre disposition dès demain un logiciel informatique autre que GOLD » (c'est la cour qui souligne).

Le 17 décembre 2013, des opérationnels de la société Casino se sont rendus au point de vente de la société C., afin de lui présenter ledit logiciel, comme en atteste l'une des personnes présente, Monsieur V., Directeur Franchise du Groupe Casino. Dans une attestation du 9 janvier 2014, celui-ci relatait les faits suivants : « après avoir contacté Monsieur C. le jeudi 12 décembre 2013, ce dernier m'a confirmé téléphoniquement son accord pour nous recevoir le mardi 17 décembre 2013 en son établissement sis [...]. Je me suis donc présenté en compagnie de Monsieur C. (responsable régional de maintenance) et Monsieur K. (directeur encaissement et monétique) le mardi 17 décembre 2013 à 10 heures au magasin Spar Supermarché de [ville R.]. Monsieur K. a présenté à Monsieur C. le logiciel AEM SOFT Back office et Front Office Store-PIS venant en substitution de l'outil Gold. Nous lui avons présenté les caractéristiques techniques et pratiques de ce logiciel, et suite à son accord verbal nous lui avons demandé de nous préciser la date à laquelle il pouvait se rendre disponible pour l'installation de ce nouveau logiciel ainsi que les dates de disponibilité de l'ensemble de son personnel à des fins de formation. Il ne nous a pas apporté de réponse sur les deux derniers points ».

Le 18 décembre suivant, consécutivement à la visite de ses opérationnels, la société Distribution Casino confirmait que : « Monsieur, Suite à notre intervention de ce jour en présence de nos collaborateurs C., Responsable régional de la maintenance Sud-Ouest, K., Directeur Encaissement & Monétique de la Branche Proximité et V. Directeur Régional franchise, nous avons pris bonne note de votre accord s'agissant du nouveau logiciel d'AEM SOFT, Back-Office et Front Office Store Pos proposé venant en substitution de l'outil GOLD. Nous vous remercions de bien vouloir nous préciser par retour à quelle date une équipe technique pourra intervenir dans votre magasin permettant la reprise de l'ancien logiciel et la mise en place du nouveau logiciel conforme à vos attentes. Dans cette attente et restant à votre disposition, nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos respectueuses salutations. ».

Par un courriel en date du 24 décembre 2013, M. V. de la société Casino, qui n'avait alors reçu aucune réponse à ses différents courriers des 16 et 18 décembre 2013, adressait à M. C. un courriel dont les termes étaient les suivants : « Monsieur, A ce jour et malgré nos courriers recommandés avec avis de réception des 16 et 18 décembre derniers, restés sans réponse à ce jour, nous renouvelons la proposition qui vous a été présentée et que vous avez agréée de remplacer l'outil GOLD par le nouveau logiciel AEM SOFT, Back Office et Front Office STORE POS, et vous demandons instamment de nous indiquer, dès prise de connaissance de ce courriel, la date à laquelle notre équipe technique pourra intervenir dans votre magasin afin d'effectuer cette migration informatique. Dans cette attente, et restant à votre disposition, nous vous prions d'agréer Monsieur, nos respectueuses salutations ».

La société C. répondait par courrier du 23 décembre 2013 : « votre courrier (du 16 décembre 2013) constitue un aveu de vos fautes contractuelles à mon égard. Enfin, que penser du matériel informatique que vous êtes sensé me proposer, alors que précisément je n'ai à ce jour aucune information concrète et fiable sur ce logiciel, lequel ne m'a jamais été présenté. Pas plus, je n'ai davantage de garantie sur sa fiabilité. Votre matériel informatique, c'est l'arlésienne’et vous comprendrez que je ne saurais m'en contenter’Votre courrier du 16 décembre 2013 est donc totalement artificiel et ne répond absolument pas à mes préoccupations, ni à ma mise en demeure, mettant en jeu la clause de résiliation de plein droit ».

Elle répondait à la lettre de Distribution Casino du 18 décembre 2013 en ces termes : « je n'ai jamais manifesté un quelconque accord lors de la présence de vos collaborateurs, qui sont venus uniquement pour présenter verbalement un matériel sans jamais m'en exposer les caractéristiques et sans me fournir la moindre assurance que ce matériel serait plus performant et surtout plus fiable que celui dont je dispose aujourd'hui. Votre lettre recommandée n'a d'autre fin que de m'arracher par la force un accord qui à ce jour n'existe pas et ce, à raison de votre propre carence ».

Enfin, dans un courrier du 27 décembre 2013, elle mettait en œuvre la clause résolutoire, « dès lors qu'en violation de votre obligation de délivrance à mon égard, vous ne me présentez aucun logiciel informatique susceptible de remplacer Gold dans l'exploitation pérenne de mon fonds».

Il résulte de cet échange de courriers que C. a refusé tout dialogue et toute démonstration d'un logiciel alternatif, dont elle ne peut à présent, contester le caractère adapté, puisqu'elle ne l'a pas même essayé.

Il y a lieu d'approuver les premiers juges en ce qu'ils ont relevé que la société Casino a immédiatement réagi, dès le 16 décembre 2003, à la mise en demeure de la société C., que c'est la société C. qui a refusé d'essayer le nouveau logiciel proposé. Les courriers adressés à la société Casino par C. à la suite de ces propositions, démontre que cette société n'était pas intéressée par la poursuite des relations contractuelles, cette appréciation étant confortée par l'aspect formel des différents courriers, chacun d'entre eux portant la mention « signature » précédant la signature effective de Monsieur C., et, étant donc manifestement rédigés pour les besoins de la cause.

Il a été justement souligné par les premiers juges la précipitation des actions de la société C., et notamment, la cession des parts de Monsieur C. au profit de la société Carrefour Proximité dès le 31 décembre 2013, le changement d'enseigne étant intervenu dès janvier 2014, alors que la société Casino était informée du souhait de M. C. de vendre son affaire et lui avait proposé un candidat. Dès lors, la mise en œuvre de la clause résolutoire, tout à fait opportune dans ce contexte, apparaissait comme une façon de s'affranchir de la clause de préférence du contrat au bénéfice de Casino, en résiliant le contrat avant la cession.

Il y a donc lieu d'approuver le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la résiliation opérée était abusive.

 

Sur la résiliation du contrat fondée sur l'article 1184 :

L'appelante soutient à titre subsidiaire que même en présence d'une clause de résiliation de plein droit et quand bien même celle-ci n'aurait pas valablement été mise en œuvre que le juge dispose en toute hypothèse sur le fondement de l'article 1184 du code civil du pouvoir d'apprécier la réalité et la gravité des fautes invoquées pour résilier judiciairement le contrat, peu important le respect de la clause de résiliation prévue conventionnellement et que pour que s'applique cette résiliation judiciaire il suffit que la faute invoquée remette en cause l'économie du contrat et porte atteinte à la pérennité de l'exploitation. Or, l'appelante soutient que les fautes suivantes justifient la résiliation du contrat fondée sur l'article 1184 du code civil : par l'application combinée de sa politique tarifaire et du logiciel mis à la disposition du franchisé, la société Casino l'a exposée à de très nombreuses ventes à perte (plus de 460 références déjà répertoriées), outre à des erreurs grossières de TVA, faits susceptibles d'entraîner la responsabilité pénale de leur auteur. La société Casino, en violation de son obligation de loyauté contractuelle a, en outre, implanté sur la zone de chalandise de la société C. trois autres magasins sous ses enseignes (Spar, Casino et Vival). Enfin, l'abus de dépendance économique est une infraction économique d'une gravité telle qu'elle justifie la résiliation du contrat.

L'intimée réplique tout d'abord que la société C. Distribution doit être déclarée irrecevable en sa demande subsidiaire de résiliation judiciaire du contrat pour abus de dépendance économique, dans la mesure où, ayant refusé la jonction des deux instances et estimant qu'elles étaient sans lien, elle doit en supporter les conséquences et ne peut se prévaloir dans la présente espèce d'un prétendu abus de dépendance économique devant la cour d'appel de Paris, lequel sera examiné dans une autre instance.

S'agissant des autres prétendus manquements justifiant une résiliation, l'intimée soutient que la résiliation invoquée ne peut être la résiliation immédiate et unilatérale reconnue en jurisprudence lorsque le comportement du débiteur de l'obligation est d'une gravité suffisante mais relève de la résiliation judiciaire, demandée préalablement au juge. Or, aucune résiliation n'a été demandée préalablement au juge en l'espèce. De plus, l'intimée soutient que la société Casino n'a commis aucune faute de nature à justifier une résiliation du contrat de franchise. Elle soutient qu'il appartenait à la société C. de veiller à un contrôle de son niveau de prix, alors qu'elle avait la possibilité de personnaliser ses prix de vente au niveau de sa caisse et que la mise à disposition par Casino d'un logiciel de caisse et la préconisation de prix de vente conseillés ne permettaient en aucun cas de conclure à l'imposition des prix de vente. L'intimée soutient également que seule une véritable anomalie a pu être constatée sur les 40 références sélectionnées par la société C. dans ses écritures et que cette erreur a été corrigée par la société Distribution Casino qui n'a donc pas laissé la société C. sans assistance.

S'agissant du manquement à l'obligation de loyauté, l'intimée soutient que, contrairement à ce que prétend la société C., seul un des trois points de vente évoqués est un nouveau point de vente, les deux autres existant déjà. De plus, l'intimée soutient qu'il est faux de dire que ces points de vente sont des concurrents directs de la société C.. L'intimée expose également qu'en tout état de cause, la société C. ne disposait d'aucune exclusivité territoriale, ni de droit de priorité et que, par conséquent, la société Distribution Casino France était libre d'implanter d'autres distributeur dans cette zone et n'était pas tenue d'en informer au préalable la société C.

* * *

Il convient d'écarter la demande fondée sur l'abus de dépendance économique, dont est saisie la cour dans le cadre d'une autre instance.

S'agissant des dysfonctionnements du logiciel Gold qui ne sont pas contestés, il y a lieu de relever que les obligations de franchiseur portent sur la transmission d'un savoir-faire et une obligation d'assistance, non réductibles à la fourniture d'un logiciel. Dès lors, ces seuls dysfonctionnements ne sauraient constituer une faute de nature à entraîner la résiliation judiciaire du contrat de franchise. Le propre de la franchise n'est pas de transmettre au franchisé une politique tarifaire permettant à ce dernier de se dispenser d'avoir à déterminer lui-même chaque jour sa politique de prix, celui-ci étant un commerçant indépendant, ce qui, d'ailleurs, constituerait une entente sur les prix. Par ailleurs, les conséquences de ces dysfonctionnements sur le fonctionnement de la société .C ne sont pas établies.

S'agissant enfin de l'installation de trois nouveaux distributeurs sous des enseignes de Casino dans la zone de chalandise de la société C., il convient d'approuver les premiers juges d'avoir estimé qu'aucun comportement déloyal de la société Casino dans le cadre du développement de ces enseignes ne peut en être inféré dans le haut minervois. En effet, aucune clause d'exclusivité ne réservait à la société C. l'exploitation, sur la zone, des enseignes de la société Casino. Aucune obligation ne pesait, dès lors sur le franchiseur, de l'informer des nouvelles implantations. Il est par ailleurs relevé que la société Casino a associé Monsieur C. au projet d'implantation sur la commune de Peyrac Minervois, celui-ci ayant refusé, pour des raisons personnelles, d'y participer. Il ne peut donc reprocher au franchiseur de ne pas l'avoir informé des trois projets litigieux, d'autant plus qu'il connaissait parfaitement les nouvelles implantations, pour les avoir fait constater par voies d'huissier.

 

Sur le déséquilibre significatif :

La société C. demande ensuite dans son dispositif de : « constater au sens de l'article L. 442-6-I 2° du Code de Commerce le déséquilibre significatif résultant dans le contrat de la clause n° 1 b) prévoyant qu'aucune exclusivité territoriale n'est donnée au franchisé et de la clause de non-concurrence post contractuelle (article 14) par laquelle le franchisé s'oblige sur un périmètre de 30 kilomètres autour du fonds de commerce, en sorte que le franchisé, quelles que soient les conditions de la résiliation du contrat, ne peut se réimplanter dans un périmètre de 30 kilomètres autour du fonds lorsque le franchiseur lui-même a pu y développer ses propres enseignes ; en conséquence des dispositions précitées, prononcer l'annulation des articles 1 b) et 14 du contrat ».

Mais elle n'explique pas en quoi l'absence d'exclusivité territoriale du franchisé serait déséquilibrée au regard de la clause post contractuelle de non concurrence, interdisant, pendant un an au franchisé, à compter de la cessation du contrat de franchise, dans un rayon de 30 km du magasin exploité dans le cas d'une zone rurale et dans un rayon de 10 km dans une zone urbaine, de participer à l'exploitation d'un fonds de commerce, d'une entreprise ayant une activité identique ou similaire à l'unité en franchise et de s'affilier, adhérer ou participer à une chaîne concurrente du franchiseur ou d'en créer une lui-même. En effet, cette clause de non-concurrence post contractuelle, d'une durée limitée, a pour objet de protéger le savoir-faire de l'ancien franchiseur et éviter qu'il ne soit divulgué dans un autre réseau. Il s'agit donc d'une restriction de concurrence justifiée par l'objet de la franchise lui-même. Par ailleurs, il n'entre pas dans l'objet spécifique de la franchise de protéger le franchisé de la concurrence d'autres franchisés dans la même zone de chalandise durant l'exécution du contrat, même si certains contrats peuvent contenir une telle protection. L'objet de ces deux clauses, contractuelles et post contractuelles, est différent et aucun déséquilibre ne saurait, en soi, en résulter, la société C. échouant à établir que la clause de non concurrence post contractuelle serait disproportionnée au regard des obligations mises à la charge du franchiseur, de mise à disposition de l'enseigne, de fourniture du savoir-faire et d'assistance.

Il y a donc lieu de rejeter cette demande, qui n'est nullement étayée.

 

Sur la rupture brutale d'une relation établie :

L'appelante soutient encore que la société Casino a rompu brutalement la relation commerciale établie entre les parties puisqu'elle s'est rendue coupable d'une faute constitutive d'une rupture partielle de la relation établie, en implantant plusieurs de ses enseignes dans la zone de chalandise du franchisé sans que ce dernier ne soit informé ou associé, la brutalité de cette rupture étant caractérisée dès lors que le franchisé s'est trouvé devant le fait accompli.

L'intimée réplique qu'aucune rupture brutale partielle de relation commerciale ne saurait lui être sérieusement reprochée, puisque la société Distribution Casino n'a pas modifié les conditions d'exécution du contrat, de sorte que C. a toujours bénéficié des mêmes modalités de collaboration avec la société Distribution Casino France, qu'il a été démontré précédemment que les implantations critiquées n'ont rien de déloyales, et enfin que la société C. est dans l'incapacité totale de justifier du fait que sa prétendue baisse de chiffre d'affaires résulterait desdites implantations.

Si une rupture brutale partielle des relations commerciales peut résulter d'une modification substantielle de celles-ci, de nature à modifier leur économie, il y a lieu de constater qu'il n'est pas démontré que la création de trois enseignes concurrentes dans la zone de chalandise de la société C. ait modifié de quelque façon que ce soit l'équilibre des relations commerciales entre le franchiseur et le franchisé, et provoqué une baisse de rentabilité du franchisé.

Il y a donc lieu de rejeter cette demande

 

Sur l'impossibilité d'ordonner la poursuite forcée de la relation :

L'appelante soutient également que la reprise du contrat est totalement impossible, la caducité de celui-ci ayant été prononcée et la cour ne pouvant faire revivre un contrat résilié, l'obligation de faire se résolvant en dommages-intérêts selon l'article 1142 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016. Enfin, le contrat litigieux ayant été conclu intuitu personae, la poursuite d'un tel contrat serait impossible quand cet intuitu personae a disparu, et la société Casino elle-même y a fait obstacle, en refusant d'agréer le nouveau dirigeant, la société Carrefour Proximité.

Mais la caducité du contrat de franchise n'a pas été prononcée par le jugement du tribunal de commerce de Marseille qui n'a fait que constater que le tribunal de Carcassonne l'avait prononcée, ce qui s'avère inexact.

Le contrat n'a jamais connu d'interruption, puisque, depuis l'ordonnance de référé du 21 janvier 2014, la reprise ou le maintien du contrat a été ordonnée, confirmée au fond par le jugement entrepris, qui estimant la rupture irrégulière, a ordonné sa reprise.

Enfin, le prétendu défaut d'agrément du cessionnaire des parts de Monsieur C. dans la société C., la société Carrefour Proximité France, n'empêche nullement la poursuite du contrat puisque la clause contractuelle sur ce point n'est stipulée que dans l'intérêt du franchiseur, qui en l'espèce n'en revendique pas le bénéfice, de sorte que la société C. n'est pas fondée à s'en prévaloir ainsi que l'a relevé la Cour d'appel de céans dans son arrêt du 20 février 2015. Il ne peut être reproché à Casino, qui conteste la cession intervenue, en fraude de son droit de préemption, de ne pas se prononcer sur l'agrément de Carrefour. De même, Casino revendiquant cette continuation, il ne peut lui être opposé par C., qui ne démontre pas l'impossibilité absolue d'exécuter le contrat, qu'elle ne pourrait pas transmettre à Carrefour sa politique commerciale et le détail des opérations promotionnelles, et ne pourrait reprendre le contrat d'origine avec la société Carrefour de façon pérenne, faute de logiciel substituable au logiciel 'Gold’« défaillant ».

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait ordonné la reprise de relations contractuelles sous astreinte.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE recevable les demandes de la société Distribution Casino France fondées sur le contrat,

CONFIRME en tous points le jugement entrepris,

Y ajoutant,

DÉCLARE irrecevable la demande en nullité du contrat fondée sur l'abus de dépendance économique,

REJETTE les demandes de la société C. fondées sur la rupture brutale des relations commerciales établies et le déséquilibre significatif,

CONDAMNE la société C. aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société C. à payer à la société Distribution Casino France la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier                            La Présidente

Vincent BRÉANT                Irène LUC