CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA AMIENS (1re ch. civ.), 1er octobre 2015

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. civ.), 1er octobre 2015
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. civ.
Demande : 14/02128
Date : 1/10/2015
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/04/2014
Décision antérieure : CASS. CIV. 3e, 12 janvier 2017
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2015-025601
Décision antérieure :
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 6690

CA AMIENS (1re ch. civ.), 1er octobre 2015 : RG n° 14/02128

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2015-025601

 

Extrait : « Madame X. ne peut sérieusement prétendre que la solidarité prévue au contrat de bail serait limitée au premier mois de location, le contrat signé par les parties ayant prévu qu'au-delà de cette période, le bail se prolongerait par tacite reconduction.

Elle est en revanche fondée à invoquer le caractère abusif de la clause du contrat figurant à l'article 14 du contrat sous l'intitulé « Solidarité » prévoyant que : - il est expressément stipulé que les époux, quel que soit leur régime juridique, les personnes liées par un PACS, les colocataires sont tenus solidairement et indivisibles de l'exécution du présent contrat ; - pour les colocataires, la solidarité demeurera après la délivrance d'un congé de l'un d'entre eux pendant une durée minimum de trois années à compter de la date de la réception de la lettre de congé.

En effet, la Cour relève, d'une part, qu'une telle clause est discriminatoire en ce qu'elle prévoit une situation plus défavorable pour les colocataires par rapport aux couples mariés ou liés par un pacte civil de solidarité, pour lesquels aucune sanction n'est prévue en cas de congé donné par l'un des deux au bailleur, d'autre part, qu'elle introduit un déséquilibre entre les parties contractantes au préjudice des colocataires et en faveur du seul bailleur, lequel se réserve le pouvoir d'apprécier, sans limitation dans le temps, la durée pendant laquelle il pourra réclamer le règlement des sommes dues en vertu du bail au colocataire lui ayant donné congé. Enfin, cette clause est imprécise quant aux sommes restant dues en une telle hypothèse à défaut d'indiquer s'il s'agit seulement des loyers et charges restés impayés ou des loyers et des indemnités d'occupation.

En conséquence, il convient de dire cette clause nulle et réputée non écrite et de débouter l'OPH d'Amiens de sa demande tendant à la condamnation solidaire de Madame X. avec Monsieur Y. au paiement des loyers et des indemnités d'occupation. »

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 1er OCTOBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/02128. Décision déférée à la cour : ORDONNANCE DU TRIBUNAL D'INSTANCE D'AMIENS DU SEPT AVRIL DEUX MILLE QUATORZE.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [adresse], de nationalité Française, Représentée par Maître Serene MEDRANO, avocat au barreau D'AMIENS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AMIENS)

 

ET :

INTIMÉS :

Monsieur Y.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, Assigné à étude, le 07.08.14

Établissement OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT D'AMIENS

Représentée par Maître Mathilde LEFEVRE, avocat au barreau D'AMIENS

 

DÉBATS : A l'audience publique du 9 juin 2015, l'affaire est venue devant Madame Marie-Christine LORPHELIN, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 1er octobre 2015.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Philippe BOIFFIN, Président, Mme Marie-Christine LORPHELIN et Mme Sylvie LIBERGE, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRÊT : Le 1er octobre 2015, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Philippe BOIFFIN, Président de chambre, et Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Par un acte sous seing privé du 20 août 2010, l'OPAC d'Amiens, devenu l'Office Public d'Habitat d'Amiens (OPH), a consenti à Monsieur Y. et à Madame X. un bail d'habitation portant sur un appartement situé à [adresse].

Madame X. a donné son congé au bailleur, Monsieur Y. restant le seul titulaire du bail. Par un courrier du 8 mars 2011, l'OPH l'a informée que, compte tenu des dispositions légales relatives au délai de préavis, son congé ne serait effectif qu'à compter du 7 mars 2011 et a attiré son intention sur la clause de solidarité qui avait pour effet de la maintenir garant des obligations de Monsieur Y., resté dans les lieux, et ce, pendant une durée minimum de trois ans à compter de la date de réception de sa lettre de congé.

Des loyers étant resté impayés, l'OPH a fait délivrer, le 30 juillet 2013, à Monsieur Y. et à Madame X., par actes séparés, un commandement d'avoir à payer la somme de 10.967,69 euros en principal.

Par actes huissier du 11 octobre 2013, l'OPH a fait assigner Monsieur Y. et à Madame X. devant le juge des référés du tribunal d'instance d'Amiens aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la résiliation du bail, l'expulsion de Monsieur Y. et la condamnation solidaire de Monsieur Y. et à Madame X., à lui régler une provision de 11.905,27 euros à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation échus impayés, selon un décompte arrêté au jour de l'assignation, ainsi qu'une indemnité d'occupation provisionnelle mensuelle équivalente au montant du loyer augmenté des charges, à compter de la résiliation jusqu'au jour de la libération effective des lieux, outre leur condamnation aux dépens de l'instance et au paiement d'une indemnité de procédure de 200 euros.

Vu l'ordonnance rendue le 7 avril 2014 par le juge des référés du tribunal d'instance d'Amiens qui a :

- déclaré la demande de l'OPH d'Amiens recevable ;

- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire contractuelle se sont trouvées réunies à compter du 1er octobre 2013 ;

En conséquence,

- ordonné, faute de départ volontaire de Monsieur Y., dans les deux mois de la délivrance d'un commandement de quitter les lieux, son expulsion des lieux loués ainsi que celle de tous occupants et biens de son chef avec, si nécessaire, le concours de la force publique et d'un serrurier ;

- autorisé, le cas échéant, le bailleur à faire transporter et séquestrer dans tel garde meuble de son choix, aux frais des parties expulsées, les meubles laissés dans les mieux loués et rappelé que, dans ce cas, le sort des meubles garnissant les lieux loués est régi par les dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné, par provision, Monsieur Y. à payer à l'OPH d'Amiens une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été perçus en vertu du bail s'il n'avait pas été résilié, soit 1.234,39 euros, à compter du 1er octobre 2013 jusqu'à la libération effective des lieux loués ;

- condamné solidairement Monsieur Y. et Madame X. à payer à l'OPH d'Amiens une provision de 12.861,39 euros à valoir sur la dette de loyers et charges échus et impayés, décompte arrêté au 28 février 2014 (janvier inclus) avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- condamné solidairement Monsieur Y. et Madame X. à payer à l'OPH d'Amiens une provision de 4.833,69 euros à valoir sur les indemnités d'occupation qui ont commencé à courir à compter de la résiliation du bail, décompte arrêté au 28 février 2014 (janvier inclus) avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- condamné Monsieur Y. à garantir Madame X. de toute somme qui lui serait réclamée en exécution du jugement ;

- débouté Madame X. de sa demande de report du paiement de la dette ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts formée par Madame X. à l'encontre de Monsieur Y. ;

- condamné Monsieur Y. à payer à l'OPH d'Amiens la somme de 80 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté l'OPH d'Amiens de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de Madame X. ;

- condamné in solidum Monsieur Y. et Madame X. aux dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer en date du 30 juillet 2013 et de l'assignation, et qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

Vu l'appel de cette ordonnance de référé formé par Madame X. par une déclaration d'appel transmise par la voie électronique le 23 avril 2014 ;

 

Vu l'arrêt du 16 avril 2015, aux termes duquel la Cour a :

- Mis d'office aux débats l'application de l'article 911 du code de procédure civile ;

- Invité les parties à conclure avant le 1er juin 2015 pour présenter leurs observations sur le défaut de signification à Monsieur Y. des conclusions d'appel incident de l'Office Public d'Habitat d'Amiens ;

- Ordonné la réouverture des débats à l'audience du 9 juin 2015 ;

- Réservé les dépens ;

 

Vu les ultimes conclusions déposées et signifiées par la voie électronique le 18 mai 2015, aux termes desquelles Madame X., au visa de l'article 1244-14 du code civil, demande à la Cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

Réformant la décision entreprise,

A tire principal,

- constater qu'aucune clause de solidarité n'est opposable à Madame X. ;

- débouter l'OPH de la totalité de ses demandes à son égard ;

A titre subsidiaire,

- débouter l'OPH de sa demande en paiement au motif que sa créance n'est pas certaine ;

A titre infiniment subsidiaire,

- ordonner la suspension des obligations de Madame X. pendant un délai de 24 mois ;

- confirmer que Monsieur Y. sera tenu de la garantir de toute somme qui sera exposée au titre de la dette dont il s'agit ;

En tout état de cause,

- constater qu'elle s'en rapporte sur le défaut de signification des conclusions de l'OPH d'Amiens à Monsieur Y. ;

- condamner Monsieur Y. aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

 

Vu les ultimes conclusions déposées et signifiées par la voie électronique le 2 juin 2015, aux termes desquelles l'OPH d'Amiens demande à la Cour de :

- déclarer Madame X. recevable mais mal fondée en son appel principal ;

- l'en débouter ;

A titre principal,

- déclarer l'OPH d'Amiens recevable et bien fondé en son appel incident ;

- en conséquence, condamner solidairement Madame X. et Monsieur Y. à lui verser la somme de 7.122,71 euros au titre des loyers et charges échus impayés, décompte arrêté au 1er octobre 2013, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation

- confirmer pour le surplus en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;

A titre subsidiaire,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;

En tout état de cause :

- condamner solidairement Monsieur Y. et Madame X. à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens ;

Vu les actes d'huissier, déposés en l'étude de Maître MAY, délivrés le 7 août 2014 et le 21 octobre 2014, à Monsieur Y. et lui signifiant la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ;

Vu l'ordonnance du 5 novembre 2014 prononçant la clôture et fixant l'affaire à l'audience du 28 novembre 2014 ;

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus pour l'exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CECI EXPOSÉ, LA COUR :

Sur la caducité de l'appel incident de l'OPH d'Amiens :

L'article 911 du code de procédure civile prévoit que sous les sanctions prévues aux articles 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la Cour et que, sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées dans le mois suivant l'expiration de ce délai aux parties qui n'ont pas constitué avocat.

L'OPH d'Amiens, invitée à présenter ses observations, a conclu qu'elle a omis de procéder à la signification de ses conclusions d'appel incident à Monsieur Y.

En conséquence, il convient de prononcer l'irrecevabilité de son appel incident à l'égard de Monsieur Y., ainsi que le prévoit l'article 909 du code de procédure civile.

 

Sur l'expulsion et la dette de loyers :

Les dispositions de l'ordonnance ordonnant l'expulsion du logement loué des biens et de la personne de Monsieur Y. et condamnant ce dernier à payer à l'OPH d'Amiens les loyers restés impayés à la date de la résolution du contrat de bail, des indemnités d'occupation d'un montant équivalent à celui du loyer jusqu'à la libération effective des lieux et une indemnité de procédure, dispositions non discutées en appel, doivent être confirmées, sauf à fixer la dette de loyers à la somme de 7.122,71 euros, selon le décompte actualisé arrêté au 1er octobre 2013 produit aux débats par l'OPH d'Amiens en appel.

 

Sur la solidarité au titre de la dette de loyers :

Madame X. ne peut sérieusement prétendre que la solidarité prévue au contrat de bail serait limitée au premier mois de location, le contrat signé par les parties ayant prévu qu'au-delà de cette période, le bail se prolongerait par tacite reconduction.

Elle est en revanche fondée à invoquer le caractère abusif de la clause du contrat figurant à l'article 14 du contrat sous l'intitulé « Solidarité » prévoyant que :

- il est expressément stipulé que les époux, quel que soit leur régime juridique, les personnes liées par un PACS, les colocataires sont tenus solidairement et indivisibles de l'exécution du présent contrat ;

- pour les colocataires, la solidarité demeurera après la délivrance d'un congé de l'un d'entre eux pendant une durée minimum de trois années à compter de la date de la réception de la lettre de congé.

En effet, la Cour relève, d'une part, qu'une telle clause est discriminatoire en ce qu'elle prévoit une situation plus défavorable pour les colocataires par rapport aux couples mariés ou liés par un pacte civil de solidarité, pour lesquels aucune sanction n'est prévue en cas de congé donné par l'un des deux au bailleur, d'autre part, qu'elle introduit un déséquilibre entre les parties contractantes au préjudice des colocataires et en faveur du seul bailleur, lequel se réserve le pouvoir d'apprécier, sans limitation dans le temps, la durée pendant laquelle il pourra réclamer le règlement des sommes dues en vertu du bail au colocataire lui ayant donné congé. Enfin, cette clause est imprécise quant aux sommes restant dues en une telle hypothèse à défaut d'indiquer s'il s'agit seulement des loyers et charges restés impayés ou des loyers et des indemnités d'occupation.

En conséquence, il convient de dire cette clause nulle et réputée non écrite et de débouter l'OPH d'Amiens de sa demande tendant à la condamnation solidaire de Madame X. avec Monsieur Y. au paiement des loyers et des indemnités d'occupation.

L'ordonnance déférée à la Cour sera donc réformée en ce sens.

 

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

En considération du sens du présent arrêt, il convient de condamner Monsieur Y. à supporter seul les dépens de première instance, de condamner l'OPH d'Amiens à supporter les dépens d'appel et de le débouter de sa demande d'indemnité formée en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,

Vu l'arrêt avant dire droit du 16 avril 2015,

Prononce l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident de l'OPH d'Amiens à l'égard de Monsieur Y. ;

Confirme l'ordonnance rendue le 7 avril 2014 par le juge des référés du Tribunal d’Instance d'Amiens, en ses dispositions ordonnant l'expulsion de Monsieur Y. et le condamnant à payer à l'OPH d'Amiens les loyers restés impayés à la date de la résolution du contrat de bail, des indemnités d'occupation d'un montant équivalent à celui du loyer jusqu'à la libération effective des lieux et une indemnité de procédure, sauf à voir ramener la dette de loyer à la somme de 7.122,71 euros selon le décompte actualisé arrêté au 1er octobre 2013 ;

L'infirme en ce qu'elle condamne Madame X. solidairement avec Monsieur Y. à régler les sommes restant dues à l’Office Public d’HLM d'Amiens en vertu du contrat de bail du 20 août 2010 et en ce qu'elle la condamne aux dépens de première instance ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit nulle et réputée non écrite la clause de solidarité prévue à l'article 14 du contrat de bail du 20 août 2010 ;

Déboute l'Office Public d’HLM d'Amiens de ses demandes en paiement dirigées contre Madame X. ;

Déboute l'Office Public d’HLM d'Amiens de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne l'Office Public d’HLM d'Amiens aux dépens d'appel ;

Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions légales et réglementaires sur l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT