CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 22 février 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6759
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 22 février 2017 : RG n° 16/17924
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Contrairement aux allégations de l'intimée, lorsque le droit des pratiques restrictives de concurrence est invoqué comme moyen de défense, le juge territorialement compétent pour connaître de la demande en paiement principale doit d'office constater qu'il est dépourvu du pouvoir juridictionnel pour statuer sur cette défense, sans examiner le bien-fondé de cette défense.
Or pour l'application de l'article sus-mentionné, l'article D. 442-3 du code de commerce donne pouvoir juridictionnel exclusif en 1ère instance à huit juridictions et en appel à la seule cour d'appel de PARIS. En conséquence, la cour d'appel de PARIS, investie du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L 442-6 du code de commerce est seule compétente pour connaître de l'appel interjeté par la société TEAM INTERIM.
Aussi, à juste titre celle-ci fait valoir que le délai de recours pour former cet appel n'a pas pu courir, en raison de l'indication erronée portée sur l'acte de signification du 8 août 2016 de l'ordonnance querellée relative aux modalités d'ouverture de la voie de recours, en ce que le lieu où le recours devait être exercé était indiqué comme étant celui de la cour d'appel de VERSAILLES, au lieu de la cour d'appel de PARIS, de sorte que l'appel du 26 août 2016 est recevable.
Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrecevabilité du second appel de la société TEAM INTERIM opposé par la société VINCI est inopérant. »
2/ « Cependant, à raison du caractère d'ordre public de l'article D. 442-3 du code de commerce, la clause attributive de compétence contenue dans la convention des parties est inapplicable. Le juge aurait dû soulever d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée de l'évocation en défense de l'article L. 442-6 du code de commerce. En statuant sur le caractère sérieux de la contestation fondée sur cet article, il a donc méconnu l'étendue de son pouvoir juridictionnel. Il y a donc lieu d'annuler l'ordonnance entreprise. »
3/ « L'argument opposé par la société VINCI du contrat commutatif nécessite également d'apprécier si l'avantage procuré par une partie à l'autre est l'équivalent du propre avantage concédé par celui qui le reçoit, ce qui relève aussi de l'examen du juge du fond, seul compétente pour déterminer l'existence ou non d'un déséquilibre financier. Les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce n'empêchent pas une partie s'estimant victime de pratiques restrictives de concurrence d'invoquer la nullité de clauses ou du contrat lui-même, et les contrats contraires aux dispositions des articles L. 442-6 du code de commerce sont entachés d'une nullité absolue. Dès lors, l'annulation du contrat sollicitée devant le juge du fond priverait de cause les primes dont la société VINCI demande le paiement, ce qui constitue une contestation sérieuse dont l'appréciation ne relève pas du juge des référés. Il y a donc lieu de rejeter la demande de paiement en référé de la société Vinci. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/17924 (7 pages). Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Juillet 2016 -Tribunal de Commerce de NANTERRE - RG n° 2016R00559.
APPELANTE :
SA TEAM INTERIM
Immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le N° XXX, ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Marie-Catherine V. de la SCP G. V., avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, Ayant pour avocat plaidant Maître Patrice G., avocat au barreau de TOULON
INTIMÉE :
SA VINCI
Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le N° YYY, ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Matthieu B. G. de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, Ayant pour avocat plaidant Maître Marie-Adelaïde de M.-J., avocat au barreau de PARIS, toque E241
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 décembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Irène LUC, Présidente de chambre, Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, Monsieur François THOMAS, Conseiller, rédacteur, qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur François THOMAS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT
ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Irène LUC, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 17 novembre 2011, la société anonyme VINCI a conclu avec la société anonyme TEAM INTERIM, entreprise de travail temporaire, une convention intitulée « Contrat de Référencement VINCI d'Entreprises de Travail Temporaire » couvrant la période du 1er novembre 2011 au 31 décembre 2014, aux termes de laquelle la première s'obligeait à référencer et promouvoir la seconde auprès de ses 3.880 filiales et cette dernière s'engageait en échange à verser annuellement une prime de volume, ainsi que des allégements sur les chiffres d'affaires à réception des factures correspondantes.
Plusieurs factures émises au titre des primes de volume et allégements sur les chiffres d'affaires des années 2012, 2013 et 2014 étant restées impayées, la société VINCI a assigné en référé par acte du 6 juin 2016 la société TEAM INTERIM devant le Président du tribunal de commerce de NANTERRE, lequel par ordonnance du 29 juillet 2016 :
- l'a condamnée à verser à la société VINCI, à titre de provision, les sommes de :
* 114.694,98 euros TTC restant due sur la facture n° 8361 du 6 juin 2013,
* 18.236,29 euros TTC pour la facture n° 8362 du 6 juin 2013,
* 222.908,92 euros TTC pour la facture n° 10111 du 4 juin 2014,
* 150.287,74 euros TTC pour la facture n° 13592 du 27 juillet 2015
* 15.207,34 euros à parfaire correspondant aux pénalités de retard,
- a ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
- dit n'y avoir lieu à astreinte,
- dit que la société TEAM INTERIM pourra s'acquitter de sa dette en 24 échéances mensuelles égales payables le 1er de chaque mois et pour la première fois le 1er septembre 2016 mais que faute de paiement à bonne date d'une seule mensualité, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible,
- a condamné la société TEAM INTERIM à payer à la société VINCI la somme de 10.000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit que ce montant ne sera pas exigible si l'échéancier de paiement de la dette est respecté.
Par déclaration du 1er août 2016, la société TEAM INTERIM a interjeté appel de cette ordonnance devant la cour d'appel de VERSAILLES. Puis le 26 août 2016, cette même société a formé un second appel à l'encontre de ladite décision devant la cour d'appel de PARIS.
Par conclusions du 9 novembre 2016, la société TEAM INTERIM demande à la cour de :
- prononcer la nullité de la signification de l'ordonnance de référé du 26 juillet 2016 et déclarer que le délai d'appel n'a pas couru,
- déclarer que le délai d'appel était interrompu du fait de la saisine de la cour d'appel de VERSAILLES,
- déclarer qu'elle est recevable et bien fondée en son appel,
à titre principal
- prononcer la nullité de l'ordonnance rendue le 29 juillet 2016 par le tribunal de commerce de NANTERRE pour défaut de pouvoir juridictionnel,
- condamner la société VINCI à lui restituer les sommes perçues en exécution de cette ordonnance,
par voie de conséquence,
- constater l'existence de contestations sérieuses sur les demandes formées par la société VINCI, dont l'appréciation incombe au seul juge du fond,
- constater n'y avoir lieu à référé ou à tout le moins le rejet des prétentions de la société VINCI,
à titre subsidiaire
- accorder à l'appelante un délai ferme de 2 ans pour payer toute condamnation prononcée à son encontre,
- en tout état de cause, condamner la société VINCI à lui payer la somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.
La société VINCI, par conclusions du 24 novembre 2016 :
- à titre principal soulève l'irrecevabilité de l'appel formé par la société TEAM INTERIM en raison de :
* la tardiveté de l'appel formé le 26 août 2016 alors que l'ordonnance du 29 juillet 2016 a été signifiée le 8 août 2016,
* l'incompétence de la cour d'appel de PARIS pour connaître de l'appel d'une ordonnance rendue par le tribunal de commerce de NANTERRE et octroyant une provision,
* la saisine de la cour d'appel de VERSAILLES depuis le 1er août 2016 par un appel de l'ordonnance susmentionnée,
* la compétence de la cour d'appel de VERSAILLES pour juger de l'appel de ladite ordonnance, sans interruption du délai de recours,
- estime que le tribunal de commerce de NANTERRE était compétent pour rendre l'ordonnance en cause puisque
* il a tranché un litige entrant dans ses compétences,
* le juge des référés ne s'est pas prononcé sur un prétendu déséquilibre économique soulevé par la société TEAM INTERIM en considérant que l'appréciation de cette question échappait au pouvoir du juge des référés, et n'a pas eu à trancher un litige relatif à l'article L. 442-6 du code de commerce,
* la société TEAM INTERIM n'a pas invoqué l'incompétence du juge de NANTERRE du fait d'un prétendu déséquilibre du contrat,
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour se déclarerait compétente, réclame
* la confirmation de l'ordonnance querellée en ce qu'elle a condamné la société TEAM INTERIM à lui payer la somme globale de 506.127,93 euros TTC au titre des factures impayées, la somme de 15.207,34 euros pour les pénalités de retard de paiement, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* mais l'infirmation des autres mesures tenant à ce que la condamnation en vertu de l'article 700 du code de procédure civile est soumise à la condition du défaut de paiement d'une seule mensualité et à l'octroi d'un délai de paiement de 24 mois,
* en conséquence la condamnation à payer immédiatement et sans délai toutes les sommes restant dues,
* à défaut, la fixation pour l'échéancier de paiement de mesures propres à garantir le paiement de la dette et en conséquence,
* le prononcé de la déchéance du terme et l'exigibilité de toutes les sommes en cas de défaut de paiement d'une seule échéance
* l'obtention d'une garantie bancaire en sa faveur dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision ou à tout le moins d'une garantie personnelle de l'un des dirigeants ou de l'un des associés de la société TEAM INTERIM pour le paiement de l'intégralité de la dette et à défaut le prononcé de la caducité de l'échéancier et l'exigibilité immédiate des sommes dues,
- en tout état de cause, sollicite la condamnation de la société TEAM INTERIM à lui payer une indemnité de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel formé par la société TEAM INTERIM :
La société VINCI oppose un premier moyen d'irrecevabilité de l'appel interjeté le 26 août 2016 par la société TEAM INTERIM devant la cour d'appel de Paris, en ce qu'il a été formé hors le délai de l'article 538 du code de procédure civile, soit 15 jours après la signification du 8 août 2016 de l'ordonnance de référé en date du 29 juillet 2016, délai qui expirait donc au 23 août 2016. Elle conteste que ce délai de recours n'ait pas pu courir du fait d'une mention prétendument erronée sur les modalités de la voie de recours figurant sur l'acte de signification de l'ordonnance querellée, à savoir la mention que l'appel doit être porté devant la cour d'appel de VERSAILLES (au lieu de la cour d'appel de PARIS selon l'appelante), puisque sa demande portait sur le paiement d'une provision fondée sur l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile et que la société TEAM INTERIM n'invoquait pas le déséquilibre significatif du contrat de référencement au sens de L.442-6 du code de commerce comme un moyen permettant de soulever l'incompétence de la juridiction de NANTERRE mais comme un moyen de fond permettant au juge des référés, après avoir apprécié le sérieux de sa contestation, de constater que celle-ci échappait à son pouvoir. Elle fait valoir que l'acte de signification ne peut encourir la nullité puisque la règle de compétence territoriale a été appliquée et ne pouvait induire en erreur l'appelante qui avait déjà formé un premier appel le 1er août 2016 devant la cour d'appel de VERSAILLES. Enfin, elle estime que l'appelante ne peut se prévaloir de l'interruption du délai de recours en application des articles 2241 alinéa 2 et 2242 du code civil, dès lors que la cour d'appel de VERSAILLES n'est pas une juridiction incompétente pour trancher le présent litige.
La société TEAM INTERIM objecte, en premier lieu, que le délai de recours visé à l'article 538 du code de procédure civile n'a pas pu courir, en raison de la mention erronée figurant dans l'acte de signification de l'ordonnance du 29 juillet 2016 sur les modalités d'ouverture de cette voie de recours. A cet effet, elle explique que le litige qui a été soumis au juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre portait sur la validité de la convention de référencement du 17 novembre 2011 du fait d'un déséquilibre significatif sanctionné par l'article L. 442-6-1-2 du code de commerce. Elle rappelle que les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce prévoient que les litiges relatifs à l'application de l'article L 442-6 précité sont attribués à 8 juridictions spécifiques en 1ère instance et confèrent en appel une compétence exclusive à la cour d'appel de PARIS. Elle prétend ainsi que si la juridiction de NANTERRE n'est pas comprise dans les 8 tribunaux spécialisés visés par les textes sus-énoncés, la cour d'appel de PARIS est exclusivement compétente en appel, y compris lorsque la juridiction de 1ère instance est dépourvue du pouvoir de statuer. Elle estime ainsi que cette fausse information sur les modalités de la voie de recours entraîne la nullité de la signification. En second lieu, elle considère que la saisine injustifiée de la cour d'appel de VERSAILLES a eu pour effet d'interrompre conformément aux articles 2241 alinéa 2 et 2242 du code civil, le délai de recours jusqu'à l'extinction de l'instance.
Il ressort de l'examen de l'ordonnance rendue le 29 juillet 2016 par le juge des référés du tribunal de commerce de NANTERRE qu'à la demande en paiement d'une provision formée par la société VINCI, la société TEAM INTERIM a opposé l'existence d'une contestation sérieuse tirée d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce, dont l'appréciation incombe au seul juge du fond.
Contrairement aux allégations de l'intimée, lorsque le droit des pratiques restrictives de concurrence est invoqué comme moyen de défense, le juge territorialement compétent pour connaître de la demande en paiement principale doit d'office constater qu'il est dépourvu du pouvoir juridictionnel pour statuer sur cette défense, sans examiner le bien-fondé de cette défense.
Or pour l'application de l'article sus-mentionné, l'article D. 442-3 du code de commerce donne pouvoir juridictionnel exclusif en 1ère instance à huit juridictions et en appel à la seule cour d'appel de PARIS. En conséquence, la cour d'appel de PARIS, investie du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L 442-6 du code de commerce est seule compétente pour connaître de l'appel interjeté par la société TEAM INTERIM.
Aussi, à juste titre celle-ci fait valoir que le délai de recours pour former cet appel n'a pas pu courir, en raison de l'indication erronée portée sur l'acte de signification du 8 août 2016 de l'ordonnance querellée relative aux modalités d'ouverture de la voie de recours, en ce que le lieu où le recours devait être exercé était indiqué comme étant celui de la cour d'appel de VERSAILLES, au lieu de la cour d'appel de PARIS, de sorte que l'appel du 26 août 2016 est recevable.
Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrecevabilité du second appel de la société TEAM INTERIM opposé par la société VINCI est inopérant.
Sur la nullité de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre du 29 juillet 2016 :
La société TEAM INTERIM estime qu'en raison du défaut de pouvoir juridictionnel du juge du tribunal de commerce de NANTERRE (qui ne fait pas partie des 8 juridictions précitées visées en annexe 4-2-1 de l'article D. 442-3 du code de procédure civile), la nullité de la décision entreprise doit être ordonnée.
La société VINCI réplique d'une part, que la compétence du tribunal de commerce de NANTERRE ressort de la clause attributive de compétence insérée dans le contrat de référencement signé par les parties le 17 novembre 2011, d'autre part, que le juge des référés de NANTERRE ne pouvait relever d'office son incompétence, dès lors que la défenderesse n'avait pas elle-même soulevé une exception d'incompétence, enfin que ce juge était compétent pour trancher un litige visant une demande de provision en application de l'article 873 al 2 du code de procédure civile, au surplus, que l'article L. 442-6 du code de commerce n'avait été invoqué par la défenderesse que comme un moyen de défense au fond et non au soutien d'une demande reconventionnelle ou d'une exception d'incompétence.
Cependant, à raison du caractère d'ordre public de l'article D. 442-3 du code de commerce, la clause attributive de compétence contenue dans la convention des parties est inapplicable.
Le juge aurait dû soulever d'office la fin de non-recevoir d'ordre public tirée de l'évocation en défense de l'article L. 442-6 du code de commerce.
En statuant sur le caractère sérieux de la contestation fondée sur cet article, il a donc méconnu l'étendue de son pouvoir juridictionnel.
Il y a donc lieu d'annuler l'ordonnance entreprise.
Sur l'évocation de la contestation opposée par la société TEAM INTERIM :
Vu l'article 462 du code de procédure civile,
La société TEAM INTERIM s'oppose à la demande en paiement formée par la société VINCI en invoquant dans le contrat de référencement qui les unit un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce ; elle argue d'une dissymétrie des forces en présence illustrée par l'absence de négociation effective entre les parties et l'absence de réciprocité de nombreuses clauses, s'agissant tant de clauses générales que des facultés de résiliation unilatérale du contrat ou des rapports entre les parties quant à leur responsabilité, ce qui révèle un déséquilibre significatif dont l'appréciation échappe aux pouvoirs du juge des référés.
Elle déduit de ce qui précède l'existence de contestations sérieuses aux demandes de la société VINCI.
La société VINCI réplique que les conditions d'application de l'article 873 al 2 du code de procédure civile sont réunies, puisque sa créance est certaine, liquide et exigible. Elle soutient que le montant dû au titre des factures s'explique par simple application des dispositions contractuelles, et que les pénalités de retard sont justifiées.
Elle rétorque également que sa cocontractante ne saurait lui opposer les exceptions dont elle peut se prévaloir à l'encontre de ses filiales pour compenser sa dette à son égard, ce d'autant que les filiales en cause ont réglé les factures. Elle soutient que le contrat de référencement a été librement négocié et reconduit, que s'agissant d'un contrat commutatif, il n'existe aucune clause illustrant un déséquilibre significatif.
Il apparaît des pièces versées aux débats que la société TEAM INTERIM a accepté, par sa signature du 17 novembre 2011, le contrat de la société VINCI.
L'analyse de ses clauses, des pièces produites par la société VINCI pour apprécier une absence ou non de réelle négociation entre les parties au moment de la conclusion de la convention ressort des pouvoirs du seul juge du fond.
De même l'examen du grief tiré de l'absence de réciprocité dans les obligations et droits des parties relatifs à l'information en cas de procédure collective, à un droit de « perquisition », à l'obligation de produire une enquête de satisfaction annuelle, à la prise en charge d'une incapacité professionnelle, au pouvoir de modifier le périmètre des prestataires, à la faculté de résiliation unilatérale du contrat, aux violations des obligations relatives à la santé et sécurité au travail, à la lutte contre les fraudes et la corruption, à la responsabilité des deux parties vis à vis des membres de leur réseau, relève du fond du litige, en ce qu'il doit permettre de déterminer si ces clauses sont constitutives ou non d'un déséquilibre significatif.
L'argument opposé par la société VINCI du contrat commutatif nécessite également d'apprécier si l'avantage procuré par une partie à l'autre est l'équivalent du propre avantage concédé par celui qui le reçoit, ce qui relève aussi de l'examen du juge du fond, seul compétente pour déterminer l'existence ou non d'un déséquilibre financier.
Les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce n'empêchent pas une partie s'estimant victime de pratiques restrictives de concurrence d'invoquer la nullité de clauses ou du contrat lui-même, et les contrats contraires aux dispositions des articles L. 442-6 du code de commerce sont entachés d'une nullité absolue.
Dès lors, l'annulation du contrat sollicitée devant le juge du fond priverait de cause les primes dont la société VINCI demande le paiement, ce qui constitue une contestation sérieuse dont l'appréciation ne relève pas du juge des référés.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de paiement en référé de la société Vinci.
Aucune circonstance d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
DIT recevable l'appel formé le 26 août 2016 par la société TEAM INTERIM,
ANNULE l'ordonnance rendue le 29 juillet 2016 par le juge des référés du tribunal de commerce de NANTERRE,
Statuant en vertu du pouvoir d'évocation,
DIT n'y avoir lieu à statuer en la forme des référés, en présence d'une contestation sérieuse,
REJETTE la demande en paiement de provisions de la société Vinci,
CONDAMNE la société Vinci aux dépens.
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
Vincent BRÉANT Irène LUC
- 6169 - Code de commerce (L. 442-6-I-2° C. com. ancien) - Domaine de la protection - Victime : partenaire commercial
- 6241 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence d’attribution
- 6242 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence territoriale
- 6252 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Suppression de la clause (nullité)