CA RENNES (2e ch.), 3 mars 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6772
CA RENNES (2e ch.), 3 mars 2017 : RG n° 14/01219 ; arrêt n° 106
Publication : Jurica
Extrait : « La société Consumer fait également grief au jugement d'avoir retenu comme abusives les clauses figurant à l'article 9.2 du contrat prévoyant la suspension de la faculté d'utilisation du crédit dans les cas suivants : « 1. Non-paiement d'une somme à l'échéance au titre du présent crédit [...] 2. Etablissement de votre résidence à l'étranger, sans maintien d'une domiciliation bancaire sur le territoire français. 3. Survenance à tout moment au cours de l'exécution du présent contrat d'un cas de maintien de la période transitoire prévu à l'article 9.1, (soit) modification de votre situation influant sur votre capacité de remboursement notamment en cas de risque de surendettement [...] ».
S'il n'était pas interdit à la société Finaref, aux droits de laquelle se trouve la société Consumer, d'ajouter aux dispositions de l'offre type annexée à l'article R. 311-6 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, c'est à la condition que la clause n'aggrave pas la situation de l'emprunteur.
Or, comme l'a retenu à juste titre le premier juge, la clause prévoyant la suspension de la faculté d'utilisation du crédit en cas d'établissement de l'emprunteur à l'étranger est dépourvue de toute justification et aggrave la situation de celui-ci en ce qu'elle est de nature à restreindre sa liberté d'aller et de venir. Il s'ensuit qu'une telle clause, qui n'est pas liée à la défaillance dans le remboursement du crédit et aggrave incontestablement la situation de l'emprunteur, encourt la sanction de l'article L. 311-33 ancien.
C'est également à juste titre que le premier juge a retenu que, par son extrême généralité, la clause qui permet au prêteur de suspendre le contrat pour tout événement, même mineur, faisant douter de la solvabilité de l'emprunteur, autorise le créancier à suspendre le contrat de crédit à sa discrétion. Cette clause est ainsi de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, dans la mesure où elle laisse penser que l'établissement de crédit disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'existence de tout événement professionnel ou familial survenant dans la vie de l'emprunteur et imposer à son cocontractant la suspension du contrat. Il s'ensuit qu'une telle clause est illicite.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 3 MARS 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/01219. Arrêt n° 106.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président, rédacteur, Mme Isabelle LE POTIER, Conseiller, Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller.
GREFFIER : Madame Marlène ANGER, lors des débats et lors du prononcé.
DÉBATS : A l'audience publique du 2 février 2017, devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial.
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 3 mars 2017 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville], Représentée par Maître Sabine D.-I., avocat au barreau de SAINT-BRIEUC (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/00XX1634 du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉE :
SA CA CONSUMER FINANCE venant aux droits de FINAREF
prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité au siège, Représentée par Maitre Erwan L., avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 12 septembre 2007, la société Finaref, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société CA Consumer Finance (la société Consumer), a consenti à M. et Mme X. une ouverture de crédit utilisable par fractions d'un montant maximum de 6.000 euros, avec une fraction disponible de 4.000 euros, moyennant intérêts au taux de 20,15 % l'an pour un crédit utilisé inférieur ou égal à 1.524 euros et de 19,64 % l'an pour un crédit utilisé d'un montant supérieur.
Puis, selon offre du 21 mai 2008, la fraction disponible a été portée à 6.000 euros.
Prétendant que des incidents de paiement non régularisés sont intervenus à compter du mois de décembre 2010, la société Consumer s'est, par courrier du 18 novembre 2011, prévalue de la déchéance du terme.
Puis, par acte du 9 août 2012, elle a fait assigner M. et Mme X. en paiement devant le tribunal d'instance de Guingamp.
Par jugement du 6 décembre 2012, le tribunal, relevant d'office l'existence de clauses abusives dans le contrat et d'un dépassement du découvert autorisé, a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à se prononcer sur la déchéance du droit du prêteur aux intérêts contractuels.
Et, par une seconde décision du 30 janvier 2014, le premier juge a :
- pris acte du désistement de la société CA Consumer Finance à l'encontre de M. X.,
- prononcé la déchéance du droit du prêteur aux intérêts contractuels,
- condamné Mme Y. épouse X. à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 3.356,34 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2011,
- débouté Mme Y. de sa demande de dommages-intérêts,
- autorisé Mme Y. à se libérer de sa dette en 23 mensualités de 140 euros et le solde lors de la 24ème mensualité, le premier de ces règlements devant intervenir dans le mois suivant la signification du présent jugement,
- dit qu'à défaut par Mme Y. de respecter l'échéancier ainsi fixé, la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme Y. aux entiers dépens de la procédure,
- débouté la société CA Consumer Finance du surplus de ses prétentions.
Par déclaration du 14 février 2014, Mme Y. a relevé appel limité à la condamnation de la somme de 3.356,34 euros, et, par ses uniques conclusions du 29 avril 2014, elle demande à la cour, de :
- condamner la société CA Consumer Finance à lui rembourser la somme de 1.612,56 euros au titre du trop perçu avec intérêts au taux légal,
- condamner la même société à lui rembourser le montant des échéances d'un montant de 140 euros versées par elle depuis le jugement dont appel,
- condamner la même société à lui verser la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ses uniques conclusions du 12 juin 2014, la société CA Consumer Finance, formant appel incident, demande quant à elle à la cour de :
- condamner Mme Y. au paiement de la somme de 7.665,56 euros, avec intérêts au taux de 15,36 % l'an à compter du 16 novembre 2011,
- constater qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de délais de paiement de Mme Y.,
- si Mme Y. est autorisée à s'acquitter de sa dette par mensualités d'égal montant, dire qu'à la moindre défaillance le solde redeviendra immédiatement exigible,
- débouter Mme Y. de toutes ses autres demandes,
- condamner Mme Y. à lui payer une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur la déchéance du droit du prêteur aux intérêts :
Au soutien de son appel incident, la société Consumer fait grief au jugement d'avoir retenu que l'offre de crédit du 12 septembre 2007 portait sur une fraction autorisée de 400 euros, alors que cette fraction de crédit utilisable était de 4.000 euros, et que les dépassements n'ont été que de quelques jours et d'une durée bien inférieure à trois mois.
Elle ajoute de même que, s'agissant de l'offre-avenant du 21 mai 2008 portant la fraction autorisée à 6.000 euros, le montant n'a pu être dépassé que pour de très courtes durées inférieures à trois mois, et elle en déduit qu'il n'y avait pas lieu à régularisation d'une nouvelle offre et qu'aucun manquement ne peut lui être imputable.
Il apparaît effectivement que la fraction de crédit autorisé était selon l'offre du 12 septembre 2007 de 4.000 euros et non de 400 euros qui correspondait à la première utilisation voulue par l'emprunteur.
Il ressort d'autre part des extraits de compte du 14 octobre 2007 au 16 novembre 2011 produits par la société Consumer que les dépassements survenus le 14 mars 2008 ont été régularisés le 4 avril suivant.
Si, à la lecture de ces extraits, le montant de 6.000 euros autorisé par l'offre du 21 mai 2008 a été dépassé à plusieurs reprises à compter du mois d'avril 2009, il a toujours fait l'objet de régularisation dans un délai inférieur à trois mois, et ce n'est qu'à compter du 14 janvier 2011 que le compte a fonctionné en dépassement permanent du montant autorisé de 6.000 euros.
La société Consumer admet ne pas avoir saisi Mme Y. d'une offre préalable compte tenu de la persistance des impayés. Elle encourt par conséquent, pour ce motif, la déchéance du droit aux intérêts à compter du 14 avril 2011.
La société Consumer fait également grief au jugement d'avoir retenu comme abusives les clauses figurant à l'article 9.2 du contrat prévoyant la suspension de la faculté d'utilisation du crédit dans les cas suivants :
« 1. Non-paiement d'une somme à l'échéance au titre du présent crédit [...]
2. Etablissement de votre résidence à l'étranger, sans maintien d'une domiciliation bancaire sur le territoire français.
3. Survenance à tout moment au cours de l'exécution du présent contrat d'un cas de maintien de la période transitoire prévu à l'article 9.1, (soit) modification de votre situation influant sur votre capacité de remboursement notamment en cas de risque de surendettement [...] ».
S'il n'était pas interdit à la société Finaref, aux droits de laquelle se trouve la société Consumer, d'ajouter aux dispositions de l'offre type annexée à l'article R. 311-6 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, c'est à la condition que la clause n'aggrave pas la situation de l'emprunteur.
Or, comme l'a retenu à juste titre le premier juge, la clause prévoyant la suspension de la faculté d'utilisation du crédit en cas d'établissement de l'emprunteur à l'étranger est dépourvue de toute justification et aggrave la situation de celui-ci en ce qu'elle est de nature à restreindre sa liberté d'aller et de venir.
Il s'ensuit qu'une telle clause, qui n'est pas liée à la défaillance dans le remboursement du crédit et aggrave incontestablement la situation de l'emprunteur, encourt la sanction de l'article L. 311-33 ancien.
C'est également à juste titre que le premier juge a retenu que, par son extrême généralité, la clause qui permet au prêteur de suspendre le contrat pour tout événement, même mineur, faisant douter de la solvabilité de l'emprunteur, autorise le créancier à suspendre le contrat de crédit à sa discrétion.
Cette clause est ainsi de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, dans la mesure où elle laisse penser que l'établissement de crédit disposait d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'existence de tout événement professionnel ou familial survenant dans la vie de l'emprunteur et imposer à son cocontractant la suspension du contrat. Il s'ensuit qu'une telle clause est illicite.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur.
Sur le montant de la créance :
Compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts prévue par l'article L. 311-33 du code de la consommation applicable à la cause, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital restant dû, après déduction des intérêts.
Cette limitation de créance exclut, comme l'a rappelé à bon droit le premier juge, que l'emprunteur puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 311-30 ancien.
Par conséquent, c'est à juste titre que la décision entreprise a déduit de la somme de 7.665,56 euros, celle de 4.309,22 euros correspondant aux frais de crédit et diverses indemnités prélevés, selon extraits de compte produits par l'intimée, entre le 16 octobre 2007 et le 16 novembre 2011.
Mme Y. ne peut à cet égard être suivie dans son argumentation lorsqu'elle soutient qu'il résulterait du compte fourni par le prêteur un trop perçu en sa faveur de 1.612,56 euros dont elle demande le remboursement.
En effet, dans les règlements qu'elle invoque à hauteur de 6.439,56 euros, elle inclue les cotisations d'assurance.
Or, Mme Y., qui a relevé appel limité au montant de sa condamnation, ne conteste pas les dispositions du jugement l'ayant déboutée de sa demande de déduction des cotisations d'assurance, qui sont au demeurant dues en vertu d'un contrat distinct du contrat de prêt et dont l'exigibilité n'est pas affectée par la sanction de la déchéance du droit aux intérêts.
Par ailleurs, elle omet d'inclure dans le montant des sommes empruntées, les achats sur « opération spéciale Finaref » du 9 janvier 2008 pour un montant de 2.405 euros, ainsi qu'il résulte de l'extrait de compte produit par la société Consumer.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme Y. à payer à la société Consumer la somme de 3.356,34 euros.
Sur la demande de délais de paiement :
La société Consumer s'en rapporte à justice sur cette demande, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement également sur ce point selon les modalités arrêtées par le premier juge.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les parties qui succombent l'une et l'autre partiellement en leurs moyens et prétentions, conserveront la charge de leurs propres dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas non plus matière à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement rendu le 30 janvier 2014 par le tribunal d'instance de Guingamp en toutes ses dispositions, à l'exception de celles concernant les dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;
Déboute les parties de toutes autres demandes.
Le Greffier, Le Président,
- 6005 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Rédaction claire et compréhensible (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Clause générales
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