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CA DIJON (2e ch. civ.), 11 mai 2017

Nature : Décision
Titre : CA DIJON (2e ch. civ.), 11 mai 2017
Pays : France
Juridiction : Dijon (CA), 2e ch. civ.
Demande : 14/01787
Date : 11/05/2017
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 7/10/2014
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2017-009396
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6852

CA DIJON (2e ch. civ.), 11 mai 2017 : RG n° 14/01787 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Mais attendu que le contrat litigieux portait sur une installation de télésurveillance destinée à sécuriser un atelier dans lequel étaient entreposés des machines et du matériel utilisés pour débarder le bois, de sorte que l'installation de vidéo surveillance avait un lien direct avec l'activité agricole de l'entreprise X. Père et Fils au sens de l'article L. 121-22 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date de souscription du contrat, puisqu'elle avait pour finalité d'assurer la protection des biens nécessaires à l'exercice de cette activité ; Que c'est donc à tort que les premiers juges ont considéré que la télésurveillance commandée ne pouvait avoir une quelconque influence sur l'activité de Monsieur X. et que celui-ci pouvait valablement exercer la faculté de rétractation prévue par le code de la consommation, et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a constaté l'annulation du contrat litigieux et déclaré la société ASTP irrecevables en ses demandes ».

2/ « Attendu qu'il a été mis fin au contrat litigieux unilatéralement par Monsieur X. qui en apposant sa signature sur ce contrat a reconnu avoir reçu du prestataire une information complète sur la configuration du matériel nécessaire à l'équipement des locaux objets de la prestation de télésurveillance et qui n'apporte pas la preuve que le matériel de télésurveillance commandé ne peut fonctionner en l'absence de ligne téléphonique dans le hangar, alors qu'il avait commandé une centrale GSM qui a vocation à remplacer une telle ligne, et en raison de la vétusté des locaux ».

 

COUR D’APPEL DE DIJON

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 MAI 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/01787. Décision déférée à la Cour : au fond du 4 septembre 2014, rendue par le tribunal de commerce de Dijon - R.G. : 2013005169.

 

APPELANTE :

SASU ASTP

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège sis : Représentée par Maître Karine S., avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 103

 

INTIMÉE :

Monsieur X. exerçant sous l'enseigne X. Père et fils

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège sis : Représentée par Maître Florent S., de la SCP S.-R., avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 mars 2017 en audience publique devant la cour composée de : Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, président, Michel WACHTER, Conseiller, Sophie DUMURGIER, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du président, qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Elisabeth GUÉDON,

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 11 mai 2017

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Elisabeth GUÉDON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 13 décembre 2012, les Etablissements X. Père et Fils ont souscrit auprès de la société ASTP un contrat d'abonnement de télésurveillance d'une durée de 60 mois avec option de prestation sécuritaire, moyennant un loyer mensuel de 90 euros HT et des frais d'adhésion de 450 euros HT, pour leur atelier situé à Mignavillers.

Par courrier recommandé du 15 décembre 2012, Monsieur X. a fait part à sa cocontractante de sa volonté d'annuler le contrat d'abonnement au motif que le bâtiment n'était pas équipé en ligne téléphonique et qu'il ne voulait prendre aucun engagement.

Par lettre recommandée du 18 décembre 2012, la société ASTP a demandé à son cocontractant de lui communiquer une date d'installation, ou, à défaut, de lui payer la somme de 2.260,44 euros correspondant à 35 % du montant des loyers en application de l'article 10 du contrat.

Par lettre recommandée du 11 mars 2013, elle a de nouveau demandé à l'entreprise X. Père et Fils de lui communiquer une date d'installation ou de lui régler la somme de 2.260,44 euros.

En l'absence de réponse de sa co-contractante, la société ASTP a fait citer Monsieur X., exerçant sous l'enseigne commerciale X. Père et Fils, devant le tribunal de commerce de Dijon, par acte d'huissier du 11 avril 2013, afin de voir :

- constater, au vu des articles 1134 du code civil et 10 du contrat souscrit le 13 décembre 2012, la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Monsieur X.,

- condamner en conséquence ce dernier à lui payer :

* la somme de 2.260,44 euros à titre d'indemnité de résiliation contractuelle,

* et celle de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur X. s'est opposé aux demandes en paiement en sollicitant du Tribunal qu'il constate la résiliation du contrat d'abonnement de télésurveillance aux torts exclusifs de la requérante en raison du manquement de cette dernière à son devoir de conseil et en lui reprochant de ne pas avoir agi de bonne foi lors de l'établissement du contrat.

En tant que de besoin, il a demandé à la juridiction saisie de confirmer la résiliation du contrat notifiée le 18 décembre 2012, et, en tout état de cause, il a sollicité l'allocation d'une somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts et d'une indemnité de procédure de 300 euros.

 

Par jugement du 4 septembre 2014, le Tribunal de commerce de Dijon a :

- dit que Monsieur X. pouvait se prévaloir des dispositions du code de la consommation et dénoncer le contrat dès lors qu'il n'existait aucun rapport direct entre les activités exercées dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise X. et la prestation objet du litige,

- dit que la lettre de dénonciation du contrat a bien été envoyée par lettre recommandée dans le délai de 7 jours et que le contrat se trouve annulé,

En conséquence,

- dit la société ASTP irrecevable en ses demandes,

- condamné la société ASTP à payer à Monsieur X, exerçant sous l'enseigne commerciale X. Père et Fils, la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société ASTP à payer à Monsieur X, exerçant sous l'enseigne commerciale X. Père et Fils, la somme de 300 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en a déboutées,

- condamné la société ASTP en tous les dépens de l'instance.

Le Tribunal, relevant que l'entreprise X. Père et Fils est une entreprise personnelle ayant pour activité le débardage de bois et les travaux de coupe en forêt et que le contrat d'abonnement de télésurveillance concerne l'installation d'un équipement de télésurveillance dans une grange, a retenu qu'il n'y avait aucun rapport direct entre l'activité développée par le cocontractant de la société ASTP et la prestation objet du litige qui ne pouvait avoir aucune influence sur l'activité de l'entreprise X. Père et Fils.

Il a estimé en conséquence que le contrat était soumis aux dispositions des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation et que Monsieur X. était fondé à se prévaloir de la faculté de rétractation prévue par l'article L. 121-25.

La société ASTP a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 7 octobre 2014.

 

Par conclusions signifiées le 30 avril 2015, l'appelante demande à la Cour, au vu des articles 1134 du code civil et 10 du contrat du 13 octobre 2012, de :

- réformer purement et simplement le jugement du Tribunal de commerce de Dijon du 4 septembre 2014,

- dire que les dispositions du code de la consommation n'ont pas vocation à s'appliquer au contrat souscrit par Monsieur X.,

- constater la résiliation du contrat d'abonnement de télésurveillance aux torts exclusifs de Monsieur X.,

En conséquence,

- le condamner à lui verser les sommes de :

* 2.260,44 euros TTC à titre d'indemnité de résiliation contractuelle,

* la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers dépens.

 

Par conclusions notifiées le 2 mars 2015, Monsieur X., exerçant sous l'enseigne X. Père et Fils, demande à la Cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- débouter la société ASTP de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société ASTP à lui payer la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ASTP aux entiers dépens.

 

La clôture de la procédure a été prononcée le 22 novembre 2016.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions susvisées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Attendu que la société ASTP fait grief aux premiers juges d'avoir considéré que les dispositions du code de la consommation ont vocation à s'appliquer au contrat souscrit par l'intimé alors que l'article L. 121-22 de ce code exclut expressément de leur champ d'application « les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession » et que le contrat litigieux vise à protéger les locaux professionnels de Monsieur X., ayant ainsi un lien direct avec son activité professionnelle ;

Qu'elle souligne que la loi Hamon est venue restreindre la définition du consommateur lequel est désormais défini comme toute personne physique agissant à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ;

Attendu que l'intimé objecte qu'il a valablement exercé la faculté de rétractation ouverte par l'article L. 121-25 du code de la consommation, faisant valoir que le contrat n'est pas exclu du champ d'application des dispositions sur le démarchage à domicile car il n'a pas de rapport direct avec l'activité de l'entreprise ;

Qu'il relève que l'appelante se garde bien d'expliquer en quoi ses prestations, au demeurant inexistantes, pourraient avoir la moindre valeur ajoutée dans le processus de débardage du bois, de travaux de coupe en forêt et même de la commercialisation des produits ;

Mais attendu que le contrat litigieux portait sur une installation de télésurveillance destinée à sécuriser un atelier dans lequel étaient entreposés des machines et du matériel utilisés pour débarder le bois, de sorte que l'installation de vidéo surveillance avait un lien direct avec l'activité agricole de l'entreprise X. Père et Fils au sens de l'article L. 121-22 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date de souscription du contrat, puisqu'elle avait pour finalité d'assurer la protection des biens nécessaires à l'exercice de cette activité ;

Que c'est donc à tort que les premiers juges ont considéré que la télésurveillance commandée ne pouvait avoir une quelconque influence sur l'activité de Monsieur X. et que celui-ci pouvait valablement exercer la faculté de rétractation prévue par le code de la consommation, et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a constaté l'annulation du contrat litigieux et déclaré la société ASTP irrecevables en ses demandes ;

Attendu, qu'à titre subsidiaire, Monsieur X. excipe de la nullité du contrat motif pris de la violation par la société ASTP de l'article 1 du contrat qui prévoit que le client a été conseillé sur l'ensemble des moyens de détection et de télésurveillance nécessaires à la protection des locaux, ainsi que sur la configuration du matériel nécessaire à l'équipement des locaux, faisant valoir que le hangar à surveiller est en état de vétusté avancé, qu'il ne dispose d'aucune ligne téléphonique pourtant nécessaire au fonctionnement du matériel de télésurveillance et qu'il n'y a aucune possibilité d'y installer une alarme ;

Qu'il précise que le hangar destiné à être protégé a des portes et fenêtres en si mauvais état qu'un système d'alarme apparaît totalement inutile et qu'il se déclencherait au passage du moindre animal, qu'aucun bien de valeur n'y est entreposé et que des travaux importants, chiffrés à 12.197,95 euros HT, seraient nécessaires pour le rendre suffisamment clos ;

Attendu que l'appelante conteste ne pas avoir respecté son obligation contractuelle d'information en soutenant que le contrat souscrit par Monsieur X. prévoyait expressément la commande et l'installation d'une centrale GSM en première page, laquelle a vocation à remplacer la ligne téléphonique quand celle-ci n'existe pas, sans surcoût de communication ;

Qu'elle précise qu'elle télésurveille plusieurs scieries et que, bien souvent, le matériel est entreposé dans des locaux vétustes, comme c'est le cas du hangar de l'intimé, la surveillance se rapportant uniquement au matériel ;

Qu'elle fonde sa demande en paiement sur l'article 10 du contrat prévoyant le versement d'une indemnité contractuelle en cas de résiliation du contrat avant l'installation, laquelle n'est pas assimilable à une clause pénale et n'est donc pas soumise à modération ;

 

Attendu qu'il a été mis fin au contrat litigieux unilatéralement par Monsieur X. qui en apposant sa signature sur ce contrat a reconnu avoir reçu du prestataire une information complète sur la configuration du matériel nécessaire à l'équipement des locaux objets de la prestation de télésurveillance et qui n'apporte pas la preuve que le matériel de télésurveillance commandé ne peut fonctionner en l'absence de ligne téléphonique dans le hangar, alors qu'il avait commandé une centrale GSM qui a vocation à remplacer une telle ligne, et en raison de la vétusté des locaux ;

Que la résiliation du contrat à l'initiative de l'abonné, avant l'installation du matériel de télésurveillance, ouvre droit au profit de la société ASTP au paiement d'une indemnité correspondant à 35 % des loyers qui lui auraient été dus en cas d'exécution du contrat, en application de l'article 10 de celui-ci ;

Qu'infirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Monsieur X. sera ainsi condamné au paiement de la somme de 2.260,44 euros TTC (107,64 euros TTC x 60 x 35 %) ;

Attendu que l'intimé qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d'appel ;

Qu'en revanche, l'équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Déclare la SASU ASTP recevable et fondée en son appel,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 septembre 2014 par le tribunal de commerce de Dijon,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le contrat d'abonnement de télésurveillance souscrit le 13 décembre 2012 auprès de la SARL ASTP a été résilié à l'initiative de Monsieur X., exerçant sous l'enseigne X. Père et Fils,

En conséquence, condamne Monsieur X., exerçant sous l'enseigne X. Père et Fils, à payer à la SASU ASTP la somme de 2.260,44 euros TTC à titre d'indemnité de résiliation,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur X. aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,                           Le Président,