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CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 18 mai 2017

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 18 mai 2017
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 15/07775
Date : 18/05/2017
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/04/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6854

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 18 mai 2017 : RG n° 15/07775 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que l'argumentation de M. X. tendant à la nullité de l'accord conclu avec la société ERDF à la suite de la découverte d'un branchement illégalement installé sur son réseau de distribution électrique afin d'alimenter le logement qu'il occupe et par lequel il s'engage à régler la somme de 3.295,71 euros, ne saurait être accueillie ; Qu'en effet, l'appelant ne démontre pas en quoi la reconnaissance de dette correspondant aux conséquences de la consommation frauduleuse d'électricité au préjudice de l'intimée, caractériserait la situation prévue par les disposition des articles L. 132-1 du code de commerce - outre que ce texte n'a pas vocation à s'appliquer puisque M. X. n'est manifestement pas un partenaire commercial d'ERDF - et L. 442-6-1-2° du code de la consommation [N.B. les textes ont manifestement été intervertis et mal référencés] , c'est-à-dire l'hypothèse où une partie à un contrat crée ou tente de créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des cocontractants au moyen notamment de clauses abusives ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 18 MAI 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/07775 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 février 2015 - Tribunal d'Instance d'ÉVRY - RG n° 11-14-001362.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], Représenté et assistée de Maître Claire DI C., avocat au barreau de PARIS, toque : C1738 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

 

INTIMÉE :

SA ERDF - ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, N° SIRET : XXX, Représentée par Maître Christophe P. de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, Assistée de Maître Maeva N., avocat au barreau de Paris, toque : K49

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 mars 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Patricia GRASSO, Conseillère faisant fonction de Présidente, Mme Françoise JEANJAQUET, Conseillère, Mme Marie MONGIN, Conseillère, qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :- CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRASSO, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE - ERDF (ci-après ERDF) a détecté, le 25 mars 2013, par l'intermédiaire de l'un de ses agents assermentés, une consommation d'électricité sur le comptage réputé inactif des locaux sis [adresse] et ce en dehors de toute souscription de contrat auprès d'un fournisseur d'énergie.

Un procès-verbal consignant ses constatations a été dressé le même jour par l'agent assermenté et adressé par courrier recommandé avec accusé de réception au procureur de la République. Il ressort de ce procès-verbal de constat que l'alimentation a été rétablie frauduleusement au moyen de « bouts de fils de cuivre en guise de fusible ».

La société ERDF a reçu confirmation de la part des fournisseurs d'électricité, de ce qu'aucun contrat de fourniture d'électricité n'avait été souscrit depuis la résiliation du contrat de M. X. à effet du 20 mars 2012 et la coupure d'alimentation réalisée par la société ERDF à cette date.

Par un courrier en date du 27 mars 2013, la société ERDF a avisé M. X. de la mise en œuvre d'une procédure de redressement correspondant à la soustraction d'électricité pour la période suscitée et communiqué une valorisation des consommations à hauteur de 22.472 kWh pour un montant de 3.295,71 euros TTC, conformément aux Dispositions Financières et Régulatoires fixées par la Commission de Régulation de l'Énergie.

Ce dernier a accepté la proposition de facturation ainsi qu'un échéancier de règlement en 6 mensualités. La première mensualité a été réglée mais pas les suivantes.

M. X. a été mis en demeure, par deux courriers recommandés avec accusé de réception en date des 13 juin et 3 juillet 2013, d'avoir à verser à la société ERDF la somme de 3.000 euros, correspondant au solde de la facture n° 660202701.

Un second paiement est intervenu au mois d'octobre 2013, pour un montant de 100 euros.

Le 8 novembre 2013, M. X. a régularisé sa consommation par la souscription d'un contrat de fourniture d'électricité auprès d'un fournisseur du marché.

Par acte d'huissier en date du 31 juillet 2014, la société ERDF a attrait M. X. devant le Tribunal d'instance d'EVRY aux fins de solliciter la condamnation de ce dernier au règlement de sa consommation sans fournisseur et frauduleuse évaluée à 2.900 euros en vertu du solde de la facture n° 660202701 du 5 avril 2013, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 juin 2013, outre le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement réputé contradictoire assorti de l'exécution provisoire prononcé par le tribunal d'instance d'EVRY le 10 février 2015, M. X. a été condamné à verser à la société ERDF les sommes de 2.900 euros au titre de la facture n° 660202701 du 5 avril 2013, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure reçue le 5 juillet 2013, de 200 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de pertes non techniques, de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Le tribunal a estimé, d'une part, qu'en rétablissant la fourniture d'électricité de son logement sans avoir souscrit de contrat de fourniture d'énergie, M. X. avait commis une soustraction d'énergie au préjudice de la société ERDF, la réalité des consommations étant établie par les relevés d'index, d'autre part, que l'acceptation du bordereau de consommation et le début d'exécution volontaire de paiement par M. X. valait reconnaissance de dette.

Par déclaration du 9 avril 2015, M. X. a interjeté appel de ladite décision.

Dans ses conclusions notifiées le 20 mai 2015, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement rendu, de le décharger des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires, de dire l'accord nul et non avenu.

A titre subsidiaire, il demande à la cour de dire que le paiement de la somme de 1.252,14 euros qu'il estime devoir, pourra être réglé au moyen de 12 mensualités différées, la première mensualité devant être honorée un an après la date de l'arrêt rendu par la cour d'appel, net d'intérêts légaux, ou en totalité dès le versement d'aides à cette fin, avec maintien de l'approvisionnement durant toute cette période.

En tout état de cause, il demande la condamnation de son adversaire au paiement des dépens.

A l'appui de son appel, il fait valoir, d'une part, qu'ERDF aurait dû l'informer des aides tarifaires dont il disposait en l'absence de revenus, que cette société a usé de sa position dominante en vue de l'accord léonin unilatéralement produit. Il soutient en effet que l'accord est abusif, que le déséquilibre est significatif.

D'autre part, concernant le montant, il demande à ce que le montant d'origine soit réduit en fonction des paiements déjà effectués.

La société ERDF, dans ses conclusions notifiées le 17 juillet 2015,demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'appelant à lui payer la somme de 2.900 euros et de l'infirmer pour le surplus en condamnant M. X. à lui régler la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct de perte non technique subi, 600 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct de résistance abusive et injustifiée au paiement subi, 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, elle fait tout d'abord valoir que l'appelant a bénéficié d'une alimentation en électricité à titre gratuit, que la soustraction d'énergie ne fait aucun doute, qu'il en est de même pour son préjudice.

Ensuite, elle invoque son préjudice de contrôle et de traitement des pertes non techniques correspondant à l'énergie effectivement consommée mais non attribuable à un client final. Elle soutient qu'elle doit mettre en œuvre des procédures de contrôle, qu'elle a avancé le prix d'achat de l'énergie consommée en dehors de tout contrat. Elle ajoute avoir subi un préjudice également du fait de la résistance abusive de l'appelant au paiement.

Enfin, elle soutient n'avoir commis aucun manquement puisqu'elle n'est débitrice d'aucune obligation d'information et de conseil et n'avait pas connaissance de la situation financière de l'appelant. Elle ajoute que celui-ci ne démontre pas le déséquilibre significatif de l'accord ni son préjudice. Elle précise, en outre, que l'appelant ne peut bénéficier de l'abattement de sa dette en application du tarif de première nécessité en dehors de tout contrat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2017.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Considérant que l'argumentation de M. X. tendant à la nullité de l'accord conclu avec la société ERDF à la suite de la découverte d'un branchement illégalement installé sur son réseau de distribution électrique afin d'alimenter le logement qu'il occupe et par lequel il s'engage à régler la somme de 3.295,71 euros, ne saurait être accueillie ;

Qu'en effet, l'appelant ne démontre pas en quoi la reconnaissance de dette correspondant aux conséquences de la consommation frauduleuse d'électricité au préjudice de l'intimée, caractériserait la situation prévue par les disposition des articles L. 132-1 du code de commerce - outre que ce texte n'a pas vocation à s'appliquer puisque M. X. n'est manifestement pas un partenaire commercial d'ERDF - et L. 442-6-1-2° du code de la consommation [N.B. les textes ont manifestement été intervertis et mal référencés] , c'est-à-dire l'hypothèse où une partie à un contrat crée ou tente de créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des cocontractants au moyen notamment de clauses abusives ;

Qu'en outre, il ne saurait utilement se plaindre d'un manquement d'ERDF à son obligation de conseil puisqu'il n'allègue pas avoir pris contact avec cette société pour obtenir une fourniture d'électricité à un prix réduit en raison de ses faibles ressources ;

Considérant que l'appelant ne conteste pas la réalité des faits qui sont à l'origine de cette reconnaissance de dette ni le calcul de la consommation d'électricité qu'il a détourné ;

Que, s'il conteste l'évaluation qui a été faite du prix de cette électricité en arguant qu'aurait dû être appliquée la tarification spéciale de l'électricité « produit de première nécessité » mise en place par le décret du 8 avril 2004 modifié par les décrets des 6 mars 2012 et 15 novembre 2013, cette contestation n'est pas pertinente dès lors que cette tarification nécessite la souscription d'un contrat et ne saurait être applicable au détournement frauduleux mis en œuvre par l'appelant ;

Considérant, en conséquence, que l'appelant est bien redevable de la somme de 3.295,71 euros qu'il s'est engagé à verser à ERDF en dédommagement de son préjudice ;

Que les parties conviennent que deux versements ont été effectués, l'un de 295,71 euros, l'autre de 100 euros, de sorte que le jugement entrepris qui a condamné M. X. à verser la somme de 2.900 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure reçue le 5 juillet 2013, sera confirmé ;

Qu'en revanche, dès lors que le décompte d'ERDF comprenait déjà la prise en compte de divers frais, notamment des « frais de dossier » pour un montant de 369,34 euros, et que la société intimée reconnaissait que la somme de 3.295,71 euros représentait le préjudice qu'elle avait subi du fait de cette alimentation en électricité du logement de M. X., le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué à ERDF une somme supplémentaire de 200 euros à titre de dommages-intérêts, et l'intimée sera déboutée de sa demande supplémentaire de dommages-intérêts pour le « préjudice distinct de perte non technique subi » ;

Qu'elle le sera également de sa demande tendant à la réparation du « préjudice résultant de la résistance abusive et injustifiée au paiement de sa dette », dès lors qu'aucune mauvaise foi n'est démontrée sur ce point et qu'aux termes de l'article 1153 du Code civil, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation qui se borne au paiement d'une somme d'argent, ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal ;

Considérant, quant au délai de deux ans sollicité par M. X. pour s'acquitter de sa dette, que, comme le soutient la société ERDF, cette dette est ancienne puisque la reconnaissance de dette est déjà vieille de plus quatre ans ; que ce délai, malgré les difficultés que rencontre M. X., a dû pouvoir être mis à profit par lui pour saisir les services sociaux afin d'obtenir aide et assistance dans la gestion de sa vie courante et de ses relations avec les divers prestataires de services ;

Qu'il lui sera, considération prise de ces éléments comme de sa situation financière et sociale et des besoins du créancier, accordé un échelonnement du paiement de sa dette sur dix mois dans les conditions précisées dans le dispositif, qu'il sera également décidé qu'à défaut de paiement d'une mensualité, l'intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible ; qu'en revanche, il ne sera pas fait droit à la demande de l'appelant tendant à être déchargé du paiement des intérêts au taux légal ;

Qu'il ne saurait non plus être fait droit à sa demande tendant au maintien de la fourniture d'énergie de son logement, dès lors que la société ERDF est étrangère au contrat qu'il a souscrit avec un fournisseur d'électricité et, qu'en outre, cette demande est dépourvue de tout fondement juridique ;

Considérant que la situation économique des parties conduit à ne pas faire droit à la demande de l'intimée fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

Que monsieur X. sera condamné aux dépens d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

- Confirme le jugement rendu par le tribunal d'instance de d'Evry le 10 février 2015 sauf en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la société ERDF la somme de 200 euros de « dommages-intérêts au titre des pertes non techniques » ;

Statuant à nouveau,

- Déboute la société ERDF de sa demande de dommages-intérêts en réparation du « préjudice distinct de perte non technique subi »,

Y ajoutant,

- Dit que M. X. pourra s'acquitter de sa dette en dix (10) mensualités, les neuf premières d'un montant de 300 euros et la dixième du solde, chaque mensualité devant être versée avant le 10 de chaque mois, la première avant le 10 du mois suivant la signification de la présente décision,

- Dit qu'à défaut de règlement d'une seule mensualité à son échéance, l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible,

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamne M. X. aux dépens d'appel.

Le greffier                 Le conseiller faisant fonction de président