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CA BESANÇON (1re ch. civ.), 17 mai 2017

Nature : Décision
Titre : CA BESANÇON (1re ch. civ.), 17 mai 2017
Pays : France
Juridiction : Besancon (CA), 1re ch. civ.
Demande : 16/01801
Date : 17/05/2017
Nature de la décision : Annulation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/08/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6886

CA BESANÇON (1re ch. civ.), 17 mai 2017 : RG n° 16/01801

Publication : Jurica

 

Extrait : « En application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui- même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. En l'espèce, dès lors qu'il ressort de la note de l'audience du 2 novembre 2015 que le moyen tiré du caractère abusif des clauses IV-3 et IV-9 du contrat de prêt du 12 avril 2013 n'a pas été soulevé par le tribunal d'instance avant la clôture des débats interdisant de ce fait à la banque de présenter ses observations, la nullité du jugement entrepris sera prononcée.

Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1 par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat. Si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Civ.1re, 3 juin 2015, pourvoi n° 14-15655). […]

L'article IV-9 du contrat de prêt prévoit une résiliation du contrat quinze jours après une mise en demeure faite par lettre recommandée avec avis de réception, notamment en cas de défaut de paiement des sommes exigibles, qui apparaît régulière et ne crée pas de déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du non-professionnel ou du consommateur. »

 

COUR D’APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 17 MAI 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/01801. Audience publique du 12 avril 2017. Sur appel d'une décision du Tribunal d'Instance de PONTARLIER, en date du 18 décembre 2015 [R.G. n° 11-15-0250]. Code affaire : 53B Prêt - Demande en remboursement du prêt.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE :

SA BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ

dont le siège est [adresse], Représentée par Maître Sébastien B., de la SCP T. M.-B. G. D. M., avocat au barreau de BESANCON

 

ET :

INTIMÉS :

Madame X. épouse Y.

demeurant [adresse]

Monsieur Y.

demeurant [adresse], n'ayant pas constitués avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :

MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame H. BITTARD, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.

GREFFIER : Madame C. MOUGET, F.F Greffier.

Lors du délibéré : Madame H. BITTARD, Conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats : Monsieur E. MAZARIN, Président et Madame B. UGUEN LAITHIER, Conseiller.

L'affaire, plaidée à l'audience du 12 avril 2017 a été mise en délibéré au 17 mai 2017. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, procédure et moyens des parties :

Suivant offre acceptée le 12 avril 2013, la SA Banque populaire Bourgogne Franche-Comté (la Banque) a consenti à M. Y. et à Mme X., son épouse (les époux Y.) un prêt portant sur la somme de 11.000 euros, remboursable en 60 mensualités, au taux débiteur fixe annuel de 9,90 %.

Par actes d'huissier des 28 septembre et 12 octobre 2015, la Banque a fait assigner les époux Y. en paiement de diverses sommes au titre du prêt devant le tribunal d'instance de Pontarlier qui, par jugement contradictoire rendu le 18 décembre 2015, a :

- déclaré abusives, irrégulières et de nul effet, ensemble les clauses IV-3 et IV-9 stipulées dans l'offre en date du 12 avril 2013,

- décidé en conséquence que la déchéance du terme n'est jamais intervenue et que le contrat de prêt n'est pas résilié,

- condamné conjointement les époux Y. à payer à la Banque la somme de 1.740 euros correspondant au montant des échéances impayées,

- débouté la Banque du surplus de ses prétentions,

- condamné in solidum les époux Y. aux dépens.

 

Par déclaration en date du 30 août 2016, la Banque a régulièrement interjeté appel total de ce jugement et, par dernières conclusions transmises le 4 octobre 2016, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien-fondée en son appel,

- dire nul et de nul effet le jugement rendu par le tribunal d'instance de Pontarlier le 18 décembre 2015, en tout état de cause, l'infirmer,

- juger que les clauses IV-3 et IV-9 du contrat sont parfaitement licites,

- dire qu'elle a valablement prononcé la déchéance du terme et, à tout le moins, que cette dernière est acquise à la date de l'assignation, le courrier recommandé en date du 9 septembre 2009 valant mise en demeure préalable,

- à titre subsidiaire, prononcer la résolution judiciaire du contrat de crédit pour faute des époux Y. dans son exécution,

- en conséquence, condamner solidairement les époux Y. à lui payer pour solde de crédit la somme de 10.823,02 euros en principal, augmentée des intérêts au taux de 9,90 % à compter de la mise en demeure du 9 septembre 2015,

- débouter les époux Y. de toutes leurs demandes contraires et les condamner in solidum au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître G., avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Les époux n'ont pas constitué avocat. L'acte d'appel et les conclusions de l'appelante transmises par RPVA le 4 octobre 2016 leur ayant été signifiés le 30 septembre 2016 à domicile pour Mme Y., et selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile pour M. Y., le présent arrêt sera rendu par défaut en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

 

Pour l'exposé complet des moyens de la Banque Populaire, la cour d'appel se réfère à ses écritures ci-dessus visées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la Cour :

En application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui- même le principe de la contradiction.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

En l'espèce, dès lors qu'il ressort de la note de l'audience du 2 novembre 2015 que le moyen tiré du caractère abusif des clauses IV-3 et IV-9 du contrat de prêt du 12 avril 2013 n'a pas été soulevé par le tribunal d'instance avant la clôture des débats interdisant de ce fait à la banque de présenter ses observations, la nullité du jugement entrepris sera prononcée.

Selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu l'article L. 212-1 par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat.

Si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Civ.1re, 3 juin 2015, pourvoi n° 14-15655).

L'article IV-3 du contrat litigieux est libellé comme suit :

« En cas de défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés.

Jusqu'à la date du règlement effectif les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité égale à 8 % du capital restant dû.

Si le prêteur n'exige pas le remboursement du capital restant dû, il pourra exiger, outre le paiement des échéances échues impayées, une indemnité égale à 8 % desdites échéances.

Cependant, dans le cas où il accepterait des reports d'échéances à venir, le taux de l'indemnité serait ramené à 4 % des échéances reportées.

Les indemnités ci-dessus peuvent être soumises, le cas échéant, au pouvoir d'appréciation du Tribunal.

Aucune autre somme que celles mentionnées dans les deux cas ci-dessus ne pourra vous être réclamée par le prêteur, à l’exception cependant, en cas de défaillance, des frais taxables entraînés par cette défaillance ».

L'article IV-9 du même contrat est rédigé comme suit :

« Le crédit sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles, sans qu'il soit besoin d 'autre formalité qu’une simple notification préalable faite à l’emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception dans l'un ou l 'autre des cas suivants :

défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts et accessoires, quinze jours après mise en demeure par lettre recommandée, liquidation judiciaire de l'emprunteur ou de la caution sauf poursuite de l'activité telle que prévue à l’article L. 643-1 du code de commerce, jugement prononçant la cession à son encontre, falsification des documents ou faux documents fournis ayant concouru à l’octroi du ou des crédits consentis, non constitution effective des sûretés prévues à l 'offre de contrat de crédit, décès des emprunteurs. »

L'article IV-9 du contrat de prêt prévoit une résiliation du contrat quinze jours après une mise en demeure faite par lettre recommandée avec avis de réception, notamment en cas de défaut de paiement des sommes exigibles, qui apparaît régulière et ne crée pas de déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du non-professionnel ou du consommateur.

Cette clause, en ce qu'elle prévoit la résiliation de plein droit du contrat en cas de défaut de règlement d'une mensualité à son échéance (avis n° 05-03 du 24 février 2005 en ce sens de la Commission des clauses abusives) comme l'article IV-3 du contrat de prêt, étant conformes aux dispositions des articles L. 311-23 et L. 311-24, D. 311-6 et D. 311-7 du code de la consommation, devenus les articles L. 311-38 et L. 311-39, D. 312-16 et D. 312-17 par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, sont donc licites de sorte que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il les a déclarées abusives.

Au vu du contrat de prêt du 12 avril 2013, du tableau d'amortissement, de la lettre de mise en demeure adressée le 9 septembre 2015 aux époux Y., du décompte des sommes dues arrêté au 4 septembre 2015 produits par la Banque, il lui reste dû :

- mensualités échues impayées : 1.740,06 euros

- capital restant dû : 9.082,96 euros

Total : 10.823,02 euros

Les époux Y. seront dès lors condamnés solidairement à payer cette somme à la Banque avec les intérêts au taux contractuel de 9,90% l'an à compter du 5 septembre 2015.

Les époux n'ayant pas comparu devant la cour ni soulevé aucun moyen de défense en première instance, il n'apparaît pas conforme à l'équité de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Banque Populaire.

En revanche, parties qui succombent, ils supporteront solidairement les dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de Maître G., avocat.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par défaut, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

Prononce la nullité du jugement rendu le 18 décembre 2015 par le tribunal d'instance de Pontarlier.

Statuant par l'effet dévolutif de l'appel,

Dit que les articles IV-3 et IV-9 du contrat de prêt du 12 avril 2013 ne constituent pas des clauses abusives et sont licites.

Condamne solidairement les époux Y.-X. à payer à la SA Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté la somme de dix mille huit cent vingt-trois euros, deux centimes (10.823,02 euros), avec les intérêts au taux contractuel de 9,90 % l'an à compter du 5 septembre 2015.

Déboute la SA Banque populaire Bourgogne Franche-Comté de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne solidairement les époux Y.- X. aux dépens de première instance et d'appel et autorise Maître G., avocat, à recouvrer directement ceux d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Chantal Mouget, faisant fonction de greffier.

Le Greffier,                           le Président de chambre