CASS. CRIM., 13 juin 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6903
CASS. CRIM., 13 juin 2017 : pourvoi n° 16-80724 ; arrêt n° 1291
Publication : Legifrance
Extrait : « Attendu qu’en se déterminant ainsi, et dès lors que M. X. et la société Copt’Air ayant conclu avec la société AXA CSA un contrat entrant dans le cadre de leur activité commerciale, n’avaient pas les qualités respectives de consommateur et de non-professionnel au sens des dispositions du code de la consommation relatives à l’interprétation des clauses des contrats et aux clauses abusives, la cour d’appel, qui n’était par ailleurs pas tenue de répondre aux conclusions relatives à l’absence d’erreur imputable à M. X. sur le nombre d’heures de vol, que ses propres constatations rendaient inopérantes, a justifié sa décision ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE CRIMINELLE
ARRÊT DU 13 JUIN 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 16-80724. Arrêt n° 1291.
DEMANDEURS à la cassation : X. - société Pyrénées Copt’Air, prise en la personne de son mandataire liquidateur, civilement responsable
DÉFENDEUR à la cassation : Société AXA Corporate Solutions Assurances
M. Guérin (président), président. SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Jean-Philippe Caston, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat(s).
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. X.,
- La société Pyrénées Copt’Air, prise en la personne de son mandataire liquidateur, civilement responsable,
contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 11 décembre 2015, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 25 septembre 2012, pourvoi n° 11-85138), dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 3 ma i2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Guého, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUÉHO, les observations de la société civile professionnelle JEAN-PHILIPPE CASTON, de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE, BUK-LAMENT et ROBILLOT, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général référendaire CABY ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire en demande, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 112-2 du code des assurances, L. 133-2 du code de la consommation, 1147 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
« en ce que l’arrêt attaqué a dit la société Axa corporate solutions assurances non tenue à garantie ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
« aux motifs qu’il convient, de manière liminaire, de rappeler les termes précis de l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 25 septembre 2012 ; que, sur le premier moyen de cassation proposé par la société Axa « en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité du contrat d’assurance soulevée par la société Axa », l’arrêt énonce que « pour rejeter l’exception de nullité du contrat d’assurance souscrit par le prévenu, tirée par l’assureur des dispositions de l’article L. 113-8 du code des assurances, l’arrêt retient que ne sont établies ni la fausse déclaration, ni la mauvaise foi du souscripteur ; qu’en l’état de ces motifs, la cour d’appel a justifié sa décision ; d’où il suit que le moyen doit être écarté » ; que, sur le deuxième moyen de cassation présenté par la société Axa, « en ce que l’arrêt attaqué a dit que la Cie Axa devra relever et garantir M. X. et la société Copt’air en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement déclarés … », l’arrêt énonce que « pour condamner Axa, l’arrêt attaqué retient que l’assuré M. X. a fait une fausse déclaration non intentionnelle et fait application de la réduction proportionnelle de garantie prévue par l’article L. 113-9 du code des assurances … mais qu’en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions selon lesquelles les juges ne peuvent accorder à l’assuré une garantie, même réduite, sans que ce dernier en ait établi au préalable l’existence, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ; que, d’où il suit que la cassation est encourue de ce chef » ; que la cour énonce en conséquence « casse et annule mais en ses seules dispositions relatives à l’existence et l’étendue de la garantie, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Pau, en date du 26 mai 2011 ; qu’il résulte de ces dispositions que le rejet de la demande de nullité du contrat confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Pau du 26 mai 2011, dont la cassation partielle n’affecte pas cette disposition, est définitif et possède l’autorité de la chose jugée ; que, sur la seule question soumise au débat, à savoir l’existence de la garantie accordée ou non à l’assuré par l’effet du contrat souscrit, il résulte des pièces contractuelles que :
-1. la proposition d’assurance a été soumise à M. X. le 5 juillet 2005 ; qu’elle mentionnait « pilotage X. > 1000 h/ v dont 200 sur turbines » ; que ce document a été modifié de manière manuscrite par M. X. sur une autre mention concernant le nombre d’occupants et M. X. y a apposé son accord par mention manuscrite « bon pour accord » et a signé ce document en y apposant le tampon de sa société,
-2. le contrat a ensuite été souscrit sur les mêmes termes le 11 juillet 2005 et comportait la mention « M. X. pilote titulaire de plus de 1.000 heures de vol dont 200 heures de vol sur turbine » ; qu’il ne peut donc qu’être constaté, sans nécessité d’autres considérations, que cette mention figurait bien dans le champ contractuel et n’avait d’ailleurs pas été rectifiée par M. X. tel que celui-ci l’avait pourtant fait pour une autre mention de ce même contrat afférente au nombre de passagers ; que la police ainsi souscrite stipulait que « les garanties ne sont acquises que sous réserve du strict respect des conditions de pilotage, d’usage et des limites géographiques … » ; qu’il s’avère donc qu’en application de ces dispositions contractuelles, la garantie n’était acquise que pour un pilote titulaire de 1.000 heures de vol dont 200 sur turbines ce qui n’était pas le cas de M. X. qui, à la date de l’accident, comptait de l’ordre de 650 h de vol dont moins de dix sur un hélicoptère à turbine ; qu’en conséquence, il convient de confirmer le jugement prononcé le 24 mai 2007 par le tribunal correctionnel de Pau en ce qu’il a dit la société Axa corporate solutions assurance non tenue à garantie ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
« 1°) alors que la proposition d’assurance n’engage ni l’assuré ni l’assureur et seule la police ou la note de couverture constate leur engagement réciproque ; qu’en affirmant, pour dire la société Axa corporate solutions assurances non tenue à garantie, que la proposition d’assurance avait été soumise à M. X. le 5 juillet 2005 et mentionnait « pilotage X. > 1000 h/ v dont 200 sur turbines », ce document ayant été modifié de manière manuscrite par l’intéressé sur une autre mention concernant le nombre d’occupants qui y avait apposé son accord par la mention manuscrite « bon pour accord » et avait signé ce document, en y apposant le tampon de sa société, quand la proposition d’assurance, qui déterminait l’objet et les conditions de la convention à intervenir, ne constituait pas une acceptation, de sorte qu’elle ne pouvait en tenir compte pour considérer que la mention relative au nombre d’heures de vol figurait bien dans le champ contractuel, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
« 2°) alors que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non professionnels s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non professionnel ; qu’en ajoutant, pour dire la société Axa corporate solutions assurances non tenue à garantie, que le contrat avait été souscrit sur les mêmes termes que la proposition d’assurance, le 11 juillet 2005, et comportait la mention « M. X. pilote titulaire de plus de 1.000 heures de vol dont 200 heures de vol sur turbine », pour en déduire qu’il ne pouvait qu’être constaté, sans nécessité d’autres considérations, que cette mention figurait bien dans le champ contractuel et n’avait d’ailleurs pas été rectifiée par M. X., quand précisément cette clause était générale et imprécise, à défaut d’avoir indiqué de manière expresse, comme condition de la garantie, le fait que l’intéressé devait être titulaire de 1.000 heures de vol dont 200 heures sur turbine, de sorte qu’en donnant à ladite clause un sens qui n’était pas le plus favorable à l’assuré, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
« 3°) alors que les juges du fond sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; qu’en retenant, encore, pour dire la société Axa corporate solutions assurances non tenue à garantie, que la police ainsi souscrite stipulait que « les garanties ne sont acquises que sous réserve du strict respect des conditions de pilotage, d’usage et des limites géographiques » et qu’en application de ces dispositions contractuelles, la garantie n’était acquise que pour un pilote titulaire de 1.000 heures de vol dont 200 sur turbines, ce qui n’était pas le cas de M. X. qui, à la date de l’accident, comptait de l’ordre de 650 heures de vol dont moins de 10 heures sur un hélicoptère à turbine, sans répondre aux conclusions de l’intéressé soutenant qu’il ne pouvait lui être reproché d’avoir commis la moindre erreur, dès lors que la déclaration du nombre d’heures de vol avait été faite par l’assureur lui-même et que l’erreur, à l’admettre, était imputable à ce dernier, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
« 4°) alors que les juges du fond sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; qu’en se déterminant de la sorte, pour dire la société Axa corporate solutions assurances non tenue à garantie, sans mieux répondre aux conclusions de M. X. faisant valoir que la clause relative au nombre d’heures de vol était abusive et discriminatoire, dès lors que la réglementation applicable exigeait uniquement, pour pouvoir piloter l’hélicoptère en cause, des qualifications professionnelles qu’il possédait, la cour d’appel a violé les textes susvisés » ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 11 juillet 2005, la société Pyrénées Copt’Air (société Copt’Air) et son gérant, M. X., ont souscrit auprès de la société AXA Corporate Solutions Assurances (la société AXA CSA) un contrat assurant les risques liés à la responsabilité à l’égard des tiers occupants et non occupants ainsi que les risques de dommages à l’un de leurs hélicoptères ; que le 4 août 2005, un accident s’est produit à l’occasion d’un vol de cet appareil, occasionnant des blessures à l’un des passagers, M. Y., ainsi que des dommages matériels ; que M. X. a été poursuivi pour blessures involontaires devant le tribunal correctionnel, lequel l’a reconnu coupable, l’a condamné à une certaine peine et l’a déclaré tenu à réparer intégralement les dommages subis par M. Y.; que le tribunal a rejeté l’exception de nullité du contrat d’assurance soulevée par la société AXA CSA mais a dit cette dernière non tenue à garantie ; qu’appel de cette décision a été interjeté notamment par M. X. ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que, pour confirmer le jugement et dire la société AXA CSA non tenue à garantie, l’arrêt attaqué, après avoir relevé que le contrat énonce au titre IV des conditions particulières que « les garanties ne sont acquises que sous réserve du strict respect des conditions de pilotage, d’usage et des limites géographiques-conditions de pilotage-M. X. titulaire de 1000 h de vol dont 200 heures de vol sur turbine », énonce que la proposition d’assurance a été soumise à M. X. le 5 juillet 2005 et mentionnait « pilotage X. 1000h/ v dont 200 sur turbines », que M. X. a modifié ce document de manière manuscrite sur une autre mention concernant le nombre d’occupants puis y a apposé son accord, sa signature et le tampon de sa société, que le contrat a ensuite été souscrit dans les mêmes termes le 11 juillet 2005 et comportait la mention « M. X. pilote titulaire de plus de 1000 heures de vol dont 200 heures de vol sur turbine » ; que les juges ajoutent qu’il ne peut qu’être constaté, sans nécessité d’autres considérations, que cette mention figurait bien dans le champ contractuel et n’avait d’ailleurs pas été rectifiée par M. X. tel que celui-ci l’avait pourtant fait pour une autre mention de ce même contrat afférente au nombre de passagers ; que la cour d’appel retient encore que la police ainsi souscrite stipulait que « les garanties ne sont acquises que sous réserve du strict respect des conditions de pilotage, d’usage et des limites géographiques… », et en déduit qu’en application de ces dispositions contractuelles, la garantie n’était acquise que pour un pilote titulaire de 1.000 heures de vol dont 200 sur turbines, ce qui n’était pas le cas de M. X. ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’en se déterminant ainsi, et dès lors que M. X. et la société Copt’Air ayant conclu avec la société AXA CSA un contrat entrant dans le cadre de leur activité commerciale, n’avaient pas les qualités respectives de consommateur et de non-professionnel au sens des dispositions du code de la consommation relatives à l’interprétation des clauses des contrats et aux clauses abusives, la cour d’appel, qui n’était par ailleurs pas tenue de répondre aux conclusions relatives à l’absence d’erreur imputable à M. X. sur le nombre d’heures de vol, que ses propres constatations rendaient inopérantes, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2.000 euros la somme globale que M. X. et la société Pyrénées Copt’Air, prise en la personne de son mandataire liquidateur, devront payer à la société AXA Corporate Solutions Assurances au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
- 5821 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Illustrations : Réforme du Code de la consommation - Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016
- 5855 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Droit postérieur à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016
- 5874 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Cour de cassation (1995-2016) : rapport direct
- 5950 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Assurances