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CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 21 septembre 2017

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 21 septembre 2017
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 16/03817
Date : 21/09/2017
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 17/06/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7062

CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 21 septembre 2017 : RG n° 16/03817 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « A l'audience, a été soulevé d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes formées par la SNC SDEZ Industries Services fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce devant la cour d'appel de Douai, au motif que seule la cour d'appel de Paris a le pouvoir de statuer aux termes de l'article D. 442-3 du code de commerce.

Le conseil de la SNC SDEZ Industries Services qui aux termes de ses conclusions a évoqué ce fondement juridique subsidiairement a déclaré par courrier en date du 26 juin 2017 abandonner cette argumentation qui ne sera donc pas été examinée. »

2/ « Il résulte des bons de commande versés aux débats qu'à côté de la signature du client suivie de la mention manuscrite « lu et approuvée », accompagnée du cachet commercial de la SA Carrières Unies de Porphyre, figurent les éléments suivants : « le client déclare avoir pris connaissance des conditions générales du contrat de location telles qu'indiquées au verso et en particulier sa durée de quatre années civiles. Cette mention est suffisante pour démontrer que le client a eu connaissance des conditions générales. » La SA Carrières Unies de Porphyre conteste avoir eu réception des originaux des bons de commande ce qui l'avait amenée à solliciter auprès de son cocontractant la communication des conditions générales de vente comme en justifient les courriers en date des 23 février et 18 mars 2010 versés aux débats.

Cependant, comme le souligne à juste titre la société SDEZ, la SA Carrières Unies de Porphyre, a néanmoins demandé la modification de ces conditions générales ; il s'en est suivi la rédaction d'une annexe pour chacun des deux contrats portant la signature de la SA Carrières Unies de Porphyre. La modification des conditions générales implique que la SA Carrières Unies de Porphyre en a eu nécessairement connaissance puisqu'elle a éprouvé le besoin d'en faire modifier certains articles en on y faisant référence dans l'annexe. Ce moyen sera rejeté. »

3/ « Il résulte de ces dispositions que les pénalités de retard pour non-paiement des factures sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats, la liberté des parties n'étant ménagée que pour un éventuel dépassement du taux d'intérêt qui est impératif et calculé sur la base du taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage dans sa rédaction issue de la L. n° 2008-776 du 4 août 2008 en vigueur depuis le 6 août 2008. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/03817. Jugement (R.G. n° 2014/21309) rendu le 12 mai 2016 par le tribunal de commerce de Lille Métropole.

 

APPELANTE :

SNC SDEZ Industries Services

prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Jean-Louis P., avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Maître Xavier J., collaborateur

 

INTIMÉE :

SA Carrières Unies de Porphyre

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, ayant son siège social chaussée [adresse], représentée et assistée par Maître Isabelle C., avocat au barreau de Douai, assistée de Maître François-Marie I., avocat au barreau de Paris

 

DÉBATS à l'audience publique du 24 mai 2017 tenue par Marie-Annick Prigent magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie Hainaut

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Marie-Annick Prigent, président de chambre, Elisabeth Vercruysse, conseiller, Marie-Laure Aldigé, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Annick Prigent, président et Carmela Cocilovo, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 mai 2017

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 6 mars 2009, la SNC SDEZ Industries Services a conclu avec la SA Carrières Unies de Porphyre deux contrats ayant pour objet la location et l'entretien de vêtements de travail pour une durée de 4 années civiles.

La SA Carrières Unies de Porphyre s'est plainte auprès de la SNC SDEZ Industries Services de la qualité des vêtements livrés.

Suite à plusieurs échanges de lettres recommandées avec avis de réception entre les parties, la SA Carrières Unies de Porphyre indiquait le 21 janvier 2010, sa volonté de rompre les contrats le 6 mars 2010, date de l'échéance probatoire.

A la suite d'une réunion entre les parties le 2 mars 2010, aucun accord n'est intervenu.

La SNC SDEZ Industries Services prenait acte de la résolution des contrats et le 15 juin 2010, procédait au retrait des vêtements.

La SNC SDEZ Industries Services adressait à la SA Carrières Unies de Porphyre un récapitulatif des sommes dues.

Par acte d'huissier en date du 8 décembre 2014, la SNC SDEZ Industries Services a fait assigner la SA Carrières Unies de Porphyre près le tribunal de commerce de Lille-Métropole aux fins de la voir condamner au paiement des sommes facturées.

 

Par jugement contradictoire en date du 12 mai 2016, le tribunal de commerce de Lille-Métropole a :

- dit bien fondée la validité de la résiliation des deux contrats le 21 janvier 2010 par la SA Carrières Unies de Porphyre ;

- dit que les conditions générales de vente de la SNC SDEZ Industries Services sont inopposables à la SA Carrières Unies de Porphyre ;

- débouté la SNC SDEZ Industries Services de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SA Carrières Unies de Porphyre du surplus de ses demandes ;

- condamné la SNC SDEZ Industries Services à payer à la SA Carrières Unies de Porphyre la somme arbitrée à 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SNC SDEZ Industries Services aux entiers dépens de l'instance.

La SNC SDEZ Industries Services a interjeté appel de ce jugement le 17 juin 2016.

 

Aux termes de ses conclusions d'appel récapitulatives signifiées par voie électronique le 11 mai 2017, la SNC SDEZ Industries Services demande à la cour d'appel, au visa des articles 1134, 1146 anciens et suivants du code civil de :

- réformer le jugement déféré dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la SA Carrières Unies de Porphyre de sa demande de dommages et intérêts ;

- juger que les résiliations par la SA Carrières Unies de Porphyre des deux contrats litigieux ne sont pas valables au regard de la « clause qualité » dont les termes clairs et précis ne peuvent être dénaturés ;

- juger que la SA Carrières Unies de Porphyre connaissaient les conditions générales de ces contrats qui lui sont opposables, ayant notamment été modifiées sur plusieurs points dans les annexes, signées par elle et revêtues de son cachet au moment même de la signature des contrats, le 6 mars 2009 ;

En conséquence,

- condamner la SA Carrières Unies de Porphyre à lui payer la somme en principal de 96.844,43 euros pour factures impayées, majorée d'un intérêt contractuel au taux d'intérêt de la Banque Centrale Européenne majoré de 7 points à compter des dates d'échéances des factures ;

- condamner la SA Carrières Unies de Porphyre en outre à payer, au titre de la clause pénale contractuellement prévue, une indemnité forfaitaire de 9.684,44 euros ;

- ordonner la capitalisation des intérêts de plein droit en application de l'article 1154 du code civil ;

- débouter la SA Carrières Unies de Porphyre de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la SA Carrières Unies de Porphyre à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des frais irrépétibles engagés tant en premier instance qu'en cause d'appel ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

La SNC SDEZ Industries Services soutient :

* sur la résiliation du contrat,

- que la clause qualité ne concernait que le mauvais traitement de lavage ou des traitements irréguliers ce qui n'est pas démontré ; que la clause de qualité est claire et que celle-ci ne pouvait servir de fondement à la résiliation des contrats ; que le juge en l'interprétant l'a dénaturé ;

- qu'elle a livré les vêtements choisis par la SA Carrières Unies de Porphyre de sorte qu'elle a exécuté ses obligations ; qu'il n'y a aucune inexécution contractuelle ;

* sur l'opposabilité des conditions générales de location,

- que le tribunal ne pouvait considérer que les conditions générales de vente étaient inopposables à la SA Carrières Unies de Porphyre en l'absence d'émargement ou de signature du corps desdites conditions ;

* sur ses demandes,

- que la résiliation par la SA Carrières Unies de Porphyre n'est pas fondée si bien qu'elle est recevable à demander le paiement de la somme de 96.844,43 euros conformément aux conditions générales ;

* sur la validité des contrats en l'absence de dol ou d'erreur,

- qu'aucune erreur n'a été commise sur la valeur des stocks figurant sur les bons de commande ; qu'il n'existe aucune erreur sur les vêtements commandés dès lors qu'ils ont été validés tant lors de la signature des contrats que lors de la prise de taille, et acceptés lors de la mise en place ;

* sur l'opposabilité des conditions générales en l'absence de déséquilibre significatif,

- que l'indemnité de rupture et son mode de calcul s'expliquent par le fait qu'elle subit un manque à gagner en raison de la rupture anticipée du contrat par le client alors que les coûts engagés persistent ;

- que la SA Carrières Unies de Porphyre dispose d'une faculté de résiliation du contrat en ce que la clause résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques ;

- que les conditions générales ne créent aucun déséquilibre entre les parties ;

* sur les conclusions de la SA Carrières Unies de Porphyre,

- que les allégations de la SA Carrières Unies de Porphyre consistant à dire qu'il lui a été livré des tenues inadaptées sont faites de mauvaise foi et ne sont ni prouvées ni fondées ;

- qu'elle a livré les mêmes vêtements que ceux essayés lors de la prise de taille et que l'absence de numéro de commande, de chromo ou de date n'altère aucunement la validité du contrat ;

- que la SA Carrières Unies de Porphyre ne peut prétendre méconnaître l'existence des conditions générales indissociables du contrat ;

- que la SA Carrières Unies de Porphyre ne pouvait pas résilier le contrat après seulement une année, comme l'exige la clause qualité, puisqu'il n'a jamais été avancé de mauvaise qualité de lavage ou de traitements irréguliers ;

- que la SA Carrières Unies de Porphyre ne saurait affirmer que les vêtements livrés ont mis en cause la sécurité de son personnel en ce qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un incident pas plus que la moindre déclaration d'accident de travail ;

- que son préjudice est incontestable dans la mesure où elle est restée impayée de ces factures de prestation, de rachat de stock, d'articles manquants et d'indemnité de rupture.

 

Aux termes de ses conclusions d'appel récapitulatives signifiées par voie électronique le 10 mai 2017, la SA Carrières Unies de Porphyre demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1224, 1231 et 1231-1, 1130, 1132, 1133 et 1137, 1231-5 nouveau du code civil, L. 441-6 et L. 442-6 du code de commerce et 1131 ancien du code civil, de :

A titre principal,

- confirmer le premier jugement en ce qu'il a débouté la SNC SDEZ Industries Services de sa demande de dommages et intérêts et reconnu la validité de la résiliation des deux contrats le 21 janvier 2010, en raison des fautes caractérisées de sa cocontractante la SNC SDEZ Industries Services et de son absence de réaction à la suite des mises en demeure adressées, mais également en application de la clause dite de qualité présente en annexe desdits contrats et l'autorisant à les résilier après envoi de 3 courriers recommandés non suivis d'effets ;

- infirmer le premier jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle de condamnation de la SNC SDEZ Industries Services à la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts et la condamner à verser cette somme ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le premier jugement en ce qu'il a reconnu qu'elle n'avait pas eu connaissance des conditions générales de vente et que ces dernières lui étaient donc inopposables ;

- juger qu'en tout état de cause l'article 11 desdites conditions générales créait un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties et que, pour cette raison, les conditions générales de ventes doivent également lui être déclarées inopposables ;

- confirmer le premier jugement en ce qu'il a débouté la SNC SDEZ Industries Services de sa demande de dommages et intérêts ;

- infirmer le premier jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle de condamnation de la SNC SDEZ Industries Services à la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts et la condamner à verser cette somme ;

A titre très subsidiaire,

- prononcer la nullité des deux contrats signés le 6 mars 2009 pour cause de dol et, subsidiairement, d'erreur sur la substance même de la chose qui est l'objet des contrats

- confirmer le premier jugement en ce qu'il a débouté la SNC SDEZ Industries Services de sa demande de dommages et intérêts ;

A titre infiniment subsidiaire,

- réduire la clause pénale insérée aux contrats et dont la SNC SDEZ Industries Services demande l'application, compte tenu de l'absence de préjudice de cette dernière ;

En tout état de cause,

- juger qu'il convient de condamner la SNC SDEZ Industries Services au versement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- juger qu'il convient de la condamner aux entiers dépens de la présente instance ainsi qu'aux frais d'exécution de la décision à intervenir, dont distraction au profit de Maître C.

La SA Carrières Unies de Porphyre fait valoir :

* sur le non-respect par la SNC SDEZ Industries Services de ses obligations contractuelles,

- que la SNC SDEZ Industries Services n'a pas respecté ses obligations contractuelles consistant en l'absence de délivrance des vêtements présentés lors de la démonstration et en l'absence de délivrance de vêtements utilisables et conformes à leur destination ; que ces manquements sont corroborés par les attestations des salariés, par la décision du comité pour la prévention et la protection au travail refusant à l'unanimité de poursuivre avec la SNC SDEZ Industries Services les prestations, par les échanges de courriers entre les parties ;

- qu'il appartenait à la SNC SDEZ Industries Services de démontrer de la conformité de sa livraison ; que son argumentation consistant à produire des attestations de ses fournisseurs est inopérante ;

* sur la validité de la résiliation des deux contrats de location,

- que le comportement de la SNC SDEZ Industries Services justifiait qu'elle résilie les contrats ; qu'elle a respecté les formes de la résiliation et les délais prescrits dans les contrats ;

- que contrairement à ce que soutient la SNC SDEZ Industries Services, elle n'a pas mis en œuvre tous les moyens qu'elle avait à sa disposition pour proposer des solutions alternatives ;

* sur l'inopposabilité en raison du défaut de conformité des conditions générales,

- qu'elle n'a jamais reçu d'exemplaire des conditions générales ; que la SNC SDEZ Industries Services n'apporte pas la preuve de la communication de celles-ci ;

* sur l'inopposabilité en raison du déséquilibre significatif des clauses,

- que la clause 11 est une clause pénale puisqu'elle autorise le loueur à demander l'intégralité des sommes qui auraient été facturées au titre du contrat jusqu'à son échéance ainsi qu'une indemnité forfaitaire complémentaire ;

* sur les conséquences de l'inopposabilité,

- que la SNC SDEZ Industries Services ne peut se prévaloir des conditions générales et notamment demander l'application de l'article 11 ;

* sur la nullité des contrats pour cause d'erreur et, subsidiairement, de dol,

- que son consentement a été vicié lors de la conclusion des contrats puisque les articles livrés ne correspondaient pas à ceux qui avait été commandés et qu'il y avait une erreur au moment de remplir les bons de commande pour livrer la marchandise.

 

A l'audience, a été soulevé d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes formées par la SNC SDEZ Industries Services fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce devant la cour d'appel de Douai, au motif que seule la cour d'appel de Paris a le pouvoir de statuer aux termes de l'article D. 442-3 du code de commerce.

Le conseil de la SNC SDEZ Industries Services qui aux termes de ses conclusions a évoqué ce fondement juridique subsidiairement a déclaré par courrier en date du 26 juin 2017 abandonner cette argumentation qui ne sera donc pas été examinée.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la résiliation du contrat :

À titre liminaire, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation.

En application de l'article 1134 code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

S'il appartient au juge de rechercher la commune intention des parties dans les conventions qui lui sont soumises, il ne peut dénaturer les clauses claires et précises d'un contrat.

L'article 1184 code civil que énonce la condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

En l'espèce, la SA Carrières Unies de Porphyre sollicite la résiliation du contrat.

La SA Carrières Unies de Porphyre par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 janvier 2010, résiliait le contrat en ces termes : « nous vous informons de notre volonté de résilier à sa prochaine échéance du 6 mars 2010 le contrat relatif à la location et l'entretien de vêtements de travail conclu entre nos deux sociétés.

Nous vous confirmons que cette résiliation est liée au caractère non probatoire des prestations réalisées par votre société au cours de cette année d'exécution du contrat en dépit des termes de nos différentes mises en demeure. »

Il résulte de ce courrier que la société Carrières Unies de Porphyre a résilié le contrat sur le fondement de la clause qualité incluse dans l'annexe des conditions générales et aux termes de laquelle « le client se voit réserver le bénéfice d'une période probatoire, durant la première année de prestations, à l'intérieur de laquelle il est en droit de mettre en cause le présent contrat, dans le cas de mauvaise qualité de lavage et de traitements irréguliers, et ceci après trois avertissements par lettre recommandée avec accusé de réception réputés justifiés et infructueux. Toutes les contestations de quelque ordre qu'elles soient, seront de la compétence exclusive tribunal de commerce du loueur. »

La société Carrières Unies de Porphyre a adressé à la société SDEZ Industries Services quatre lettres recommandées avec avis de réception.

Aux termes du courrier en date du 3 novembre 2009, elle reprochait à La société SDEZ Industries Services un défaut de conformité des vêtements de travail qu'elle décrit comme difformes, avec des manches trop longues et trop amples au niveau de la taille, susceptibles d'entraîner des difficultés de sécurité, les vêtements pouvant être happés dans l'engrenage des machines.

Aux termes d'un courrier en date du 16 novembre 2009, la société Carrières Unies de Porphyre a mis en demeure la société SDEZ Industries Services de procéder à l'échange des vêtements de travail afin de garantir la sécurité des travailleurs. Il lui reproche également de n'avoir pas procédé au nettoyage des anciens vêtements de travail en attendant l'échange.

Par courrier du 1er décembre 2009, la société Carrières Unies de Porphyre réitérait sa réclamation en insistant sur les problèmes de sécurité auxquels elle était confrontée pour ses salariés.

S'en est suivi un nouveau courrier en date du 10 décembre 2009, aux termes duquel La société Carrières Unies de Porphyre indiquait à la société SDEZ Industries Services que compte-tenu du non-respect des prestations contractuelles, elle envisageait une rupture du contrat qui était finalement résilié par courrier du 21 janvier 2010.

Par courrier du 3 février 2010 adressé à la société Carrières Unies de Porphyre, la société SDEZ Industries Services après rappel des termes de leurs relations et des démarches effectuées pour répondre à ses contestations, s'opposait à la demande de résiliation et précisait qu'un arrêt anticipé du contrat entraînerait la facturation des indemnités de rupture ainsi que du rachat du stock correspondant.

Tant antérieurement au courrier de résiliation du contrat, que postérieurement, des lettres ont été échangés entre les parties et des rendez-vous ont eu lieu pour tenter de revenir sur la rupture du contrat.

Par courrier électronique en date du 3 mars 2010, la société Carrières Unies de Porphyre adressait à la société SDEZ Industries Services le compte rendu de la réunion du CPPT au cours de laquelle avaient été présentés d'autres vestes de travail, des blousons pour remplacer les vestes actuelles trop larges et inadaptées au travail en carrière.

Les membres du CPPT ont refusé à l'unanimité de poursuivre les relations avec le prestataire SDEZ pour la location de vêtements de travail en invoquant le non suivi des vêtements et des corrections demandées.

La société Carrières Unies de Porphyre a versé aux débats 19 attestations de salariés qui se sont plaint de la rigidité du tissu, de la coupe trop large de la veste et surtout des manches et de la mauvaise qualité du tissu ce qui entraînait pour eux des problèmes de confort et de sécurité.

Dans la mesure où figurait en annexe des contrats une clause de qualité de lavage et de traitements irrégulier des vêtements, clause dont le rajout démontrait la volonté de la société Carrières Unies de Porphyre de bénéficier d'une période probatoire pour essayer les vêtements, celle-ci était fondée à en faire application dans le délai d'un an de la signature du contrat après trois avertissements par lettre recommandée avec accusé de réception dont elle rapporte la preuve. Il y a lieu de retenir que cette clause s'applique par la mention « traitements irréguliers » également à la qualité des vêtements et non uniquement aux lavages de ceux-ci.

Les nombreux échanges entre les parties corroborés par l'avis du CPTT et les attestations des salariés versées aux débats démontrent que les réclamations formulées étaient justifiées par des motifs de sécurité exigés des vêtements de travail et qui se sont révélés à l'usage.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que la société Carrières Unies de Porphyre avait à bon droit rompu les deux contrats le 21 janvier 2010.

 

Sur les conséquences de la résiliation du contrat :

Sur les conditions générales de vente :

Il résulte des bons de commande versés aux débats qu'à côté de la signature du client suivie de la mention manuscrite « lu et approuvée », accompagnée du cachet commercial de la SA Carrières Unies de Porphyre, figurent les éléments suivants : « le client déclare avoir pris connaissance des conditions générales du contrat de location telles qu'indiquées au verso et en particulier sa durée de quatre années civiles. Cette mention est suffisante pour démontrer que le client a eu connaissance des conditions générales. »

La SA Carrières Unies de Porphyre conteste avoir eu réception des originaux des bons de commande ce qui l'avait amenée à solliciter auprès de son cocontractant la communication des conditions générales de vente comme en justifient les courriers en date des 23 février et 18 mars 2010 versés aux débats.

Cependant, comme le souligne à juste titre la société SDEZ, la SA Carrières Unies de Porphyre, a néanmoins demandé la modification de ces conditions générales ; il s'en est suivi la rédaction d'une annexe pour chacun des deux contrats portant la signature de la SA Carrières Unies de Porphyre. La modification des conditions générales implique que la SA Carrières Unies de Porphyre en a eu nécessairement connaissance puisqu'elle a éprouvé le besoin d'en faire modifier certains articles en on y faisant référence dans l'annexe. Ce moyen sera rejeté.

 

Sur les sommes réclamées par la société SDEZ :

La rupture du contrat par la société Carrières Unies de Porphyre ayant été reconnue fondée, la société SDEZ Industries Services sera déboutée de sa demande de versement de l'indemnité de rupture (48.468,22 euros et 10.001 euros) prévue à l'article 11 du contrat et sanctionnant la résiliation de la convention en dehors des délais contractuels ou pour faute.

la société SDEZ Industries Services réclame le versement de sommes prévues contractuellement en cas de résiliation du contrat quelqu'en soit le motif.

L'article 12 des conditions générales « achat du stock par le client » énonce que le client « s'engage à racheter le stock de linge, vêtements et accessoires mis à sa disposition en cas de non-renouvellement du contrat, de rupture ou de résiliation du contrat, ou de son refus de mise en place.

La cession du stock interviendra à la valeur de remplacement actualisée, sous réserve d'un abattement pour amortissement de 25 % par année civile d'utilisation. En aucun cas, cette valeur ne pourra cependant être inférieure à 50 % de la valeur de remplacement actualisée. »

Le client s'engage également à acheter la totalité du stock neuf réserve constitué chez le loueur, à sa valeur de remplacement actualisé. Cette réserve de stock ne pourra toutefois être supérieure à 40 % du stock mis à sa disposition chez le client. En paiement du stock, celui-ci sera livré au client, ce qui mettra fin à la clause de réserve de propriété de l'article 3. »

Cet article 12 est modifié de la manière suivante dans l'annexe :

- « le deuxième alinéa du troisième paragraphe est modifié de manière à réduire la valeur minimale de rachat de 50 % à 25 % de la valeur de remplacement. »

Il est produit deux factures en date du 17 juin 2010 de rachat de stock correspondant aux deux contrats détaillant les vêtements, pour des montants de 10.922 euros et de 3.990 euros. La société Carrières Unies de Porphyre est redevable des sommes réclamées à ce titre.

L'article 3 des conditions générales « utilisation des articles - inventaire- pertes » stipule que l'indemnisation des articles manquants est facturée au client à leur valeur de remplacement actualisée après inventaire contradictoire des articles.

La société SDEZ communique aux débats deux inventaires établis contradictoirement le 15 juin 2010, signés par chaque partie.

Cet inventaire détaille le stock des articles mis à la disposition de la société Carrières Unies de Porphyre par la société SDEZ, ainsi que les articles manquants qui correspondent à ceux repris dans les facture en date du 17 juin 2010, soit les sommes de 2.540 euros et de 682 euros.

La société Carrières Unies de Porphyre sera donc condamnée au paiement des articles manquants pour un montant de 2.540 euros et de 682 euros.

À l'appui des factures demeurées impayées, la société SDEZ Industries Services communique des extraits du compte client accompagnés des factures dues au titre des prestations demeurées impayées au cours de l'exécution de la première année des contrats. La société Carrières Unies de Porphyre s'étonne que le montant des factures réclamées ne serait pas en adéquation avec le nombre de vêtements loués ; cependant, sur les bons de commande, figurent les mentions permettant de déterminer la nature des vêtements loués, leur nombre, le prix de la location, l'effectif utilisateurs ainsi que le stock. En signant ces deux bons de commande, et en y apposant son cachet commercial, la société Carrières Unies de Porphyre en a accepté les termes.

La société Carrières Unies de Porphyre sera condamnée à payer la somme de 10.360,44 euros et celle de 1.871,07 euros à ce titre.

La société Carrières Unies de Porphyre est redevable envers la société SDEZ Industries Services des sommes suivantes :

* au titre du contrat numéro 7588

- Rachat de stock :                  :           18.922,00 euros

- Articles manquants :            :           2.540,00 euros

- Prestations impayées :         :           10.360,44 euros

TOTAL :                                :           31.822,44 euros

* au titre du contrat numéro 7589

- Rachat de stock :                  :           3.990,00 euros

- Articles manquants :            :           682,00 euros

- Prestations impayées :         :           1.871,07 euros

TOTAL :                                :           6.543,07 euros

Il est également prévu à l'article 5 des conditions générales le versement d'une indemnité forfaitaire de 10 % à titre de clause pénale sur le montant des factures à payer.

Si aux termes de l'article 1152 du code civil, cette indemnité peut être réduite ; il y a lieu de constater qu'elle n'est pas manifestement excessive et ne donnera donc pas lieu à diminution.

L'indemnité contractuelle forfaitaire s'élève à 10 % des sommes de 3.182,24 euros et de 654,30 euros soit 3.836,54 euros.

 

Sur les intérêts moratoires et sur les pénalités de retard prévues par l'article L. 441-6 du code de commerce :

L'article L. 441-6 dispose : « Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l'année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l'année en question. Pour le second semestre de l'année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l'année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire. »

Il résulte de ces dispositions que les pénalités de retard pour non-paiement des factures sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats, la liberté des parties n'étant ménagée que pour un éventuel dépassement du taux d'intérêt qui est impératif et calculé sur la base du taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage dans sa rédaction issue de la L. n° 2008-776 du 4 août 2008 en vigueur depuis le 6 août 2008.

Il y a lieu en conséquence de condamner la société Carrières Unies de Porphyre à payer la société SDEZ Industries Services les pénalités légales de retard au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points de pourcentage à compter de l'échéance de chaque facture.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil à compter du 8 décembre 2014, date de la demande par assignation devant le tribunal.

 

Sur la demande reconventionnelle de la société Carrières Unies de Porphyre :

Il résulte de l'article 1147 du code civil que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

La société Carrières Unies de Porphyre a souscrit un contrat de location de vêtements auprès de la société SDEZ Industries Services ; la société Carrières Unies de Porphyre n'a pas été convaincu par la qualité des vêtements qui lui ont été proposés et a considéré qu'ils étaient inadaptés en ce qu'ils pouvaient présenter une dangerosité liée à ses conditions de travail ce qui a abouti à la rupture du contrat.

La société Carrières Unies de Porphyre ne démontre cependant pas que les vêtements proposés étaient en eux-mêmes dangereux ; le fait que la coupe de ceux-ci était incompatible avec les besoins des salariés en raison de l'utilisation de machines traduit une mauvaise appréciation des exigences de la société Carrières Unies de Porphyre, laquelle si elle justifiait la résiliation du contrat compte tenu de la période probatoire n'est pas de nature à engager la responsabilité de la société SDEZ Industries Services pour faute. En effet, des commandes ont été passées, les vêtements ont été présentés au client, les mesures ont été prises sur les salariés ; ce n'est qu'à l'usage que l'inadaptation des vêtements a été constatée sans qu'aucune intervention de la société SDEZ Industries Services ne puisse y remédier ce qui a entraîné la rupture du contrat à l'issue de la période probatoire.

Enfin, le rachat de stock résulte de l'application d'une clause contractuelle sans que ce fait puisse être liée à une mauvaise gestion des stocks par la société SDEZ Industries Services.

La société Carrières Unies de Porphyre sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il est équitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ; compte tenu de l'issue du litige, les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit bien fondée la validité de la résiliation des deux contrats le 21 janvier 2010 par la SA Carrières Unies de Porphyre ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que les conditions générales de vente des contrats souscrits sont opposables à la société Carrières Unies de Porphyre,

Condamne la société Carrières Unies de Porphyre à payer à la société SDEZ Industries Services la somme de 31.822,44 euros au titre du contrat n° 7588 et la somme de 6.543,07 euros, au titre du contrat n° 7589,

Dit que ces sommes porteront intérêts contractuels au taux de la Banque Centrale Européenne majoré de 7 points à compter des dates d'échéance des factures,

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil à compter du 8 décembre 2014,

Condamne la société Carrières Unies de Porphyre à payer à la société SDEZ Industries Services la somme de 3.836,54 euros au titre de la clause pénale,

Déboute la société SDEZ Industries Services de sa demande en paiement des indemnités de rupture d'un montant de 48.468,22 euros et 10.001 euros,

Déboute la société Carrières Unies de Porphyre de sa demande en paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts,

Rejette toute autre demande,

Condamne chaque partie à payer la moitié des dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier                Le Président

C. Cocilovo                M.A. Prigent