CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 7 décembre 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 7281
CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 7 décembre 2017 : RG n° 15/03638
Publication : Jurica
Extrait : « Le bail liant les parties prévoit qu’« à défaut de paiement à son échéance exacte d'un terme de loyer et de ses accessoires, le montant de la quittance sera majorée de plein droit de 10 % à titre de clause pénale, observation faite que la présente stipulation ne constitue en aucune façon une amende mais la réparation d'un préjudice ». […]
Contrairement à ce que fait valoir la SCI Chaumeil dont les pièces produites prouvent qu'elle est un professionnel de la location et de l'immobilier en général et non une SCI à caractère familial, ce texte est applicable en l'espèce, le locataire ayant la qualité de consommateur.
La clause pénale qui majore de 10 % tout loyer impayé, crée au détriment du locataire un déséquilibre entre ce dernier et le bailleur en l'absence de sanction réciproque des manquements du bailleur prévue par le bail. Elle doit donc être réputé non écrite et la SCI Chaumeil doit être déboutée des sommes réclamées à ce titre, le jugement déféré étant réformé en conséquence. »
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. 15/03638. ORIGINE : DÉCISION du Tribunal d'Instance de CAEN en date du 23 juin 2015 - RG n° 11-14-001149.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], représenté et assisté de Maîtr Caroline D., avocat au barreau de CAEN (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
INTIMÉE :
LA SCI CHAUMEIL
N° SIRET : XXX, prise en la personne de son représentant légal, représentée et assistée de Maître Florence T., substituée par Maître M., avocats au barreau de CAEN
DÉBATS : A l'audience publique du 16 octobre 2017, sans opposition du ou des avocats, Mme BRIAND, Président de chambre, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Madame LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme BRIAND, Président de chambre, rédacteur, Mme POCHON, Conseiller, Mme HEIJMEIJER, Conseiller
ARRÊT prononcé publiquement le 7 décembre 2017 à 14 h 00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour et signé par Mme BRIAND, président, et Madame LE GALL, greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte sous seing privé établi le 21 septembre 2013 la SCI Chaumeil a donné à bail à M. X. un logement situé [adresse] moyennant le paiement d'un loyer de 950 euros outre les charges.
Le 24 mars 2014 la SCI Chaumeil a fait délivrer à M. X. un commandement de payer la somme de 2.032,49 euros au titre de l'arriéré impayé à cette date ainsi qu'une mise en demeure de justifier de l'occupation du logement.
Le 25 avril 2014 la SCI Chaumeil a fait procéder à la saisie conservatoire des fonds détenus par la caisse d'épargne de Caen pour le compte de M. X. par procès-verbal dénoncé à ce dernier le 2 mai 2014.
Par jugement du 23 juin 2015 le tribunal d'instance de Caen a condamné M. X. à verser à la SCI Chaumeil la somme de 6.545,16 euros en deniers ou quittances au titre des loyers impayés au mois de mai 2015 inclus en donnant acte à M. X. de la remise à l'audience d'un chèque d'un montant de 4.950 euros, condamné M. X. à verser à la SCI Chaumeil la somme de 654,51 euros au titre de la clause pénale, a débouté en l'état la SCI Chaumeil de sa demande formée au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de validation de la saisie conservatoire, a renvoyé M. X. à mieux se pourvoir sur la contestation de la saisie conservatoire, condamné la SCI Chaumeil à verser à M. X. la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts, débouté M. X. de ses demandes au titre de la clause pénale, de la révision du montant du loyer, des dommages et intérêts pour procédure abusive, a condamné M. X. à payer à la SCI Chaumeil la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles, l'a débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné aux dépens.
Le 14 octobre 2015 M. X. a relevé appel de cette décision.
Dans des conclusions récapitulatives remises au greffe le 9 juin 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés la SCI Chaumeil demande à la cour de confirmer dans son principe le jugement entrepris, condamner M. X. à lui payer la somme de 10.104,78 euros en principal et dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, débouter M. X. de toutes ses demandes, le condamner à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles et aux entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution de la SCP V.-L.-M.-V.
Dans des conclusions récapitulatives n° 3 remises au greffe le 3 octobre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés M. X. demande à la cour de réformer le jugement déféré, écarter des débats les pièces n° 11 et 12 produites par la SCI Chaumeil, constater que M. X. est créditeur de la somme de 433,98 euros au titre des loyers au montant initialement convenu, le décharger du règlement de l'indemnité de 654,51 euros au titre de la clause pénale au motif soit que cette clause est nulle et non avenue, soit que son évaluation est manifestement excessive, débouter la SCI Chaumeil de sa demande à ce titre, confirmer l'analyse du tribunal d'instance concernant les taxes d'enlèvement d'ordures ménagères, condamner la SCI Chaumeil à verser à M. X. la somme de 3.675 euros à titre reconventionnel, en conséquence condamner la SCI Chaumeil à verser la somme de 4.108,98 euros à M. X. et à lui remettre les quittances de loyer à compter du mois de février 2014 dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour et par quittance, en tout état de cause réformer la condamnation de M. X. au titre des frais irrépétibles et des dépens, condamner la SCI Chaumeil à verser à maître Caroline D., avocat associé de la SELARL D.F., la somme de 2.000 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, condamner la SCI Chaumeil aux dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 octobre 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A la date à laquelle la cour statue M. X. n'occupe plus le bien loué.
La SCI Chaumeil produit en annexe du procès-verbal de constat établi le 4 octobre 2015 la lettre en date du 14 septembre 2015 dans laquelle M. X. l'a informée qu'il quitterait le logement « le week-end du 3-4 octobre sans autre préavis ».
Faute de justifier être dans l'un des cas où la loi réduit à un mois le délai de préavis dû par le locataire M. X. est tenu de respecter un préavis de trois mois et se trouve redevable des loyers correspondants sauf s'il est démontré que le bailleur a reloué avant l'expiration de ce délai, ce qui n'est pas le cas. M. X. est donc redevable des loyers échus jusqu'au mois de décembre 2015 inclus.
Si son décompte inclut le paiement d'un loyer réduit à 825 euros par mois de juin à novembre 2014 M. X. ne rapporte la preuve d'aucun accord intervenu avec le bailleur sur cette réduction en vue de compenser le trouble de jouissance qu'aurait généré l'absence de réalisation de certains travaux. Ne vaut pas preuve de cet accord le courrier daté du 25 janvier 2014 par lequel M. X. adresse à la SCI Chaumeil la somme de 2.475 euros et subordonne l'encaissement du chèque à l'acceptation par le bailleur de cet accord, l'encaissement par le bailleur d'une partie de la somme due ne comportant pas de renonciation expresse au paiement du solde des loyers dus.
Si le premier juge a rejeté à juste titre la demande de la SCI Chaumeil tendant à la révision du loyer contractuellement convenu à la date anniversaire du bail soit au mois de septembre 2014, au motif qu'elle n'était pas conforme aux dispositions de l'article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989 il n'en a toutefois pas tiré les conséquences puisqu'il chiffre à 18.095,16 euros le montant total des loyers échus impayés au 5 mai 2015 en incluant le loyer du mois de septembre 2014 révisé et porté à 951,80 euros et les 8 loyers postérieurs révisés et portés chacun à la somme de 955,42 euros.
Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a écarté la demande de la bailleresse tendant au paiement des taxes d'enlèvement des ordures ménagères pour les années 2013 et 2014 faute de production des avis d'imposition correspondants qui ne sont pas plus produits devant la cour.
L'apurement des comptes entre les parties doit donc se faire sur la base d'un loyer mensuel de 950 euros.
Selon le décompte arrêté au 5 mai 2015 le montant des loyers dus pour la période du mois de novembre 2013 au mois de mai 2015 inclus s'élevait à la somme de 18.050 euros sur laquelle M. X. a versé une somme totale de 11.550 euros, laissant subsister un solde de 6.500 euros.
M. X. a remis un chèque de 4.950 euros le jour de l'audience de plaidoirie devant le premier juge le 12 mai 2015. Sa pièce n° 14 qui correspond au décompte fait par l'huissier de justice chargé du recouvrement de sa créance par la bailleresse, prouve que cette somme a bien été encaissée et doit donc être déduite de celle de 6.500 euros, ce qui réduit le solde des loyers dus au 31 mai 2015 à la somme de 1.550 euros.
M. X. est en outre débiteur de la somme de 6.650 euros au titre des loyers échus du mois de juin 2015 au mois de décembre 2015 (7 x 950), ce qui porte à 8.200 euros la créance de la SCI Chaumeil au titre des loyers échus et impayés au 31 décembre 2015.
Il ressort d'une part du décompte établi par l'huissier de justice déjà cité que M. X. a versé un acompte de 2.741,16 euros le 30 octobre 2015 et un acompte de 779,39 euros le 25 novembre 2015, d'autre part des conclusions de la bailleresse (page 7) que l'appelant a remis un dernier chèque de 1.666,66 euros le 14 décembre 2015.
Après déduction de ces trois versements M. X. reste redevable de la somme de 3.012,79 euros envers la SCI Chaumeil au titre de l'arriéré de loyers au 31 décembre 2015.
Le bail liant les parties prévoit qu’« à défaut de paiement à son échéance exacte d'un terme de loyer et de ses accessoires, le montant de la quittance sera majorée de plein droit de 10 % à titre de clause pénale, observation faite que la présente stipulation ne constitue en aucune façon une amende mais la réparation d'un préjudice ».
La bailleresse réclame le paiement de cette indemnité pour chacune des échéances impayées.
M. X. soutient qu'il s'agit d'une clause abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation dans sa version applicable à la date du contrat et qu'elle doit être réputée non écrite.
Contrairement à ce que fait valoir la SCI Chaumeil dont les pièces produites prouvent qu'elle est un professionnel de la location et de l'immobilier en général et non une SCI à caractère familial, ce texte est applicable en l'espèce, le locataire ayant la qualité de consommateur.
La clause pénale qui majore de 10 % tout loyer impayé, crée au détriment du locataire un déséquilibre entre ce dernier et le bailleur en l'absence de sanction réciproque des manquements du bailleur prévue par le bail.
Elle doit donc être réputé non écrite et la SCI Chaumeil doit être déboutée des sommes réclamées à ce titre, le jugement déféré étant réformé en conséquence.
Après déduction du dépôt de garantie de 950 euros l'arriéré de loyers s'élève à la somme de 2.062,79 euros.
En déduisant du solde de sa créance l'indemnité de 300 euros allouée par le premier juge à M. X. en réparation du trouble de jouissance généré par l'inexécution de certains travaux par la bailleresse celle-ci admet le principe de son obligation à réparer le préjudice subi.
M. X. demande de porter cette indemnité à 3.675 euros soit 150 euros par mois de location pour la période du 21 septembre 2013 au 5 octobre 2015.
Si la bailleresse n'a pas exécuté les travaux relatifs à la terrasse et aux espaces verts extérieurs M. X. ne prouve pas que cette inexécution l'a placé dans l'impossibilité de jouir de ces espaces tels qu'ils apparaissent sur les photographies produites.
A l'inverse le locataire établit qu'à l'intérieur de l'immeuble la prise de téléphone du salon n'a jamais été raccordée, ce qui l'a privé de la possibilité de faire installer une ligne fixe, qu'il existait jusqu'à son départ une découpe dans l'un des murs du local WC datant d'une réparation antérieure sur la plomberie, que les débris provenant de la cheminée côté ouest, visibles dans la gouttière sur les photographies déjà citées, et la chute d'un morceau de la corniche en ciment surplombant la porte de la buanderie appelaient de la part du locataire une vigilance particulière du fait du risque potentiel en résultant pour la sécurité des personnes.
Ces éléments justifient l'allocation à l'appelant d'une somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts réparant le trouble de jouissance.
Après compensation des créances réciproques des parties M. X. reste redevable envers la SCI Chaumeil d'une somme de 1.462,79 euros au titre de l'arriéré de loyers qu'il doit être condamné à lui payer avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, le jugement déféré étant réformé en conséquence.
La SCI Chaumeil se verra enjoindre de délivrer les quittances de loyer qui ne l'auraient pas été, à M. X. pour la période du mois de février 2014 au mois de décembre 2015, et ce dans le délai d'un mois à compter du règlement par ce dernier de l'arriéré de loyers de 1.462,79 euros sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant un mois passé lequel délai il pourra à nouveau être fait droit.
La cour n'ayant pas exploité ces pièces la demande de M. X. tendant à ce que soient écartées des débats les pièces n°11 et 12 produites par l'intimée est sans objet.
Les autres dispositions du jugement déféré non contraires au présent arrêt et notamment celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.
Chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions, supportera la charge des frais irrépétibles et des dépens qu'elle aura personnellement exposés pour les besoins de la procédure d'appel, les dépens laissés à la charge de la SCI Chaumeil comprenant les frais d'exécution de la SCP V.-L.-M.-V.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement rendu le 23 juin 2015 par le tribunal d'instance de Caen dans ses dispositions :
- donnant acte à M. X. de la remise lors de l'audience d'un chèque d'un montant de 4.950 euros au conseil de la SCI Chaumeil,
- déboutant la SCI Chaumeil de sa demande formée au titre de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères,
- disant n'y avoir lieu de statuer sur la demande de validation de la saisie conservatoire,
- déboutant M. X. de sa demande de révision du montant du loyer et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamnant M. X. à payer à la SCI Chaumeil la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles, le déboutant de sa demande au titre des frais irrépétibles et le condamnant aux dépens de première instance,
Réforme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,
Dit que M. X. est débiteur envers la SCI Chaumeil de la somme de 2.062,79 euros au titre de l'arriéré de loyers au 31 décembre 2015 et créancier envers la SCI d'une somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance subi,
Ordonne la compensation des créances réciproques,
En conséquence condamne M. X. à payer à la SCI Chaumeil la somme de 1.462,79 euros au titre de l'arriéré de loyers au 31 décembre 2015, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Enjoint à la SCI Chaumeil de délivrer les quittances de loyer qui ne l'auraient pas été, à M. X. pour la période du mois de février 2014 au mois de décembre 2015, et ce dans le délai d'un mois à compter du règlement effectif par ce dernier de l'arriéré de loyers de 1.462,79 euros sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant un mois passé lequel délai il pourra à nouveau être fait droit,
Dit que la demande de M. X. tendant à ce que soient écartées des débats les pièces n° 11 et 12 produites par l'intimée et non exploitées par la cour, est sans objet,
Dit que chaque partie conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens qu'elle aura personnellement exposés pour les besoins de la procédure d'appel, les dépens laissés à la charge de la SCI Chaumeil comprenant les frais d'exécution de la SCP V.-L.-M.-V.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
N. LE GALL S. BRIAND
- 5848 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 5734 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause réputée non écrite
- 5848 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 6122 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 (indices)
- 6395 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (3) - Obligations du locataire : paiement du prix