CA NÎMES (1re ch. civ. A), 5 novembre 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 7328
CA NÎMES (1re ch. civ. A), 5 novembre 2015 : RG n° 15/00373
Cassé par Cass. civ. 1re, 25 janvier 2017 : pourvoi n° 16-10105 ; arrêt n° 121 ; Bull. civ.
Publication : Jurica
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
PREMIÈRE CHAMBRE A
ARRÊT DU 5 NOVEMBRE 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/00373. JUGE DE L'EXECUTION DE PRIVAS, 13 janvier 2015 - R.G. n° 13/01720
APPELANTE :
SA LYONNAISE DE BANQUE
représenté par son président de conseil d'administration domicilié audit siège, Représentée par Maître Laure R. de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Maître Hubert R. de la SCP CABINET R.-C., Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS :
Monsieur X.
Représenté par Maître Jacques G. de la SCP G. & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE, Représenté par Maître Georges P. R., Postulant, avocat au barreau de NÎMES
Madame E. épouse X.
Représentée par Maître Jacques G. de la SCP G. & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE, Représentée par Maître Georges P. R., Postulant, avocat au barreau de NÎMES
Ordonnance de clôture du 24 septembre 2015, révoquée sur le siège sur demande conjointe des parties et clôturée à nouveau au 5 octobre 2015.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : M. André JACQUOT, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. André JACQUOT, Président, Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller, Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller
GREFFIER : Mme Isabelle DELOR, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS : A l'audience publique du 8 octobre 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 5 novembre 2015.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. André JACQUOT, Président, publiquement, le 5 novembre 2015, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon 6 actes authentiques en dates des 4 et 9 septembre 2008, la SA Lyonnaise de banque a consenti aux époux X./Y. plusieurs prêts d'un montant total de 696.508 euros destinés à l'acquisition de divers lots de copropriété dans une résidence située à [ville T.]. Se prévalant d'impayés, la banque a fait pratiquer le 14 mars 2013 plusieurs saisies attributions sur le compte bancaire détenu par les emprunteurs auprès de la Société générale en vertu des copies exécutoires des prêts. Sur contestation des époux X./Y., le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Privas, par jugement contradictoire du 13 janvier 2015, a annulé les saisies attributions aux motifs d'une information pénale dans le cadre de l'affaire dite « A. » poursuivie à l'encontre de plusieurs notaires instrumentaires, dont Maître J. notaire à [ville M.] ayant établi les actes de prêt dont s'agit et d'une demande reconventionnelle en remboursement de ces mêmes prêts soutenue par la Société lyonnaise de banque dans une procédure civile en responsabilité dirigée à son encontre.
Cette dernière a relevé appel du jugement et soutient dans ses dernières écritures en date du 1er octobre 2015 auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé des demandes et moyens que :
- les titres dont elle se prévaut sont exécutoires et les époux X./Y. n'en ont jamais sollicité la nullité ;
- la prescription de l'article L. 137-2 du code de la consommation ne leur est pas applicable au regard de l'investissement immobilier réalisé à hauteur de 2.315.831 euros et de l'incompatibilité du statut de loueurs de meublé professionnels avec celui de consommateurs ;
- c'est à tort que le premier juge a retenu que la banque se serait soumise volontairement au code de la consommation en l'absence de volonté non équivoque, de surcroît à une disposition intervenue deux années après la souscription des emprunts litigieux ;
- par ailleurs la prescription alléguée a été interrompue par la signification de conclusions reconventionnelles en paiement le 13 avril 2010 dans le cadre de l'action en responsabilité initiée par les emprunteurs à son encontre devant le tribunal de grande instance de Marseille ;
- l'article L. 137-2 du code de la consommation repose sur une présomption de paiement en ce qu'il est issu de l'ancien article 2272 du Code civil.
La SA Lyonnaise de banque conclut à l'infirmation du jugement déféré et à la validation des saisies attributions pratiquées ; elle sollicite paiement d'une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les époux X./Y. par conclusions récapitulatives et en réplique du 23 septembre 2015 auxquelles il est fait ici expressément référence pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, font valoir que :
- le statut de loueur en meublé professionnel est une incitation fiscale destinée à financer la construction de résidences pour personnes âgées (Ehpad), de résidences étudiantes, hôtelières et de tourisme qui sont tous des lieux d'habitation et ne confère pas la qualité de commerçant nonobstant une inscription au registre du commerce et des sociétés ;
- la prescription de l'article L. 137-2 du code de la consommation est de nature extinctive en ce qu'elle sanctionne l'inertie du créancier qui est en outre sans intérêt légitime à faire constater judiciairement une créance lorsqu'il dispose d'un acte notarié exécutoire constatant cette même obligation ;
- ils n'ont jamais contesté la validité des actes notariés par une procédure en inscription de faux et la procédure pénale en cours ne peut pas plus statuer sur l'authenticité de ces actes ;
- en l'état d'un premier incident de paiement non régularisé le 5 octobre 2009, la banque se devait d'agir au plus tard le 5 octobre 2011 de telle sorte que la mainlevée des saisies attributions pratiquées en 2013 s'impose.
Les époux X./Y. concluent à la confirmation du jugement déféré et au paiement par la banque appelante d'une indemnité de 3.000 euros pour frais de procédure.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Les lois de procédure étant d'application immédiate, celle du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription des droits et actions en matière civile n'y déroge pas, ce qu'admettent les parties, le débat étant circonscrit à la question de savoir si les époux X./Y. peuvent se prévaloir de la prescription biennale de l'article L. 137-2 applicable tant au crédit mobilier qu'au crédit immobilier. Ni le montant des prêts souscrits, ni l'inscription de M. X. au registre du commerce en qualité de loueur en meublé professionnel ne permettent d'écarter la qualité de consommateurs que conteste l'établissement bancaire aux intimés. En effet :
- les époux X./Y. sont co-emprunteurs solidaires et l'argument tiré de l'inscription au registre du commerce et des sociétés du seul mari n'est pas opposable à l'épouse ;
- il est admis que les acquisitions ont été réalisées dans un but de défiscalisation, option offerte à tout contribuable dans les termes de l'article 151 septies du code général des impôts mais nécessitant une telle immatriculation sans que pour autant les activités des époux (ophtalmologiste pour le mari - sans profession pour l'épouse) aient été modifiées en quoi que ce soit, étant rappelé qu'ils ne participent en rien à la gestion ou l'exploitation des résidences dans lesquelles ils se sont portés acquéreurs de lots et que ces lots ont été donnés à bail par l'intermédiaire d'un gestionnaire ; autrement dit le statut de loueur en meublé professionnel ne correspond à aucune activité économique réelle et cela est si vrai que l'administration fiscale l’accorde au contribuable quand bien même le greffe du tribunal de commerce lui aurait refusé son inscription purement formelle au registre du commerce et des sociétés ce qui démontre, si besoin était, qu'il s'agit d'un régime dérogatoire destiné à favoriser un placement patrimonial reposant sur des déductions fiscales ;
- l'article L 123-7 du code de commerce n'institue par ailleurs qu'une présomption quant à la qualité de commerçant pour la personne physique qui s'inscrit au registre du commerce, qualité qui n'est réellement acquise que pour « ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » ainsi que le prévoit l'article L. 121-1 du même code ;
- les immeubles financés sont à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation au sens de l'article L. 312-2 du code de la consommation d'ailleurs expressément visé par les offres de prêts; la portée générale de ces dispositions tant dans leur rédaction ancienne (loi du 13 juillet 1979) que postérieure à la modification législative du 1er juillet 2010 la rend applicable non pas au seul consommateur au sens strict du terme mais à tout particulier souscrivant un emprunt pour acquérir un immeuble de cette nature, la loi ne distinguant pas entre des acquisitions destinées à une habitation effective ou celles destinées à un investissement ;
- en dénonçant les agissements de la banque au travers d'une action en paiement de dommages-intérêts visant à compenser les soldes des prêts litigieux, la banque ne peut soutenir que les époux X./Y. ont reconnu leur dette de telle sorte que le débat abordé il est vrai « à titre infiniment subsidiaire » par la SA lyonnaise de banque sur « l'adaptation sémantique de l'ancien article 2272 du Code civil » qui voudrait que la courte prescription de l'article L. 137-2 précité repose sur une présomption de paiement, alors que les intimés considèrent qu'elle a vocation à sanctionner la négligence du créancier, n'a pas lieu d'être ;
- enfin, quelque peu convaincue de leur qualité de consommateurs, la banque appelante les a inscrits dès le 19 décembre 2009 au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), réservé aux seuls consommateurs.
Les époux X./Y. sont donc fondés à se prévaloir du bénéfice de la prescription biennale.
Doit être examiné en second lieu si cette prescription a été valablement interrompue, étant rappelé que son point de départ se situe à la première échéance impayée et non régularisée soit en l'espèce au 5 octobre 2009 ainsi qu'il ressort des courriers adressés le 19 octobre 2009 par l'établissement bancaire aux emprunteurs. En vain, la SA Lyonnaise de banque se prévaut de conclusions signifiées le 13 avril 2010 dans la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Marseille car :
- si « les emprunteurs continuent à contester tous azimuts le titre exécutoire et à dénier à la banque le droit de s'en servir », comme elle le prétend, force est de constater que les époux X./Y. n'ont initié aucune procédure en inscription de faux ni aucune action en nullité des emprunts souscrits et ils rappellent expressément dans le cadre de la présente procédure que la banque dispose bien de titres exécutoires ;
- si un créancier peut disposer de deux titres exécutoires pour une même créance, encore faut-il d'une part qu'il ait un intérêt au sens de l'article 31 du code de procédure civile à solliciter un second titre et que d'autre part une action ait été introduite à cette fin de manière non équivoque; or les conclusions précitées sont ainsi libellées : « attendu que M. X. et Mme X. née /Y.. ont sollicité le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale et que la Lyonnaise de banque n'a pas entendu s'y opposer. Mais attendu que la concluante, afin d'interrompre la prescription, entend former des demandes reconventionnelles en paiement » ; il en résulte que ces demandes ne sont formées qu'à titre préventif ou conservatoire et non pas dans le but de faire liquider une créance, les époux X./Y. faisant justement observer que la SA Lyonnaise de banque a repris purement et simplement le montant de sa mise en demeure sans même liquider les intérêts échus à la date des conclusions.
C'est donc à bon droit qu'ils soutiennent que la seule volonté d'interrompre la prescription biennale ne constitue pas un intérêt à agir puisque l'acte notarié permet de le faire et c'est ce que fera d'ailleurs la banque en procédant aux saisies attributions litigieuses en 2013, mais tardivement en l'état d'impayés datant de quatre années.
Le jugement déféré ordonnant leur mainlevée doit ainsi être confirmé par substitution de motifs.
* * *
Aucun motif d'équité ne conduit à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA Lyonnaise de banque qui succombe est condamnée aux dépens en application de l'article 696 du même code.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement déféré par substitution de motifs ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA Lyonnaise de banque aux dépens avec faculté de recouvrement direct dans les termes de l'article 699 du même code.
Arrêt signé par M. JACQUOT, Président et par Mme MAILLET, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5872 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité et objet social
- 5893 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Conclusion du contrat
- 5937 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Financement de l’activité - Prêts
- 6638 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit immobilier - Présentation générale