CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 15 mars 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7502
CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 15 mars 2018 : RG n° 15/12408
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2018-004028
Extrait : « En l'espèce, Mme X. exerce la profession de podologue. Elle est manifestement tenue à la réglementation sanitaire en ce qui concerne son cabinet. Pour autant, cette réglementation n'impose pas la mise en place de purificateurs d'air. Dès lors, la société LOCAM ne peut sérieusement soutenir que ce matériel aurait un lien direct avec l'activité professionnelle de podologue exercée par l'intimée. En effet, le système améliore éventuellement le confort des patients mais ne constitue pas l'activité même de soins de ce praticien. Mme X. peut donc se prévaloir des dispositions du code de la consommation dans sa version alors applicable et notamment celles relatives au démarchage, la renonciation par celle-ci au bénéfice de cette réglementation d'ordre public ne pouvant être valablement invoquée par l'appelante. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9
ARRÊT DU 15 MARS 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/12408 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 avril 2015 - Tribunal d'Instance de MELUN - R.G. n° 11-13-002379.
APPELANTE :
SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS SAS
agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège, N° SIRET : XXX. Représentée et assistée de Maître Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E. BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
INTIMÉE :
Madame X.
née le [date], [adresse]. Représentée et assistée de Maître Jérémy NAPPEY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0535
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 24 janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Philippe DAVID, Président, Mme Marie MONGIN, Conseiller, Mme Marie-José BOU, Conseiller, qui en ont délibéré
[minute page 2] Greffier, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Philippe DAVID, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 27 octobre 2011, Mme X., à la suite d'un démarchage à domicile, concluait avec la société LOCAM un contrat de location d'une durée irrévocable de 60 mois pour un purificateur d'air fourni et installé par la société GROUP SOLVENSYS, moyennant un loyer mensuel fixé à la somme de 111,02 euros TTC, assurance bris de machine comprise.
Le 10 novembre 2011, Mme X. réceptionnait le matériel livré.
A compter de l'échéance du 30 octobre 2012, Mme X. cessait de régler le montant du loyer.
Le 29 janvier 2013, la société LOCAM adressait une mise en demeure infructueuse à Mme X.
Le 15 avril 2013, la société LOCAM assignait Mme X. devant le tribunal d'instance de Melun, afin de la voir condamner à lui payer les sommes de 5.404,02 euros à titre principal avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2013, et celle de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et d'obtenir sa condamnation, sous astreinte, à lui restituer le matériel objet du contrat.
Par jugement contradictoire en date du 3 avril 2015, le tribunal d'instance de Melun prononçait la nullité du contrat de location signé par Mme X. le 27 octobre 2011, condamnait la société LOCAM à payer à Mme X. la somme de 1.221,22 euros correspondant aux loyers payés, ordonnait à Mme X. de restituer le matériel objet du contrat, ordonnait l'exécution provisoire, et condamnait la société LOCAM à payer à Mme X. la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La juridiction retenait que le consentement de la défenderesse avait été vicié par le dol, en ce qu'il était rapporté que l'agent commercial, ayant réalisé le démarchage au domicile de Mme X., avait eu l'intention de la tromper en lui apportant des informations erronées sur les conditions contractuelles.
Par déclaration en date du 12 juin 2015, la société LOCAM a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 décembre 2017, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, invoquant l'absence de preuve de la véracité des agissements de l'agent commercial de nature à tromper Mme X. A cet égard, la société LOCAM réclame la condamnation de l'intimée à lui verser la somme de 5.404,02 euros à titre principal avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2013, et celle de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation, sous astreinte, à lui restituer le matériel objet du contrat.
[minute page 3] Mme X., intimée, dans ses dernières écritures signifiées le 18 décembre 2017, sollicite la confirmation du jugement rendu, et en tout état de cause la condamnation de l'appelante à lui régler la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement, Mme X. demande la nullité du contrat pour manquement aux règles en matière de démarchage et plus subsidiairement la limitation de la créance de la société LOCAM aux échéances déjà versées et les plus larges délais de paiement.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 décembre 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
1 - Il est constant que Mme X. a, le 27 octobre 2011, dans le cadre de son activité professionnelle de podologue conclu avec la société LOCAM un contrat de location d'une durée irrévocable de 60 mois pour un purificateur d'air fourni et installé par la société GROUP SOLVENSYS, moyennant un loyer mensuel de 107.64 euros TTC, hors assurance.
Il n'existe aucune contestation quant à la livraison du matériel et sa conformité à la commande.
Il apparaît en outre que la société LOCAM a réglé le montant du matériel et a mis en place les prélèvements des loyers au moyen de l'autorisation de prélèvement remise par Mme X.
Mme X. a cessé de régler le montant du loyer à compter de l'échéance du 30 octobre 2012.
2 - Au soutien de sa demande d'infirmation du jugement, en ce qu'il a retenu la nullité du contrat pour dol, la société LOCAM, fait valoir en premier lieu, qu'il appartenait à Mme X. de mettre en cause la société SOLVENSYS et en second lieu que le tribunal s'est uniquement fondé sur des attestations relatives à d'autres locataires ayant signé des contrats de location similaires.
À cet égard, Mme X. indique que le contrat que lui avait fait signer la société SOLVENSYS ne lui aurait pas été remis.
L'examen de l'exemplaire produit par la société LOCAM montre toutefois que l'intimée a apposé, à trois reprises, sa signature sur le contrat ainsi que le timbre humide de son cabinet et la mention « lu et approuvé ».
Mme X. fait valoir que le démarcheur lui aurait caché la durée d'engagement irrévocable de 60 mois en évoquant une durée de 12 mois avec acquisition du matériel au terme du contrat. Elle soutient donc que la non remise du contrat participerait d'une manœuvre pour lui dissimuler la réalité de son engagement.
Pour preuve de ses affirmations, Mme X. produit aux débats des attestations de podologues qui mentionnent une absence de remise du contrat après signature.
Toutefois, ces attestations ne constituent pas la démonstration qu'elle aurait elle-même été trompée sur la durée du contrat alors que l'indication de 60 mois figure clairement dans le document qu'elle a signé à trois reprises.
En outre, il apparaît que le dol serait imputable à la société SOLVENSYS, cette dernière répondant des actes de son préposé à l'occasion du démarchage de Mme X.
[minute page 4] Cependant, la société SOLVENSYS n'a pas été mise en cause.
Dans ces conditions, le dol ne pouvait valablement être retenu par le tribunal.
Le jugement sera dès lors infirmé de ce chef.
2 [3] [N.B. la numérotation des paragraphes semble erronée] - S'agissant de la nullité pour défaut de preuve des droits de la société LOCAM, cette dernière produit la facture d'achat du matériel livré à Mme X., émise par la société SOLVENSYS.
Au regard du caractère consensuel du contrat de vente, cet élément établit les droits de la société LOCAM sur ce matériel.
Aucune nullité ne peut donc être retenue à […]
3 [4] - Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-22 du code de la consommation : « Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation par un texte législatif particulier.
Ne sont pas soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 : (....)
4° Les ventes, locations ou locations-ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ».
En l'espèce, Mme X. exerce la profession de podologue. Elle est manifestement tenue à la réglementation sanitaire en ce qui concerne son cabinet. Pour autant, cette réglementation n'impose pas la mise en place de purificateurs d'air.
Dès lors, la société LOCAM ne peut sérieusement soutenir que ce matériel aurait un lien direct avec l'activité professionnelle de podologue exercée par l'intimée. En effet, le système améliore éventuellement le confort des patients mais ne constitue pas l'activité même de soins de ce praticien.
Mme X. peut donc se prévaloir des dispositions du code de la consommation dans sa version alors applicable et notamment celles relatives au démarchage, la renonciation par celle-ci au bénéfice de cette réglementation d'ordre public ne pouvant être valablement invoquée par l'appelante.
A cet égard, l'article L.121-23 prévoyait :
« Les opérations visées à l'article L.121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et emporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1°- Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2°- Adresse du fournisseur ;
3°- Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4°- Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;
5°- Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou [minute page 5] d'exécution de la prestation de services ;
6°- Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;
7°- Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25, L. 121-26 ».
L'article la société SOLVENSYS énonçait :
« Le contrat visé à l'article L. 121-23 doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 121-25. Un décret en Conseil d'État précisera les mentions devant figurer sur ce formulaire. Ce contrat ne peut comporter aucune clause attributive de compétence. Tous les exemplaires du contrat doivent être signés et datés de la main même du client ».
Ces dispositions d'ordre public sont prévues à peine de nullité du contrat.
La société LOCAM qui conteste l'application de ces règles à Mme X., reconnaît par là-même qu'elle n'a pas satisfait à l'obligation de remettre à cette dernière un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 121-25 du code de la consommation.
Par conséquent, la nullité doit être prononcée pour sanctionner ce manquement avec ses conséquences de droit : restitution des sommes versées, soit 1.221,22 euros correspondant aux loyers réglés, et du matériel de purification d'air.
4 [5] - Dans ces conditions, les demandes relatives à la créance et au délai de paiement sont sans objet.
7 [6] - La société LOCAM succombant en son appel sera condamnée aux dépens.
Il paraît équitable d'allouer à Mme X. une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par décision mise à disposition au greffe, contradictoire,
- Infirme le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat pour dol ;
- Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Prononce la nullité du contrat de location signé entre la société LOCAM et Mme X. le 27 octobre 2011, pour infraction aux dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de la consommation dans la version alors applicable ;
Dit que la société LOCAM devra restituer à Mme X. la somme de 1.221,22 euros [minute page 6] correspondants aux loyers payés ;
- Ordonne à Mme X. de restituer le matériel de purification de l'air objet du contrat ;
- Condamne la société LOCAM à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- Rejette les autres demandes ;
- Condamne la société LOCAM aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
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