CA BASTIA (ch. civ.), 11 avril 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7506
CA BASTIA (ch. civ.), 11 avril 2018 : RG n° 17/00074
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « En effet, il ne résulte d'aucune autre disposition du même code, ni non plus du contrat de prêt, que, pour dire acquise la déchéance du terme et prononcer la résiliation du contrat, le prêteur a l'obligation de renouveler l'information de l'emprunteur en lui notifiant que la déchéance est désormais acquise. »
2/ « En l'absence dans les conditions générales du contrat de prêt de précisions sur la mise en œuvre de la sûreté, la seule mention que DIAC peut poursuivre la réalisation de son gage conformément aux dispositions légales, sans les expliciter sur le même support et permettre ainsi à M. X. de comprendre et mesurer clairement l'étendue de ses obligations, constitue une clause qui a eu pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, au sens de l'article L. 132-1, ancien et applicable à l'espèce, du code de la consommation.
De même, s'agissant de la clause relative à la subrogation, l'article 1250-1° du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, prévoit que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne. Or en l'espèce, la SA DIAC, le prêteur, qui se borne à verser au vendeur la société Doria Automobiles les fonds empruntés par M. X. afin de financer l'acquisition du véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur, n'est pas l'auteur du paiement. Par conséquent, la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule est inopérante.
La clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 11 AVRIL 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/00074 GER – C. Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal d'Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 12 décembre 2016, enregistrée sous le R.G. n° 11-16-000328.
APPELANTE :
SA DIAC
prise en la personne de son représentant légal en exercice, ayant pour avocat Maître Valérie T. de la SCP T.- S.-V.-B. DE C.-T., avocat au barreau de BASTIA
INTIMÉ :
M. X.
défaillant
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 8 février 2018, devant M. Gérard EGRON-REVERSEAU, Conseiller, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Christine LORENZINI, Présidente de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller, M. Gérard EGRON-REVERSEAU, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 avril 2018.
ARRÊT : Réputé contradictoire, Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Mme Christine LORENZINI, Présidente de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Selon une offre préalable de crédit à la consommation en date du 7 août 2014, acceptée le jour même, la SA DIAC a consenti à M. X. un prêt personnel d'un montant de 10.350 euros, au taux nominal de 7 %, et taux effectif global de 7,900 %, remboursable en soixante mensualités de 208,02 euros, hors assurance.
La mise en demeure en date du 9 octobre 2014 adressée à M. O. qui n'a remboursé aucune échéance, précisant qu'en cas d'absence de règlement dans un délai de huit jours, la déchéance du terme serait acquise, étant demeurée vaine, la SA Diac l'a fait assigner devant le tribunal d'instance de Bastia aux fins d'obtenir, avec exécution provisoire, aux visas des 1134, 1153, 1250 du code civil et L. 311-30 et L. 313-7 et suivants du code de la consommation, sa condamnation au paiement de la somme de 11.434,94 euros actualisée au 31 mai 2016, assortie des intérêts au taux contractuel à compter du 19 octobre 2014, outre l'allocation de 105,81 euros en remboursement des frais d'exécution engagés et 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a également sollicité que soit ordonnée la restitution du véhicule et au besoin son appréhension.
Par jugement réputé contradictoire en date du 12 décembre 2016, le tribunal d'instance de Bastia a :
- constaté que la preuve du prononcé de la déchéance du terme et donc de l'exigibilité de la totalité de la créance n'est pas rapportée,
- constaté que la SA Diac ne justifie pas de l'information effective de l'emprunteur quant à la déchéance du terme,
- condamné M. X. à payer à la SA Diac la somme de 230,28 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2014,
- rejeté la demande de restitution du véhicule,
- rejeté les autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire.
La SA DIAC a relevé appel par déclaration du 23 janvier 2017.
Par conclusions reçues à la cour le 14 mars 2017, elle demande
- l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
- dire et juger le prononcé de la déchéance du terme parfaitement régulier,
- dire et juger la totalité de sa créance exigible,
en conséquence,
- condamner M. X. à lui payer la somme de 11.434,94 euros au titre du principal restant dû, échéances impayées et indemnités sur capital et impayé,
- dire que cette somme sera augmentée des intérêts de retard au taux contractuel à compter du 19 octobre 2014,
- condamner M. X. à lui payer la somme de 1.308,64 euros au titre des intérêts sur le capital restant dû et échéance au 19 octobre 2014,
- ordonner la restitution immédiate du véhicule RENAULT CLIO III BUSINESS, objet du contrat, et au besoin l'appréhension du véhicule,
- condamner M. X. à payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce y compris la somme de 105,81 euros au titre des frais de la saisie appréhension.
Au soutien de son appel, la SA DIAC :
- estime avoir satisfait aux exigences des dispositions des articles L. 321-22-2, L. 311-24 et 25 du code de la consommation, dès lors que la mise en demeure adressée en accusé de réception le 9 octobre 2014 au débiteur lui a bien été remise à sa personne le 13 octobre 2014 et qu'elle a mentionné :
- son manquement à son obligation de remboursement, mais aussi le délai de régularisation,
- les conséquences de l'absence de régularisation dans le délai imparti,
- la déchéance du terme,
et sans qu'il soit nécessaire comme jugé en première instance de confirmer la déchéance au débiteur par l'envoi d'une nouvelle notification.
L'intimé convoqué par le greffe à la dernière adresse figurant à la procédure n'a pas constitué avocat et n'a pas comparu.
Par ordonnance du 5 octobre 2017, le conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Sur le respect des dispositions légales :
L'article L. 311-22-2 du code de la consommation applicable aux faits de l'espèce dispose que
« Dès le premier manquement de l'emprunteur à son obligation de rembourser, le prêteur est tenu d'informer celui-ci des risques qu'il encourt au titre des articles L. 311-24 et L. 311-25 du présent code ainsi que, le cas échéant, au titre de l'article L. 141-3 du code des assurances ».
En adressant, dès le défaut de paiement de la première échéance de remboursement du prêt accordé prévu selon le plan de financement le 30 septembre 2014, par courrier recommandé avec accusé de réception le 9 octobre 2014 à M. X. une mise en demeure qui lui précisait :
- le délai pour régulariser sa situation et ainsi faire obstacle à la déchéance du terme, tout en l'informant qu'à défaut, la déchéance du terme « sera acquise et le capital restant dû majoré d'une indemnité de 8 % deviendra immédiatement exigible ».
La SA DIAC a respecté les prescriptions de l'article du code de la consommation précité.
En effet, il ne résulte d'aucune autre disposition du même code, ni non plus du contrat de prêt, que, pour dire acquise la déchéance du terme et prononcer la résiliation du contrat, le prêteur a l'obligation de renouveler l'information de l'emprunteur en lui notifiant que la déchéance est désormais acquise.
Ainsi à l'inverse de ce qu'a retenu le premier juge, la lettre du 9 octobre 2014 est parfaitement valable pour voir prononcer la déchéance du terme et dire exigible la totalité de la créance réclamée.
Sur les sommes réclamées :
La créance de la DIAC est établie par les pièces contractuelles, l'historique des mouvements, le décompte de la créance et le tableau d'amortissement qui sont conformes à ses réclamations.
En considération du prix de vente du véhicule et du décompte daté du 31 mai 2016, la DIAC peut obtenir paiement des sommes réclamées au titre des échéances impayées : 230,28 euros, du capital restant dû 10.357,63 euros et des indemnités sur capital 828,61 euros, ainsi que 1.308,64 euros au titre des intérêts contractuels à compter du 19 octobre 2014.
Sur la restitution du véhicule :
Il résulte du contrat de crédit accessoire à la vente du véhicule, en date du 7 août 2014, que M. X. a désiré financer son achat auprès du concessionnaire Doria Automobile de [ville B.], par un prêt souscrit auprès de la société anonyme DIAC.
A la première page du contrat dans la partie intitulée « CARACTÉRISTIQUES ESSENTIELLES DU CRÉDIT » figurent les informations suivantes :
- « mise à disposition des fonds : Versement au vendeur »
- « Sûretés exigées : gage »
et sous l'article 5.2 des conditions générales la disposition suivante :
« Gage. Le cas échéant vous affectez votre véhicule à notre profit. Nous pouvons poursuivre la réalisation de notre gage conformément aux dispositions légales » ;
Au procès-verbal de livraison et demande de règlement à DIAC en date du 11 août 2014 et signé par M. X. figure la mention :
SUBROGATION AU PROFIT DE DIAC
En exécution de l'article 1250 du code civil, le fournisseur subroge expressément DIAC dans tous droits, actions et privilèges à l'encontre du bénéficiaire du contrat de vente à crédit mentionné ci-dessus et notamment la réserve de propriété fondée sur la loi 80-335 du 12 mai 1980.
En l'absence dans les conditions générales du contrat de prêt de précisions sur la mise en œuvre de la sûreté, la seule mention que DIAC peut poursuivre la réalisation de son gage conformément aux dispositions légales, sans les expliciter sur le même support et permettre ainsi à M. X. de comprendre et mesurer clairement l'étendue de ses obligations, constitue une clause qui a eu pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, au sens de l'article L. 132-1, ancien et applicable à l'espèce, du code de la consommation.
De même, s'agissant de la clause relative à la subrogation, l'article 1250-1° du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, prévoit que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne.
Or en l'espèce, la SA DIAC, le prêteur, qui se borne à verser au vendeur la société Doria Automobiles les fonds empruntés par M. X. afin de financer l'acquisition du véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur, n'est pas l'auteur du paiement.
Par conséquent, la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule est inopérante.
La clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
Le rejet de la demande de restitution du véhicule sera par conséquent confirmée.
Sur les autres demandes :
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 700 euros.
Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge du débiteur.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de restitution du véhicule,
et statuant à nouveau des chefs infirmés,
- Dit valable et régulière la mise en demeure adressée le 19 octobre 2014 à M. X. en l'état de la première échéance impayée,
- Dit acquise la résiliation du contrat du fait de la déchéance du terme intervenue,
en conséquence :
- Condamne M. X. à payer à la SA DIAC la somme de onze mille quatre cent trente-quatre euros et quatre-vingt-quatorze centimes (11.434,94 euros) augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 19 octobre 2014, outre la somme de mille trois cent huit euros et soixante-quatre centimes (1.308,64 euros) au titre des intérêts de retard échus au 19 octobre 2014,
- Condamne M. X. à payer à la SA DIAC la somme de sept cents euros (700 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. X. aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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