CA RIOM (3e ch. civ. et com.), 2 mai 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7556
CA RIOM (3e ch. civ. et com.), 2 mai 2018 : RG n° 16/02657
Publication : Jurica
Extrait : « L'article 5 des conditions générales dispose que les prix indiqués au contrat peuvent être modifiés à chaque date anniversaire de la prise d'effet, et que le défaut d'opposition du client dans le délai d'un mois, à compter de la première facture faisant apparaître les nouveaux prix vaudrait acceptation de ces derniers.
M. X. critique cette clause, au motif qu'elle contreviendrait à l'article L. 442-6-I du code de commerce, selon lequel celui qui soumet un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties engage sa responsabilité, et s'oblige à réparer le préjudice subi.
Cependant la clause de révision des prix ci-avant indiquée, telle que la SAS TCE l'a appliquée en indiquant, sur chacune de ses factures, les prix qu'elle entendait pratiquer pour une nouvelle période annuelle, n'a pas créé de déséquilibre significatif puisqu'elle laissait au client la possibilité de contester les nouveaux tarifs dans le délai d'un mois : M. X. avait toute latitude d'exercer ce droit, et la SAS TCE n'était pas tenue de le lui rappeler dans chacune des factures, puisqu'il suffisait à M. X. de se reporter sur ce point à l'article des conditions générales relatif à la fixation des prix. Au surplus, un éventuel manquement aux dispositions de l'article L. 442-6-I du code de commerce ne pourrait être sanctionné, aux termes de cet article, que par une action en responsabilité, et non par l'annulation de la clause litigieuse, seule demandée par M. X. »
COUR D’APPEL DE RIOM
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 2 MAI 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/02657. Sur APPEL d'une décision rendue le 27 octobre 2016 par le Tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND (R.G. n° 2015-012633).
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : M. François RIFFAUD, Président, M. François KHEITMI, Conseiller, Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller, En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
APPELANT :
M. X.
commerçant exerçant à titre individuel sous le nom commercial « SUD IMMO », immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le n° XXX, Représentant : la SCP L.-M., avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
ET :
INTIMÉE :
La société TCE SAS, exploitant sous l'enseigne TOSHIBA REGION CENTRE-EST
SAS immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le n° YYY, Représentant : Maître Karine E., avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
DÉBATS : A l'audience publique du 1er mars 2018 Monsieur KHEITMI a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 2 mai 2018.
ARRÊT : Prononcé publiquement le 2 mai 2018, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par M. François RIFFAUD, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
M. X., exerçant à [ville A.] une activité commerciale en nom personnel sous l'enseigne SUD IMMO, a conclu le 28 janvier 2010, avec la SA LIXXBAIL, un contrat de location portant sur un photocopieur TOSHIBA, pour une durée de 63 mois.
Suivant un autre acte sous seing privé, le 15 février 2010, M. X. a conclu avec la SAS BUROTIC SYSTEM, exerçant sous l'enseigne TOSHIBA Région Centre-Est (société ci-après désignée SAS TCE), un contrat d'assistance et de maintenance portant sur ce même photocopieur.
La SAS TCE a émis quatre factures visant le dit contrat, le 24 février 2014, les 11 juin, 22 et 27 juillet 2015, pour un montant total de 3.167,02 euros.
M. X. n'a pas payé ces factures et la SAS TCE l'a fait assigner le 11 décembre 2015 devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, qui suivant jugement contradictoire du 27 octobre 2016 a condamné M. X. à payer à la SAS TCE la somme principale de 3.167,02 euros avec intérêts au triple du taux légal, outre 160 euros d'indemnité forfaitaire, et 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X., suivant une déclaration électronique reçue au greffe de la cour le 16 novembre 2016, a interjeté appel total de ce jugement.
M. X. conteste les factures. Il fait valoir que les sommes facturées prétendent se fonder sur le nombre de copies réalisées, comme le prévoit le contrat, mais que la SAS TCE n'est jamais venue relever le compteur de copies de l'appareil, qu'elle n'a pas non plus demandé à M. X. de lui communiquer le nombre de copies réalisées, comme le permettait le contrat, et qu'elle a fixé ce nombre arbitrairement, par voie d'estimation. L'appelant conteste en outre le prix unitaire des copies, augmenté après trois années, au visa d'une clause du contrat qu'il déclare abusive, au regard de l'article L. 442-6 du code de commerce. Il souligne qu'il a ponctuellement réglé le loyer de base prévu au contrat, soit 650 euros hors taxe par trimestre, et que la société adverse ne rapporte pas la preuve du bien-fondé de sa demande.
M. X. demande, outre la réformation totale du jugement et le rejet des prétentions adverses, la condamnation de la SAS TCE à lui verser 4.000 euros de dommages et intérêts par application de l'article susdit, ainsi que 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS TCE demande au contraire la confirmation du jugement critiqué, et la condamnation de M. X. à lui payer 2.000 euros au titre des frais d'instance.
Elle déclare qu'au contraire de ce que prétend M. X., elle a établi certaines des factures sur la base de relevés du nombre de copies émises, relevés qu'elle produit aux débats, et dont elle déclare qu'il lui ont été communiqués par télé-transmission, conformément à une option prévue par le contrat (permettant au bailleur de recevoir les relevés au moyen d'un système de communication avec le photocopieur). La SAS TCE reconnaît en revanche qu'elle a procédé par estimation pour fixer le nombre de copies sur les factures établies en 2014 et en 2015, mais en attribue la responsabilité à M. X., à qui elle reproche d'avoir débranché la communication à distance. Elle précise qu'elle a repris l'appareil le 23 juillet 2015 à la suite de la résiliation du bail, et que M. X. a signé à cette occasion un récépissé de transport, sur lequel figurait le nombre de copies relevé sur le compteur.
La SAS TCE conteste d'ailleurs le caractère abusif de la clause de révision du prix des copies.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2018.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions, déposées au greffe les 16 février et 13 avril 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Le contrat du 15 février 2010 stipule, dans les conditions particulières, que le prix des copies, facturé initialement à raison de 0,007 euros l'unité pour les copies en noir et blanc, et de 0,07 euros l'unité pour les copies couleur, serait offert pendant une période de trois ans, dans la limite de 7.200 copies noir et blanc et de 4.000 copies couleur par an.
Les trois premières factures en litige, émises le 24 février 2014, le 23 février et le 11 juin 2015, portent uniquement sur des frais de copie, pour les périodes suivantes : du 15 février 2013 au 14 février 2014, du 15 février 2014 au 14 février 2015, et du 15 février au 14 juillet 2015, l'appareil ayant été restitué en juillet 2015. Ces trois factures mentionnent des prix calculés au vu du nombre des copies réalisées, soit en noir et blanc soit en couleur, pendant chacune des trois périodes concernées.
Selon le décompte produit par la SAS TCE (pièce n° 13), cette société, après s'être fondée sur des « relevés clients » ou sur des « relevés prestataire » jusqu'au 15 février 2013, a procédé en revanche, ainsi qu'elle le reconnaît, à des estimations pour fixer le nombre de copies réalisées entre février 2013 et février 2014, puis entre février 2014 et février 2015.
L'estimation du nombre des copies était prévue au contrat : l'article 7 des Conditions générales, figurant au verso de l'acte contractuel, prévoyait dans le cadre de la prestation « Service e-way maintenance » que le client s'obligeait à « faire parvenir au fournisseur le relevé compteur au terme de chaque période de facturation et selon le média de communication indiqué à l'article 2. [...] A défaut, le fournisseur établir[ait] cette facture soit à partir des renseignements relevés par un technicien agréé par le fournisseur, soit par estimation ». Ces stipulations s'appliquaient pleinement au contrat en cause, et M. X. ne saurait soutenir qu'il a omis d'approuver les rubriques pré-imprimées applicables aux prestations « Service e-way maintenance » et « Service e-way assistance » : les rubriques concernant ces deux prestations ont au contraire été renseignées sur les conditions particulières, au recto du contrat, peu important que celles relatives au mode de paiement ne l'aient pas été.
Les deux parties se rejettent la responsabilité de l'absence de fixation du nombre de copies sur les bases réelles, la SAS TCE reprochant à M. X. d'avoir déconnecté le système qui permettait de lui communiquer le nombre de copies réalisées, alors que M. X., qui affirme qu'il ignorait l'existence de ce système, reproche à la société adverse de ne pas lui avoir demandé de lui faire connaître le nombre de copies indiqué sur l'appareil, et de ne pas avoir non plus envoyé un technicien pour effectuer le relevé du compteur.
Il est rappelé que selon l'article 2 des conditions générales, c'est au client, M. X., qu'il appartenait de communiquer en fin de période le nombre de copies réalisées ; d'après le décompte récapitulatif produit par la SAS TCE (pièce n° 13), M. X. a d'ailleurs procédé lui-même au relevé et à sa communication à la société, en février 2011 et en février 2013 ; à défaut pour lui de l'avoir fait pour les périodes en litige, la SAS TCE était en droit, aux termes du contrat, de procéder soit à l'envoi d'un technicien pour effectuer le relevé (comme elle l'a fait en février 2012 selon le décompte), soit, à son appréciation, à une estimation, ainsi qu'elle l'a fait en février 2014 et en février 2015.
Les trois factures susdites ont donc été régulièrement établies, et en toute hypothèse le nombre réel de copies réalisées est en définitive connu, par la signature des deux parties, lors de la restitution du photocopieur, d'un relevé portant le nombre de ces copies, et qui permet de rectifier la facturation, ainsi qu'il sera examiné ci-après.
M. X. conteste ensuite le droit pour la société adverse de lui facturer les copies, au motif que cette société ne lui aurait plus fourni aucune prestation depuis l'année 2010, ayant alors « cessé toute intervention et livraison permettant d'obtenir le matériel nécessaire pour faire des impressions (encre et toner) ». Cependant et comme le réplique à juste raison la SAS TCE, il n'est pas vraisemblable que, si ce service avait été interrompu, il soit resté plusieurs mois sans réagir auprès de cette société, alors qu'il continuait de payer les loyers de l'appareil, qu'il en faisait usage, et qu'il recevait les factures de la SAS TCE. La lettre de relance que produit sur ce point M. X., et que lui a écrite la SAS TCE le 1er septembre 2010 en faisant état du « blocage » de ses interventions et livraisons, se rapporte manifestement à un autre contrat, puisqu'elle vise une série de factures impayées qui pour la plupart sont antérieures à la conclusion du contrat en cause, le 15 février 2010, et qui portent des numéros d'identification différents de ceux inscrits en tête des factures présentement en cause. Ce moyen de défense n'est donc pas fondé.
M. X. conteste d'autre part l'augmentation du tarif des copies. Il apparaît que la SAS TCE, après avoir garanti dans le contrat des prix de 0,007 et de 0,07 euros la copie pour une période initiale de trois ans, a appliqué, à partir de février 2013, des prix plus élevés : dans la facture du 24 février 2014, elle a pratiqué pour la période annuelle écoulée des prix unitaires de 0,009037 et de 0,09075 euros, en annonçant pour la période suivante, du 15 février 2014 au 15 février 2015, des prix portés à 0,010032 et à 0,100316 euros ; de même dans la facture du 23 février 2015, la SAS TCE a appliqué ces derniers tarifs pour la période écoulée, en annonçant de nouveaux prix pour une nouvelle période d'un an.
L'article 5 des conditions générales dispose que les prix indiqués au contrat peuvent être modifiés à chaque date anniversaire de la prise d'effet, et que le défaut d'opposition du client dans le délai d'un mois, à compter de la première facture faisant apparaître les nouveaux prix vaudrait acceptation de ces derniers.
M. X. critique cette clause, au motif qu'elle contreviendrait à l'article L. 442-6-I du code de commerce, selon lequel celui qui soumet un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties engage sa responsabilité, et s'oblige à réparer le préjudice subi.
Cependant la clause de révision des prix ci-avant indiquée, telle que la SAS TCE l'a appliquée en indiquant, sur chacune de ses factures, les prix qu'elle entendait pratiquer pour une nouvelle période annuelle, n'a pas créé de déséquilibre significatif puisqu'elle laissait au client la possibilité de contester les nouveaux tarifs dans le délai d'un mois : M. X. avait toute latitude d'exercer ce droit, et la SAS TCE n'était pas tenue de le lui rappeler dans chacune des factures, puisqu'il suffisait à M. X. de se reporter sur ce point à l'article des conditions générales relatif à la fixation des prix. Au surplus, un éventuel manquement aux dispositions de l'article L. 442-6-I du code de commerce ne pourrait être sanctionné, aux termes de cet article, que par une action en responsabilité, et non par l'annulation de la clause litigieuse, seule demandée par M. X. La contestation qu'il soulève sur ce point n'est pas fondée, non plus que celle qu'il présente au visa de l'article 1591 ancien du code civil, texte qui ne s'applique qu'aux ventes, ce que n'est pas le contrat en cause.
La SAS TCE est en droit d'obtenir paiement des trois factures susdites, avec l'application des tarifs qui y sont indiqués, sous réserve que les sommes facturées soient conformes au nombre de copies effectivement réalisées, tel qu'il ressort du relevé contradictoire approuvé des deux parties lors de la restitution de l'appareil.
Ce relevé, signé le 23 juillet 2015, mentionne 63.419 copies en noir et blanc, et 56.527 copies en couleur.
La dernière facture concernant les copies, établie le 22 juillet 2015, se fonde sur une estimation de 61.352 copies noir et blanc, et de 56.527 copies couleur : l'estimation a donc retenu, par rapport au tirage réel, 63.419 – 61.352 = 1.767 copies noir et blanc en moins, et en revanche 56.527 – 55.867 = 660 copies couleur en excès. Sur la base des derniers tarifs, la dernière facture comporte ainsi pour les copies couleur un trop facturé de 660 x 0,111351 = 73,49 euros, et pour les copies en noir et blanc un défaut de facturation de 1 767 x 0,0111135 = 19,64 euros ; cette facture doit être réduite de 73,49 - 19,64 = 53,85 euros hors taxe, soit 64,58 euros taxe comprise. Elle sera donc fixée à 364,36 - 64,58 = 299,78 euros.
La quatrième facture, émise le 27 juillet 2015 pour la somme de 364,36 euros, porte sur les frais de restitution du matériel, que M. X. a approuvés le 29 juin 2015 en signant un « devis reprise » indiquant la même somme. Cette facture n'est pas contestée, M. X. devra s'en acquitter.
Le montant total de sa dette s'établit en principal, pour les quatre factures en cause, à 1.369,24 + 1.096,38 + 283,22 + 299,78 = 3.048,62 euros. Le jugement sera réformé, sur le montant de la somme allouée en principal.
La SAS TCE est en droit d'obtenir l'application d'intérêts au triple du taux légal, comme prévu à l'article VIII des Conditions générales, mais non pas l'indemnité forfaitaire de 160 euros, qui n'apparaît pas prévue au contrat.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition des parties au greffe ;
Réforme le jugement déféré, en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la SAS TCE une somme de 3.167,02 euros, et une somme de 160 euros au titre d'indemnité forfaitaire ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne M. X. à payer à la SAS BUROTIC SYSTEM une somme de 3.048,62 euros au titre des quatre factures susdites, outre intérêts au triple du taux légal à compter du 11 décembre 2015 date de l'assignation ;
Rejette la demande de la SAS BUROTIC SYSTEM au titre de l'indemnité forfaitaire ;
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;
Rejette le surplus des demandes ;
Laisse à chacune des parties la charge des frais d'instance qu'elle a exposés en cause d'appel.
Le Greffier, Le Président,
C. VIAL F. RIFFAUD
- 6210 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Location de meubles
- 6216 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Prestation de services
- 6229 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Contenu du contrat - Prix - Montant du prix
- 6242 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence territoriale
- 6252 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Suppression de la clause (nullité)