CA RIOM (1re ch. civ.), 7 mai 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7560
CA RIOM (1re ch. civ.), 7 mai 2018 : RG n° 16/03053
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Mais attendu que ni la SCI Les chaumes d'Allier ni M. X. ne peuvent se prévaloir en l'espèce de la qualité de consommateurs au sens des textes ci-dessus ; Attendu en effet qu'il résulte d'un courrier adressé le 28 janvier 2009 à la Caisse d'Épargne par la SCI Les chaumes d'Allier, que l'activité de celle-ci, sous la direction de son gérant M. X., consiste en l'acquisition et la location d'immeubles de rapport ; ce pourquoi précisément les deux prêts litigieux avaient été conclus : celui du 13 février 2000 pour l'acquisition d'un appartement ancien à [ville B.], et celui du 30 janvier 2002 pour la rénovation de ce bien ; Or attendu que l'objet social de la SCI Les chaumes d'Allier et la destination des prêts litigieux étant purement professionnels, le code de la consommation ne s'applique pas (Civ. 3e, 16 septembre 2014, nº 13-20002 ; Civ. 1re, 14 octobre 2015, nº 14-24915) ; Attendu que le litige doit donc être examiné à la lumière du droit commun des contrats ».
2/ « Attendu que par principe en effet l'on ne saurait imposer à la banque, dispensateur de crédit, d'exposer par le menu à l'emprunteur-assuré, les tenants et les aboutissants du contrat d'assurance assortissant les prêts, fût-il même un contrat de groupe ; que ceci ne relève nullement du devoir de conseil du banquier, tenu seulement d'éclairer son client sur les conditions financières du prêt au regard de sa situation personnelle et patrimoniale ;
Attendu que de surcroît, dans le cas présent, le caractère parfaitement clair, explicite, et dénué de toute ambiguïté, des clauses dont il est question, exclut par hypothèse la nécessité d'une exégèse ».
COUR D’APPEL DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 7 MAI 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/03053. Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de CUSSET, décision attaquée en date du 28 novembre 2016, enregistrée sous le R.G. n° 12/01486.
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : M. Christophe STRAUDO, Président, M. Daniel ACQUARONE, Conseiller, Mme Marie-Christine SEGUIN, Conseiller
En présence de : Mme Marlène BERTHET, Greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
APPELANTE :
SA LA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSIN
représentée et plaidant par Maître Xavier B. de la SELARL T. - M., avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, Timbre fiscal acquitté
ET :
INTIMÉS :
M. X.
représenté par Maître Julie P.-F., avocat au barreau de CUSSET/VICHY, Timbre fiscal acquitté
SA CNP ASSURANCES
représentée et plaidant par Maître Emmanuelle P. de la SCP CABINET D'AVOCATS P. ASSOCIES, avocat au barreau de CUSSET/VICHY, Timbre fiscal acquitté
DÉBATS : A l'audience publique du 26 mars 2018
[minute page 2] ARRÊT : CONTRADICTOIRE, Prononcé publiquement le 7 mai 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par M. Christophe STRAUDO, Président, et par Mme Marlène BERTHET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I. Procédure :
La SCI Les Chaumes d'Allier, représentée par M. X., a souscrit deux prêts immobiliers auprès de la Caisse d'Épargne d'Auvergne et du Limousin :
- un prêt de 114.031,86 EUR le 13 février 2000 ;
- un prêt de 12.300 EUR le 30 janvier 2002.
M. X. a également souscrit auprès de la compagnie CNP Assurances une assurance décès, invalidité permanente et absolue, et incapacité totale de travail, destinée à garantir ces deux prêts immobiliers.
À la suite d'un accident dont il a été victime le 4 décembre 2009, M. X. a sollicité auprès de la CNP le bénéfice des prestations prévues par le contrat d'assurance.
Le dossier a été pris en charge par l'assureur du 5 mars 2010 au 19 juin 2011. Puis, sur rapport de son médecin contrôleur en date du 20 juin 2011, disant que M. X. était apte partiellement à l'exercice d'une activité professionnelle, avec consolidation à la même date, la CNP a cessé sa prise en charge.
M. X. a contesté la décision de la CNP et porté le litige devant le tribunal de grande instance de Cusset qui, par jugement du 15 juin 2015, a déclaré recevable car non prescrite l'action engagée par M. X., et ordonné avant dire droit une expertise qui a été réalisée par le docteur Y. dans un rapport du 20 novembre 2015.
Sur la foi de cette expertise, M. X. poursuivait la procédure devant le tribunal de grande instance. Il sollicitait la garantie de la CNP, et subsidiairement de la Caisse d'Épargne, jusqu'au jour du prononcé du jugement. Il soulevait à cette fin le caractère abusif de la clause du contrat d'assurance définissant l'incapacité, et soutenait que la banque avait engagé sa responsabilité en ne lui précisant pas suffisamment les risques garantis.
Par jugement du 28 novembre 2016 le tribunal de grande instance de Cusset a statué comme suit :
« Le Tribunal, statuant publiquement après en avoir délibéré, en premier ressort, par jugement contradictoire et par mise à disposition au Greffe ;
Déboute Monsieur X. de toutes ses demandes à l'encontre de la CNP Assurances ;
[minute page 3] Condamne la Caisse d'Épargne d'Auvergne et du Limousin à la prise en charge des échéances des deux prêts immobiliers :
- un prêt de cent quatre-vingt-six mille euros (186.000 euros) à échéance mensuelle de 1.553,21 euros dont le terme est fixé au 25 mai 2017,
- un prêt de douze mille trois cents euros (12.300 euros) à échéance mensuelle de 115,43 euros dont le terme est fixé au 5 février 2015 à compter du 21 juin 2011 jusqu'au 4 décembre 2012 ;
Déboute la CNP Assurances de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Caisse d'Épargne d'Auvergne et du Limousin à payer à Monsieur X. une somme de huit cents euros (800 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Caisse d'Épargne d'Auvergne et du Limousin aux dépens, avec faculté de recouvrement au profit de Maître C.-D. dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile, en ce compris le coût du timbre de procédure de 35 euros et des frais d'expertise. »
Après avoir écarté la prescription de l'action de M. X., le tribunal a considéré que celui-ci ne se trouvait pas dans l'une des situations d'invalidité telles que définies par le contrat d'assurance souscrit auprès de la CNP. Le tribunal a également jugé que M. X., qui avait souscrit les prêts pour financer l'activité d'une société civile immobilière, ne pouvait pas se prévaloir de la qualité de consommateur en application des articles L. 132-1 et L. 133-2 du code de la consommation.
Par contre, le premier juge a retenu la responsabilité de la banque pour n'avoir pas suffisamment informé M. X. des conditions de l'assurance, notamment le défaut de garantie en cas de simple inaptitude à occuper son activité d'exploitant agricole.
La banque Caisse d'Épargne a fait appel de ce jugement le 26 décembre 2016. Dans ses conclusions nº 2 du 7 février 2018 elle demande à la cour de :
« Vu l'article 31 du Code de Procédure Civile
Vu les articles 1134 du Code Civil devenu les articles 1108 et 1104 du Code Civil
Vu l'article L. 110-4 du Code de Commerce
- Réformant la décision dont appel
- DÉCLARER irrecevable, pour défaut de qualité, la demande formée par Monsieur X.
- La DÉCLARER irrecevable son action étant prescrite
- DIRE ET JUGER que le contrat CNP ASSURANCES doit s'entendre comme couvrant l'activité de loueur immobilier et non celle d'agriculteur.
- DIRE ET JUGER qu'en tout état de cause cette activité de loueur immobilier n'a jamais cessée
- DIRE ET JUGER subsidiairement que l'activité d'agriculteur n'a jamais cessé
- DÉBOUTER Monsieur X. de toutes ses demandes, fins et conclusions
- DIRE qu'en tout état de cause il ne peut prétendre qu'à une indemnisation sur la perte de chance, d'avoir bénéficié d'une couverture plus importante
- CONDAMNER Monsieur X. à payer et porter à la Caisse d'Épargne ET DE PRÉVOYANCE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSIN la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- Le CONDAMNER aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL T. M. sur son affirmation de droit ».
[minute page 4] La Caisse d'Épargne plaide en premier lieu que M. X. n'a pas qualité à agir car les prêts ont été signés par la SCI Les Chaumes d'Allier et non par lui-même qui n'a pas la qualité d'emprunteur. Elle soutient ensuite que l'action de M. X. est prescrite car les prêts litigieux ont été souscrits par la SCI Les Chaumes d'Allier non pas en qualité de consommateur mais « dans le cadre d'une activité professionnelle », et que dès lors c'est la date de la signature de la convention qui fait courir la prescription.
Concernant le contrat d'assurance, la Caisse d'Épargne soutient que ses clauses sont parfaitement claires, et en particulier que « l'incapacité totale de travail est clairement définie », en conséquence de quoi M. X. « ne pouvait penser bénéficier du contrat d'assurance que s'il était incapable d'assurer la moindre activité professionnelle ». Au demeurant, la banque plaide qu'en réalité M. X. n'a jamais cessé de travailler et que son exploitation a continué de fonctionner même pendant la période où il se trouvait en incapacité temporaire de travail.
La banque observe enfin que l'expert judiciaire fixe une consolidation au 4 décembre 2012 alors que M. X. demande la prise en charge des échéances des prêts jusqu'au 30 avril 2014 sur la base d'une expertise officieuse qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération.
La compagnie CNP a pris pour sa part des conclusions nº 3 le 4 août 2017, dans lesquelles elle demande à la cour de :
« Déclarer la demande de la Société anonyme CNP ASSURANCES recevable et bien fondée, et en conséquence,
Confirmer la décision en ce qu'elle a débouté, à bon droit M. X. de toutes ses demandes à l'encontre de CNP ASSURANCES,
Prendre acte que CNP ASSURANCES s'en rapporte à justice sur les demandes de la CAISSE D'EPARGNE dirigées contre M. X., quant à la responsabilité de l'organisme préteur,
Débouter M. X. de toutes ses demandes contraires,
A titre infiniment subsidiaire, dire et juger que toute éventuelle prise en charge des prêts ne pourra être effectuée que dans les termes et limites contractuels et au profit de l'organisme préteur qui est le bénéficiaire du contrat d'assurance, à charge pour ce dernier de restituer à l'assuré les sommes dont il aurait fait l'avance,
En toute hypothèse, condamner M. X. à régler à CNP ASSURANCES la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du CPC et le condamner aux entiers dépens. »
La CNP soutient d'abord qu'elle ne supporte, dans le cadre d'un contrat d'assurance groupe, aucun devoir d'information de conseil ou de mise en garde. Elle précise par ailleurs qu'elle ne soulève pas la nullité du contrat d'assurance.
En rappelant qu'elle a pris en charge le prêt jusqu'au 20 juin 2011, la CNP plaide que sur la période postérieure « M. X. ne répond plus aux conditions contractuelles du risque ITT » et qu'en toute hypothèse la clause du contrat d'assurance sur ce point « est claire, précise et ne nécessite pas d'interprétation ».
[minute page 5] La CNP s'en rapporte à l'argumentation de la Caisse d'Épargne concernant le caractère professionnel des emprunts souscrits auprès de cette banque. Elle conteste en toute hypothèse le caractère abusif du contrat soulevé par M. X., et rappelle qu'elle-même l'a exécuté de bonne foi.
Dans des écritures du 15 mai 2017 M. X. demande à la cour de :
« Vu l'ancien article 1147 du Code Civil,
Vu l'article 564 du Code de Procédure Civile
Vu les jurisprudences citées.
[…] novembre 2016 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité la prise en charge des échéances jusqu'au 4 décembre 2012.
CONDAMNER la Caisse d'Épargne d'Auvergne et du Limousin à prendre en charge les échéances des deux prêts immobiliers à compter du 19 juin 2011 jusqu'au rendu du présent arrêt et subsidiairement jusqu'au 30/04/2014, date de consolidation fixée par l'assistant de Monsieur X. à l'expertise.
DÉBOUTER la Caisse d'Épargne d'Auvergne et du Limousin de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER la Caisse d'Épargne d'Auvergne et du Limousin à payer à Monsieur X. une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure.
Subsidiairement
Vu les dispositions des articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code des assurances,
Vu les articles L. 133-2 et L. 132-1 du Code de la consommation,
Vu le rapport d'expertise du Dr Y.
DÉCLARER valides et applicables les contrats d'assurance groupe souscrits par Monsieur X. en garantie de ses contrats de prêts.
DÉBOUTER la CNP de sa demande de nullité du contrat,
DIRE ET JUGER que Monsieur X. se trouve toujours en ITT depuis son accident du 4/12/2009 et qu'il est également en situation d'ITT depuis son nouvel accident du 13/12/2014.
DIRE ET JUGER que ces contrats trouveront application pour le nouvel accident subi par Monsieur X. le 13/12/2014, jusqu'à consolidation de son état non déterminée à ce jour pour ce nouvel accident.
DIRE ET JUGER que l'appréciation de l'état de santé de l'assuré doit se faire in concreto,
À titre très subsidiaire et par application des dispositions de l'article L. 113-9 du Code des assurances :
CONDAMNER la CNP à garantir le sinistre.
À titre infiniment subsidiaire :
Concernant l'accident du 4/12/2009 :
CONDAMNER la CNP à garantir Monsieur X. dans les termes du contrat conclu, jusqu'au jour du prononcé du jugement, et subsidiairement jusqu'au 30/04/2014, date de consolidation fixée par son assistant à l'expertise et par le Dr C. et très subsidiairement jusqu'à la date de consolidation retenue par l'Expert.
DIRE ET JUGER la clause définissant l'incapacité abusive, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.
En conséquence, la DÉCLARER non écrite et condamner la CNP à garantir Monsieur X. des échéances du prêt jusqu'au jour du prononcé du jugement pour l'accident du 4 décembre 2009.
[minute page 6] DIRE ET JUGER la résistance de la CNP abusive.
En conséquence, ALLOUER à MONSIEUR X. une somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, outre une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.
CONDAMNER la Cie d'assurance CNP aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître C. D. en ce compris le coût du timbre de procédure de 35 euros et des frais d'expertise.
DIRE que la présente décision sera commune et opposable à la CAISSE D'ÉPARGNE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSIN ».
M. X. plaide in limine litis que les demandes formées par la Caisse d'Épargne sont nouvelles en appel et doivent donc être rejetées. Il considère que cette banque « a manqué à ses obligations » en ne lui expliquant pas suffisamment bien « la réelle portée de l'assurance souscrite » et en ne lui proposant pas « de souscrire un contrat complémentaire le garantissant plus spécifiquement au regard de sa profession ».
M. X. développe ensuite une longue argumentation sur la validité du contrat d'assurance, alors que la compagnie CNP précise dans ses écritures qu'elle ne sollicite pas la nullité de cette convention.
M. X. ajoute qu'à la suite du premier accident survenu en 2009, il a été victime d'un second sinistre entraînant une nouvelle ITT à partir du 13 décembre 2014, et il conteste donc l'arrêt de la prise en charge du prêt par l'assureur.
M. X. insiste sur le fait qu'un actif doit être reconnu en incapacité totale de travail « lorsqu'il est contraint d'interrompre son activité professionnelle » et que sur ce point la convention doit être interprétée dans le sens le plus favorable à l'assuré. Il observe, en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, que la clause « telle qu'elle semble être appliquée par la CNP » limiterait les cas de l'incapacité aux situations extrêmes de handicaps majeurs, et que dans ce cas la définition contractuelle de l'incapacité totale de travail est trompeuse et abusive.
Une ordonnance du 8 mars 2018 clôture la procédure.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
II. Motifs :
Attendu que le contentieux soumis à la cour consiste à savoir si M. X. peut bénéficier des assurances souscrites auprès de la compagnie CNP en garantie des prêts contractés par la SCI Les chaumes d'Allier auprès de la Caisse d'Épargne, et si cette banque a manqué à son obligation d'information et de conseil à l'égard de l'assuré ;
Attendu que la demande de la banque pour défaut de qualité à agir de M. X. est connexe au litige et ne peut par conséquent être considérée comme nouvelle en appel, outre le fait que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause selon l'article 123 du code de procédure civile ;
Attendu que pour autant elle ne saurait prospérer ;
[minute page 7] Attendu en effet que si certes les deux prêts supports de l'assurance ont été souscrits par une personne morale, seul M. X., personne physique, bénéficie du contrat CNP, et peut se plaindre des informations fournies par la banque ;
Attendu que de même la demande de prescription soulevée par la banque est vouée à l'échec ;
Attendu en effet que la prescription trentenaire des actions contractuelles a été ramenée à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 applicable au 19 juin 2008, étant précisé par l'article 2222 du code civil qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce une nouvelle prescription de cinq ans a commencé à courir à partir du 19 juin 2008, soit jusqu'au 19 juin 2013, sans atteindre trente années à partir de la date de conclusion des contrats de prêt, de sorte que la demande en responsabilité contractuelle formée par M. X. contre la Caisse d'Épargne suivant assignation du 21 novembre 2012 n'est pas prescrite ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de répondre aux longues observations de M. X. sur la nullité des contrats d'assurance, dès lors que la compagnie CNP ne soutient pas ce moyen ;
Attendu, sur le fond, que M. X. sollicite la garantie de CNP au titre de l'incapacité temporaire totale de travail (ITT) ainsi définie de manière identique dans les deux contrats :
L'assuré est en état d'ITT lorsque, à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activité de 90 jours (dite délai de carence), il se trouve, à la suite d'une maladie ou d'un accident, dans l'obligation d'interrompre totalement son activité professionnelle (ou, s'il n'exerce pas ou n'exerce plus d'activité professionnelle, d'observer un repos complet le contraignant à interrompre ses activités habituelles).
Attendu qu'au soutien de ses demandes contre l'assureur, M. X. expose que les anciens articles L. 132-1 et L. 133-2 du code de la consommation, applicables en l'espèce, n'ont pas été respectés par la CNP, en ce que la clause ci-dessus serait abusive pour être limitée « aux cas extrêmes de handicaps majeurs », et doit de toute manière être interprétée dans le sens le plus favorable au consommateur ;
Mais attendu que ni la SCI Les chaumes d'Allier ni M. X. ne peuvent se prévaloir en l'espèce de la qualité de consommateurs au sens des textes ci-dessus ;
Attendu en effet qu'il résulte d'un courrier adressé le 28 janvier 2009 à la Caisse d'Épargne par la SCI Les chaumes d'Allier, que l'activité de celle-ci, sous la direction de son gérant M. X., consiste en l'acquisition et la location d'immeubles de rapport ; ce pourquoi précisément les deux prêts litigieux avaient été conclus : celui du 13 février 2000 pour l'acquisition d'un appartement ancien à [ville B.], et celui du 30 janvier 2002 pour la rénovation de ce bien ;
[minute page 8] Or attendu que l'objet social de la SCI Les chaumes d'Allier et la destination des prêts litigieux étant purement professionnels, le code de la consommation ne s'applique pas (Civ. 3e, 16 septembre 2014, nº 13-20002 ; Civ. 1re, 14 octobre 2015, nº 14-24915) ;
Attendu que le litige doit donc être examiné à la lumière du droit commun des contrats ;
Attendu que l'accident dont M. X. a été victime le 4 décembre 2009, a été pris en charge dans un premier temps par la compagnie CNP qui a sollicité ensuite l'avis de son médecin-conseil le docteur B. ;
Attendu que dans un rapport du 20 juin 2011 ce médecin mentionne que le jour de l'examen de contrôle l'assuré n'était pas capable d'exercer sa profession mais pouvait exercer partiellement une autre activité professionnelle ainsi que des activités privées non professionnelles, et reste atteint d'un taux d'incapacité fonctionnelle de 10 % à la date de l'examen ;
Attendu qu'en conséquence la compagnie CNP a écrit à M. X. le 6 juillet 2011 pour lui notifier qu'elle cessait la prise en charge des prêts à compter du 20 juin 2011 ;
Attendu que le docteur Y., expert judiciaire mandaté par le tribunal de grande instance de Cusset, conclut son rapport du 16 novembre 2015 en disant, comme son confrère le docteur B., que l'incapacité totale de travail de M. X. consécutive à l'accident du 4 décembre 2009 a pris fin le 20 juin 2011 au sens du contrat d'assurance ;
Attendu que M. X. conteste les conclusions tant du médecin-conseil de l'assureur que de l'expert judiciaire, au motif que sa situation doit être appréciée in concreto en ce que l'accident l'a placé « dans l'impossibilité totale d'exercer sa profession » ;
Or attendu qu'aucune raison ne justifie que les termes parfaitement clairs et explicites du contrat d'assurance, ci-dessus reproduits, reçoivent dans le cas d'espèce une interprétation qui ne serait conforme ni à la lettre ni à l'esprit de cet acte ;
Attendu en effet que la condition d'interruption totale de toute activité professionnelle, exigée par le contrat, n'est pas remplie dès lors que M. X., ainsi que cela ressort de l'expertise judiciaire, ne pouvait certes participer aux travaux lourds de la ferme mais est néanmoins demeuré apte à assurer la gestion de son entreprise qui a poursuivi son évolution grâce à une aide familiale et du voisinage (rapport Y. p. 11) ;
Attendu que les conclusions du docteur Y. ne sauraient être utilement combattues par le rapport de M. Z., masseur kinésithérapeute ayant assisté M. X. lors de l'expertise judiciaire ;
Attendu que les conclusions de M. Z. ne sauraient mieux convaincre la cour d'une nouvelle incapacité temporaire de travail que M. X. subirait depuis le 13 décembre 2014, aucune justification médicale n'étant produite à ce sujet ;
[minute page 9] Attendu que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. X. contre la compagnie CNP ;
Attendu que M. X. demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la Caisse d'Épargne pour manquement à son devoir de conseil et d'information ;
Mais attendu qu'ici le jugement doit être infirmé ;
Attendu que par principe en effet l'on ne saurait imposer à la banque, dispensateur de crédit, d'exposer par le menu à l'emprunteur-assuré, les tenants et les aboutissants du contrat d'assurance assortissant les prêts, fût-il même un contrat de groupe ; que ceci ne relève nullement du devoir de conseil du banquier, tenu seulement d'éclairer son client sur les conditions financières du prêt au regard de sa situation personnelle et patrimoniale ;
Attendu que de surcroît, dans le cas présent, le caractère parfaitement clair, explicite, et dénué de toute ambiguïté, des clauses dont il est question, exclut par hypothèse la nécessité d'une exégèse ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable que chaque partie supporte ses frais irrépétibles, tant en première instance qu'en appel ;
Attendu par contre que M. X. supportera les dépens de première instance et d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Juge recevable la demande de la Caisse d'Épargne d'Auvergne et du Limousin contre M. X. pour défaut de qualité à agir, et la rejette ;
Déboute la Caisse d'Épargne d'Auvergne et du Limousin de sa demande de prescription contre M. X. ;
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. X. de toutes ses demandes contre la compagnie CNP et en ce qu'il a débouté celle-ci de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Infirme le jugement pour le reste ;
Statuant à nouveau :
Déboute M. X. de ses demandes contre la Caisse d'Épargne d'Auvergne et du Limousin ;
Dit que chaque partie gardera ses frais irrépétibles, tant en première instance qu'en appel ;
[minute page 10] Condamne M. X. aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SELARL T. M. sur son affirmation de droit.
Le greffier le président
- 5751 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Autres effets - Réparation des préjudices - Consommateur - Clause imposée par un tiers
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5872 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité et objet social
- 5920 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Immeubles - Contrats immobiliers conclus par des sociétés immobilières
- 5950 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Assurances