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CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 7 mai 2018

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 7 mai 2018
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 2e ch. civ.
Demande : 16/00327
Date : 7/05/2018
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 21/01/2016
Décision antérieure : CASS. CIV. 3e, 19 novembre 2015
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7565

CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 7 mai 2018 : RG n° 16/00327 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La 3e Chambre civile de la Cour de cassation n'a renvoyé devant la cour d'appel de Grenoble autrement composée que la seule disposition de l'arrêt qui avait condamné la société B. T. immobilier à payer à l'association UFC 38 une somme en indemnisation du préjudice collectif subi par l'association de consommateurs. Le périmètre de la saisine après renvoi est donc particulièrement bien défini et ne concerne que le préjudice collectif de l'association. »

2/ « Il convient de rappeler que la 1re chambre civile de la cour d'appel de Grenoble a statué sur la question de la recevabilité dans son arrêt du 17 juin 2013 dans les termes suivants « Déclare l'UFC 38 recevable en ses prétentions de suppression des clauses abusives ou illicites des contrats types proposés et utilisés par la SA B. T. immobilier ». À l'occasion de l'examen du moyen de cassation n° 2, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a expressément indiqué « Attendu que l'UFC 38, dont la recevabilité à agir n'a pas été contestée, fait grief [...] ». Ainsi, force est de constater qu'aucun pourvoi n'a été formé par la SA B. T. immobilier (devenue la SAS J. B. T. immobilier) quant [à] la recevabilité à agir de l'UFC 38. Dès lors, la disposition non contestée de l'arrêt du 17 juin 2013 de la 1re chambre civile de la cour d'appel de Grenoble déclarant recevable l'action de l'UFC 38 est passée en force de chose jugée. Elle ne peut plus être contestée et s'impose à tous. »

3/ « En l'espèce, afin de déterminer la réalité du préjudice collectif subi par l'UFC 38, il convient de prendre en compte les éléments suivants : - le nombre de clauses irrégulières (illicites ou abusives) est particulièrement important ; - le jugement du 2 novembre 2009 en avait retenu 60 sur les diverses versions soumises ; - l'arrêt de la cour d'appel du 17 juin 2013 n'en avait retenu que 6 sur la seule version 2012 ; - la Cour de cassation dans son arrêt du 19 novembre 2015 en a retenu 28 sur les versions 2008 et 2012 ; - malgré la mise en application successive de nouvelles versions du contrat de syndic, celles-ci comportaient toujours un nombre important de clauses illicites ou abusives ; - les anomalies ont donc perduré environ 10 années ; - les clauses illicites ou abusives ont eu pour effet de procurer à la SAS J. B. T. immobilier des avantages injustifiés en accroissant de façon illégitime ses profits ; - cela s'est fait au détriment de ses clients (consommateurs) mais également de ses concurrents.

Le nombre de clauses irrégulières, leur nature, leur application à tous les clients et la durée de leur maintien en vigueur justifient la fixation d'une indemnisation du préjudice collectif de l'UFC 38 à la somme de 40.000 euros. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 7 MAI 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/00327. Recours contre une décision (R.G. n° 07/3093) rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE, en date du 2 novembre 2009, ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 17 juin 2013 par la Cour d'Appel de GRENOBLE (1ère Chambre civile) et suite à un arrêt de cassation du en date du 19 novembre 2015, Suivant déclaration de saisine du 21 janvier 2016.

 

APPELANTE :

L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE L’ISÈRE (UFC 38)

prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée et plaidant par Maître Erwan T., avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉE :

LA SOCIETE J. B. T. IMMOBILIER venant aux droits de la société SA B. T. IMMOBILIER

immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° XXX, prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège, Représentée et plaidant par Maître Jean-Luc M. de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Gérard DUBOIS, Président, Monsieur Laurent GRAVA, Conseiller, Monsieur Olivier CALLEC, Vice-Président placé désigné par ordonnance du Premier Président en date du 12 décembre 2017, Assistés lors des débats de Madame Delphine CHARROIN, Greffier placé.

En présence de Madame Elsa SANCHEZ, greffier en pré-affectation.

DÉBATS : A l'audience publique et sur renvoi de cassation tenue le 6 mars 2018, Monsieur Laurent GRAVA, conseiller, a été entendu en son rapport, les avocats ont été entendus en leurs conclusions. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience du lundi 7 mai 2018.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 22 juin 2007, l'association Union fédérale des consommateurs Que Choisir de l'Isère (UFC 38) a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Grenoble la SA B. T. immobilier en suppression de diverses clauses de son contrat de syndic version 2005 comme étant abusives et/ou illicites ainsi qu'en indemnisation du préjudice collectif des consommateurs et de son préjudice associatif.

Par conclusions postérieures elle a, en outre, sollicité la suppression de 62 clauses du contrat de syndic version 2008.

Par jugement du 2 novembre 2009 le tribunal de grande instance de Grenoble a notamment :

- déclaré illicites ou abusives plus de 60 clauses des contrats de syndic version 2005 et version 2008 ;

- ordonné la suppression desdites clauses illicites ou abusives, au besoin sous astreinte ;

- condamné la SA B. T. à payer à l'UFC 38 la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice collectif et la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice associatif ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 23 novembre 2009, la SA B. T. immobilier a relevé appel de cette décision.

Par arrêt contradictoire en date du 17 juin 2013, la 1re chambre civile de la cour d'appel de Grenoble a :

- Déclaré la SA B. T. immobilier recevable en son appel ;

- Déclaré l'UFC 38 recevable en ses prétentions de suppression des clauses abusives ou illicites des contrats types proposés et utilisés par la SA B. T. immobilier ;

Vu le jugement du 2 novembre 2009 ;

- Constaté que la SA B. T. immobilier a substitué un nouveau contrat de syndic au 1er mai 2012 ;

- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la suppression des clauses abusives et/ou illicites du contrat de syndic dans sa version de mai 2008 ;

- Déclaré abusives les clauses suivantes du contrat de syndic version 2012 :

9) Classement en prestations variables mais incluses dans le forfait annuel de la réception du président du conseil syndical et des conseillers à leur demande tableau page 2,

18) Classement en prestations variables non incluses dans le forfait annuel de l'actualisation de l'état daté tableau page 8,

44) 45) 46) Classement en prestations variables incluses dans le forfait annuel de la gestion de la prévoyance salariale, de la préparation du dossier de retraite et du licenciement d'un salarié de la copropriété ;

Déclaré illicite la clause suivante du contrat de syndic version 2012 :

19) Classement en prestations variables non incluses dans le forfait annuel de l'élaboration à la demande du conseil syndical des règles relatives à sa composition, son organisation et son fonctionnement tableau page 3 ;

- Dit que lesdites clauses jugées abusives ou illicites sont réputées non écrites ;

- Débouté l'UFC 38 du surplus de ses prétentions au titre du contrat de syndic version 2012 ;

- Ordonné la suppression par la SA B. T. immobilier des clauses déclarées abusives ou illicites de la version 2012 de son contrat toujours proposé et des contrats en cours au jour du prononcé du présent arrêt dans un délai de 3 mois à compter de la signification du présent arrêt, et ce, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois ;

- Condamné la SA B. T. immobilier à payer à l'association UFC Que Choisir 38 la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice collectif ;

- Condamné la SA B. T. immobilier à payer à l'UFC Que Choisir 38 la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice associatif ;

- Débouté la SA B. T. de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- Condamné l'UFC 38 à restituer à la SA B. T. immobilier la somme de 15.000 euros suite à l'exécution provisoire du jugement ayant condamné cette société à lui verser 40.000 euros au titre du préjudice collectif des consommateurs occasionné par le contrat de syndic dans sa version 2008 ;

- Dit que cette somme est productive d'intérêts au taux légal à compter de la notification valant mise en demeure du présent arrêt ;

- Ordonné la publication dans les journaux Le Dauphiné Libéré du présent arrêt par extrait inventoriant les clauses écartées, à l'initiative de l'association UFC Que Choisir 38 et aux frais de la société SA B. T. immobilier dans la limite de la somme totale de 1.500 euros par publication ;

- Ordonné que la SA B. T. immobilier porte, dans le mois qui suit la signification de la présente décision, sur la page d'accueil de son site internet (www.botor.com) la même mention, en caractères suffisamment apparents, selon laquelle, dans une instance l'opposant à l'association UFC Que Choisir 38, elle a été condamnée, par arrêt de la cour du 17 juin 2013 à la suppression de 6 clauses abusives ou illicites de son contrat type de syndic de copropriété version 2012 qu'elle propose aux consommateurs, outre la mise en place d'un lien permettant d'avoir la liste des clauses déclarées abusives ou illicites telles qu'énoncées dans le dispositif du présent arrêt et ce pendant une durée d'un mois ;

- Condamné en cause d'appel la SA B. T. immobilier à payer à l'association UFC Que Choisir 38 la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté en cause d'appel la FNAIM et la SA B. T. immobilier de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SA B. T. immobilier aux dépens de l'instance d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL D. M.

L'UFC 38 a formé un pourvoi à l'encontre de cette décision.

Accueillant partiellement le pourvoi, la Cour de cassation, par arrêt du 19 novembre 2015, a statué ainsi :

« PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les quatorzième et vingt-troisième moyens :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute l'UFC 38 de ses demandes tendant à dire que les clauses, dans le contrat version 2012, numéros 2, 20 à 32, 5, 6, 7, 38, 47, 48, 49 et 50 et que les clauses, dans le contrat version 2008, numéros 14, 21, 38, 60 et 73-74 sont abusives ou illicites et en ce qu'il condamne la société B. T. immobilier à payer à l'association UFC 38 la somme de 10.000 euros en indemnisation du préjudice collectif, l'arrêt rendu le 17 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi sur les chefs de dispositifs autres que la condamnation de la société B. T. immobilier à payer à l'association UFC 38 la somme de 10.000 euros en indemnisation du préjudice collectif ;

Dit que dans le contrat version 2012, les clauses numérotées 2, 5, 6, 7, 20 à 32, 38, 47, 49 et 50 sont illicites ;

Dit que dans le contrat version 2008, les clauses numérotées 14, 21, 38, 48, 73 et 74 sont illicites ;

Dit que dans le contrat version 2008, la clause numérotée 60 est abusive ;

Dit que les clauses jugées abusives ou illicites sont réputées non écrites ;

Renvoie pour le surplus à la cour d'appel de Grenoble autrement composée ;

Condamne la société B. T. immobilier aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société B. T. immobilier à payer à l'association l'Union fédérale des consommateurs de l'Isère Que Choisir la somme de 5.000 euros ; rejette la demande de la Fédération nationale de l'immobilier ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ».

Par déclaration en date du 21 janvier 2016, l'UFC 38 a saisi la cour d'appel de Grenoble en intimant la SAS J. B. T. immobilier.

 

Par conclusions notifiées le 8 février 2017, l'association UFC 38 demande à la cour de :

- Fixer l'indemnisation du préjudice collectif subi par l'ensemble des consommateurs du département de l'Isère, du fait de l'attitude réitérée pendant 10 ans, par la société appelante, relative à l'usage d'une soixantaine de clauses irrégulières (illicites ou abusives), à la somme de 70.000 euros ;

- Condamner encore la SAS J. B. T. immobilier à lui verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sur la procédure d'appel après cassation, une indemnité d'un montant de 3 000 euros ;

- La condamner aux entiers dépens.

Elle rappelle qu'elle est intervenue en qualité d'association légalement habilitée.

Elle précise avoir agi pour demander la suppression de clauses illicites ou abusives présentes dans le contrat proposé par un syndic aux copropriétés du département de l'Isère et ainsi destiné aux copropriétaires consommateurs.

Elle indique que la Cour de cassation a sanctionné elle-même 21 clauses subsistant dans la version 2012 et 6 clauses dans la version 2008.

Elle rappelle que de 2005 à 2014, l'agence B. T. a fait usage, au détriment du consommateur, de clauses irrégulières dans les versions 2005, 2008, 2010 et 2012 de son contrat, clauses qui permettaient notamment de facturer des prestations indûment classées « hors gestion ».

Elle ajoute que depuis 2015, la loi dite ALUR a imposé un modèle type de contrat à l'ensemble de la profession.

Elle conteste l'argumentation adverse relative à la recevabilité de son action en ce que cette question a déjà été définitivement jugée.

Elle précise aussi que le préjudice dont elle demande réparation est celui qui est défini par l'article L. 621-1 du code de la consommation en ce qu'elle exerce « les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ».

Elle ajoute que l'utilisation des clauses critiquées a duré environ 10 ans et que le nombre de clauses condamnées par la Cour de cassation justifie une augmentation des dommages-intérêts.

 

Par conclusions notifiées le 15 mai 2017, la SAS J. B. T. immobilier, venant aux droits de la SA B. T. immobilier, demande à la cour de :

A titre principal,

- Dire et juger que toute condamnation de la société J. B. T. immobilier en réparation d'un prétendu préjudice collectif découlant de l'utilisation de clauses abusives ou illicites implique, préalablement et nécessairement, de vérifier la recevabilité de l'action engagée par l'UFC 38 tendant à voir dire et juger que lesdites clauses revêtiraient un caractère abusif ou illicite, ce qui fonderait une quelconque réclamation indemnitaire ;

- Constater que la Cour de cassation n'a nullement demandé de voir déroger sur ce point à ce nécessaire examen préalable dès lors que le renvoi concerne globalement l'examen de cette action indemnitaire, sans aucune limitation ;

- Dire et juger que les contrats de syndic étant proposés ou destinés aux syndicats de copropriétaires, personnes morales, l'action de l'UFC 38 est formellement irrecevable, ce qui rend, consécutivement, irrecevable toute demande indemnitaire qu'elle formule directement sur ce fondement en réparation d'un prétendu préjudice collectif, demandes dont l'examen a été renvoyé à la cour de céans autrement composée par l'arrêt du 19 novembre 2015 de la Cour de cassation ;

- Dès lors, déclarer irrecevable, et subsidiairement mal fondée, l'UFC 38 en toutes ses demandes, fins et conclusions concernant l'indemnisation d'un prétendu préjudice collectif ;

- Réformer le jugement du 2 novembre 2009 en ce qu'elle a été condamnée à payer la somme de 40.000 euros (et non pas 25.000 euros) à titre de préjudice collectif qui aurait été subi par l'UFC 38 ;

- Débouter consécutivement l'UFC 38 de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner l'UFC 38 à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant distraits au profit de la SELARL CDMF-Avocats sur son affirmation de droit ;

Subsidiairement,

- Voir constater que l'UFC 38 tente d'obtenir la réparation d'un préjudice qu'elle qualifie elle-même « d'antérieur », dès lors qu'il ne pourrait, en tout état de cause, découler que du caractère prétendument abusif ou déséquilibré de clauses figurant dans d'anciens contrats de syndic qui ne sont aujourd'hui, et depuis l'introduction de la présente procédure, plus utilisés ;

- Voir, à ce titre, constater qu'aux termes d'un arrêt du 1er février 2005 concernant précisément l'UFC 38, la Cour de cassation a rappelé que lorsque la preuve n'était pas rapportée de ce que le contrat eût été proposé à des particuliers postérieurement à l'introduction de l'instance, l'action de l'association de défense des consommateurs, initialement recevable, devient sans objet relativement à la demande de suppression des clauses abusives et dépourvues de fondement quant à l'indemnisation du préjudice prétendument causé à l'intérêt collectif des consommateurs, et l'association doit être déboutée de sa demande en dommages-intérêts ;

- Dire et juger, par ailleurs, que les juges ne peuvent examiner que les clauses critiquées figurant dans les contrats substitués au jour où ils statuent à ceux antérieurement proposés aux consommateurs ;

- Dire et juger, consécutivement, que les juges ne peuvent, de la même manière, examiner des demandes indemnitaires que si celles-ci sont fondées sur l'existence de clauses illicites, abusives ou déséquilibrées, insérées dans un contrat effectivement proposé ou destiné à des consommateurs au jour où ils statuent ;

- Voir constater que la demande indemnitaire présentée par l'UFC 38 n'est fondée que sur des contrats de syndic anciens qui, pour certains, n'étaient plus proposés au jour de l'introduction de l'instance, et qui, pour d'autres, ne le sont plus aujourd'hui ;

- Débouter consécutivement l'UFC 38 de toutes ses demandes, fins et conclusions et réformer le jugement du 2 novembre 2009 en ce que la société B. T. a été condamnée à payer la somme de 40.000 euros à titre de préjudice collectif prétendument subi par l'UFC 38 ;

- Condamner l'UFC 38 à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant distraits au profit de la SELARL CDMF-Avocats sur son affirmation de droit ;

Très subsidiairement,

- Voir constater que l'UFC 38 n'a pas cru devoir maintenir les demandes qu'elle formulait dans son assignation initiale, relativement aux clauses figurant dans l'ancien projet de contrat de syndic de la société concluante et dont l'annulation avait pourtant conduit les premiers juges à condamner la société B. T. à des dommages-intérêts ;

- Voir constater que de nombreuses clauses, qui avaient été censurées par le tribunal dans son jugement du 2 novembre 2009 (celles visées aux paragraphes 4, 10, 15, 17, 21, 24, 26, 28, 29, 32, 34, 36, 38, 39, 41 à 48, 49 à 61, 63 à 72 et 75 du contrat version 2008, sans compter de nombreuses autres clauses qui figuraient dans le contrat version 2005), ont finalement été validées par la cour de céans, dans son arrêt du 17 juin 2013, puis par la Cour de cassation, dans sa décision du 19 novembre 2015 ;

- Voir constater que seules 6 clauses n° 9, 18, 19, 44, 45, et 46 du contrat de syndic version 2012 ont finalement été jugées abusives ou illicites par arrêt du 17 juin 2013, auxquelles il y a désormais simplement lieu d'ajouter les clauses n° 2, 20-32, 5, 6, 7, 38, 47, 48, 49 et 50 du contrat version 2012 et n° 14, 21, 38, 60, 73 et 74 du contrat version 2008 qui ont été déclarées illicites, abusives ou déséquilibrées par la Cour de cassation dans sa décision du 19 novembre 2015 ;

- Dire et juger que la réformation du jugement du 2 novembre 2009 justifie à elle seule une diminution très substantielle du montant de la condamnation prononcée par le tribunal en paiement d'une somme de 40.000 euros au titre d'un préjudice collectif ;

- Dire et juger que cette diminution est d'autant plus nécessaire que la plupart des clauses jugées illicites, abusives ou déséquilibrées par la Cour de cassation dans son arrêt du 19 novembre 2015 ne sont pas de nature à créer le moindre préjudice collectif ;

- Voir enfin constater qu'aux termes d'une attestation établie par le cabinet SR Conseil, expert-comptable, le chiffre d'affaires total dégagé par la société concluante dans le cadre de son activité syndic (gestion courante et hors gestion courante) oscillait entre 175.863 euros HT en 2007 et 275.530 euros HT en 2010 et que la fixation du préjudice collectif allégué à la somme de 40.000 euros apparaît donc totalement déraisonnable ;

- Débouter en conséquence l'UFC 38 de toutes ses demandes, fins et conclusions, sauf à ramener, à titre infiniment subsidiaire, à un 1 euro symbolique l'indemnité pouvant revenir à l'UFC 38 en réparation d'un prétendu préjudice collectif ;

- Condamner l'UFC 38 à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel étant distraits au profit de la SELARL CDMF-Avocats sur son affirmation de droit.

Elle soutient à titre principal que la demande d'indemnisation formulée par l'UFC 38 au titre du préjudice collectif est irrecevable. Elle estime que la cassation partielle de l'arrêt sur la condamnation pécuniaire « permet de rouvrir totalement la discussion quant à la recevabilité de l'action engagée par l'UFC 38 pour cette (seule) demande d'indemnisation de son préjudice collectif » (sic).

Subsidiairement, elle indique que le préjudice dont il est demandé réparation doit être certain, actuel, direct et personnel, à la date où le juge statue, ce qui n'est plus le cas en l'espèce en ce qu'un nouveau contrat de syndic normalisé est utilisé.

Très subsidiairement, elle rappelle que le préjudice ne pourrait qu'être minime en ce que le nombre de clauses critiquées est faible et que certaines de ces clauses uniquement informatives ne sont pas de nature à générer un préjudice. Elle ajoute que son chiffre d'affaires annuel en cette matière se situait entre 157.000 euros et 275 000 euros entre 2007 et 2010.

Elle estime le préjudice de l'UFC 38 à la somme symbolique de 1 euro.

 

La clôture de la procédure est intervenue le 23 mai 2017.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le périmètre de la saisine :

Dans son arrêt du 19 novembre 2015, la 3e Chambre civile de la Cour de cassation a statué sans renvoi sur le caractère :

- illicite des clauses numérotées 2, 5, 6, 7, 20 à 32, 38, 47, 49 et 50 contenues dans le contrat de syndic version 2012 ;

- illicite des clauses numérotées 14, 21, 38, 48, 73 et 74 contenues dans le contrat de syndic version 2008 ;

- abusif de la clause numérotée 60 contenue dans le contrat de syndic version 2008.

Cette disposition concerne donc 27 clauses déclarées illicites et 1 clause déclarée abusive.

La 3e Chambre civile de la Cour de cassation n'a renvoyé devant la cour d'appel de Grenoble autrement composée que la seule disposition de l'arrêt qui avait condamné la société B. T. immobilier à payer à l'association UFC 38 une somme en indemnisation du préjudice collectif subi par l'association de consommateurs.

Le périmètre de la saisine après renvoi est donc particulièrement bien défini et ne concerne que le préjudice collectif de l'association.

 

Sur la recevabilité de la demande d'indemnisation du préjudice collectif :

La SAS J. B. T. immobilier demande à la cour de déclarer irrecevable « l'action engagée par l'UFC 38 pour voir dire et juger que [certaines] clauses revêtiraient un caractère abusif ou illicite’(sic). Elle estime que pour pouvoir apprécier une éventuelle indemnisation, la cour d'appel de renvoi doit au préalable statuer de nouveau sur la recevabilité des demandes de l'UFC 38.

Il convient de rappeler que la 1re chambre civile de la cour d'appel de Grenoble a statué sur la question de la recevabilité dans son arrêt du 17 juin 2013 dans les termes suivants « Déclare l'UFC 38 recevable en ses prétentions de suppression des clauses abusives ou illicites des contrats types proposés et utilisés par la SA B. T. immobilier ».

À l'occasion de l'examen du moyen de cassation n° 2, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a expressément indiqué « Attendu que l'UFC 38, dont la recevabilité à agir n'a pas été contestée, fait grief [...] ».

Ainsi, force est de constater qu'aucun pourvoi n'a été formé par la SA B. T. immobilier (devenue la SAS J. B. T. immobilier) quant [à] la recevabilité à agir de l'UFC 38.

Dès lors, la disposition non contestée de l'arrêt du 17 juin 2013 de la 1re chambre civile de la cour d'appel de Grenoble déclarant recevable l'action de l'UFC 38 est passée en force de chose jugée.

Elle ne peut plus être contestée et s'impose à tous.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de la SAS J. B. T. immobilier tendant à voir réexaminer la question de la recevabilité à agir de l'UFC 38.

 

Sur l'indemnisation du préjudice collectif :

L'article L. 421-1 ancien du code de la consommation (devenu L. 621-1 nouveau du même code) dispose dans son alinéa 1er « Les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ».

L'UFC 38, qui remplit les conditions exigées, peut donc demander une indemnisation de ce chef.

En l'espèce, afin de déterminer la réalité du préjudice collectif subi par l'UFC 38, il convient de prendre en compte les éléments suivants :

- le nombre de clauses irrégulières (illicites ou abusives) est particulièrement important ;

- le jugement du 2 novembre 2009 en avait retenu 60 sur les diverses versions soumises ;

- l'arrêt de la cour d'appel du 17 juin 2013 n'en avait retenu que 6 sur la seule version 2012 ;

- la Cour de cassation dans son arrêt du 19 novembre 2015 en a retenu 28 sur les versions 2008 et 2012 ;

- malgré la mise en application successive de nouvelles versions du contrat de syndic, celles-ci comportaient toujours un nombre important de clauses illicites ou abusives ;

- les anomalies ont donc perduré environ 10 années ;

- les clauses illicites ou abusives ont eu pour effet de procurer à la SAS J. B. T. immobilier des avantages injustifiés en accroissant de façon illégitime ses profits ;

- cela s'est fait au détriment de ses clients (consommateurs) mais également de ses concurrents.

Le nombre de clauses irrégulières, leur nature, leur application à tous les clients et la durée de leur maintien en vigueur justifient la fixation d'une indemnisation du préjudice collectif de l'UFC 38 à la somme de 40.000 euros.

Le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du du 2 novembre 2009 sera confirmé de ce chef.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SAS J. B. T. immobilier, dont les prétentions sont rejetées, supportera les dépens.

Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'UFC 38 les frais engagés pour la défense de ses intérêts. La SAS J. B. T. immobilier sera condamnée à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de la saisine de la cour de renvoi :

Vu le jugement rendu le 2 novembre 2009 par le tribunal de grande instance de Grenoble, l'arrêt rendu le 17 juin 2013 par la 1re chambre civile de la cour d'appel de Grenoble et l'arrêt de cassation partielle rendu par la 3e chambre civile de la Cour de cassation le 19 novembre 2015 ;

Déboute la SAS J. B. T. immobilier de sa demande tendant à voir réexaminer la question de la recevabilité à agir de l'association Union fédérale des consommateurs Que Choisir de l'Isère (UFC 38) ;

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du du 2 novembre 2009 en ce qu'il a condamné la SA B. T. immobilier (devenue la SAS J. B. T. immobilier) à payer à l'association Union fédérale des consommateurs Que Choisir de l'Isère (UFC 38) la somme de 40.000 euros (quarante mille euros) en réparation de son préjudice collectif ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS J. B. T. immobilier à payer à l'association Union fédérale des consommateurs Que Choisir de l'Isère (UFC 38) la somme de 2.000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la SAS J. B. T. immobilier aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par le Président Gérard DUBOIS et par le Greffier en pré-affectation, Morgane MATHERON, présente lors de la mise à disposition, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,                  LE PRÉSIDENT,