CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch.), 26 septembre 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 757
CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch.), 26 septembre 1996 : RG n° 92-4348 ; arrêt n° 312
Publication : Juris-Data n° 047189
Extrait : « …la prévision, lors de la signature du contrat, d'un engagement immédiat et définitif du consommateur, est une clause abusive ; Que d'autre part, la renonciation par l'intimée, au bénéfice des dispositions de l'article 8.3 des conditions générales du contrat souscrit, laisse subsister, en l'espèce, la possibilité de résiliation unilatérale, au profit du seul constructeur ; Qu'il apparaît, en conséquence, que le constructeur s'oblige sous une condition potestative portant sur sa seule volonté ; Attendu, qu'en application des dispositions de l'article 1174 du Code Civil, cette obligation est nulle, et entraîne la nullité du contrat tout entier, s'agissant d'un contrat synallagmatique ».
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 92-4348. Arrêt n° 312. Arrêt de la 3ème Chambre Civile en date du 26 septembre 1996 prononcé sur appel d'un jugement rendu le 20 novembre 1990 par le Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Monsieur PIZZETTA
CONSEILLERS : Monsieur FARJON Mademoiselle CIABRINI
GREFFIER : (présente uniquement aux débats) Mademoiselle DAMOUR
DÉBATS : A l'audience publique du 19 juin 1996, Le Président a avisé les parties que le délibéré serait rendu le 26 septembre 1996
PRONONCÉ : A l'audience publique du 26 septembre 1996 par Mademoiselle CIABRINI, Conseiller, assisté de Madame PHILIBERT Greffier
NATURE DE L'ARRÊT : CONTRADICTOIRE
[minute page 2]
NOMS DES PARTIES :
APPELANTE :
Société MAISON IDEALE PROVENCE COTE D'AZUR SARL
Dont le siège social est [adresse], prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié. APPELANTE, Représentée par la SCP DE ST FERREOL & TOUBOUL, Avoué, Plaidant par Maître ABENZA, Avocat au Barreau d'AIX EN PROVENCE.
CONTRE
INTIMÉE :
Madame X.
Demeurant à [adresse]. INTIMÉE, Représentée par la SCP BLANC, Avoué, Plaidant par Maître KAROUBY, Avocat au Barreau d'AIX EN PROVENCE.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant contrat de construction de maison individuelle du 26 novembre 1988, Madame X. a confié à la société MAISON IDEALE SARL, l'édification d'une maison, sur un terrain lui appartenant, situé à [ville], en versant à la signature du contrat, un chèque d'acompte de 15.000 Francs.
Aux termes de ce contrat, elle a ajouté : « J'annule le paragraphe 8.3. des conditions générales de vente concernant la possibilité qui m'était offerte d'annuler le contrat dans le mois de sa signature ».
Par courrier du 28 novembre 1988, Madame X. a notifié à la société MAISON IDEALE sa volonté d'annuler le contrat et a sollicité la restitution de l'acompte.
Suivant acte d'huissier du 7 juin 1989, la société MAISON IDEALE a assigné Madame X. en paiement d'une somme de 52.700 Francs, à titre de dommages-intérêts, pour rupture unilatérale du contrat de construction, par application de son article 8-5, et d'une indemnité pour frais non taxables.
Un jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-en-PROVENCE, en date du 20 novembre 1990, a :
« Prononcé la nullité du contrat de construction de maison individuelle signé par Madame X. auprès de la SOCIETE MAISON IDEALE le 26 novembre 1988.
« Dit n'y avoir lieu à restitution de l'acompte qui n'a jamais été effectivement réglé par Madame X.
« Débouté Madame X. de sa demande de dommages et intérêts.
« Condamné la SOCIETE MAISON IDEALE à payer à Madame X. une somme de 6.000 Francs, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
« Condamné la SOCIETE MAISON IDEALE aux dépens conformément l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. »
La SOCIETE MAISON IDEALE PROVENCE COTE D'AZUR en a relevé appel, intimant Madame X.
L'appelante demande à la cour de, réformant le jugement en toutes [minute page 4] ses dispositions, dire que Madame X. a rompu unilatéralement le contrat la liant à la concluante et de la condamner, en conséquence, outre aux dépens, au paiement des sommes de 52.700 Francs, à titre de dommages-intérêts, à compter de l'assignation, et de 10.000 Francs, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle soutient, essentiellement, à ces fins, que :
- l'intimée pouvait renoncer aux dispositions de l'article 8-3 des conditions générales du contrat, sans contrevenir à une disposition d'ordre public ;
- l'article 8-3 des conditions générales du contrat ne peut être interprété comme une condition potestative et entraîner, de ce chef la nullité de l'obligation, par application des dispositions de l'article 1174 du Code Civil, puisque, d'une part, l'interprétation traditionnelle de cet article ne joue pas, si la condition purement potestative est insérée dans un contrat synallagmatique, et que, d'autre part, la lecture de l'article R 231-9 du C.C.H. [NB Code de la construction et de l’habitation] conduit à écarter, le cas échéant, les dispositions de l'article 1174 du Code Civil ;
- quels que soient tous les arguments injustifiés, avancés par l'intimée, il est incontestable que celle-ci a cherché à se dégager d'un contrat qu'elle ne souhaitait plus exécuter loyalement.
L'intimée conclut à la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il prononce la nullité du contrat de construction de maison individuelle signé le 26 novembre 1988, et formant appel incident, elle demande à la cour de condamner l'appelante, outre aux dépens :
- au paiement des sommes de 30.000 Francs, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et 20.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- à restituer l'acompte de 15.000 Francs, par elle versé, avec intérêts de droit, à compter du 28 novembre 1988.
Elle soutient, essentiellement, à cet effet, que :
- les dispositions de l'article R. 231-9 du Code de la Construction et de l'Habitation sont entièrement d'ordre public, et que l'appelante a bien accepté la résiliation ;
- en tout état de cause, les pièces versées aux débats ne permettent pas de vérifier un travail, justifiant 10 % du prix de la maison.
A l'appui de son appel incident, elle fait valoir le peu de sérieux de la société appelante, ainsi que les exigences par elle manifestées.
Dans des conclusions déposées le 11 mai 1994, l'appelante conclut, sur le fondement de l'article 132 du Nouveau Code de Procédure Civile, à l'irrecevabilité des pièces dont viendrait à faire état [minute page 5] l'intimée, qui n'auraient pas été soumises au débat contradictoire.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la procédure :
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée par l'intimée, et qu'aucun moyen susceptible d'être relevé d'office, sur cette recevabilité ne ressort de la procédure ;
Que l'appel est donc recevable ;
Sur le fond :
Attendu, certes, que l'article R. 231-9 du Code de la Construction et de l'Habitation ne prévoit que la possibilité de l'insertion dans le contrat de construction d'une maison individuelle, d'une clause permettant à l'une ou l'autre des parties de le résilier, dans le mois de la signature ;
Mais attendu, d'une part, que la prévision, lors de la signature du contrat, d'un engagement immédiat et définitif du consommateur, est une clause abusive ;
Que d'autre part, la renonciation par l'intimée, au bénéfice des dispositions de l'article 8.3 des conditions générales du contrat souscrit, laisse subsister, en l'espèce, la possibilité de résiliation unilatérale, au profit du seul constructeur ;
Qu'il apparaît, en conséquence, que le constructeur s'oblige sous une condition potestative portant sur sa seule volonté ;
Attendu, qu'en application des dispositions de l'article 1174 du Code Civil, cette obligation est nulle, et entraîne la nullité du contrat tout entier, s'agissant d'un contrat synallagmatique ;
Attendu que n'est pas démontré, en cause d'appel, le débit du chèque d'acompte, dont le remboursement est sollicité par Madame X. ;
Que, donc, doit être purement et simplement confirmé, en toutes ses dispositions le jugement querellé ;
Attendu que l'intimée n'établissant aucune faute commise par l'appelante, dans l'exercice de son droit d'ester en justice, doit être déboutée de sa demande en dommages-intérêts du chef de procédure abusive ;
[minute page 6] Que l'équité commande d'allouer à cette dernière une somme de 5.000 Francs en compensation des frais non répétibles, par elle exposés en cause d'appel ;
Attendu que l'appelante principale, succombant en son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire ;
En la forme, reçoit la SOCIETE MAISON IDEALE PROVENCE COTE D'AZUR, en son appel du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AIX-ENPROVENCE, en date du 26 novembre 1990, et Madame X., en son appel incident.
Au fond, les en déboute ;
Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions ;
Condamne la société appelante principale à payer à Madame X., une indemnité de 5.000 Francs, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en cause d'appel ;
Rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires ;
Condamne la SOCIETE MAISON IDEALE PROVENCE COTE D'AZUR, aux dépens ;
Admet la SCP BLANC, Avoué en la cause, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- 6023 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Asymétrie
- 6304 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Construction - Contrat de construction de maison individuelle
- 7288 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Condition potestative