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CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 31 mai 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 31 mai 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 5
Demande : 16/17448
Date : 31/05/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/08/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7588

CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 31 mai 2018 : RG n° 16/17448 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est précisé, ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, qu'en dépit du visa erroné de l'article 1134 du code civil, l'action est en réalité engagée sur le fondement de la seule responsabilité délictuelle, étant admis que le tiers à un contrat peut invoquer sur ce fondement un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

S'agissant du grief du déséquilibre significatif allégué, le tribunal de grande instance a estimé à bon droit que l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME), n'était pas applicable à l'espèce, en ce que les manquements de Renault invoqués sur son fondement sont tous postérieurs à son entrée en vigueur le 6 août 2008, étant tous antérieurs à l'ouverture le 6 mai 2008 de la procédure de redressement judiciaire à l'encontre de Caralys, peu important à cet égard que M. X. ait pu faire état de divers manquements, au demeurant de façon très évasive, dans un courrier du 4 décembre 2008. »

2/ « Par suite, il résulte de ces éléments que Renault a effectivement manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat avec son partenaire Caralys et abusé de la dépendance économique de celle-ci, ce qui a nécessairement affecté le libre jeu de la concurrence, peu important que ce soit de la part de Renault sans intention anticoncurrentielle, une telle intention n'ayant pas à être caractérisée. Or, ces fautes ont contribué à la mise en liquidation de Caralys, qui a elle-même causé à son gérant et associé M. X. des préjudices personnels, à savoir un préjudice lié à la mise en jeu de son cautionnement et un préjudice moral, ainsi que celui-ci le soutient avec raison. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 31 MAI 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/17448 (9 pages). Décision déférée à la cour : jugement du 23 juin 2016 - Tribunal de grande instance de PARIS - R.G. n° 14/13230.

 

APPELANT :

Monsieur X.

Demeurant : [adresse], Représenté par Maître Frédéric L. de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, Ayant pour avocat plaidant : Maître Clément D., substituant Me Jean-Marie J., avocat au barreau de PARIS, toque : P0254

 

INTIMÉE :

SA RENAULT RETAIL GROUP

Ayant son siège social : [adresse], N° SIRET : XXX (NANTERRE), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Jeanne B. de la SCP SCP Jeanne B., avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, Ayant pour avocat plaidant : Maître Laurence B., substituant Maître V., de la SELAS V. & V., avocat au barreau de PARIS, toque : P0151

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 mars 2018, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère, Madame Anne DU BESSET, Conseillère, rédacteur, qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne DU BESSET dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, président et par Madame Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte sous seing privé du 27 juillet 1998, la société Nouveau Garage de la Gare, devenue en 2006 Caralys (ci-après Caralys), siégeant à [ville R.], détenue à 99,64 % par la société Eiffel Finances et pour le surplus par M. X. (ci-après M. X.) qui la présidait, a signé un contrat de vendeur agréé Renault avec la société Renault France Automobiles Ile de France Ouest, devenue Reagroup France Ouest, puis Renault Retail Group, concessionnaire siégeant à Clamart (92), pris en sa succursale exerçant sous l'enseigne « Renault Retail Group Saint-Quentin-en-Yvelines » située à [ville T.]. Ce contrat permettait notamment à la société Caralys d'assurer directement la commercialisation de véhicules neufs.

Le 21 septembre 2003, un nouveau contrat d'agent Renault Service acheteur revendeur, a été signé entre les parties sans modification du statut de la société Caralys.

Jusqu'à 2004, la société Caralys a connu une phase de développement important puis, à compter de 2005, elle a été confrontée à des difficultés.

Le 25 septembre 2007, les parties ont conclu un accord de compensation de leurs dettes réciproques, fixées à 402.636,32 euros pour Caralys et à 84.127,38 euros pour Renault Retail Group.

Par contrat du 11 octobre 2007, la société Caralys est devenue agent Renault Service simple, ce nouveau statut, d'apporteur d'affaires, ne lui permettant plus d'effectuer des ventes de véhicules neufs pour son propre compte.

Par jugement du tribunal de commerce de Versailles du 6 mai 2008, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Caralys, la société Renault Retail Group déclarant sa créance le 10 juin 2008 (pour 273.419,89 euros à titre privilégié et pour 210.740,82 euros à titre chirographaire) ; par jugement du 5 mars 2009, un plan de cession a été adopté ; et, par jugement du 30 avril 2009, la liquidation judiciaire de cette société a été prononcée, de même que pour la société Eiffel Finances, par jugement distinct du même jour.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 avril 2010, M. X. a été condamné, en qualité de caution de la société Caralys, à verser la somme de 71.421 euros en principal à la société Cogera, chargée de financer les véhicules d'occasion de Caralys.

Par jugement du 12 mars 2013, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Caralys a été prononcée pour insuffisance d'actifs.

Estimant que la société Renault Retail Group s'était comportée de façon déloyale vis-à-vis de la société Caralys ce qui lui avait préjudicié personnellement, M. X. l'a assignée en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte du 3 septembre 2014.

Par jugement du 23 juin 2016, le dit tribunal a :

- déclaré irrecevable l'action de M. X. en indemnisation du préjudice relatif à la perte de la valeur du fonds de commerce, pour défaut de qualité à agir,

- déclaré irrecevable l'action de M. X. en indemnisation des préjudices relatifs à la perte de rémunérations et à la perte des comptes courants d'associés, comme étant prescrite,

- déclaré le surplus des demandes formulées par M. X. recevable,

- débouté M. X. de l'intégralité de ses demandes,

- condamné M. X. aux dépens, ainsi qu'à régler à la société Renault Retail Group la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.

Vu l'appel interjeté le 12 août 2016 par M. X. ;

 

Vu les dernières conclusions signifiées le 11 mai 2017 par M. X., par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 23 juin 2016,

Vu les articles 1134 et 1382 du code civil notamment,

Vu les articles L. 420-2 et L. 442-6 du code de commerce,

Vues les pièces versées aux débats,

Vu la jurisprudence citée,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré que M. X. avait qualité à agir contre la Société Renault Retail Group, sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action de M. X. en indemnisation du préjudice relatif à la perte de la valeur du fonds de commence irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ;

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action de M. X. en indemnisation des préjudices relatifs à la perte de rémunérations et à la perte de comptes courants d'associés irrecevable comme étant prescrite ;

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. X. de ses demandes en indemnisation du préjudice relatif à son engagement de caution à hauteur de 25.000 euros, et du préjudice moral subi ;

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. X. à la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Et, statuant à nouveau,

- constater que la société Renault Retail Groupe a soumis la Société Caralys à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

- constater que la société Renault Retail Group a exploité abusivement l'état de dépendance économique de la Société Caralys ;

- constater que la société Renault Retail Group a manqué à ses obligations de loyauté et de bonne foi dans ses relations contractuelles avec la société Caralys ;

- constater que lesdits manquements au causé des préjudices à Monsieur X. ;

- recevoir M. X. en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- les dire bien fondées ;

En conséquence,

- condamner la société Renault Retail Group à payer à M. X. la somme de 252.098,33 euros en réparation du préjudice subi au titre de la perte de revenus ;

- condamner la société Renault Retail Group à payer à M. X. la somme de 195.000,00 euros en réparation du préjudice subi au titre de la perte de valeur du fonds de commerce ;

- condamner la société Renault Retail Group à payer à M. X. la somme de 262.281,00 euros en réparation du préjudice subi au titre de la perte des comptes courants d'associés ;

- condamner la société Renault Retail Group à payer à M. X. la somme de 25.000,00 euros en réparation du préjudice subi au titre de son engagement de caution ;

- condamner la société Renault Retail Group à payer à M. X. la somme de 30.000,00 euros en réparation du préjudice moral subi ;

- condamner la société Renault Retail Group au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Renault Retail Group aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la Selarl BDL Avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Vu les dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2017 par la société Renault Retail Group (ci-après Renault), par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles 31 et 122 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 420-2 et L. 442-6-I-2° du code de commerce,

Vu les articles 2, 1134, 1165 et 2224 du code civil,

A titre principal,

- dire et juger que Monsieur X. est irrecevable en ses demandes fondées sur des faits prescrits, ou pour lesquels Monsieur X. n'a pas qualité pour agir ou intérêt à agir ;

En conséquence,

- débouter Monsieur X. de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

Subsidiairement,

- dire et juger que les demandes de Monsieur X. mal fondées tant en droit qu'en fait ;

En conséquence,

- débouter Monsieur X. de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

Plus subsidiairement,

- dire et juger que Monsieur X. ne justifie ni du montant des préjudices allégués ni du lien de causalité avec les prétendues fautes invoquées ;

En conséquence,

- débouter Monsieur X. de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté Monsieur X. de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à Renault Retail Group la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles.

- condamner M. X. à payer à Renault Retail Group la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel outre les entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Jeanne B. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er mars 2018.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la recevabilité des demandes :

S'agissant de la recevabilité, il est rappelé qu'aux termes du jugement dont appel, le tribunal a déclaré :

- irrecevable l'action de M. X. au titre de la perte de valeur du fonds de commerce, pour défaut d'intérêt à agir (et non de qualité, ainsi qu'indiqué par suite d'une erreur de plume dans le dispositif, ainsi qu'il résulte sans ambiguïté des motifs),

- irrecevable l'action de M. X. au titre de la perte de rémunérations et de la perte des comptes courants d'associés, comme prescrite,

- recevable le surplus des demandes formulées par M. X., à savoir au titre de son préjudice issu de son engagement de caution et de son préjudice moral, écartant notamment en cela la fin de non-recevoir soulevée par Renault tirée de son défaut de qualité à agir ou de la prescription.

Or, le jugement sera confirmé par motifs adoptés, en ce qu'il a estimé que M. X. avait qualité à agir concernant ces deux dernières demandes indemnitaires, Renault ne présentant aucun élément de droit ou de fait qui justifie de le remettre en cause sur ce point, se contentant d'invoquer le défaut de qualité dans le dispositif de ses écritures, sans motiver sa fin de non-recevoir.

Sur le défaut d'intérêt à agir, le jugement sera également confirmé par motifs adoptés, M. X. ne présentant aucun élément de droit ou de fait qui justifie de le remettre en cause sur ce point. En effet, l'appelant ne justifie d'aucun préjudice personnel distinct de celui de la société Caralys, propriétaire du fonds dont la perte de valeur résulte de son placement en liquidation judiciaire ; par ailleurs, Renault ne démontre pas davantage en appel qu'en première instance l'absence d'intérêt à agir de M. X. du chef de ses autres prétentions.

Enfin, concernant la prescription, le tribunal de grande instance a exactement jugé, d'une part, que le point de départ du délai quinquennal de prescription se situait au 30 avril 2009, date de l'ouverture de la liquidation judiciaire de Caralys, et, partant, de la réalisation du dommage pour M. X. constitué selon lui par la perte de sa rémunération de gérant et la perte de ses comptes courants d'associé de Caralys et de sa holding Eiffel Finances, placée en liquidation le même jour, et, d'autre part, que ce délai n'avait pas été interrompu par la première assignation délivrée le 18 septembre 2013 par M. X. devant le tribunal de grande instance de Nanterre, qui s'est en effet soldée par une ordonnance du 6 mai 2014 constatant sans réserves son désistement d'instance, mettant ainsi à néant l'effet interruptif de prescription, en application des articles 2241 et 2243 du code civil. Le jugement sera donc également confirmé, par motifs que la cour fait siens, concernant l'acquisition de la prescription du chef des demandes précitées et concernant la recevabilité au regard de la prescription des autres demandes, pour lesquelles la survenance du dommage (mise en jeu du cautionnement et état dépressif) est plus récente, ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges.

 

Sur le fond :

M. X. reproche à Renault d'avoir notamment imposé des objectifs irréalisables à Caralys à compter de 2006, d'avoir pressuré celle-ci notamment concernant l'encours et de ne pas avoir détaché auprès d'elle un vendeur secteur du 11 octobre 2007 au 11 février 2008, et ce faisant, d'avoir :

- soumis Caralys à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce,

- exploité abusivement l'état de dépendance économique de Caralys, sur le fondement de l'article L. 420-2 alinéa 2 du code de commerce,

- manqué à ses obligations de loyauté et de bonne foi dans ses relations contractuelles avec Caralys, sur le fondement des articles 1134 et 1382 du code civil,

ce qui lui aurait occasionné des préjudices personnels en tant que dirigeant et associé de Caralys, à savoir un préjudice au titre de son engagement de caution au profit de Cogera, ainsi qu'un préjudice moral.

Il est précisé, ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, qu'en dépit du visa erroné de l'article 1134 du code civil, l'action est en réalité engagée sur le fondement de la seule responsabilité délictuelle, étant admis que le tiers à un contrat peut invoquer sur ce fondement un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

S'agissant du grief du déséquilibre significatif allégué, le tribunal de grande instance a estimé à bon droit que l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME), n'était pas applicable à l'espèce, en ce que les manquements de Renault invoqués sur son fondement sont tous postérieurs à son entrée en vigueur le 6 août 2008, étant tous antérieurs à l'ouverture le 6 mai 2008 de la procédure de redressement judiciaire à l'encontre de Caralys, peu important à cet égard que M. X. ait pu faire état de divers manquements, au demeurant de façon très évasive, dans un courrier du 4 décembre 2008.

S'agissant des autres griefs invoqués, il résulte des pièces versées que Caralys se trouvait effectivement tenue en état de dépendance économique vis-à-vis de Renault, compte tenu de ses objectifs de vente conditionnant les primes et des stipulations des contrats du 27 juillet 1998 et du 21 septembre 2003 (en leurs articles 2) lui imposant de fait une quasi exclusivité pour la vente de véhicules neufs Renault, ce qui limitait très fortement sa possibilité de se diversifier auprès d'autres constructeurs automobiles. En outre, ces deux premiers contrats prévoyaient un préavis de rupture de deux ans, ce qui s'avère particulièrement long pour le partenaire en situation de quasi exclusivité, tel étant le cas de Caralys (le troisième contrat, certes différent, réduisant d'ailleurs ce préavis à six mois).

Par ailleurs, il résulte du jugement du tribunal de commerce de Versailles du 5 mars 2009 adoptant le plan de cession de Caralys, avant sa mise en liquidation, que les difficultés économiques de celle-ci, survenues à compter de 2005, trouvent leur origine dans les facteurs suivants, ce qui n'est pas contesté :

- le recul des ventes des véhicules Renault neufs, en raison d'une gamme mal adaptée et de problèmes de fiabilité,

- un fort absentéisme du personnel (point confirmé par le courrier de Caralys du 3 octobre 2007 qualifiant cet absentéisme de « catastrophique »),

- le changement de statut de 2007 faisant perdre à Caralys la vente des véhicules neufs,

- les malversations d'un vendeur pendant trois années créant un préjudice de 100 K euros,

- la diminution de l'activité de réparation,

- la pression de Renault pour diminuer l'encours, qui est confirmée par ses courriers des 18 et 26 septembre 2017, et 24 octobre 2007 (avec notamment une suspension de la livraison des pièces détachées),

- des tensions de trésorerie de plus en plus vives.

De plus, il ressort du courrier très circonstancié du 5 janvier 2007 de M. X., ès-qualités de gérant de Caralys, que les objectifs de vente 2016 - non atteints - ont été artificiellement gonflés par la prise en compte indue de 26 véhicules sur l'année passée, le détail du calcul effectué n'étant pas contesté. Renault soutient à cet égard que le contrat prévoyait que les objectifs de vente étaient fixés d'un commun accord entre les parties, et, à défaut, par un expert indépendant, de sorte que M. X. n'ayant pas eu recours à un tel expert, ne serait pas fondé à se plaindre des objectifs auxquels il a consenti. Toutefois, sur ce point, l'appelant est légitime à faire valoir que compte tenu de la situation de dépendance de Caralys et dans une optique de bonne et pérenne entente commerciale entre les parties, le recours à un expert pour arbitrer un désaccord sur les objectifs était en pratique difficilement envisageable pour Caralys. De surcroît, il apparaît que malgré ce courrier de Caralys alertant Renault de façon circonstanciée sur ses difficultés, les objectifs de vente postérieurs ont été fixés à la hausse.

Par ailleurs, il résulte du contrat du 11 octobre 2007 (articles 3.1 et 6.2) et du propre courrier de Renault du 8 février 2008 se référant à la charte agent [ville R.], que celle-ci avait l'obligation en vertu du dit contrat de détacher un « agent secteur » à Rambouillet auprès de Caralys dès l'entrée en vigueur du contrat ; or, Renault n'a respecté cette obligation qu'avec quatre mois de retard, le 11 février 2008, ce qui a contribué à entraver la mise en route de l'activité d'apporteur d'affaires pour les ventes de véhicules neufs mise à la charge de Caralys par ce nouveau contrat.

De même, les termes du courrier du 10 octobre 2006 de Caralys, sous la plume de M. X., à Renault selon lequel celle-ci se plaint de la concurrence indue effectuée par le service Renault Occasions auprès de ses propres clients, les invitant à se rapprocher de lui pour l'entretien et les accessoires de leur véhicule, ne sont pas contestés ; étant observé que ce courrier se conclut ainsi « Nous restons indignés par ces méthodes qui, comble de tout, proviennent de notre concédant. En ce moment, nous rencontrons plus de problèmes avec le réseau qu'avec nos concurrents des autres marques. ».

Par suite, il résulte de ces éléments que Renault a effectivement manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat avec son partenaire Caralys et abusé de la dépendance économique de celle-ci, ce qui a nécessairement affecté le libre jeu de la concurrence, peu important que ce soit de la part de Renault sans intention anticoncurrentielle, une telle intention n'ayant pas à être caractérisée. Or, ces fautes ont contribué à la mise en liquidation de Caralys, qui a elle-même causé à son gérant et associé M. X. des préjudices personnels, à savoir un préjudice lié à la mise en jeu de son cautionnement et un préjudice moral, ainsi que celui-ci le soutient avec raison.

En effet, il est rappelé que selon jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 avril 2010, dont le caractère définitif n'est pas contesté, a été prononcée la condamnation de M. X., en qualité de caution de la société Caralys, à verser la somme de 71.421 euros en principal à Cogera, chargée de financer les véhicules d'occasion de Caralys ; de sorte qu'il apparaît que les fautes de Renault ont contribué à faire perdre à M. X. la chance d'éviter la mise en jeu ainsi intervenue de ce cautionnement, qui est la conséquence directe de la liquidation, ce qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 20.000 euros, ce dernier soutenant sans être critiqué que Cogera l'a libéré de sa dette après un versement de 25.000 euros.

Par ailleurs, les pièces du dossier démontrent que M. X. s'était beaucoup investi dans sa société Caralys et que les fautes de Renault lui ont causé un préjudice moral certain, attesté notamment par deux certificats médicaux des 4 septembre 2009 et 17 juillet 2013 faisant ressortir respectivement un état de santé temporairement incompatible avec une activité professionnelle et un état dépressif, qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 15.000 euros.

Le jugement entrepris sera donc réformé sur ces points.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné M. X. aux dépens et à payer à Renault la somme de 3.500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel étant mis à la charge de Renault et la demande de M. X. au titre de ses frais irrépétibles étant accueillie par équité.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté M. X. de ses demandes indemnitaires au titre de son préjudice lié à son engagement de caution et au titre de son préjudice moral, et sauf concernant les dépens et l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau sur les points réformés,

CONDAMNE la société Renault Retail Group à payer à M. X. les sommes indemnitaires suivantes :

- 20.000 euros, au titre de son préjudice lié à son engagement de caution,

- 15.000 euros, au titre de son préjudice moral,

- 10.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE la société Renault Retail Group aux dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière                          Le Président

Hortense VITELA               Patrick BIROLLEAU