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CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 26 juin 2018

Nature : Décision
Titre : CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 26 juin 2018
Pays : France
Juridiction : Reims (CA), ch. civ. sect. 1
Demande : 17/01919
Date : 26/06/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/07/2017
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2018-011121
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7601

CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 26 juin 2018 : RG n° 17/01919 

Publication : Jurica

 

Extrait : « En l'espèce, il n'est pas contestable que le contrat litigieux a été conclu entre un professionnel et un consommateur. La société FUNECAP EST ne peut donc se prévaloir de l'article 5 des conditions générales de vente signées par Mme X. aux termes desquelles il est précisé que les différences de teinte ne peuvent donner lieu à la résiliation du marché, au refus de la marchandise ou à la réduction de prix, l'article R. 132-1 du code de la consommation présumant abusives de manière irréfragable les clauses ayant pour objet ou pour effet d'interdire au consommateur le droit de demander la résolution ou la résiliation du contrat en cas d'inexécution par le professionnel de son obligation de délivrance. »

 

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 26 JUIN 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/01919.

 

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 4 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de REIMS,

Madame X.

COMPARANT, concluant par Maître Emmanuel L., avocat au barreau de REIMS

 

INTIMÉES :

SAS POMPES FUNÈBRES CHAMPENOISES aux droits de laquelle vient désormais la SAS FUNECAP EST

dont le siège social est sis [adresse], COMPARANT, concluant par la SELARL G. & DE C., avocats au barreau de REIMS

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Monsieur MARTIN, président de chambre et Madame MAUSSIRE, conseiller ont entendu les plaidoiries ; les parties ne s'y étant pas opposées en ont rendu compte lors du délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller, Madame Catherine LEFORT, conseiller

GREFFIER : Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier, lors des débats et Madame NICLOT, greffier, lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 15 mai 2018, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 juin 2018, prorogé au 26 juin 2018

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 juin 2018 et signé par Monsieur MARTIN, président de chambre, et Madame NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Suivant devis accepté le 11 juin 2014, Mme Y. veuve X. a confié à la société Pompes Funèbres Champenoises, aux droits de laquelle vient désormais la société FUNECAP EST, la fourniture et la pose d'un monument de type « granit Kuppam Green » ainsi que des travaux de gravure, et ce, dans le cadre des obsèques de son époux, M. X.

Mme X. s'est plaint à plusieurs reprises que le monument était gris alors qu'elle le souhaitait vert.

Le fournisseur lui a répondu le 27 novembre 2014 que la couleur du monument était conforme à la commande.

Mme X. a assigné la société devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims aux fins de procéder à la dépose et au remplacement sous astreinte du monument.

Celui-ci l'a déboutée de ses demandes.

Mme X. a alors assigné la société Pompes Funèbres Champenoises devant le juge du fond par acte d'huissier du 12 novembre 2015.

Par décision du 4 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Reims a débouté Mme Y. veuve X. de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à payer à la SAS FUNECAP EST, venant aux droits de la société Pompes Funèbres Champenoises la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.

Le tribunal a considéré que la demanderesse, sur laquelle reposait la charge de la preuve, ne démontrait pas que la couleur du monument livré ne correspondait pas à la couleur mentionnée dans le devis signé.

Il a relevé que les attestations produites par Mme Y. veuve X. visant à établir que le monument était gris étaient insuffisantes à prouver un défaut de conformité dès lors que les échantillons provenant du catalogue du fournisseur laissaient apparaître le fait que la teinte commandée était essentiellement grise avec des nuances de vert, l'intéressée se gardant d'ailleurs de produire une photographie du monument litigieux.

 

Par déclaration des 12 juillet et 1er août 2017, Mme X. a interjeté appel de la décision.

Par conclusions du 9 avril 2018, elle demande à la cour :

- de voir ordonner la jonction des procédures RG 17/01919 et RG 17/02143,

- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

Vu l''article 1231-1 du code civil,

Vu l''article 1321 du code de la consommation [N.B. lire 132-1],

Vu l''article 1240 du code civil,

Vu la jurisprudence produite,

- de dire et juger que Madame Y. veuve X. a passé commande auprès de la SAS Pompes Funèbres Champenoises devenue SAS FUNECAP EST d''un monument funéraire vert,

En conséquence,

- de prononcer la résolution de la vente du matériel funéraire objet du contrat avec toutes conséquences de droit, notamment la restitution du prix par la société venderesse,

Y ajoutant,

- de condamner la SAS Pompes Funèbres Champenoises devenue SAS FUNECAP EST au paiement de la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral par application de l''article 1240 du code civil,

- de condamner la SAS Pompes Funèbres Champenoises devenue SAS FUNECAP EST au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l''article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, si la cour ne devait pas s''estimer suffisamment éclairée,

- d'ordonner un transport sur les lieux ou une expertise,

En tout état de cause,

- de débouter la SAS Pompes Funèbres Champenoises devenue SAS FUNECAP EST de l''ensemble de ses demandes, fins ou prétentions plus amples ou contraires,

- de la condamner en tous les dépens dont distraction est requise au profit de Me L., avocat aux offres de droit.

 

Par conclusions du 5 avril 2018, la SAS Pompes Funèbres Champenoises, aux droits de laquelle vient désormais la SAS FUNECAP EST, demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner Mme X. au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La jonction :

Il y a lieu, dans un souci de bonne administration de la justice, de joindre les affaires enrôlées sous les n° 17/01919 et 17/02143.

 

Le défaut de conformité :

Aux termes de l'article L. 211-4 du code de la consommation tel qu'il était en vigueur au moment de la souscription du contrat, le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

L'article L. 211-5 précise que pour être conforme au contrat, le bien doit être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et le cas échéant, correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle.

En l'espèce, il n'est pas contestable que le contrat litigieux a été conclu entre un professionnel et un consommateur.

La société FUNECAP EST ne peut donc se prévaloir de l'article 5 des conditions générales de vente signées par Mme X. aux termes desquelles il est précisé que les différences de teinte ne peuvent donner lieu à la résiliation du marché, au refus de la marchandise ou à la réduction de prix, l'article R. 132-1 du code de la consommation présumant abusives de manière irréfragable les clauses ayant pour objet ou pour effet d'interdire au consommateur le droit de demander la résolution ou la résiliation du contrat en cas d'inexécution par le professionnel de son obligation de délivrance.

Seuls les deux articles ci-dessus visés ont par conséquent vocation à s'appliquer au cas d'espèce.

Dès lors, il s'agit de déterminer si le monument funéraire qui a été livré à Mme X. est conforme à celui qu'elle a commandé, le degré d'exigence attendu de la transaction étant légitimement plus fort que la normale au regard du caractère très particulier de ce meuble, qui a une fonction affective importante, celle d'honorer la mémoire d'un défunt et d'être un lieu de recueillement des proches (Mme X. est l'épouse du défunt).

L'intimée soutient que Mme X. a commandé un monument en granit de type « Kuppam Green » et que celui qui lui a été livré est bien un monument en granit de type « Kuppam Green », de sorte qu'il y a conformité entre la commande et la livraison.

La société FUNECAP EST reconnaît elle-même dans ses écritures et par sa pièce n° 5 que le « Kuppam Green » est classé dans la gamme des « VERTS ».

Il est au surplus de bonne logique de considérer que Mme X., qui n'est pas une professionnelle des monuments funéraires et encore moins une spécialiste du bloc de granit d'origine indienne ayant servi à façonner l'ouvrage, a entendu commander un monument comportant, à tout le moins, des nuances de vert, l'appellation « Kuppam Green » utilisée par le vendeur étant dépourvue de toute ambiguïté quant à la couleur devant se trouver dans ce monument.

La photographie produite à l'appui du devis ayant déterminé Mme X. à contracter avec la société FUNECAP EST (pièce n° 24 de l'appelante) et l'affiche versée aux débats par celle-ci établissent d'ailleurs sans contestation possible que le monument « Kuppa Green » commandé comportait des nuances de vert.

Or, force est de constater au vu :

- des photographies prises sous divers angles du monument (pièces n° 24 et 25),

- des multiples attestations établies par des proches (pièces n° 26 à 38),

- de l'attestation de la marbrerie T. (pièce n° 40),

- de l'attestation des établissements R. C. (pièce n° 46),

que le monument est gris plus ou moins cendré mais qu'il ne comporte aucune nuance de vert.

Il est indifférent que Mme X. ait fait changer le monument en cours de procédure et qu'elle ait pu à cette occasion se faire livrer un monument ne comportant pas de nuances de vert, la seule question soumise à l'examen de la cour étant de déterminer si le bien livré objet de la transaction du 11 juin 2014 était ou non conforme à la commande.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que le monument livré à Mme X. n'est pas conforme au monument qu'elle a commandé, de sorte que la résolution de la vente doit être prononcée avec toutes conséquences de droit, en particulier quant à la restitution du prix par la société venderesse au vu de la facture du 12 mai 2014.

La décision sera par conséquent infirmée.

 

Le préjudice moral :

Mme X. fonde sa demande sur l'article 1240 du code civil aux termes duquel tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Mme X. ne caractérise ni la faute commise par son cocontractant qui ne saurait être constituée du seul fait de la non-conformité du monument funéraire, ni a fortiori le préjudice qu'elle aurait pu subir à ce titre.

Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

 

L'article 700 du code de procédure civile :

La décision sera infirmée.

Succombant en ses prétentions, la société FUNECAP EST ne peut prétendre à une indemnité à ce titre.

L'équité justifie en revanche qu'il soit alloué à Mme X. la somme de 2.500 euros au paiement de laquelle sera condamnée la société FUNECAP EST.

 

Les dépens :

La décision sera infirmée.

La société FUNECAP EST sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement direct par application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Ordonne la jonction des affaires enrôlées sous les n° 17/01919 et 17/02143.

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Reims.

Statuant à nouveau ;

Dit que le monument funéraire qui a été livré à Mme X. n'est pas conforme au monument qu'elle a commandé.

En conséquence, prononce la résolution de la vente avec toutes conséquences de droit, en particulier quant à la restitution du prix par la société venderesse au vu de la facture du 12 mai 2014.

Déboute Mme X. de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Condamne la société FUNECAP EST, venant aux droits de la société Pompes Funèbres Champenoises, à payer à Mme Marie-Thérèse X. la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société FUNECAP EST, venant aux droits de la société Pompes Funèbres Champenoises, de sa demande à ce titre.

Condamne la société FUNECAP EST, venant aux droits de la société Pompes Funèbres Champenoises, aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement direct par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier                             Le président