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CA TOULOUSE (2e ch.), 18 juillet 2018

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (2e ch.), 18 juillet 2018
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch.
Demande : 16/06181
Décision : 18/254
Date : 18/07/2018
Nature de la décision : Annulation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/12/2016
Décision antérieure : CASS. COM., 22 janvier 2020
Numéro de la décision : 254
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7636

CA TOULOUSE (2e ch.), 18 juillet 2018 : RG n° 16/06181 ; arrêt n° 254 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu qu'il convient d'observer, en liminaire, que l'article 2 du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 prévoit pour l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce la désignation de certaines juridictions commerciales dont ne fait pas partie le tribunal de commerce d'Albi et précise que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris ; que cependant, l'article 8 de ce même décret réserve compétence à la juridiction primitivement saisie pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date de son entrée en vigueur, soit le 1er décembre 2009 ; qu'en l'espèce, la procédure ayant été introduite par une assignation délivrée le 9 mai 2005, il en résulte que les dispositions du décret précité ne sont pas applicables au litige, la cour conservant son pouvoir juridictionnel pour examiner éventuellement le bien fondé des demandes indemnitaires formées par le liquidateur pour rupture abusive des relations contractuelles. »

2/ « Attendu, à cet égard, qu'au regard de la date d'ouverture du redressement judiciaire et de la date de l'assignation, les demandes formées de ce chef par le liquidateur doivent être appréciées sur le fondement des articles L. 621-107 et L. 621-108 du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause. Attendu, en premier lieu, que sont nuls, lorsqu'ils auront été faits par le débiteur depuis la date de cessation des paiements, [2°] tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie. Attendu, à cet égard, que la cour doit se placer à la date de la signature de la transaction pour apprécier si l'accord intervenu est notablement déséquilibré au détriment du débiteur mis en procédure collective. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 18 JUILLET 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/06181. Arrêt n° 254. Décision déférée du 25 novembre 2016 - Tribunal de Commerce d'Albi - R.G. n° 2005/1494.

 

APPELANTE :

SAS MAISONS DU MONDE FRANCE

Représentée par Maître Pierre M. de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE, Assistée de Maître Muriel LE F. de la SELARL ARTLEX II, avocat au barreau de NANTES, Assistée de Maître Fabrice F. de la SCP LATHAM ET WATKINS, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉ :

Monsieur Fabrice M., en qualité de mandataire-liquidateur de la SAS DABAG

Représenté par Maître François C., avocat au barreau de TOULOUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant P. DELMOTTE, conseiller faisant fonctions de président, et V. SALMERON, conseiller chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : G. COUSTEAUX, président, P. DELMOTTE, conseiller, V. SALMERON, conseiller.

Greffier, lors des débats : C. LERMIGNY

MINISTÈRE PUBLIC : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée. Représenté lors des débats par C. G., substitut général, qui a fait connaître son avis aux parties via le RPVA le 13 mars 2018.

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par P. DELMOTTE, président, et par J. BARBANCE-DURAND, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé du litige :

La société Dabag, société spécialisée dans le bâtiment et l'agencement de magasins, a entretenu des relations commerciales régulières avec la société Maisons du Monde France (MMF) pendant neuf ans ; elle était chargée de l'aménagement et de la réfection de la quasi-totalité des magasins du réseau de la société MMF ce qui représentait 80 à 95 % de son chiffre d'affaires annuel.

Le 15 novembre 2004, la société Dabag et la société MMF ont signé un accord transactionnel pour mettre fin définitivement à leurs relations contractuelles et apurer leurs comptes.

Par jugement du 15 février 2005, le tribunal de commerce d'Albi a ouvert le redressement judiciaire de la société Dabag, fixé la date de cessation des paiements au 14 novembre 2004 et désigné M. M. en qualité de représentant des créanciers et M. S. (l'administrateur) en qualité d'administrateur judiciaire.

Par acte d'huissier du 9 mai 2005, M. M., ès qualités, et l'administrateur ont assigné la société MMF devant le tribunal de commerce d'Albi aux fins d'obtenir l'annulation du protocole transactionnel en application des articles L. 621-107 et L. 621-108 du code de commerce et le paiement de différentes sommes et indemnités par suite de la rupture des relations contractuelles.

Par arrêt du 14 février 2006, la cour a confirmé le jugement du tribunal du 14 octobre 2005 qui a retenu sa compétence territoriale et a écarté différentes fins de non-recevoir opposées par la société MMF et a dit n'y avoir lieu à évocation.

Par jugement du 9 juin 2006, le tribunal a sursis à statuer dans l'attente de décisions faisant suite à une plainte pénale déposée par la société MMF à l'encontre de la société Dabad et du dirigeant de celle-ci.

Par jugement du 28 novembre 2006, le tribunal a arrêté un plan de continuation.

N’ayant pu respecter les échéances du plan, la société DABAG a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 16 octobre 2007, M. M. (le liquidateur) étant désigné liquidateur judiciaire.

La procédure ayant été réinscrite au rôle du tribunal le 21 janvier 2016, le liquidateur a repris son action.

Par jugement du 25 novembre 2016, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a dit que la transaction « est frappée de nullité » et a condamné la société MMF à payer au liquidateur la somme de 11.696.536 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture des abusive de la relation contractuelle et a renvoyé la société MMF à faire valoir sa créance de 6.691.400 euros dans le cadre de la vérification du passif.

Par déclaration du 16 décembre 2016, la société MMF a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 18 janvier 2017, le Premier président de cette cour a débouté la société MMF de sa demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire dont le jugement précité est assorti.

La cour, qui a révoqué l'ordonnance de clôture intervenue le 13 mars 2017, a renvoyé le dossier à l'audience du 26 juin 2017 afin que les parties présentent leurs observations sur la recevabilité des demandes fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce.

 

Vu les conclusions du 17 mai 2017 de la société MMF demandant à la cour :

A titre principal

- de dire que la cour d'appel de Toulouse est compétente pour connaître de son appel et de déclarer celui-ci recevable ;

- d'annuler le jugement

A titre subsidiaire

- d'infirmer le jugement

En tout état de cause

A titre principal,

- de dire que la transaction du 15 novembre 2004 est valable et a force de loi entre les parties ;

- de déclarer en conséquence la société Dabag mal fondée en ses demandes ;

- de débouter la société DABAG de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, si la cour décidait d'annuler la transaction,

- de dire qu'elle n'a rompu ni brutalement, ni abusivement, ses relations avec la société DABAG et débouter la société DABAG de ses demandes de dommages et intérêts

- de dire que la somme de 1.100.000 euros qu'elle a versée à la société DABAG dans le cadre de la transaction ainsi que celle de 25.974 euros de pénalités de retard à laquelle elle a renoncé dans le cadre de cette même transaction doivent lui être restituées ;

- de fixer sa créance au passif de la société DABAG à la somme de 7.791.400 euros ou, si la cour s'estime insuffisamment informée sur le préjudice, d'ordonner une expertise

A titre plus subsidiaire, si la Cour d'appel estimait qu'elle est responsable de la rupture des relations entre les parties :

- de constater que la demande formulée par la société Dabag au titre de la rupture abusive des relations est infondée et doit être rejetée ;

- de constater que seule la rupture des relations pour l'activité de maintenance des magasins a été notifiée par elle et que le préjudice de la société Dabag au titre de la rupture brutale doit être limité à la perte de marge réalisée au titre de cette activité de maintenance, en tenant compte du fait qu'elle a accordé un préavis d’un mois et demi pour la moitié des magasins ;

- de dire que la somme de 1.100.000 euros qu'elle a versée dans le cadre de la transaction et celle de 25.974 euros de pénalités de retard à laquelle elle a renoncé devront être compensées avec les éventuelles condamnations prononcées à son encontre et lui être restituées pour le solde ;

- de fixer sa créance à la somme de 7.817.374 euros ou, si la cour s'estime insuffisamment informée sur son préjudice, d'ordonner une expertise

- de dire que son éventuelle condamnation doit être compensée avec le montant du préjudice qu'elle a déclaré au passif de la société DABAG.

En tout état de cause,

- de condamner M. M., es qualités, à lui payer la somme de 50.000 euros pour procédure abusive outre celle de 50.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

Vu les conclusions du 11 mai 2017 du liquidateur demandant à la cour :

- de confirmer le jugement

- de prononcer la nullité du protocole transactionnel

- de débouter la société MMF de ses demandes

- de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la transaction

- de condamner la société MMF à lui payer la somme de 11.696.536 euros montant du préjudice estimé par la société MMF dans le protocole transactionnel qu'elle a rédigé

- à titre subsidiaire, si le préjudice de la société Dabag n'était pas évalué par équivalence avec le préjudice qu'a fait valoir la société MMF,

- de condamner la société MMF à lui payer la somme de 11 696 536euros en application de l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce, pour rupture brutale et abusive de relations commerciales établies

- de rejeter la demande de la société MMF visant à fixer sa créance au passif

- de rejeter la demande de compensation

- de rejeter la demande d'expertise

- de condamner la société MMF à lui payer la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Par avis du 10 mars 2017, réitéré le 23 mai 2017, et transmis aux parties via le RPVA, le ministère public a estimé que le jugement déféré devait être annulé, la demande en nullité du protocole transactionnel rejetée et les demandes indemnitaires formées par le liquidateur rejetées.

La clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 30 mai 2017.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs :

Attendu qu'il convient d'observer, en liminaire, que l'article 2 du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 prévoit pour l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce la désignation de certaines juridictions commerciales dont ne fait pas partie le tribunal de commerce d'Albi et précise que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris ; que cependant, l'article 8 de ce même décret réserve compétence à la juridiction primitivement saisie pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date de son entrée en vigueur, soit le 1er décembre 2009 ; qu'en l'espèce, la procédure ayant été introduite par une assignation délivrée le 9 mai 2005, il en résulte que les dispositions du décret précité ne sont pas applicables au litige, la cour conservant son pouvoir juridictionnel pour examiner éventuellement le bien fondé des demandes indemnitaires formées par le liquidateur pour rupture abusive des relations contractuelles.

Attendu, outre le fait que la société appelante a été destinataire le 9 novembre 2016 d'un projet de jugement non signé, distinct du jugement attaqué, avant le prononcé du jugement du 25 novembre 2016 ce qui est de nature à jeter la suspicion sur les conditions du prononcé de ce jugement, il apparaît que le président de la formation de jugement fait aussi fonction de juge-commissaire dans la liquidation judiciaire de la société Dabag ; que cette situation a été proscrite par l'article 92 de l'ordonnance du 12 mars 2014, devenu désormais l'article 662-7 du code de commerce, qui la sanctionne par la nullité du jugement ; qu'en effet, indépendamment des décisions qu'a pu prendre le juge-commissaire, celui-ci a, par ces fonctions, pu se forger une conviction et recueillir des informations sur le dossier avant de délibérer au sein du tribunal de la procédure collective et de statuer ; qu'il y a donc lieu d'annuler le jugement déféré dans toutes ses dispositions.

Attendu que la nullité du jugement n'étant pas prononcée à raison de vices affectant les conditions de la saisine du tribunal, l'effet dévolutif de l'appel joue de sorte que la cour doit statuer au fond.

Attendu, comme l'avait déjà relevé la cour dans son arrêt du 14 février 2006, que l'examen éventuel des demandes indemnitaires formées par le liquidateur et de la demande subsidiaire en fixation de créance présentée par la société appelante est subordonné à la question préalable de la validité de la transaction signée le 15 novembre 2004.

Attendu, à cet égard, qu'au regard de la date d'ouverture du redressement judiciaire et de la date de l'assignation, les demandes formées de ce chef par le liquidateur doivent être appréciées sur le fondement des articles L. 621-107 et L. 621-108 du code de commerce dans leur rédaction applicable en la cause.

Attendu, en premier lieu, que sont nuls, lorsqu'ils auront été faits par le débiteur depuis la date de cessation des paiements, [2°] tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie.

Attendu, à cet égard, que la cour doit se placer à la date de la signature de la transaction pour apprécier si l'accord intervenu est notablement déséquilibré au détriment du débiteur mis en procédure collective.

Attendu que le liquidateur relaye dans ses conclusions les doléances du dirigeant de la société Dabag sans rapporter la preuve que la signature de celui-ci aurait été extorquée sous la contrainte ou la violence ou qu'il aurait été sciemment trompé par les dirigeants de la société MMF ; qu'il convient de relever qu'aucune action en nullité pour dol ou violence n'a été engagée dans les suites de la transaction.

Attendu, au contraire, que l'accord transactionnel relate avec précision le cheminement qui a abouti à la signature de la transaction : qu'ainsi, il y est relaté que depuis plusieurs mois, la société MMF a constaté des défectuosités dans les travaux confiés à la société Dabag, a reçu des plaintes des exploitants des magasins ou de tiers, que de nombreux échanges écrits entre les deux parties ont précédé la signature de la transaction et qu'une réunion s'est tenue à Nantes le 8 novembre 2004 entre les dirigeants des parties, soit 7 jours avant la signature ; qu'il en résulte que l'accord est intervenu après une dégradation progressive des relations entre les parties, la société Dabag ayant disposé du temps nécessaire pour opter pour le principe d'une transaction et étant libre de refuser de signer l'accord si elle en contestait les termes.

Attendu qu'à la date du protocole litigieux, la société Dabag n'a au contraire émis aucune réserve, protestation ou contestation sur la relation des faits qui y sont constatés ou sur les motifs conduisant à la rupture des relations contractuelles.

Attendu qu'il résulte de l'accord transactionnel que la société MMF a constaté de multiples désordres ou manquements aux règles de l'art dans les travaux confiés à la société Dabag, ces désordres ayant été mis en évidence par cinq expertises relatifs aux magasins de [ville L.], [ville V.], [ville L. C.], [ville F.] et [ville Li.] ; que la société MMF chiffrait le montant des réfections des seules fixations de rails à la somme de 67.029 euros pour les cinq magasins expertisés, le montant estimé des réparations appliqué aux 101 magasins de son réseau s'élevant à 1.353.980 euros ; que l'accord précise encore que le fonds de commerce de Val d'Europe a subi des pertes d'exploitation pour impossibilité d'ouverture du magasin imputable à des malfaçons commises par la société Dabag tandis que la société MMF a reçu des plaintes de communes pour nuisances sonores imputables aux systèmes de climatisation des magasins installées par la société Dabag ; que la société MMF a déploré une surfacturation des travaux réalisés par la société Dabag représentant une somme estimée hors taxes à environ 896.479 euros ; qu'elle s'est aussi plainte de retards dans les travaux et du manque de réactivité des équipes de la société Dabag ou de ses sous-traitants ; qu'elle n'a pas obtenu de la société Dabag la communication de certains documents techniques.

Attendu qu'au regard de l'ensemble de ces griefs, les deux parties ont décidé de mettre un terme à leurs relations contractuelles, la société MMF s'engageant à renoncer définitivement à toute action indemnitaire, de quelque nature qu'elle soit à l'encontre de la société Dabag, à l'exception des actions en responsabilité civile éventuelles pour dommages aux tiers et de celles pouvant s'inscrire dans le cadre de la garantie décennale, s'est engagée à payer une somme forfaitaire de 1.100.000 euros TTC soldant définitivement l'ensemble des travaux et prestations réalisés jusqu'au 15 novembre 2004, s'est engagée à adresser un avoir soldant l'ensemble des factures émises au titre des pénalités de retard pour un montant de 25.974 euros HT et de s'abstenir de toute communication publique relative aux défaillances reprochées à la société DABAG ; que, de son côté, la société Dabag a renoncé à réclamer à la société MMF le paiement de toute somme qui pourrait être due aux sous-traitants, à adresser un avoir soldant l'intégralité des factures adverses ainsi que la documentation technique demandée ainsi que de s'abstenir de tout acte de dénigrement à l'égard de la société MMF et a renoncé à toute action au titre de la cessation de l'ensemble des relations qui ont existé entre les parties jusqu'à ce jour.

Attendu qu'en considération, d'une part, des griefs sérieux et légitimes adressés par la société MMF à la société Dabag, griefs qui étaient de nature à conduire à un rejet de toute demande indemnitaire pour rupture des relations contractuelles ou à une réduction majeure d'une telle demande, d'autre part, du risque qu'encourait la société Dabag de devoir subir de multiples procédures en indemnisation (peu important les chiffrages des préjudices effectués ou le montant de la déclaration de créance, effectués postérieurement à la transaction) des préjudices subis par les exploitants des magasins, la transaction litigieuse n'apparaît pas engendrer un déséquilibre notable des obligations des parties au préjudice de la société Dabag, qui bénéficie du versement d'une somme substantielle.

Attendu, en deuxième lieu, que l'article L. 621-107, 4°, invoqué par le liquidateur au soutien de sa demande en nullité ne correspond pas à la situation engendrée par l'accord litigieux qui ne conduit pas au paiement par le débiteur d'une dette échue mais au contraire à la réception par celui-ci d'une indemnité forfaitaire, par suite d'une transaction, établie au regard de créances réciproques dont le montant n'était pas fixé de façon définitive.

Attendu, enfin, que le liquidateur ne rapporte pas la preuve qu'à la date de la signature de l'accord litigieux, la société MMF avait connaissance de la cessation des paiements de la société Dabag ; que le seul fait que la transaction fasse état en page 3 de l'augmentation de 11 % de la marge d'exploitation de la société Dabag pour les exercices clos en 2002 et 2003 ne signifie pas que la société MMF pouvait être informé de la situation de cessation des paiements de son cocontractant, la notion de cessation des paiements ne pouvant se dégager de la seule lecture de bilans comptables.

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de débouter le liquidateur de sa demande en nullité de l'accord du 15 novembre 2004 ; qu'il en résulte que cet accord est opposable à la procédure collective et fait obstacle à toute demande indemnitaire pour rupture brutale des relations contractuelles ; que, réciproquement, il fait obstacle à toute fixation de la créance de la société MMF.

Attendu que la société MMF ne démontre pas en quoi l'action du liquidateur a dégénéré en abus ; que la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Déclare recevable l'appel de la société Maisons du Monde France ;

Annule le jugement déféré ;

Déboute M. M., ès qualités, de sa demande en nullité de la transaction intervenue le 15 novembre 2004.

Dit en conséquence que cette transaction est opposable à la procédure collective de la société Dabag ;

Déclare en conséquence irrecevables les demandes de M. M., ès qualités, en paiement de la somme de 11.696.536 euros ;

Dit en conséquence que la transaction fait obstacle à la fixation de la créance de la société Maisons du Monde France à la liquidation judiciaire de la société Dabag ;

Déboute la société Maisons du Monde France de sa demande en paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne M. M., ès qualités, aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Maisons du Monde France et de M. M., ès qualités.

Le Greffier,                           Le Président,