CA LYON (1re ch. civ. A), 28 juin 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7642
CA LYON (1re ch. civ. A), 28 juin 2018 : RG n° 16/01232
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2018-013430
Extrait : « Attendu que l'article L. 211-1 du code des assurances dispose que l'assureur a l'obligation de garantir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule pour les dommages causés aux tiers ; Que M. X. ne peut se prévaloir de la qualité de tiers, peu important qu'il ait été conducteur ou non au moment de l'accident, dès lors qu'il est le propriétaire du véhicule endommagé objet de l'assurance, de sorte que la garantie responsabilité civile obligatoire du contrat n'a pas vocation à s'appliquer ;
que, si l'article R. 211-10 du code des assurances prévoit deux clauses limitatives d'exclusion à l'assurance obligatoire des dommages causés aux tiers, dont l'état d'ivresse ne fait pas partie et l'article L. 211-6 du même code l'interdiction de tout clause de déchéance de la garantie en cas de condamnation pour conduite en état d'ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique, ces deux dispositions ne concernent que la responsabilité civile obligatoire visée par l'article L. 211-1 du code des assurances, inapplicable en l'espèce ;
Attendu que la clause excluant les dommages subis par le véhicule assuré lorsque le conducteur est sous l'empire d'un état alcoolique ne vide pas de son sens le contrat d'assurance dès lors qu'elle n'exclut pas la responsabilité civile obligatoire à l'égard des tierces victimes ; qu'elle n'a pour but que de soumettre le contrat au respect de la législation en matière de sécurité routière ; que la convention souscrite le 14 janvier 2011 entre M. X. et la SA PACIFICA, sur laquelle figure la signature du souscripteur, contient la mention suivante : « Je reconnais avoir pris connaissance de la convention Pacifica, notamment de la clause informatique et liberté » qu'il s'ensuit que M. X. ne peut prétendre n'avoir eu connaissance des conditions générales prévoyant la liste des exclusions contractuelles ; Que dès lors la clause litigieuse n'est pas abusive ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 28 JUIN 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/01232. Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE, Au fond, du 4 janvier 2016 : R.G. n° 14/01797.
APPELANT :
M. X.
né le [date] à [ville], Représenté par Maître Marie-Cécile B., avocat au barreau de LYON, Assisté par Maître Jean-Philippe B., avocat au barreau de MACON/CHAROLLES
INTIMÉE :
SA PACIFICA
Représentée par la SCP JACQUES A. ET PHILIPPE N., avocat au barreau de LYON, Assistée par la SELARL CABINET PACAUT-P., avocat au barreau d'AIN,
Date de clôture de l'instruction : 16 mai 2017
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 mai 2018
Date de mise à disposition : 28 juin 2018
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Aude RACHOU, président - Françoise CLEMENT, conseiller - Vincent NICOLAS, conseiller, assistés pendant les débats de Marion COUSTAL, greffier. A l'audience, Aude RACHOU a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Aude RACHOU, président, et par Marion COUSTAL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le 14 janvier 2011, M. X., propriétaire d'un véhicule automobile OPEL Vectra 2.2 TDI 16V ELEGANCE immatriculé XXX, a souscrit un contrat d'assurance auprès de la SA PACIFICA par l'intermédiaire de la société Crédit Agricole assurances.
M. X. a choisi la formule « Tous risques intégral ».
Le 19 septembre 2012, un avenant est conclu pour modifier le véhicule assuré par un modèle VOLVO S60 Rdesign immatriculé YYY acquis en lieu et place de l'ancien.
Le 22 septembre 2013, M. X. a prêté son véhicule à un proche, M. Y.
Le 23 septembre 2013, M. Y. a perdu le contrôle du véhicule et heurté un mur. Une vérification du taux d'alcoolémie réalisée par les gendarmes arrivés sur le lieu de l'accident a relevé un taux de 0,67 milligramme d'alcool par litre d'air expiré.
Accidenté, le véhicule a été remorqué au garage POCHET à [ville A.].
A la suite de la déclaration de sinistre faite auprès de la SA PACIFICA, une expertise du véhicule a été réalisée le 27 septembre 2013. Depuis, le véhicule est considéré comme épave.
La SA PACIFICA a refusé la prise en charge du sinistre en invoquant une clause stipulée aux conditions générales excluant les dommages subis par le véhicule assuré lorsque le conducteur est sous l'empire d'un état alcoolique.
Par exploit d'huissier en date du 6 mai 2014, M. X. a saisi le tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE pour voir condamner la SA PACIFICA au paiement de l'intégralité des dommages subis, outre le paiement de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, de 2.764,09 euros au titre du gardiennage de la voiture accidentée, et de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 4 janvier 2016, le tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE a débouté les parties de toutes leurs demandes, et condamner M. X. aux dépens.
Par déclaration transmise au greffe le 18 février 2016, M. X. a interjeté appel total de cette décision.
Vu ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 2 janvier 2017, il demande à la Cour :
- de déclarer son appel bien fondé ;
- de réformer le jugement rendu en première instance ;
- de dire et juger que la clause excluant la réparation du dommage lorsque le conducteur est sous l'empire d'un état alcoolique ne lui est pas opposable ;
- de condamner la SA PACIFICA à prendre intégralement en charge les dommages subis par lui, outre le paiement de 5000 euros au titre des dommages et intérêts, de 2.764,09 euros au titre du stockage de la voiture accidentée, de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et des entiers dépens dont distraction au profit de Maître P. ;
Vu les dernières conclusions de la SA PACIFICA, déposées et notifiées le 5 juillet 2016, par laquelle elle demande à la Cour :
- de dire bien jugé et mal appelé ;
- de rejeter comme injustifié et mal fondé l'appel formé par M. X. ;
- de confirmer en toute ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE ;
- de condamner M. X. au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de condamner M. X. aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP A. N. ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 mai 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce :
Attendu que M. X. soutient que l'article L. 211-1 du code des assurances impose à l'assureur de garantir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule pour les dommages subis aux tiers ; que tel était le cas de M. Y., conducteur lors de l'accident ;
qu'il a subi directement et personnellement le dommage, son véhicule ayant été endommagé ; qu'en conséquence il doit être indemnisé au titre de la garantie responsabilité civile obligatoire ;
que seul deux cas de déchéance de garantie responsabilité civile sont prévues par l'article R. 211-10 du code des assurances, l'état d'ivresse au volant n'en faisant pas partie ;
que l'article L. 211-6 du code des assurances dispose qu'est réputée non écrite toute clause stipulant la déchéance de la garantie de l'assuré en cas de condamnation pour conduite en état d'ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique ;
qu'enfin selon un arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 juin 2001 (n° 98-19023) une telle déchéance n'est opposable à l'assuré et aux victimes souscriptrices que dans la mesure où ils se sont placés volontairement dans la situation exclusive de garantie, que tel n'est pas le cas, l'état d'alcoolémie du conducteur étant ignoré par lui ;
que la clause qui exclut toute indemnisation lorsque le conducteur du véhicule est sous l'empire d'un état alcoolique est abusive car il n'en a pas eu connaissance avant la conclusion du contrat, les conditions générales lui ayant été envoyées postérieurement ;
qu'au surplus il indique que la clause litigieuse vide de son sens le contrat car elle accorde un avantage excessif au profit de l'assureur, le conducteur n'étant pas nécessairement le souscripteur du contrat ;
qu'en tout état de cause, il n'y a pas de lien de causalité entre l'état d'ébriété et le dommage ;
que l'assureur a manqué à son obligation d'information et de conseil ;
qu'enfin, il sera fait droit à sa demande relative au remorquage et gardiennage du véhicule ;
Attendu que la société PACIFICA fait observer que l'article R. 211-10 du code des assurances ne constitue pas une liste limitative des clauses d'exclusion autorisées ; que si de telles clauses sont inopposables aux victimes, M. X. ne peut se prévaloir de cette qualité ; qu'enfin l'arrêt cité par l'appelant ne vise pas le conducteur lui-même ni le souscripteur ;
que l'article L. 211-1 du code des assurances dispose que l'assureur a l'obligation de garantir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule pour les dommages causés aux tiers ;
que M. X. ne peut se prévaloir de la qualité de tiers, peu important qu'il ait été conducteur ou non au moment de l'accident, dès lors qu'il est le propriétaire du véhicule endommagé objet de l'assurance, de sorte que la garantie responsabilité civile obligatoire du contrat n'a pas vocation à s'appliquer ;
qu'en conséquence, si l'article R. 211-10 du code des assurances prévoit deux clauses limitatives d'exclusion à l'assurance obligatoire des dommages causés aux tiers, dont l'état d'ivresse ne fait pas partie, et l'article L. 211-6 du même code l'interdiction de tout clause de déchéance de la garantie en cas de condamnation pour conduite en état d'ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique, ces deux dispositions ne concernent que la responsabilité civile obligatoire visée par l'article L. 211-1 du code des assurances, inapplicable en l'espèce.
Qu'elle soutient que M. X. a reçu les conditions générales du contrat et admis en avoir eu connaissance lors de la souscription du contrat et précise qu'une telle clause ne peut être considérée comme abusive dès lors qu'elle ne préjudicie pas à la garantie du souscripteur à l'égard des tierces victimes ;
[*]
Attendu que l'article L. 211-1 du code des assurances dispose que l'assureur a l'obligation de garantir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule pour les dommages causés aux tiers ;
Que M. X. ne peut se prévaloir de la qualité de tiers, peu important qu'il ait été conducteur ou non au moment de l'accident, dès lors qu'il est le propriétaire du véhicule endommagé objet de l'assurance, de sorte que la garantie responsabilité civile obligatoire du contrat n'a pas vocation à s'appliquer ;
que, si l'article R. 211-10 du code des assurances prévoit deux clauses limitatives d'exclusion à l'assurance obligatoire des dommages causés aux tiers, dont l'état d'ivresse ne fait pas partie et l'article L. 211-6 du même code l'interdiction de tout clause de déchéance de la garantie en cas de condamnation pour conduite en état d'ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique, ces deux dispositions ne concernent que la responsabilité civile obligatoire visée par l'article L. 211-1 du code des assurances, inapplicable en l'espèce ;
Attendu que la clause excluant les dommages subis par le véhicule assuré lorsque le conducteur est sous l'empire d'un état alcoolique ne vide pas de son sens le contrat d'assurance dès lors qu'elle n'exclut pas la responsabilité civile obligatoire à l'égard des tierces victimes ;
qu'elle n'a pour but que de soumettre le contrat au respect de la législation en matière de sécurité routière ;
que la convention souscrite le 14 janvier 2011 entre M. X. et la SA PACIFICA, sur laquelle figure la signature du souscripteur, contient la mention suivante : « Je reconnais avoir pris connaissance de la convention Pacifica, notamment de la clause informatique et liberté » qu'il s'ensuit que M. X. ne peut prétendre n'avoir eu connaissance des conditions générales prévoyant la liste des exclusions contractuelles ;
Que dès lors la clause litigieuse n'est pas abusive ;
Attendu que la société PACIFICA n'a pas à démontrer un lien de causalité entre l'état d'alcoolémie de M. Y. et l'accident survenu le 23 septembre 2013, cette obligation ne pesant pas sur l'assureur qui refuse l'indemnisation des dommages au véhicule accidenté par un conducteur en état d'alcoolémie ;
Attendu que la proposition d'assurance annexée à la convention souscrite le 14 janvier 2011 précise les besoins de M. X. comme suit : « Les besoins du client concernant un contrat d'assurance AUTOMOBILE sont :
- Assurer la responsabilité civile du conducteur, du gardien, des passagers (garantie obligatoire)
- Être indemnisé pour les dommages corporels subis par les conducteurs autorisés
- Se protéger contre le bris de glace
- Se protéger contre le vol, le vandalisme, l'incendie et l'explosion,
- Se protéger contre les dommages accidentels subis par le véhicule à la suite ou non d'une collision avec ou sans tiers identifiés
- Bénéficier d'une assistance 0 km et d'un prêt de véhicule en cas de panne, accident, vol, incendie, crevaison, événements liés au carburant ou aux clefs
- Bénéficier d'une garantie contenu du véhicule couvrant les effets et bagages transportés, les GPS amovibles et les lecteurs de DVD amovibles
- Se protéger contre la dépréciation du véhicule en cas de destruction ou disparition
Le client ne souhaite pas :
- Ne pas se voir appliquer de franchise en cas de sinistre garanti (hors franchise légale) »
que la proposition d'assurance précise ensuite : « Le contrat d'assurance PACIFICA, FORMULE TOUS RISQUES INTEGRAL avec l'/les option(s) choisie(s) sur la demande d'adhésion constitue une solution adéquate au regard de la situation et des besoins exprimés. »
que cette proposition d'assurance, signée par M. X. le 14 janvier 2011, et contenant une mention selon laquelle il reconnais avoir pris connaissance de la convention Pacifica, concrétise le respect par la SA PACIFICA de son obligation d'information et son devoir de conseil à l'égard du souscripteur, d'autant qu'il ne peut valablement prétendre ignorer que la formule proposée, qui constituait la solution la plus protectrice au regard des autres formules du contrat automobile commercialisé à l'époque par la société PACIFICA, ne garantissait pas les dommages au véhicule accidenté par un conducteur sous l'empire d'un état alcoolique ;
Attendu que M. X. avance que la SA PACIFICA a pris seule la décision de faire remorquer et stocker le véhicule accidenté, qu'en conséquence il ne peut lui être réclamé le paiement des frais de gardiennage ;
Mais attendu que force est de constater que M. X. ne produit aucune pièce justifiant d'une demande de paiement des frais de gardiennage, seule une lettre de la société VIAXEL adressée à la société PACIFICA réclamant le remboursement de 2.764.09 euros TTC est produite aux débats ;
qu'il sera débouté de cette demande sans qu'il y ait lieu d'examiner plus avant les arguments développés par les parties de ce chef ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Pacifica les frais irrépétibles engagés ; qu'il convient de lui allouer la somme de 3.000 euros ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de BOURG-EN-BRESSE le 4 janvier 2006
Condamne M. X. à payer à la SA PACIFICA la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP A. N.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6051 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Comportement des parties - Consommateur - Imprudences
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur
- 6372 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Véhicule automobile - Obligations de l’assureur - Présentation générale