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CA POITIERS (2e ch. civ.), 13 novembre 2018

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (2e ch. civ.), 13 novembre 2018
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 2e ch. civ.
Demande : 17/00124
Décision : 18/705
Date : 13/11/2018
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/01/2017
Numéro de la décision : 705
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7653

CA POITIERS (2e ch. civ.), 13 novembre 2018 : RG n° 17/00124 ; arrêt n° 705 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Le bon de commande signé le 11 février 2013 stipule qu'il a été signé à [ville S.], lieu de résidence de Mme Y. Il est produit en original et se réfère clairement en son verso, aux articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, reproduits in extenso en dessous des conditions générales. La société Ouest alliance et Mme Y. ont donc entendu volontairement soumettre leurs relations aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, ainsi qu'elles en ont la possibilité.

L'article L. 121-22-4° du même code dans sa rédaction applicable au jour de signature du bon de commande, exclut toutefois l'application des articles L. 121-23 à L. 121-29 du Code de la consommation des « ventes ou prestations de service lorsqu'elle ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale, ou de toute autre profession ». Or, le contrat du 11 février 2013 n'est pas en rapport direct avec la profession de Mme Y. (maroquinière selon la fiche de solvabilité produite par l'appelante), ou avec des activités exercées par elle dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale. Le contrat principal est donc bien soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation relatives au démarchage à domicile et Mme Y. est fondée à invoquer sa nullité pour non-respect de ces dispositions. »

2/ « La nullité est donc encourue de ces chefs. Il s'agit d'une nullité relative qui est couverte si l'acheteur a consenti au contrat et poursuivi son exécution en connaissance des irrégularités qui l'affectaient. En l'espèce, Mme Y. a accepté la livraison des biens et signé l'attestation de fin de travaux, mais il n'est pas établi qu'elle ait agi ainsi en connaissance des vices affectant le contrat litigieux au regard du Code de la consommation et avec la volonté de les réparer, et ce bien qu'elle ait fait précéder sa signature sur le bon de commande de la mention « le client reconnaît qu'il lui a été remis un exemplaire complet des conditions générales de vente sur deux pages et déclare en avoir pris connaissance avant signature du bon de commande ». En effet, cette mention se réfère aux seules conditions générales et articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation qui sont reproduits au dos du bon de commande, en dessous des 16 articles constituant les conditions générales, et n'établit pas de manière suffisante que Mme Y. a poursuivi l'exécution du contrat en connaissance des manquements au Code de la consommation affectant le bon de commande. »

3/ « L'emprunteur doit en outre rembourser au prêteur le capital prêté par lui, peu important que ce capital ait été versé directement au vendeur par le prêteur, ce qui constitue une simple modalité de déblocage des fonds prêtés sans incidence sur les droits et obligations du contrat liant le prêteur et l'emprunteur. Il peut toutefois être dispensé de l'obligation de rembourser le capital prêté en cas de faute commise par la banque soit dans la vérification de la régularité du contrat conclu, soit dans le déblocage des fonds, en cas d'absence de livraison ou de remise des fonds avant la livraison ou l'achèvement de la prestation. »

4/ « La société BNP Paribas Personal Finance répond expressément à cette problématique, qui est dans les débats devant la cour, en soutenant que la banque n'a pas à vérifier la régularité du bon de commande et que le préjudice causé ne pourrait être que la perte de chance d'avoir pu ne pas contracter. Or cette affirmation est erronée car le prêteur qui verse les fonds, sans procéder, préalablement, auprès du vendeur et des emprunteurs, aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat de démarchage à domicile était affecté d'une cause de nullité, commet une faute qui le prive de sa créance de restitution du capital emprunté. (Cf pour exemple, C. Cassation Civ.1 10 décembre 2014, n° 13-26585 et 3 mai 2018, n° 17-13308). »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/00124. Arrêt n° 705. N° Portalis DBV5-V-B7B-FCJA. Décision déférée à la Cour : jugement du 1er décembre 2016 rendu(e) par le Tribunal d'Instance de La Roche-sur-Yon.

 

APPELANTE :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCES VENANT AUX DROITS DE LA SA BANQUE SOLFEA

prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, ayant pour avocat postulant la SCP B.- Z., avocat au barreau de POITIERS, ayant pour avocat plaidant la SELARL H.K.H., avocat au barreau de l'ESSONNE

 

INTIMÉES :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [ville], ayant pour avocat plaidant la SCP G. A., avocat au barreau de POITIERS

SELARL S. MANDATAIRE ES QUALITE DE LIQUIDATEUR DE LA SOCIETE OUEST ALLIANCE

prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 24 septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre, Madame Carole CAILLARD, Conseiller, Monsieur Laurent WAGUETTE, Conseiller, qui en ont délibéré.

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT : - REPUTÉ CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Selon bon de commande du 11 février 2013, Mme X. épouse Y. (ci-après Mme Y.) a commandé auprès de la société Ouest Alliance la fourniture et la pose d'un chauffe-eau solaire thermodynamique, de 8 panneaux photovoltaïques, d'un onduleur, outre les démarches administratives et la prise en charge du coût de raccordement par ERDF au réseau public, pour un montant de 19.000 euros TTC. Elle a signé le même jour une offre de prêt affectée à ce contrat, d'un montant de 19.000 euros remboursable en 179 mensualités au taux de 6,08 %, avec un différé d'amortissement de 11 mois.

Une attestation de fin de travaux a été signée le 8 mars 2013.

Par courrier du 18 octobre 2013 adressé à la société Ouest Alliance, Mme Y., par l'intermédiaire de Maître Z. huissier de justice à [ville C.], a sollicité le retrait des panneaux photovoltaïques et la remise en état de la toiture au motif que les travaux avaient été effectués avant la réception de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France en date du 12 mars 2013 qui s'avère défavorable et l'arrêté d'opposition à la déclaration préalable rendu par le maire de [ville S.] le 23 avril 2013.

Par courrier recommandé du 16 avril 2015, la Banque Solfea a mis en demeure Mme Y. de régler les échéances impayées dans les huit jours en précisant qu'à défaut, le prêt serait entièrement exigible. Par acte du 26 juin 2015, elle l'a faite assigner devant le Tribunal d'instance de La Roche-Sur-Yon en paiement de la somme principale de 23.365,85 euros, au titre du prêt.

Par acte du 12 avril 2016, Mme Y. a appelé à la cause la SELARL S. mandataire (Maître B.) ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Ouest Alliance.

Suivant jugement en date du 1er décembre 2016, le Tribunal de Grande Instance de La Roche-sur-Yon a statué comme suit :

- Prononce la nullité du contrat de fourniture et de pose d'une installation solaire photovoltaïque conclu par Mme Y. et la SAS Ouest Alliance le 11 février 2013 ;

- Constate que le contrat de crédit conclu le même jour par Mme Y. et la SA Banque Solfea est annulé de plein droit en application de l'article L. 312-55 du Code de la consommation,

- Dit que Mme Y. devra laisser l'installation solaire photovoltaïque à la disposition de la SAS Ouest Alliance, laquelle devra faire le nécessaire pour en reprendre possession et pour remettre en état la toiture, ce à ses frais et dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision,

- Dit que la SA Banque Solfea a commis une faute lors de la délivrance des fonds dispensant Mme Y. de l'obligation de restituer le capital prêté ;

- Déboute en conséquence la SA Banque Solfea de sa demande en paiement à l'encontre de Mme Y. de l'obligation de restituer le capital prêté ;

- Dit que la Banque Solfea devra procéder à la radiation de l'inscription de Mme Y. au FICP dans le délai d'un mois suivant la signification du présent jugement ;

- Déboute Mme Y. de ses demandes pour le surplus,

- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

- Condamne la SA Banque Solfea à payer à Mme Y. la somme de 800 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamne la SA Banque Solfea aux dépens.

La société Banque Solfea a formé appel total le 9 janvier 2017 de la décision en intimant Mme Y. et la SELARL S. Mandataire, agissant en qualité de liquidateur de la société Ouest Alliance.

 

La société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea demande à la Cour, dans ses dernières conclusions du 7 avril 2017 de :

- dire et juger Mme Y. mal fondée en ses demandes et l'en débouter,

- Voir dire la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Banque Solfea recevable et bien fondée en ses demandes,

- Réformer le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- Voir dire et juger que les agissements de Mme Y. sont de nature commerciale avec toutes conséquences de droit,

- Voir dire et juger que seules les dispositions du Code de commerce et à défaut de texte spécifique, les dispositions des articles 1905 et suivants du Code civil sont applicables en l'espèce, à l'exclusion pure et simple du Code de la consommation,

- Voir rappeler que l'éventuelle nullité ou résolution du contrat de vente n'aurait aucun effet sur le contrat de prêt conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation du 28 octobre 2015,

- A titre subsidiaire, si la cour d'appel devait faire application des dispositions du Code de la consommation et prononçait la nullité ou résolution du contrat de prêt par suite de la nullité ou de la résolution du contrat de vente, condamner Mme Y. à lui payer la somme de 19.000 euros au titre de la restitution du capital emprunté, avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2015,

- Voir rappeler que la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Banque Solfea n'a pas commis la moindre faute à quelque titre que ce soit,

- Voir constater que la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Banque Solfea a libéré les fonds au vu d'une attestation de livraison en bonne et due forme,

- Voir rappeler, même si la cour d'appel venait à caractériser une faue de la banque pour avoir financé un bon de commande prétendu nul, que cela ne eput donner lieu à la privation du droit de la banque à la restitution du capital emprunté,

- Voir condamner Mme Y. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la SA Banque Solfea la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que depuis un arrêt du 25 février 2016, la Cour de cassation invite les juridictions saisies à distinguer les cas dans lesquels les installations sont principalement destinées à une auto consommation des producteurs d'électricité, qui relèvent des dispositions du Code de la consommation et de la compétence des juridictions civiles, et les cas dans lesquels, comme en l'espèce, les installations sont principalement destinées à revendre l'électricité à EDF, qui relèvent des dispositions du Code de commerce et à défaut de texte, des dispositions des articles 1905 et suivants et de la compétence des tribunaux de commerce. Elle précise que le contrat principal est de nature commerciale, comme le prêt affecté, la production d'énergie aux fins de sa revente étant un acte de commerce. Elle en déduit que la Cour doit requalifier le contrat indépendamment de la qualification initiale donnée par les parties.

Elle reproche aussi au tribunal d'avoir retenu la nullité sur le fondement de l'article L. 121-23 du Code de la consommation alors que l'original du bon de commande n'est pas versé aux débats, que la copie produite par l'emprunteur n'est pas complète, et qu'en tout état de cause, même si la cour d'appel appliquait le Code de la Consommation, elle retiendrait qu'il s'agit d'une nullité relative qui est couverte, Mme Y. ayant accepté la livraison des panneaux.

A titre subsidiaire, en cas d'annulation des contrats, elle soutient n'avoir commis aucune faute. Elle fait valoir qu'aucune disposition législative ou contractuelle ne lui impose de vérifier la régularité du bon de commande et que si la Cour retenait néanmoins une faute de sa part à ce titre, le préjudice causé ne pourrait être que la perte de chance d'avoir pu ne pas contracter, si la banque l'avait avisée de l'irrégularité du bon de commande. Elle ajoute que la signature sur l'attestation de fin de travaux comporte un ordre de paiement, qu'elle pouvait débloquer les fonds au vu de ce document et que la Cour de cassation a récemment admis la validité de l'attestation de fin de travaux de la Banque Solfea.

 

Mme Y. demande à la cour, par dernières conclusions du 24 juillet 2017 de :

- Déclarer la société Solfea tant irrecevable que mal-fondé en son appel.

- Recevoir Mme Y. en son appel incident ;

Y faisant droit

- Débouter purement et simplement la SA Banque Solfea de toutes ses demandes,

- Dire et juger que la société Ouest Alliance n'a pas respecté ses obligations contractuelles,

- Prononcer la nullité des contrats de vente de la société Ouest Alliance ainsi que du contrat de prêt de la SA Banque Solfea du 11 février 2013,

- Condamner la SA Banque Solfea à payer à Mme Y. la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice résultant d'une inscription abusive sur le fichier FICP ;

- Ordonner le défichage « Banque de France » de Mme Y. par la SA Banque Solfea et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- Condamner la SA Banque Solfea à verser à Mme Y. la somme de 1.196,31 euros correspondant aux travaux de dépose des panneaux et de la remise en état de sa toiture,

- Condamner la société Banque Solfea à verser à Mme Y. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral,

- Condamner la société Banque Solfea à verser à Mme Y. une juste indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que les conditions générales du bon de commande se réfèrent expressément aux dispositions du Code de la consommation et font la loi des parties conformément à l'article 1134 du Code civil (ancien), de sorte que le Code de commerce n'est pas applicable.

Sur la demande de nullité du contrat principal, elle indique que les dispositions du code de la consommation n'ont pas été respectées car les caractéristiques de la prestation sont imprécises, le prix unitaire de chaque matériel n'est pas mentionné, et le lieu de pose et le mode de mise en œuvre de celui-ci ne sont pas définis. Elle ajoute que les prestations n'ont pas été réalisées dans les règles de l'art car les travaux n'ont pas été raccordés auprès d'ERDF et ont été faits avant l'obtention des autorisations nécessaires de l'architecte des Bâtiments de France et du maire.

Elle ajoute qu'elle tient à la disposition du liquidateur de la société ouest alliance, le matériel aux fins de dépose mais qu'il lui a indiqué ne pas disposer de fonds et qu'elle devra donc les faire enlever elle-même pour un coût, selon devis, de 1.196,31 euros que la société Ouest alliance, représentée par son liquidateur et la banque, toutes deux fautives, devront lui rembourser, outre des dommages et intérêts car elle a subi une pression constante du fait de la procédure. Elle s'oppose à la restitution à la banque du capital prêté compte tenu de la faute commise par cette dernière qui a débloqué les fonds sans s'assurer que la société Ouest Alliance avait réalisé sa prestation dans sa globalité.

La SELARL S. mandataire, ès-qualités de liquidateur de la société Ouest alliance, à laquelle la déclaration d'appel a été régulièrement signifiée par acte délivrée à personne morale, n'a pas constitué avocat.

 

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 6 novembre 2017.

L'affaire a été renvoyée à la demande de l'intimée afin qu'elle puisse établir ses conclusions à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Banque Solfea.

Mme Y. demande à la cour par dernières conclusions du 7 février 2018 de :

- Déclarer la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de le société Solfea tant irrecevable que mal-fondé en son appel.

- Recevoir Mme Y. en son appel incident ;

Y faisant droit

- Débouter purement et simplement la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de le société Solfea de toutes ses demandes,

- Dire et juger que la société Ouest Alliance n'a pas respecté ses obligations contractuelles,

- Prononcer la nullité des contrats de vente de la société Ouest Alliance ainsi que du contrat de prêt de la SA Banque Solfea du 11 février 2013,

- Condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de le société Solfea à payer à Mme Y. la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice résultant d'une inscription abusive sur le fichier FICP ;

- Ordonner le défichage « Banque de France » de Mme Y. par la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de le société Solfea et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- Condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de le société Solfea à verser à Mme Y. la somme de 1.196,31 euros correspondant aux travaux de dépose des panneaux et de la remise en état de sa toiture,

- Condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de le société Solfea à verser à Mme Y. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur préjudice moral.

- Condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de le société Solfea à verser à Mme Y. une juste indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

 

La société BNP Paribas Personal Finance n'a pas reconclu.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 août 2018.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le droit applicable :

Le bon de commande signé le 11 février 2013 stipule qu'il a été signé à [ville S.], lieu de résidence de Mme Y.

Il est produit en original et se réfère clairement en son verso, aux articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, reproduits in extenso en dessous des conditions générales. La société Ouest alliance et Mme Y. ont donc entendu volontairement soumettre leurs relations aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, ainsi qu'elles en ont la possibilité.

L'article L. 121-22-4° du même code dans sa rédaction applicable au jour de signature du bon de commande, exclut toutefois l'application des articles L. 121-23 à L. 121-29 du Code de la consommation des « ventes ou prestations de service lorsqu'elle ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale, ou de toute autre profession ».

Or, le contrat du 11 février 2013 n'est pas en rapport direct avec la profession de Mme Y. (maroquinière selon la fiche de solvabilité produite par l'appelante), ou avec des activités exercées par elle dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale. Le contrat principal est donc bien soumis aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation relatives au démarchage à domicile et Mme Y. est fondée à invoquer sa nullité pour non-respect de ces dispositions.

En outre, le contrat de crédit fait référence à l'article L. 311-49 (ancien) du Code de la consommation et prévoit la compétence du tribunal d'instance en cas de litige, et non du tribunal de commerce. Il ne comporte aucune disposition stipulant de manière expresse et non ambiguë la destination professionnelle du prêt.

Par ailleurs, contrairement à ceux passés par un commerçant, les actes accomplis par un particulier sont habituellement de nature civile et ne peuvent être qualifiés d'actes de commerce par nature que s'ils correspondent exactement aux dispositions de l'article L. 110-1 du Code de commerce. En l'espèce, il n'est pas allégué que Mme Y. aurait acheté les panneaux photovoltaïques pour les revendre au sens du 1° de ces dispositions, ni qu'elle aurait cherché à mettre en place une activité de production et à bénéficier de revenus commerciaux lucratifs. Le fait d'avoir accepté l'installation qui lui était proposée dans le cadre d'un démarchage à domicile, et son raccordement au réseau EDF n'en fait pas un commerçant et n'exclut pas l'application des règles sur le démarchage à domicile.

Enfin, au sujet de l'arrêt du 20 juin 2013 de la Cour de justice de l'union européenne citée par l'intimée qui indique que « l'exploitation d'une installation photovoltaïque située au-dessus ou à proximité d'une maison d'habitation conçue de telle sorte que la quantité d'électricité produite, est toujours inférieure à la quantité totale d'électricité consommée à titre privé par son exploitant, et est livrée au réseau en échange de recettes ayant un caractère de permanence, relève de la notion « d'activité économique » au sens de l'article 4 de la sixième directive 77/388/CEE du conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires », il convient d'observer que l'appelante entretient une confusion entre le « caractère économique » reconnu en matière fiscale par la directive 77/388/CEE à certaines activités de production et le « caractère commercial » de ces mêmes activités.

Or, la loi fiscale ne se superpose pas à la loi commerciale ou civile et l'éventuelle qualification d'opération économique donnée par l'administration fiscale n'entraîne pas pour autant la qualification d'opération commerciale du point de vue des règles non fiscales applicables, ce qui prive d'intérêt la production, par la société BNP Paribas Personal Finance du bulletin officiel des impôts du 25 mars 2013 dans lequel il est mentionné que « la vente d'énergie par des personnes physiques est un acte de commerce dont l'imposition à l'impôt sur le revenu relève de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ».

En conséquence, les deux contrats litigieux ne sont pas soumis au droit commercial. Ils ne sont pas non plus soumis au droit commun puisqu'ainsi qu'il a été dit, les parties aux deux contrats ont entendu soumettre leurs relations aux dispositions du code de la consommation.

 

Sur la nullité du contrat principal et du contrat de crédit :

Mme Y. soulève le non-respect des dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation (ancien), qui énumère les mentions qu'un bon de commande signé dans le cadre d'une opération de démarchage à domicile doit comporter à peine de nullité, parmi lesquelles figurent la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et les délais de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services.

En l'espèce, ainsi que l'a retenu à bon droit le premier juge, le bon de commande signé le 11 février 2013 par Mme Y. ne comporte pas la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts puisque la marque du chauffe-eau n'est pas indiquée, la marque et les références des panneaux photovoltaïques ne le sont pas non plus et s'agissant de l'onduleur, strictement aucune indication n'est fournie. Ces caractéristiques complètes figurent seulement dans la facture du 8 mars 2013 et non dans le bon de commande ce qui ne permet pas au co-contractant de se renseigner suffisamment sur les biens en cause. En outre, si les délais d'exécution sont indiqués, les modalités de mise en œuvre ne le sont pas.

La nullité est donc encourue de ces chefs. Il s'agit d'une nullité relative qui est couverte si l'acheteur a consenti au contrat et poursuivi son exécution en connaissance des irrégularités qui l'affectaient.

En l'espèce, Mme Y. a accepté la livraison des biens et signé l'attestation de fin de travaux, mais il n'est pas établi qu'elle ait agi ainsi en connaissance des vices affectant le contrat litigieux au regard du Code de la consommation et avec la volonté de les réparer, et ce bien qu'elle ait fait précéder sa signature sur le bon de commande de la mention « le client reconnaît qu'il lui a été remis un exemplaire complet des conditions générales de vente sur deux pages et déclare en avoir pris connaissance avant signature du bon de commande ».

En effet, cette mention se réfère aux seules conditions générales et articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation qui sont reproduits au dos du bon de commande, en dessous des 16 articles constituant les conditions générales, et n'établit pas de manière suffisante que Mme Y. a poursuivi l'exécution du contrat en connaissance des manquements au Code de la consommation affectant le bon de commande.

La nullité n'est donc pas couverte et le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la société Ouest alliance a respecté ses obligations contractuelles.

Il sera aussi confirmé en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de crédit conclu le 11 février 2013 entre Mme Y. et la Banque Solfea, qui mentionne expressément qu'il est affecté au contrat principal conclu le même jour avec la société Ouest Alliance, et qui est nul, en application de l'article L. 312-55 du code de la consommation (ancien article L. 311-32) qui dispose que « le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé ».

 

Sur les conséquences de l'annulation des contrats :

L'annulation d'un contrat a pour effet son effacement rétroactif, les parties devant être remises dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat.

S'agissant du contrat principal, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que Mme Y. devra laisser l'installation à la disposition de la SAS Ouest Alliance représentée par son liquidateur, laquelle devra faire le nécessaire pour en reprendre possession et pour remettre en état la toiture, ce à ses frais et dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision.

S'agissant du contrat de prêt annulé, le prêteur doit restituer à l'emprunteur les mensualités payées. En l'espèce, il ressort de l'historique des paiements produit par la banque qu'aucune échéance du prêt n'a été réglée et Mme Y. ne forme d'ailleurs aucune demande à ce titre.

L'emprunteur doit en outre rembourser au prêteur le capital prêté par lui, peu important que ce capital ait été versé directement au vendeur par le prêteur, ce qui constitue une simple modalité de déblocage des fonds prêtés sans incidence sur les droits et obligations du contrat liant le prêteur et l'emprunteur.

Il peut toutefois être dispensé de l'obligation de rembourser le capital prêté en cas de faute commise par la banque soit dans la vérification de la régularité du contrat conclu, soit dans le déblocage des fonds, en cas d'absence de livraison ou de remise des fonds avant la livraison ou l'achèvement de la prestation.

Pour débouter la Banque Solfea de sa demande en restitution du capital prêté, le tribunal a principalement retenu que la banque avait commis une faute en délivrant les fonds au vu d'une attestation ambigüe ne rendant pas compte de tous les éléments essentiels à l'économie du contrat.

Il a en outre retenu que la société Banque Solfea, spécialiste de la distribution du crédit affecté, ne pouvait ignorer que le contrat principal ne respectait pas les dispositions d'ordre public de l'article L. 121-23 du Code de la consommation et était en mesure de constater que le contrat n'apportait pas les précisions sur les éléments essentiels des dispositifs vendus de nature à respecter les dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation.

La société BNP Paribas Personal Finance répond expressément à cette problématique, qui est dans les débats devant la cour, en soutenant que la banque n'a pas à vérifier la régularité du bon de commande et que le préjudice causé ne pourrait être que la perte de chance d'avoir pu ne pas contracter.

Or cette affirmation est erronée car le prêteur qui verse les fonds, sans procéder, préalablement, auprès du vendeur et des emprunteurs, aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat de démarchage à domicile était affecté d'une cause de nullité, commet une faute qui le prive de sa créance de restitution du capital emprunté. (Cf pour exemple, C. Cassation Civ.1 10 décembre 2014, n° 13-26585 et 3 mai 2018, n° 17-13308).

En l'espèce, ainsi qu'il a été dit, le bon de commande est atteint de plusieurs irrégularités au regard des dispositions d'ordre public de l'article L. 121-23 (ancien) du Code de la consommation et la société BNP Paribas Personal Finance ne démontre pas que la Banque Solfea en a informé Mme Y. La banque a donc commis une faute à ce titre.

Par ailleurs, il ressort des pièces produites par Mme Y. que l'installation ne fonctionne pas et ne pourra fonctionner, en raison d'un avis défavorable de l'Architecte des Bâtiments de France émis le 12 mars 2013 et d'un arrêté du maire de [ville S.] en date du 23 avril 2013. C'est donc à tort que l'appelante soutient que Mme Y. ne rapporterait pas la preuve de son préjudice puisqu'elle est liée par un prêt affecté à une installation qui n'est pas achevée et ne peut pas l'être et est privée, compte tenu de la liquidation judiciaire du prestataire, d'un recours effectif contre ce dernier. Son préjudice correspond donc au capital emprunté.

Ces motifs suffisent pour confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de restitution du capital formé par la banque en raison de la faute commise par elle, sans qu'il y ait lieu de rechercher si elle a en outre commis une faute en délivrant les fonds de manière prématuré.

Le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a dit que la banque devra procéder à la radiation de l'inscription de Mme Y. au FICP dans le délai d'un mois suivant la signification de la décision. Aucune circonstance particulière ne justifie à ce stade d'ordonner une astreinte.

 

Sur les autres demandes :

C'est à bon droit que le tribunal a retenu l'absence de lien de causalité entre la faute susvisée imputable à la banque et le préjudice résultant de la nécessité pour Mme Y. de remettre en état sa toiture, qui résulte de la seule faute commise par la société Ouest Alliance qui a effectué les travaux sans s'assurer au préalable de l'ensemble des autorisations nécessaires et notamment de l'avis favorable de l'Architecte des Bâtiments de France.

Mme Y. demande devant la cour la condamnation de la banque à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral subi et la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice résultant d'une inscription abusive sur le fichier FICP.

Elle ne justifie pas du préjudice moral qu'elle allègue. En outre, il n'est pas contesté que Mme Y. n'a pas réglé les mensualités du prêt, ce qui a justifié le prononcé de la déchéance du terme par courrier du 16 avril 2015 et l'inscription de la débitrice au fichier FICP et c'est seulement dans le cadre de l'instance judiciaire que la nullité des contrats et la faute de la banque ont été reconnues, justifiant que l'inscription au fichier FICP soit levée, l'intéressée n'étant redevable d'aucune somme envers la banque.

L'inscription au fichier n'était donc pas abusive au moment où elle a été décidée et la demande de dommages et intérêts de ce chef sera rejetée.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. L'appelante succombant en ses demandes, les dépens d'appel seront mis à sa charge et elle versera à Mme Y. une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- Donne acte à la société BNP Paribas Personal Finance de ce qu'elle vient aux droits de la société Banque Solfea ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à assortir d'une astreinte l'obligation pour la société BNP Paribas Personal Finance de donner mainlevée de l'inscription de Mme X. épouse Y. du fichier FICP ;

- Déboute Mme Y. de ses demandes de dommages et intérêts formées contre la société BNP Paribas Personal Finance ;

- Condamne la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à verser à Mme X. épouse Y. une indemnité de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT,