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CA REIMS (ch. civ. sect. 1), 2 octobre 2018

Nature : Décision
Titre : CA REIMS (ch. civ. sect. 1), 2 octobre 2018
Pays : France
Juridiction : Reims (CA), ch. civ. sect. 1
Demande : 17/01223
Date : 2/10/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 15/05/2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7657

CA REIMS (ch. civ. sect. 1), 2 octobre 2018 : RG n° 17/01223 ; arrêt n° 525 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le seul fait que les parties aient soumis le contrat de crédit aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation relatives au crédit immobilier ne rend pas pour autant la législation sur les clauses abusives applicable. En effet, les dispositions relatives aux clauses abusives sont distinctes de celles relatives au crédit immobilier et la SCI des Cedr ne saurait valablement soutenir que le fait de soumettre le crédit aux dispositions du code de la consommation sur le crédit immobilier rend tout le code de la consommation applicable.

Par ailleurs, dès lors que la directive 93-13 du 5 avril 1993 a été transposée en droit français, il convient d'appliquer le droit français, à savoir l'article L. 132-1 du code de la consommation (dans sa rédaction applicable au litige) qui dispose en son premier alinéa : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Or le prêt a été contracté pour financer l'acquisition d'un bien immobilier et des travaux sur ce bien en vue d'une mise en location, ce qui correspond à l'activité habituelle de la SCI. Ainsi, la SCI des Cedr n'est pas un non professionnel ni un consommateur au sens de l'article L.132-1 du code de la consommation puisque le contrat a été fait pour les besoins de son activité professionnelle. En conséquence, la législation sur les clauses abusives ne s'applique pas en l'espèce. »

 

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 2 OCTOBRE 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/01223. Arrêt n° 525.

 

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 9 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de CHARLEVILLE-MEZIERES,

SCI DES CEDR

COMPARANTE, concluant par la SCP PIERRE B. & ASSOCIES, avocats au barreau des ARDENNES

 

INTIMÉE :

SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT venant aux droits et obligations du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE NORD

COMPARANTE, concluant par la SCP L., avocats au barreau d'ARDENNES, et ayant pour conseil ESPACE JURIDIQUE AVOCATS, avocats au barreau de LILLE

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, Madame Catherine LEFORT, conseiller, Madame Florence MATHIEU, conseiller

GREFFIER : Monsieur MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats, et Madame SOKY, greffier placé lors du prononcé.

DÉBATS : A l'audience publique du 9 juillet 2018, où l'affaire a été mise en délibéré au 2 octobre 2018,

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2018 et signé par Monsieur MARTIN, président de chambre, et Madame SOKY, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte notarié du 20 octobre 2008, la SCI des Cedr, constituée de M. D. X., son frère E. X., son neveu C. X. et son épouse Y., a acquis un immeuble à usage de commerce et d'habitation situé [adresse].

Par acte notarié distinct du même jour, la SA Financière de Crédit Immobilier Picardie Champagne Ardenne, aux droits de laquelle se trouve la SA Crédit Immobilier de France Nord (ci-après le CIF), a consenti à la SCI des Cedr un prêt d'un montant de 398.058 euros destiné à l'acquisition du bien précité et au financement de travaux sur ce bien. Le prêt était remboursable en 360 échéances mensuelles au taux d'intérêt annuel initial de 5,75 %, et garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers, une inscription d'hypothèque sur ce bien et un nantissement des parts sociales des associés de la SCI.

Par acte authentique du 20 octobre 2008, la SCI des Cedr a consenti à M. D. X. un bail commercial sur l'immeuble acquis pour une durée de neuf ans commençant à courir à compter du 15 octobre 2008 pour expirer le 14 octobre 2017, les lieux étant affectés à l'usage d'hôtel, restaurant, taverne.

Après un contrôle des travaux en 2010, le CIF, estimant que les clauses du contrat de prêt n'étaient pas respectées, s'est prévalu de la clause de déchéance du terme et a refusé en conséquence de débloquer le solde des fonds. Les travaux n'ont pas été terminés.

Par jugement du 14 juin 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a notamment :

- déclaré non écrite comme abusive la clause X2) 1 insérée aux conditions générales du contrat de prêt permettant, au gré du prêteur, la résiliation anticipée et l'exigibilité immédiate des sommes prêtées en cas de non affectation des fonds conformément à leur destination,

- dit en conséquence que la déchéance du terme n'était pas acquise,

- débouté le CIF de sa demande de vente forcée,

- annulé le commandement de payer valant saisie immobilière.

Parallèlement à la procédure engagée par la banque, les entrepreneurs ont agi en justice contre la SCI des Cedr en paiement de leurs factures de travaux.

Par acte d'huissier du 19 juillet 2013, le CIF a fait délivrer à l'encontre de la SCI des Cedr un commandement de payer visant la clause résolutoire.

Par acte d'huissier du 20 novembre 2013, la SCI des Cedr a fait assigner le CIF devant le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières auquel elle a demandé, dans ses dernières écritures, notamment de :

- déclarer prescrite la créance du CIF en application de l'article L. 132-7 du code de la consommation qui s'applique aux prêts immobiliers,

- à défaut, prononcer la résolution du contrat de prêt pour inexécution fautive d'une obligation essentielle de la banque, à savoir le versement de la somme empruntée, et constater l'extinction des sûretés,

- subsidiairement, condamner le CIF à lui verser le solde du prêt, soit 45.983,88 euros, sous astreinte,

- en tout état de cause, condamner le CIF à l'indemniser de ses préjudices.

Elle a également contesté la clause résolutoire invoquée par la banque.

Le CIF a demandé au tribunal de débouter la SCI des Cedr de ses demandes, de constater l'acquisition de la clause résolutoire et de condamner la SCI des Cedr au paiement des sommes dues au titre du prêt. Elle a fait valoir que l'article L. 132-7 du code de la consommation sur la prescription biennale ne s'appliquait pas en l'espèce et que le délai de prescription était de cinq ans. Sur le fond, elle a expliqué que le déblocage des fonds était suspendu en cas d'impayé pendant la période de mise à disposition des fonds et que le contrat état déjà résolu par l'effet de la clause résolutoire.

Par jugement du 9 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a :

- débouté la SCI des Cedr de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance du CIF,

- constaté la résolution de plein droit du contrat de prêt,

- condamné la SCI des Cedr à payer au CIF la somme de 479.527,73 euros pour solde de ce prêt, avec intérêts au taux conventionnel de 5,75 % à compter du 19 juillet 2013 sur la somme de 369.067,66 euros et aux taux légal pour le surplus,

- condamné la SCI des Cedr au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi sur la prescription, le tribunal a jugé que le délai de prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation n'était pas applicable en l'espèce en ce que la SCI des Cedr n'était pas un consommateur, de sorte que le délai de prescription applicable était celui de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil. Sur le fond, il a considéré qu'il devait statuer en premier sur la demande du CIF relatif à l'acquisition de la clause résolutoire. Il a jugé qu'il s'agissait bien d'une clause résolutoire, que la SCI des Cedr n'avait pas régularisé les impayés dans le délai de huit jours à compter du commandement, que le CIF avait certes lui-même manqué à son obligation de libérer le solde du prêt à hauteur de 45.983,88 euros, mais que ce manquement ne justifiait pas l'inexécution par la SCI des Cedr de sa propre obligation de payer les échéances du prêt, de sorte que la clause résolutoire avait été valablement mise en 'uvre, ce qui justifiait de débouter la SCI de sa demande de résolution, sans objet. Le tribunal a également estimé que les sûretés demeuraient jusqu'à extinction de l'obligation de restitution des fonds dont elles étaient l'accessoire. Enfin, il a estimé que la SCI des Cedr ne justifiait pas de ses préjudices.

Par déclaration du 15 mai 2017, la SCI des Cedr a interjeté appel de ce jugement.

 

Par conclusions du 8 décembre 2017, la SCI des Cedr demande à la cour d'appel de :

I. Sur la résolution du contrat :

1) Ecarter la clause de résiliation unilatérale eu égard à la mauvaise foi du CIF,

Subsidiairement, fixer la résolution au 19 mai 2014,

2) Subsidiairement, à défaut de résolution de plein droit,

- constater l'inexécution fautive des obligations du CIF,

- en conséquence, prononcer la résolution judiciaire,

II. Sur la résolution des sûretés :

- constater que l'inscription de privilège de prêteur de deniers, l'hypothèque conventionnelle et le nantissement des parts sociales sont rétroactivement anéantis à la suite de la résolution rétroactive du contrat de prêt,

- en conséquence, constater l'extinction de ces privilège, hypothèque et sûreté réelle,

- ordonner la radiation du privilège de prêteur de deniers, ainsi que la mainlevée de l'inscription de l'hypothèque conventionnelle et du nantissement de parts sociales,

III. Sur les effets de la résolution :

1) Les clauses abusives :

- constater l'application du droit des clauses abusives au prêt litigieux

- constater le caractère abusif des clauses suivantes :

* la clause omettant dans le tableau d'amortissement des intérêts intercalaires et la faculté d'un nouveau tableau d'amortissement à partir de la mise en amortissement,

* la clause d'« avantage construction » en ce qu'elle n'évalue pas le montant des intérêts intercalaires et prévoit la faculté de paiement de ceux-ci avant le début de la période d'amortissement alors que le tableau d'amortissement n'est transmis sur demande de l'emprunteur qu'à partir de la mise en amortissement

* la clause fixant le coût total du crédit

* la clause fixant le taux effectif global assurance comprise,

- dire non écrites ces clauses et en conséquence en exclure du prêt tout intérêt,

- subsidiairement, prononcer la nullité des clauses d'intérêt conventionnel et les remplacer par l'application du taux légal,

2) Encore plus subsidiairement, la clause pénale :

- constater que la clause pénale est inapplicable,

- subsidiairement, réduire cette clause à 0 euro,

- encore plus subsidiairement, établir le décompte des sommes suivantes :

A titre principal :

- capital restant dû : 378.773,43 euros

- fonds non débloqués à déduire : - 45.983,88 euros

- capital net : 332.789,55 euros

A titre subsidiaire :

- capital restant dû : 383.722,11 euros

- fonds non débloqués à déduire : - 45.983,88 euros

- capital net : 337.738,23 euros

IV. Sur le versement de dommages-intérêts :

Condamner le CIF à lui payer des dommages-intérêts correspondant au manque à gagner de l'exploitation de fonds de commerce d'hôtel restaurant pour un montant de 133.000 euros, ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice moral d'un montant de 30.000 euros, dont 5.000 euros destinés à compenser le préjudice subi à l'occasion des procédures contre M. M. et ED Electricité.

V. Sur les restitutions en cas de résolution :

Constater que les restitutions dues par elle correspondant au capital net versé viendront en compensation avec les dommages-intérêts dus par la banque.

VI. Sur l'exécution forcée sous astreinte :

- condamner le CIF à lui verser le solde du capital du prêt, soit la somme de 45.983,88 euros (sous réserve de vérification des factures) sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de dix jours à compter de la notification de la décision,

- condamner le CIF à payer les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 4 juin 2010,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

Subsidiairement,

- fixer le point de départ des intérêts au taux légal à la date de l'assignation du 20 novembre 2013,

- constater que l'inexécution fautive de l'obligation essentielle de la banque a justifié la suspension de l'obligation de paiement des échéances,

- reculer la date de la première échéance du prêt à l'expiration d'un délai de cinq mois à compter du versement du solde du capital par le CIF,

- condamner le CIF à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner le CIF au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Sur sa demande principale de résolution du contrat, elle fait valoir en premier lieu que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la clause résolutoire n'a pas été mise en œuvre par la banque de bonne foi en raison de l'inexécution fautive par la banque de son obligation de débloquer les fonds, de sorte qu'elle ne doit pas s'appliquer. Elle estime que la condition de proportion entre les obligations réciproques des parties est remplie en l'espèce, et qu'elle se trouve dans une situation de dépendance économique et financière vis-à-vis de la banque au point que faute de disposer des fonds elle n'a pu régler les artisans et a dû licencier le cuisinier. Elle précise que l'absence de paiement des échéances s'explique par l'absence de versement de la totalité du capital emprunté, et que ce n'est qu'à l'expiration de la période d'anticipation que la première échéance avait été fixée au 30 novembre 2010. En deuxième lieu et à titre subsidiaire, elle soutient que la clause invoquée ne permet pas de fixer la résiliation du contrat à la date retenue par les premiers juges, car le commandement visant la clause résolutoire ne vaut pas constatation de l'application de la résolution de plein droit du contrat, puisqu'à ce stade, l'option pour le prêteur bénéficiaire de la clause reste ouverte. Elle estime que la constatation de la résolution de plein droit du contrat de prêt ne pourra avoir pour date que le 19 mai 2014, date des conclusions du CIF formant la demande reconventionnelle de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, valant déchéance du terme. Elle ajoute que l'article L. 312-22 du code de la consommation ne s'applique qu'à la demande de résolution judiciaire. En troisième lieu, elle fait valoir qu'à défaut de constater la résolution de plein droit, la cour prononcera la résolution judiciaire du contrat de prêt sur le fondement de l'article 1184 du code civil, et ce pour inexécution fautive par le CIF de son obligation de délivrance du capital prêté. Elle explique d'une part qu'il a refusé de verser les fonds correspondant à presque 80 % du montant du capital destiné aux travaux alors qu'il s'agit pour le prêteur d'une obligation essentielle, et d'autre part que les fonds devaient être intégralement versés au plus tard à l'expiration de la période d'anticipation, qui doit être interprétée en faveur du non professionnel, soit au 30 novembre 2010, date de la première échéance, de sorte que l'absence de paiement des échéances par la SCI n'est pas une inexécution contractuelle justifiant l'absence de versement des fonds par le prêteur.

Sur la résolution des sûretés, elle fait valoir que la résolution du contrat de prêt entraîne l'anéantissement des sûretés eu égard à leur caractère accessoire. En réponse aux conclusions adverses, elle soutient qu'une partie peut être privée de son droit à restitution si elle est responsable de la résolution, et que c'est le caractère rétroactif de la résolution qui justifie l'anéantissement des droits accessoires au contrat.

Par ailleurs, elle soutient que les conséquences de la résolution doivent être déterminées eu égard aux clauses abusives du contrat de prêt. Elle fait valoir en premier lieu que le droit relatif aux clauses abusives s'applique bien en l'espèce, en ce que les parties ont choisi de soumettre volontairement le prêt litigieux aux dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier, ce qu'admet la jurisprudence, de sorte que l'ensemble du droit de la consommation est applicable indépendamment de sa nature de SCI. En deuxième lieu, elle invoque le caractère abusif de certaines clauses au sens des directives européennes du 5 avril 1993 et du 11 mai 2005 et fait valoir qu'ont pu être déclarées abusives les clauses relatives au coût du prêt qui mentionnent un TAEG inférieur à la réalité, ou omettent d'indiquer la durée de la période, ou qui ne prennent pas en compte les intérêts intercalaires dans le calcul du TEG en ce qu'elles trompent l'emprunteur sur les éléments essentiels du contrat. Elle explique qu'en l'espèce, la durée de la période n'est pas indiquée dans le contrat, que les intérêts intercalaires n'ont pas été intégrés dans le calcul du TEG, ce qui a minoré artificiellement les conditions du prêt et le coût total du crédit, et que le coût de l'assurance mentionné dans le coût total du crédit est inférieur à celui mentionné dans le tableau d'amortissement. En troisième lieu, sur les sanctions, elle soutient que les clauses abusives sont réputées non écrites, de sorte que le prêt litigieux ne sera assorti d'aucun intérêt, et qu'un nouveau tableau d'amortissement excluant les intérêts et les intérêts intercalaires devra être édité. Subsidiairement, elle invoque la nullité du taux d'intérêt pour TEG erroné de plus d'une décimale et la substitution du taux légal au taux d'intérêt conventionnel en application de l'article R. 313-1 du code de la consommation. Encore plus subsidiairement, mais toujours en cas de résolution contractuelle, elle fait valoir que la clause pénale n'est pas applicable en raison des manquements du CIF à ses obligations, et subsidiairement qu'elle est manifestement disproportionnée eu égard au préjudice subi et doit donc être réduite en application de l'article 1152 du code civil. Très subsidiairement, elle conteste le calcul de la clause pénale opéré par le premier juge et estime que le capital restant dû servant de base au calcul doit être déterminé, à la date du 19 mai 2014, date d'application de la clause résolutoire, par un nouveau tableau d'amortissement excluant les intérêts et les intérêts intercalaires, et qu'il convient de déduire le montant du capital qui n'a jamais été versé par le CIF. Elle soutient enfin que la clause pénale ne s'applique pas en cas de résolution judiciaire, le contrat étant anéanti.

Sur les demandes indemnitaires, la SCI des Cedr fait valoir que dans tous les cas, le CIF doit l'indemniser de ses préjudices en application des articles 1147 et 1149 du code civil. Elle reproche à la banque la violation de son obligation de verser le capital, ce qui a entraîné l'interruption des travaux et lui cause un manque à gagner puisque certaines chambres sont improductives. Outre ce préjudice économique, elle invoque un préjudice moral commercial en ce que l'inachèvement des travaux donne une mauvaise image de l'établissement, et ce d'autant plus que les artisans, qui pour certains l'ont assignée en paiement, étaient des clients du restaurant qui ne le fréquentent plus.

Sur les restitutions en cas de résolution du prêt, elle invoque les dispositions de l'article L. 312-23 du code de la consommation qui prive le prêteur de la possibilité de demander la capitalisation des intérêts y compris les intérêts intercalaires intégrés au capital.

Enfin, sur sa demande infiniment subsidiaire d'exécution forcée, elle soutient que le contrat doit se poursuivre expurgé des clauses abusives malgré la violation par le CIF de son obligation de verser le capital et rappelle que l'article 1184 du code civil lui permet d'opposer l'exception d'inexécution pour suspendre le paiement des échéances dans l'attente du versement du solde du montant emprunté par le CIF sous astreinte. Elle souligne que le CIF ne peut invoquer la clause du prêt qui permet l'amortissement du prêt avant le déblocage des fonds en ce que cette clause est présumée abusive par l'article R. 132-1 du code de la consommation en ce qu'elle vise à contraindre le non professionnel à s'exécuter alors que le professionnel n'exécute pas ses obligations, et qu'il ne peut pas non plus invoquer l'article 1188 du code civil pour lui dénier le bénéfice du terme, à savoir l'expiration de la période d'anticipation, puisque la faute invoquée est la non affectation des fonds conformément à leur destination, de sorte que le CIF se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement de la chambre des saisies immobilières du 14 juin 2013 qui a réputé cette clause non écrite.

 

Par conclusions récapitulatives du 18 juin 2018, le Crédit Immobilier de France Développement, venant aux droits du Crédit Immobilier de France Nord, lui-même venant aux droits de la société Financière de Crédit Immobilier Picardie Champagne Ardenne, demande à la cour d'appel de :

- confirmer purement et simplement le jugement rendu le 9 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à son profit,

- recevoir son appel incident,

- condamner la SCI des Cedr en tant que de besoin au paiement des sommes dues en principal, intérêts et indemnité de résiliation anticipée, conformément à l'acte de prêt authentique du 20 octobre 2008, soit la somme de 532.529,15 euros à majorer des intérêts au taux de 5,75 % à compter du 7 juillet 2015,

- débouter la SCI des Cedr de ses demandes, fins et conclusions,

- dire n'y avoir lieu à mainlevée des garanties hypothécaires tant que la SCI des Cedr ne lui aura pas restitué les fonds versés au titre du prêt,

- condamner la SCI des Cedr au paiement de la somme de 7.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction.

Sur la résolution du prêt, elle soutient qu'elle a prêté la somme totale de 398.058 euros dont 58.038 euros au titre des travaux ; qu'elle a débloqué la somme totale de 352.074,12 euros, de sorte que le solde à débloquer s'élève à 45.983,88 euros, soit un dixième du montant total du prêt ; que le prêt n'ayant pas vocation à financer un immeuble 100 % commercial, la déchéance du terme avait été prononcée, étant précisé que la SCI des Cedr n'a pas remboursé un centime ; que le total des factures de travaux à régler dépasse le montant du prêt restant à débloquer, ce qui montre un manque de prévision budgétaire de la SCI. Elle approuve le tribunal d'avoir considéré que le prêt avait déjà fait l'objet d'une résolution de plein droit par l'effet de la clause résolutoire, après délivrance d'un commandement de payer, rendant le prêt intégralement exigible et rendant sans objet la demande de résolution du contrat formulée par la SCI. Elle fait valoir que contrairement à ce que soutient la SCI des Cedr, il s'agit bien d'une clause résolutoire de plein droit de sorte que la déchéance du terme a bien été prononcée ; que la SCI n'apporte pas la preuve qu'elle se trouvait dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de la banque justifiant d'écarter cette clause, alors qu'elle pouvait négocier un autre prêt avec un autre organisme bancaire ; que la demande de résolution a été formée après la délivrance du commandement de payer ; que les échéances étaient bien dues du 30 octobre 2010 au 30 juin 2013, la date de première échéance étant fixée au 30 novembre 2010 au plus tard ; que le contrat prévoyait que les fonds étaient débloqués au fur et à mesure de l'avancement des travaux, et qu'en cas d'impayé pendant la période de mise à dispositions des fonds, les déblocages seraient suspendus jusqu'à régularisation ; qu'il n'y a pas eu d'inexécution fautive de la part du CIF ; qu'en revanche, la SCI n'a jamais réglé la moindre échéance, due à compter de l'issue de la période d'anticipation qui est de 24 mois à compter de la date d'échéance qui suit les premières mises à disposition, soit en l'espèce le 30 octobre 2010 ; que l'absence de paiement justifiait donc l'absence de déblocage du solde du prêt et la déchéance du terme. Elle ajoute qu'elle a appliqué la clause résolutoire de bonne foi puisque les impayés pendant la période de mise à disposition des fonds lui permettaient de suspendre les déblocages. Elle désapprouve le tribunal d'avoir jugé qu'elle a manqué à son obligation de libérer les fonds alors que cette absence de déblocage résulte du comportement fautif de la SCI des Cedr qui n'a pas exécuté le contrat de bonne foi. En revanche, elle l'approuve d'avoir opéré un contrôle de la proportionnalité et d'avoir ainsi jugé que l'absence de déblocage total ne pouvait justifier l'inexécution totale par la SCI de son obligation de régler les échéances, de sorte que la clause résolutoire avait été valablement mise en œuvre. A défaut de confirmer le jugement sur la résolution de plein droit, elle demande à la cour de prononcer la résolution judiciaire et de remettre les parties dans leur état initial, ce qui implique le remboursement du capital et des intérêts intercalaires, outre les intérêts au taux légal à compter de l'octroi du prêt, ainsi que la somme de 474.581,04 euros au titre des intérêts dont elle ne saurait être privée puisqu'elle ne porte aucune part de responsabilité dans la résolution.

En réponse aux conclusions adverses sur les clauses abusives, elle rappelle que le montant des intérêts intercalaires n'étaient pas déterminables à la date de l'acte authentique, de sorte qu'ils n'avaient pas à être intégrés dans le calcul du TEG ; que le rapport d'expertise amiable produit doit être écarté des débats car il n'est pas contradictoire ; que l'action en nullité des clauses litigieuses est prescrite ; que les dispositions du code de la consommation relatives au crédit immobilier ne s'appliquent pas aux SCI, laquelle ne peut prétendre avoir la qualité de consommateur.

Sur la résolution des sûretés, elle approuve la décision des premiers juges puisque la SCI des Cedr devra restituer les fonds débloqués, de sorte que les sûretés doivent être maintenues pour garantir ce remboursement, étant précisé qu'aucun des cas d'extinction des privilèges et hypothèques prévus par l'article 2488 du code civil n'est établi et que l'hypothèque subsiste jusqu'à extinction de l'obligation de restitution. Elle ajoute qu'elle ne peut être privée de son droit à restitution n'étant pas responsable de la résolution.

Sur la demande de dommages-intérêts de la SCI, elle fait valoir que la SCI des Cedr ne peut s'en prendre qu'à elle-même, doit assumer les conséquences de son imprévision et n'explique pas en quoi l'absence de déblocage du solde du prêt lui causerait un préjudice dans la mesure où les travaux correspondant avaient déjà été réalisés et les travaux restant à réaliser, excédant le montant du capital emprunté, devaient trouver un autre mode de financement. Elle ajoute que la SCI ne justifie pas de son préjudice économique.

Sur la poursuite du contrat demandée par la SCI, elle soutient qu'elle a mis le prêt en amortissement comme le prévoit le contrat et que la SCI ne peut prétendre que l'obligation de paiement des échéances aurait été repoussée à la date d'expiration de la période d'anticipation, alors qu'il lui appartenait au contraire de s'acquitter du paiement des échéances aux dates fixées, de sorte qu'elle ne peut être autorisée à suspendre le paiement des échéances. Elle souligne que le juge de l'exécution avait déjà refusé à la SCI des Cedr de reculer la date de la première échéance du prêt ; qu'en application de l'article 1188 du code civil, la diminution des garanties du fait des agissements de la SCI interdit à celle-ci de bénéficier du terme ; que celle-ci n'a jamais tenté de renégocier et de réaménager son prêt ; qu'elle ne peut valablement soutenir que l'absence de déblocage du solde l'a empêchée de réaliser les travaux.

Sur sa demande reconventionnelle, elle reproche aux premiers juges d'avoir déduit des sommes dues la somme de 45.983,88 euros correspondant aux fonds non débloqués et estime avoir droit à l'indemnité de 7 % qui n'est pas excessive.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, le commandement de payer visant la clause résolutoire étant antérieure à la demande de résolution, c'est à juste titre que le tribunal a examiné en premier la demande du CIF relative à l'acquisition de la clause résolutoire, car celle-ci rend nécessairement la demande de résolution sans objet. La cour fera de même.

 

Sur la clause d'exigibilité anticipée et la déchéance du terme :

Aux termes des conditions générales du contrat de prêt, et notamment du paragraphe relatif à l'exigibilité anticipée, il est stipulé que le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extra judiciaire, mentionnant l'intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation dans l'un ou l'autre des cas mentionnés après. Puis dans les cas énumérés, le contrat distingue les cas « de plein droit » et les cas « au gré du prêteur », notamment le défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date.

Par acte d'huissier du 19 juillet 2013, le CIF a fait délivrer à l'encontre de la SCI des Cedr un commandement de payer portant sur la somme principale de 80.089,02 euros correspondant aux mensualités dues du 31 octobre 2010 au 30 juin 2013 inclus. Cet acte indique que le requérant entend se prévaloir de la clause de déchéance du terme insérée à l'acte de prêt et reproduite dans le commandement, et que faute pour la SCI des Cedr de s'acquitter des sommes mentionnées dans un délai de huit jours, le CIF entend se prévaloir de ladite clause de sorte que le solde du prêt sera de plein droit intégralement exigible.

Ce commandement est conforme à la clause d'exigibilité d'anticipée précitée.

Il convient en premier lieu d'examiner si cette clause a été mise en œuvre de bonne foi par la banque.

Tout d'abord, la cour constate qu'il n'est pas contesté que les mensualités visées au commandement n'ont pas été payées, ni avant ni après ledit commandement, de sorte que la SCI des Cedr n'a pas commencé à rembourser le prêt. Ensuite, c'est à tort que la SCI fait valoir que la banque a manqué de façon fautive à son obligation de déblocage des fonds à hauteur de 80 % du montant du capital destiné aux travaux de sorte qu'elle n'a pas pu terminer les travaux. En effet, la somme que le CIF n'a pas débloquée s'élève à 45.983,88 euros, alors que le prêt a été consenti pour un montant de 398.058 euros, et ce afin de financer notamment l'acquisition d'un bien immobilier à hauteur de 305.000 euros et des travaux à hauteur de 58.038 euros. Dès lors, rien ne justifiait que la SCI des Cedr se dispense de commencer à rembourser les échéances du prêt, qui lui a bel et bien permis d'acquérir l'immeuble et de commencer les travaux, et ce d'autant plus que s'agissant des travaux, la banque ne débloque les fonds que sur présentation des factures, de sorte que la plupart des travaux ont pu être réalisés. C'est au contraire la SCI des Cedr qui apparaît de mauvaise foi puisqu'elle invoque l'exception d'inexécution pour justifier son refus de paiement sans même respecter la moindre proportionnalité entre ses obligations totalement inexécutées et celles du CIF exécutées en majeure partie.

Par ailleurs, la SCI des Cedr ne démontre pas être dans une situation de dépendance économique vis-à-vis du CIF faisant obstacle à l'exception d'inexécution invoquée par la banque, alors que le litige porte seulement sur un contrat de prêt qui peut être racheté par un autre établissement financier, peu important que le bien soit grevé d'une hypothèque conventionnelle.

En outre, le contrat de prêt indique que la durée maximale de la période d'anticipation est de 24 mois à compter du premier déblocage de fonds et que la date de la première échéance est le 30 novembre 2010 au plus tard. Or le CIF justifie des premiers versements (1.700 euros et 338.320 euros) en date du 20 octobre 2008. C'est donc à juste titre qu'il soutient que la première échéance de remboursement du prêt était due au 31 octobre 2010, et non au 30 novembre 2010 comme le prétend la SCI des Cedr. En tout état de cause, cette dernière n'a pas non plus commencé ses versements à compter du 30 novembre 2010.

En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner si le défaut de déblocage du solde du prêt est fautif, il y a lieu de considérer que la clause résolutoire n'a pas été mise en œuvre de mauvaise foi par la banque.

En second lieu, il convient de déterminer si l'application de la clause entraîne une résolution de plein droit.

La clause d'exigibilité anticipée distingue les cas « de plein droit » et les cas « au gré du prêteur » et le défaut de paiement se trouve dans la seconde catégorie. Pour autant, c'est à tort que la SCI des Cedr soutient que ce type de clause ne vaut pas constatation de la résolution de plein droit du contrat. En effet, la rédaction du contrat de prêt montre seulement que les premiers cas dits « de plein droit » concernent des situations indépendantes de la volonté du prêteur, alors que les cas « au gré du prêteur » laisse à ce dernier la décision de rendre ou non le prêt exigible par anticipation. Il n'en demeure pas moins que dès lors que le prêteur manifeste la volonté de se prévaloir de cette clause, en délivrant une mise en demeure ou un commandement de payer en ce sens, cette clause joue de plein droit, ne laissant au juge aucun pouvoir d'appréciation sur la résolution.

En l'espèce, le CIF a clairement exprimé son intention de se prévaloir de la clause litigieuse par la délivrance du commandement précité. Il est constant que les causes du commandement n'ont pas été régularisées dans le délai de huit jours fixé au commandement et au contrat. En conséquence, la clause a produit de plein droit son effet résolutoire dès l'expiration de ce délai, soit au 27 juillet 2013, et non pas à la date des premières conclusions du CIF sollicitant la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la résolution de plein droit du contrat de prêt. Il en résulte que toutes les demandes de la SCI des Cedr relatives à la résolution judiciaire aux torts de la banque et à ses conséquences sont sans objet puisque le contrat avait déjà pris fin lorsqu'elle a assigné le CIF.

 

Sur les clauses abusives :

Le seul fait que les parties aient soumis le contrat de crédit aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation relatives au crédit immobilier ne rend pas pour autant la législation sur les clauses abusives applicable. En effet, les dispositions relatives aux clauses abusives sont distinctes de celles relatives au crédit immobilier et la SCI des Cedr ne saurait valablement soutenir que le fait de soumettre le crédit aux dispositions du code de la consommation sur le crédit immobilier rend tout le code de la consommation applicable.

Par ailleurs, dès lors que la directive 93-13 du 5 avril 1993 a été transposée en droit français, il convient d'appliquer le droit français, à savoir l'article L. 132-1 du code de la consommation (dans sa rédaction applicable au litige) qui dispose en son premier alinéa : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Or le prêt a été contracté pour financer l'acquisition d'un bien immobilier et des travaux sur ce bien en vue d'une mise en location, ce qui correspond à l'activité habituelle de la SCI. Ainsi, la SCI des Cedr n'est pas un non professionnel ni un consommateur au sens de l'article L.132-1 du code de la consommation puisque le contrat a été fait pour les besoins de son activité professionnelle. En conséquence, la législation sur les clauses abusives ne s'applique pas en l'espèce.

Il convient donc de rejeter la demande de la SCI des Cedr tendant à voir déclarer abusives et réputées non écrites certaines clauses.

 

Sur la demande de nullité du taux d'intérêt :

L'article L. 313-1 alinéa 1er du code de la consommation (dans sa rédaction applicable au contrat de prêt) dispose : « Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels. »

Il résulte de l'article L. 313-2 du même code que le taux effectif global doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt, même celui conclu à des fins professionnelles.

De même, selon l'article L. 312-8, 3° du code de la consommation (dans sa rédaction applicable au contrat litigieux), l'offre de crédit immobilier doit indiquer le taux effectif global.

La mention obligatoire du taux effectif global est destinée à informer l'emprunteur sur les coûts mis à sa charge par le prêteur afin qu'il puisse comparer les offres des différents établissements de crédit.

La méthode de calcul du taux effectif global est expliquée à l'article R. 313-1 du code de la consommation et son annexe (dans leur rédaction applicable au contrat litigieux). L'article R. 313-1 dispose :

« Sauf pour les opérations de crédit mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 et à l'article L. 312-2 du présent code pour lesquelles le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires et calculé selon la méthode d'équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent code. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.

Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.

Lorsque la périodicité des versements est irrégulière, la période unitaire est celle qui correspond au plus petit intervalle séparant deux versements. Le plus petit intervalle de calcul ne peut cependant être inférieur à un mois.

Pour les opérations mentionnées au 3° de l'article L. 311-3 et à l'article L. 312-2, lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre que annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale »

Il en résulte notamment que le résultat du calcul du taux effectif global est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale. Ainsi, une erreur infinitésimale, inférieur à une décimale, ne remet pas en cause l'exactitude du calcul.

La sanction du non-respect des articles L. 312-8 3° et L. 313-1 du code de la consommation est la nullité de la stipulation d'intérêt et la substitution du taux légal au taux conventionnel. L'erreur affectant le taux effectif global équivaut à une absence de mention du taux effectif global.

En l'espèce, la SCI des Cedr se prévaut d'une analyse mathématique réalisée par un expert amiable le 1er décembre 2017 dont il ressort que le taux effectif global serait en réalité de 6,33 %, alors que le contrat de prêt fait état d'un taux effectif global de 6,20 % assurances comprises, le CIF n'ayant pas intégré dans la détermination du taux le montant des intérêts intercalaires.

Le CIF fait valoir en premier lieu que les intérêts intercalaires n'étaient pas déterminables au moment de la formation du contrat puisque leur montant dépendait de leur durée, de sorte qu'ils n'avaient pas à être intégrés dans le calcul du taux effectif global. En second lieu, elle demande à la cour d'écarter des débats l'expertise amiable qui n'a pas été établie contradictoirement, en application des articles 15 et 16 du code de procédure civile. Elle soutient qu'en tout état de cause, l'action est prescrite, le délai étant de cinq ans en vertu de l'article 2224 du code civil.

Il convient d'examiner la prescription en premier puisqu'il s'agit d'une fin de non-recevoir.

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il en résulte que le délai de prescription quinquennale de l'action en nullité de la clause de stipulation d'intérêts pour taux effectif global erroné court à compter de la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet à l'emprunteur de constater l'erreur, ou à défaut, à compter de la date de révélation de l'erreur à l'emprunteur.

En l'espèce, l'offre de prêt immobilier comme l'acte authentique de prêt indiquent le taux nominal initial, le taux des intérêts intercalaires et d'anticipation, le taux effectif global annuel hors assurance, le taux effectif global annuel assurances comprises et le taux de période pour une durée d'un mois. Le coût total du crédit est mentionné et comprend les frais de dossier financés à la signature, les frais d'hypothèque, les intérêts hors anticipation et l'assurance. Il résulte de ces simples constatations que la lecture de l'acte de prêt permet de constater que les intérêts intercalaires n'ont pas été pris en compte par la banque dans le calcul du taux effectif global.

Dès lors, l'examen de l'acte de prêt permettant à l'emprunteur de constater l'erreur, à la supposer établie, le délai de prescription biennale courait dès la réception de l'offre de prêt par l'emprunteur en septembre 2008.

En conséquence, la demande de nullité de la clause d'intérêt, formulée pour la première fois en 2017, est prescrite, donc irrecevable.

Sur la clause pénale :

La SCI des Cedr conteste l'application de la clause pénale en raison de l'inexécution par la SCI des Cedr de ses obligations.

Il n'est pas contesté que le CIF a arrêté de débloquer les fonds prêtés de sorte qu'il reste un solde de prêt non versé d'un montant de 45.983,88 euros.

Le CIF invoque, pour se justifier, la propre faute de la SCI des Cedr qui n'a pas exécuté de bonne foi ses obligations.

Le contrat de prêt stipule que les fonds seront versés en une ou plusieurs fois au fur et à mesure de l'exécution de l'opération que le prêteur se réserve de vérifier ou faire vérifier ; et qu'en cas de changement dans la consistance de l'opération immobilière, toute nouvelle utilisation sera suspendue. Il est stipulé en outre que l'emprunteur s'engage à faire exécuter les travaux conformément aux plans et devis produits au prêteur, et à ne rien faire qui puisse altérer la valeur des biens donnés en garantie ou en changer la nature ou la destination.

Il résulte de la demande de prêt que la SCI avait projeté de réaliser une opération d'« achat ancien avec travaux » à destination d'« habitation à usage locatif » avec cinq appartements et un commerce. Ainsi, le prêt mentionne qu'il a pour objet un « achat ancien avec travaux à usage locatif ».

Il est constant que la SCI des Cedr a modifié unilatéralement son projet et a finalement réalisé un hôtel restaurant. Elle le reconnaît et l'explique dans ses conclusions. C'est en découvrant ce changement dans la consistance de l'opération que le CIF a décidé de ne plus débloquer les fonds.

Dès lors, le non versement du solde du prêt par la banque n'est pas fautif puisqu'il répond à la faute de l'emprunteur. Rien ne justifie en conséquence d'écarter l'application de la clause pénale.

Il résulte des articles 1152 et 1231 anciens du code civil que le juge peut modérer la pénalité convenue si elle est manifestement excessive, et que lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier.

En l'espèce, le montant de l'indemnité de résiliation demandée, qualifiée à juste titre de clause pénale, s'élève à 29.053,61 euros correspondant à 7 % du montant du capital restant dû à la date de déchéance du terme.

Pendant la période d'anticipation, la SCI des Cedr n'a réglé que des cotisations d'assurance. Ainsi, elle n'a rien réglé au titre des intérêts et du capital puisqu'il résulte de l'historique des paiements produit par le CIF qu'elle a cessé tout versement à compter de juillet 2010, avant même l'expiration de la période d'anticipation. Or le montant des intérêts hors anticipation devait s'élever à 438.207,60 euros, somme que la banque ne gagnera finalement pas. Compte tenu de l'inexécution totale du contrat de prêt par la SCI des Cedr, de l'absence de faute du créancier, du manque à gagner pour le CIF et du montant de la dette, la clause pénale, fixée à 7 % du capital restant dû, n'apparaît pas manifestement excessive.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait pas lieu de la réduire. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

 

Sur le montant de la créance et la demande reconventionnelle en paiement :

L'article L. 312-22 ancien du code de la consommation dispose : « En cas de défaillance de l'emprunteur et lorsque le prêteur n'exige pas le remboursement immédiat du capital restant dû, il peut majorer, dans des limites fixées par décret, le taux d'intérêt que l'emprunteur aura à payer jusqu'à ce qu'il ait repris le cours normal des échéances contractuelles. Lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret. »

L'article L. 312-22 ne distingue pas selon que la résolution est de plein droit ou prononcée judiciairement et s'applique donc dans tous les cas, contrairement à ce que soutient la SCI des Cedr.

La demande du CIF porte sur un montant total de 532.529,15 euros se décomposant comme suit :

- capital restant dû à la date de déchéance du terme : 415.051,54 euros

- mensualités impayées à cette date : 42.066,15 euros

- indemnité de résiliation (7 % du capital restant dû) : 29.053,61 euros

- intérêts contractuels postérieurs arrêtés au 7 juillet 2015 : 46.357,85 euros.

Cependant, il résulte des pièces produites et notamment du tableau d'amortissement que la somme de 415.051,54 euros (restant due en capital à la date du 30 juin 2013) a été calculée d'après un montant en capital de 431.102,17 euros correspondant au montant du capital emprunté (398.058 euros) augmenté des intérêts intercalaires capitalisés calculés sur ce capital en fonction des dates de déblocage et des montants débloqués (33.044,17 euros au total selon la pièce 27). Or il est constant que la somme de 45.983,88 euros n'a finalement pas été débloquée, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal l'a déduite du montant de la dette. Le CIF n'explique en quoi il ne faudrait pas déduire cette somme. Il convient d'ailleurs de déduire en outre les intérêts intercalaires calculés sur cette somme, soit 57,95 euros. Le montant du capital restant réellement dû s'élève donc à la date de déchéance du terme à la somme de 369.009,71 euros.

Le montant de l'indemnité de 7 % sera donc recalculée à la somme de 25.830,68 euros.

Le montant des mensualités impayées est justifié par l'historique des paiements (pièce 25).

Les intérêts de retard devront être recalculés à compter de la déchéance du terme sur la somme de 369.009,71 euros.

La SCI des Cedr doit donc être condamnée au paiement de la somme de 436.906,54 euros, se décomposant comme suit :

- capital restant dû : 369.009,71 euros

- mensualités impayées : 42.066,15 euros

- indemnité de résiliation : 25.830,68 euros,

outre les intérêts au taux conventionnel de 5,75 % à compter du 28 juillet 2013 sur la somme de 369.009,71 euros.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI des Cedr à payer au CIF la somme de 479.527,73 euros pour solde de ce prêt, avec intérêts au taux conventionnel de 5,75 % à compter du 19 juillet 2013 sur la somme de 369.067,66 euros et aux taux légal pour le surplus.

 

Sur le sort des sûretés :

C'est à juste titre que le tribunal a jugé que les sûretés demeuraient jusqu'à extinction de l'obligation de restitution des fonds dont elles étaient l'accessoire. Ainsi, l'inscription de privilège de prêteur de deniers, l'hypothèque conventionnelle et le nantissement des parts sociales ne pourront pas être levées tant que la SCI des Cedr n'aura pas remboursé le prêt.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

 

Sur la demande d'exécution forcée du contrat :

C'est en vain que la SCI des Cedr sollicite à titre subsidiaire l'exécution par le CIF de son obligation de débloquer la somme de 45.983,88 euros, le contrat ayant pris fin par anticipation en raison du non paiement fautif des échéances du prêt par la SCI.

La demande sera donc rejetée.

 

Sur les demandes de dommages-intérêts :

Au vu de ce qui précède, la SCI des Cedr échoue à établir la faute de la banque. Dès lors, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes de dommages-intérêts en réparation de son manque à gagner et de son préjudice moral.

Par ailleurs, le CIF ayant largement obtenu gain de cause et les contestations de la SCI n'étant pour la plupart pas fondées, il ne peut être fait droit à la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formulée par cette dernière. Le jugement sera confirmé également sur ce point.

 

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu de la présente décision, il convient de confirmer les condamnations accessoires.

La SCI des Cedr, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au profit de l'avocat de l'intimé, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité justifie en outre de la condamner à payer au CIF la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 9 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières, mais seulement en ce qu'il a condamné la SCI des Cedr à payer au Crédit Immobilier de France Nord la somme de 479.527,73 euros pour solde de ce prêt, avec intérêts au taux conventionnel de 5,75 % à compter du 19 juillet 2013 sur la somme de 369.067,66 euros et aux taux légal pour le surplus,

Statuant à nouveau sur ce seul chef,

CONDAMNE la SCI des Cedr à payer au Crédit Immobilier de France Développement, venant aux droits du Crédit Immobilier de France Nord, lui-même venant aux droits de la société Financière de Crédit Immobilier Picardie Champagne Ardenne, la somme de 436.906,54 euros au titre du prêt, avec intérêts au taux conventionnel de 5,75 % à compter du 28 juillet 2013 sur la somme de 369.009,71 euros,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

REJETTE les demandes de la SCI des Cedr tendant à voir déclarer abusives et réputées non écrites certaines clauses du contrat de prêt,

DECLARE irrecevable car prescrite la demande de la SCI des Cedr tendant à la nullité de la clause d'intérêts,

REJETTE la demande de la SCI des Cedr tendant au déblocage de la somme de 45.983,88 euros,

CONDAMNE la SCI des Cedr à payer au Crédit Immobilier de France Développement la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCI des Cedr aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Catherine L., avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier                 Le président